La Fièvre méditerranéenne familiale : manuel du praticien

publicité
Salem Bouomrani
La Fièvre méditerranéenne
familiale :
manuel du praticien
2
2
Chapitre 1
Introduction/généralités
La Fièvre Méditerranéenne Familiale (FMF)
anciennement appelée « maladie périodique », est une
maladie inflammatoire chronique à évolution paroxystique
qui fut décrite pour la première fois en 1945 [1] et
caractérisée génétiquement en 1992 [2,3].
C’est une affection à caractère familial et à
transmission principalement autosomique récessive qui est
particulièrement fréquente chez les arméniens, les turques,
les juifs sépharades et les arabes du Moyen-Orient [1,4].
Son substratum génétique est une mutation ponctuelle du
gène « MEFV » situé sur le bras court du chromosome 16
[1,4, 5]. La transcription de ce gène aboutit à la production
d’une protéine baptisée « pyrine » ou « marénostrine » qui
intervient dans la régulation de la réponse inflammatoire,
en particulier leucocytaire et l’apoptose cellulaire [4,5].
Sur le plan clinique, la FMF se caractérise par des
accès paroxystiques douloureux et fébriles abdominaux,
thoraciques et articulaires auxquels peuvent s’associer
diverses
manifestations
systémiques :
cardiaques,
neurologiques, cutanées, urogénitales et hématopoïétiques.
2
3
Son diagnostic clinique est basé sur des critères
diagnostiques dont les plus utilisés sont ceux de Livneh [6]
et sa confirmation reste du domaine de la cytogénétique
par la mise en évidence de mutations du gène « MEFV »
dont il existe plus d’une vingtaine. Les plus fréquentes de
ces mutations sont : M694V, M694I, V726A et E148Q
[4,7]. Sa complication majeure est l’amylose AA qui
domine le pronostic [1,4].
Les publications récentes font état de plusieurs
associations pathologiques possibles et d’un risque
particulièrement augmenté de dégénérescence maligne
(cancers solides et hémopathies malignes) au cours de cette
affection [8].
Sur le plan nosologique, la FMF est une fièvre
récurrente héréditaire (FRH) appartenant à la famille des
maladies auto-inflammatoires (MAI) héréditaires. Ces
fièvres récurrentes héréditaires représentent un groupe
hétérogène d’affections ayant en commun :
1. Des accès fébriles récurrents périodiques et
spontanément résolutifs associés à des manifestations
inflammatoires systémiques prédominant sur les
séreuses et les articulations.
2. Un syndrome inflammatoire biologique constant avec
une élévation permanente de la protéine de
l’inflammation SAA dont le risque majeur est une
amylose secondaire de type AA.
3. Le caractère familial avec une transmission
autosomique.
Le risque majeur de ces affections est le
développement d’une amylose secondaire type AA avec
des localisations systémiques, particulièrement rénale
pouvant mettre en jeu le pronostic vital [9-16].
42
Ces affections ont bénéficié ces dernières années des
progrès de la biologie moléculaires permettant leur
caractérisation génétique et la détection des différentes
mutations qui sont à leur origine, offrant ainsi un
diagnostic génétique de certitude dans les formes
douteuses ou atypiques [9-18].
2
5
62
Chapitre 2
Historique
La FMF a été apparue depuis plus de 2000 ans et
probablement aux temps prébibliques mais sans
description clinique précise. En fait, le premier cas publié
remonte au début du 20ème siècle, c’était celui d’une
adolescente atteinte depuis son enfance de crises répétées
(douleurs abdominales et fièvre) [19].
Cependant, sa description clinique précise, son
caractère familial et la notion de périodicité n’ont été
introduits que le siècle dernier, vers les années 50 avec
Cattan et Mamou [20]. Le gène de l’affection, appelé
MEFV a été identifié en 1997 par deux consortiums :
Français et Américain [2,3], permettant ainsi la mise au
point d’un diagnostic génétique. Depuis, l’étude des
mécanismes de la FMF a révélé l’existence de plusieurs
familles de gènes impliqués dans l’apoptose et
l’inflammation et a mis en évidence d’autres maladies avec
des symptômes communs regroupées sous le nom de
fièvres récurrentes héréditaires [9-16].
Les principales dates marquantes dans l’histoire de
cette affection sont :
2
7
– La publication en 1908 par Janeway et Mosenthal
d’une observation clinique de FMF sous le nom de
« syndrome paroxystique peu commun » [19],
– La publication par Alt et Barker en 1930 d’une
observation de FMF sous le nom de « fièvre d’origine
inconnue » [21],
– La signalisation du caractère familial de l’affection
ainsi que de l’atteinte rénale à type d’albuminurie
transitoire en 1937 par Althausen [22].
– L’attribution de la dénomination de « péritonite
paroxystique bénigne » à cette affection par Siegal en 1945
[23],
– Reimann, en 1948, introduisait le terme général de
« maladie périodique » [24],
– L’amylose fut reconnue pour la première fois
comme complication propre de la maladie, en 1957 par
Mamou [25],
– Les médecins du « Tel Hashmor Hospital » de Tel
Aviv proposaient pour la première fois le terme de « Fièvre
Méditérranéenne Familiale » pour la dénomination de la
maladie [26],
– Sohar signalait la transmission autosomique
récessive de la maladie en 1961 [27],
– En 1971, Cohen réalisa la première transplantation
rénale chez un patient ayant la FMF compliquée d’une
amylose rénale [28],
– Goldfinger rapportait l’efficacité de la colchicine sur
les symptomes cliniques de la FMF en 1972 [29],
– Entre 1970 et 1980, le test à l’Aramine était utilisé
comme test diagnostique pour la FMF (la molécule est
capable de déclencher les poussées de la maladie) mais du
fait de ses effets indésérables (en particulier l’hypertension
82
artérielle iatrogène) ce test fut rapidement adondonné [3032],
– L’efficacité de la colchicine dans la prévention de
l’amylose secondaire de la FMF fut démontrée en 1986
[33],
– Localisation du gène respondable de la maladie
(gène MEFV) au niveau du bras court du chromosome 16
en 1992 [34],
– Identification du gène muté MEFV et de la protéine
mutante (pyrine ou marénostrine) et mise en place des
tests génétiques en 1997 [2,3],
– Depuis 2000 : l’histoire de la FMF était
principalement marquée par
– L’élargissement du spectre clinique de la maladie
– La description de nouvelles mutations responsables
de la maladie
– La
description
de
nouvelles
associations
pathologiques
– La démonstration de l’éfficacité de la biothérapie
2
9
10
2
Téléchargement