Culture maraîchère dans les Niayes de Dakar

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Papa Antou Ndiaye
Culture maraîchère dans les
Niayes de Dakar
Aménagement péri-urbain
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Abréviations
ACTA Association de Coordination Technique Agricole
CDH Centre de Développement Horticole
CMV Cucumis Mosaic Virus (Virus de la Mosaïque du Concombre)
DRI Densité au Repos à l’Intérieur
GIE Groupement d’Intérêt Economique
ISRA Institut Sénégalaise de Recherche Agricole
KG Kilogram
NH4 + Ammonium
NO3- NITRATE
PAN Pesticide Action Network
PH Potentiel Hydrogène
PIH Piqûres Infectées / Homme
PLD Plan de Développement Local
SDE Société Des Eaux
SOPRIM Société de Promotion Immobilière
TA Taux d’Agressivité
TAH Taux d’Agressivité pour l’Homme
TIE Taux d’Inoculation Entomologique
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Résumé
La zone de Soprim, objet de cette étude, présente un grand intérêt par le fait
qu’elle constitue l’un des rares quartiers de la commune de Dakar où cohabitent
espaces bâtis et activités maraîchères.
Il est agréable de constater que les attentes de la population de Soprim vis-àvis du maraîchage sont autres qu’alimentaires.
Elles sont exprimées en termes d’économie, de cadre de vie paysagère, de
patrimoine naturel, de création de richesse et d’emploi.
A cet égard, on peut dire que le maraîchage à Soprim a cessé de nos jours
d’être monofonctionnel, marqué de fait par sa multifonctionnalité.
L’objectif général de l’étude est de montrer que les bas-fonds Soprim
contribuent grandement à l’approvisionnement de Dakar en légumes frais, dans un
contexte biophysique marqué par la présence temporaire ou permanente de l’eau.
La gamme de produits offerte est diversifiée et le métayage constitue la forme
de mise en valeur la plus répandue, sur de petites unités d’exploitations comprises
entre 300m² et 1ha.
Bien que le secteur soit encore identifié comme informel, le travail reste bien
organisé, avec une utilisation de peu de produits chimiques classés de toxicité 1
comme le Dimécron, le Méthidation et le Dicrotophos.
Cependant une dégradation est notée en rapport avec l’urbanisation et le
remblaiement de certaines cuvettes maraîchères par les sociétés immobilières.
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Introduction Générale
Les Niayes dans un sens large constituent la moitié du paysage côtier sénégalais.
Elles couvrent une superficie d’environ 2000km² correspondant à une bande longue
de 180 km. Sa largeur varie de 5 à 35 km à l’intérieur des terres, longeant le littoral,
de Dakar à l’embouchure du fleuve Sénégal. C’est une zone de dunes de sable fin et
clair constituant un bas relief derrière lequel, des périmètres maraichers ont été
crées, abrités des embruns (vent salé) provenant de la mer (Fall et al, 2001).
Depuis la grande sécheresse des années 1970-1980, la péjoration climatique
associée à la pression démographique croissante, ont des conséquences
dommageables sur l’agriculture au Sénégal. Elle est actuellement confrontée à une
profonde transformation liée à un double processus de libéralisation :
Une libéralisation externe avec l’ouverture des marchés et la mise en place de
grands ensembles d’intégrations économiques.
Une libéralisation interne liée au désengagement de l’État et à la privatisation
qui la contraint à se moderniser pour s’ouvrir sur l’extérieur et s’intégrer
d’avantage au marché mondial.
Ces contraintes nouvelles ont relancé l’intérêt des Niayes autrefois délaissées
ou méconnues. Les Bas-fonds des Niayes de Soprim, objet de notre étude, ne sont
pas en reste et constituent un endroit très prisé pour la pratique de la culture
maraîchère.
Cependant les nouvelles politiques mises en place dans ce contexte ont eu des
effets sur l’organisation des principales filières de la zone. Ce processus s’observe à
deux niveaux : la concurrence des marchés intérieurs et le développement de
marchés-niches d’exportation.
Au cœur de notre problématique se pose la question :
Comment assurer efficacement l’approvisionnement de la région de Dakar en
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légumes, à partir de Soprim, quand on observe la transformation irréversible de ses
espaces agricoles en espaces bâtis ?
En effet, pris isolément, les aménagements de la cité Soprim ne sont pas
toujours adaptés aux caractéristiques du milieu, ni gérés de manière optimale. Le
plan d’aménagement global de Soprim devait prendre en compte un certain
nombre de considérations répondant aux normes d’urbanisation.
Il nous semble donc important aujourd’hui d’observer et mieux comprendre
le fonctionnement hydrologique du bas-fond au sein de son bassin versant, de
quantifier les risques en termes de valorisation agricole et d’apprécier les
conséquences des aménagements (S. Dia., 2000).
Nous nous intéressons aux Niayes de Soprim d’une part grâce aux nombreux et
précieux services qu’elles rendent à une population de plus en plus exigeante. Elles
constituent d’autre part l’une des rares zones cultivables à grande échelle dans
l’agglomération dakaroise. De ce fait beaucoup d’espoirs sont fondés sur elles pour
contribuer grandement et de façon durable à un souci de sécurité alimentaire.
Les contraintes spatiales, la forte pression anthropique et le souci de satisfaire
la forte demande en produits maraîchers imposent une intensification de la
production. Elle est rendue possible par l’utilisation d’intrants chimiques ou
organiques à forte dose.
Mais les risques de détérioration du milieu exigent l’examen d’autres
solutions moins nocives pour contribuer au développement d’un système
contraint par l’espace, la poussée démographie et l’insuffisance technologique.
Nous formulons deux hypothèses de recherche :
La première est que :
La culture maraîchère dans les Niayes de Soprim contribue grandement à
ravitailler la région de Dakar en légumes et renforce les initiatives vers la sécurité
alimentaire du Sénégal.
La seconde :
La culture maraîchère dans les Niayes de Soprim a cessé de nos jours d’être
exclusivement monofonctionnelle 1 avec la seule fonction nourricière pour devenir
multifonctionnelle. Le concept de multifonctionnalité inclut à la fois les aspects
nourriciers, écologiques, économiques et sociaux.
Notre objectif général est de montrer le rôle important que joue les bas1
Monofonctionnelle dans le sens de fourniture uniquement des produits alimentaires
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fonds de Soprim dans l’approvisionnement de la ville de Dakar en légumes tout en
respectant l’équilibre écologique.
Les objectifs spécifiques sont :
De montrer que les inondations connues, dans les quartiers de Parcelles
Assainies et Patte d’Oie, sont dues en grande partie à l’occupation des zones non
aedificandi, qui naturellement devaient, par l’effet de ruissellement, accueillir les
eaux de pluie.
Reconnaître que les attentes de la population de Soprim autres qu’alimentaires,
exprimées en termes de cadre de vie, de valeur paysagère et de patrimoine naturel,
peuvent être prises en charge par la multifonctionnalité du maraîchage ;
D’attirer l’attention des maraîchers de Soprim sur l’utilisation abusive des
produits chimiques qui ont pour conséquences : la pollution du sol et des eaux
souterraines, afin de conserver de l’équilibre écologique ;
De montrer que les bas-fonds de Soprim, du fait de leur état insalubre et de la
présence des points d’eau permanents, sont un lieu propice pour la reproduction
des parasites et autres insectes susceptibles de porter atteinte à la réussite de la
production maraîchère mais aussi et surtout à la santé de l’homme en prenant
pour exemple le cas du paludisme ;
Enfin susciter chez les décideurs la nécessité de prendre en compte le
maraîchage périurbain, surtout celui de Soprim, en le dotant d’une technologie de
pointe afin de mieux prendre en charge le problème de la sécurité alimentaire.
Approche conceptuelle
Notre analyse s’oriente sur deux notions essentielles : celle d’agriculture
urbaine et de filière.
1- Agriculture urbaine
Le maraîchage à Soprim du fait de sa proximité avec la ville peut être qualifié
d’agriculture urbaine.
Le concept « agriculture urbaine » a une grande variété de définitions :
Le concept d’agriculture urbaine englobe dans sa définition une variété
d’activités qui peuvent se réaliser dans les limites ou à la périphérie des
agglomérations urbaines et qui regroupe la production de légumes, de fruits, de
fleurs, l’élevage de volaille et de petits ruminants.
Dans la deuxième définition, l’agriculture urbaine désigne la production à des
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fins économiques d’espèces végétales et animales sur le territoire même de la ville.
Ici, l’aspect économique de l’activité de production est mis en évidence.
Cette définition établit un lien étroit entre l’agriculture urbaine et l’utilisation
de l’espace. Elle se manifeste surtout en termes de rapports fonctionnels réciproques
que l’agriculture entretient avec la ville : ici, les espaces cultivés et les espaces bâtis
participent au processus d’urbanisation et forment le territoire de la ville.
Elle renvoie donc au concept d’aménagement de l’espace urbain et explique
comment l’urbain doit intégrer la production de nourriture en prévoyant et /ou en
réservant dans son territoire tous les espaces susceptibles cultivables.
L’agriculture urbaine est la pratique d’activités agricoles en ville. Cette
définition met simplement l’accent sur la production agricole en ville sans préciser
le site d’accueil de cette activité (intérieur ou périphérie de la ville), ni la
destination de la production.
Une dernière définition plus restrictive la limite à la production d’aliments.
Celle-ci se rapproche davantage de la troisième pour la simple raison qu’elle ne
précise ni le lieu de production c’est-à-dire l’intérieur de la ville ou sa périphérie, ni
la destination de la production.
Dans le cadre de la réalisation de ce mémoire, la deuxième approche a été
retenue : l’agriculture urbaine à la production d’espèces végétales sur le territoire
même de la ville et dans sa périphérie.
2- Le concept de filière
L’analyse du concept filière consiste à identifier les agents, les logiques qui les
animent, les fonctions productrices et commerciales, leur poids dans l’ensemble
des échanges, leurs performances en terme de coûts et de revenues et les stratégies
qu’ils développent pour renforcer leurs positions (Terpend, 1997).
Le concept de filière est né de l’observation des relations entre agents dans
tout le système économique. Ces relations sont d’ordre marchand et s’établissent
par le jeu du marché et d’ordre relationnel et font alors appel aux analyses des
coordinations entre acteurs (nouvelle économie institutionnelle) (Rastoin, 2002,
cité par Wade I. 2003).
Les filières ont été d’abord appréhendées comme « branches » ou « secteurs »
d’un système économique. Les filières se définissent alors comme des produits :
une filière regroupe alors l’ensemble des activités de production, transformation
et distribution d’un produit ou d’un groupe de produits. Cette approche a été
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initiée par les économistes de la Harward Business School (Davis et Golberg, 1957,
cités par Wade I. 2003). Cette notion a laissé peu à peu place à une autre pour
laquelle la notion de filière se justifie par les différentes activités qui la compose et
le besoin de coordination entre ces dernières.
La filière n’est plus définie comme une « branche » d’une économie mais un
« système ». Cette nouvelle vision est portée par (Golberg, 1979, cité par Wade I.
2003) qui forgea le terme de « commodity system ». Pour lui une filière englobe
tous les participants impliqués dans la production, la transformation et la
commercialisation d’un produit agricole. Elle inclut les fournisseurs de
l’agriculture, les agriculteurs, les entrepreneurs de stockage, les transformateurs de
produits, les grossistes et les détaillants permettant au produit brut de passer de la
production à la consommation. Elle concerne enfin toutes les « institutions » telles
que les institutions gouvernementales, les marchés, les associations de commerce
et tous les acteurs qui entrent en jeu dans les secteurs par lesquels transitent les
produits. Une attention particulière est faite sur l interdépendance entre les
différentes activités de la chaîne de production. Le concept de filière met alors
l’accent sur l’existence d’une succession d’étapes, ou « supply-Chain », par lesquels
passe le produit, depuis la production jusqu’à la consommation.
Pour assurer l’approvisionnement régulier en produits, il faudra prendre en
compte cette (supply-Chain) afin de détecter toutes les contraintes situées aux
différents niveaux du circuit de transaction du produit et déterminer le rôle de
chaque acteur.
Ainsi, l’approche filière dans notre entendement prend naissance depuis la
semence du produit jusqu’à la consommation du produit.
Dans les niayes de Soprim étant donné que tous les légumes ne sont pas
disponibles à la même période, nous allons spécialement mettre l’accent sur les
trois filières dominantes (tomate, laitue, jaxatu). Le critère de notre choix repose
sur beaucoup de facteurs dont la production, la présence annuelle du produit sur
le marché, la commercialisation et la consommation.
La production de ces légumes contrairement à beaucoup d’autres filières
comme la pomme de terre n’est pas très exigeante en termes de capital financier.
Leur cycle de reproduction court (moins de trois mois) permet de renouveler les
planches et d’augmenter les revenus du producteur. Pour le commerçant la vente
de ces produits demande de faibles exigences en capital de départ. L’efficacité de
l’approvisionnement de ces spéculations est considérée à partir de la satisfaction
des consommateurs en termes de disponibilité, de qualité et de prix du produit.
D’un ménage à l’autre, la consommation de légumes varie selon différents
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facteurs : socio-économiques, taille du ménage, revenu, caractéristiques
socioculturelles. La place des légumes dans la consommation doit être analysée selon
plusieurs critères : quantités, valeurs nutritionnelles, fréquences de consommation.
Les facteurs clés du choix des citadins en matière d’alimentation en légumes
sont les suivants : le prix par rapport au budget alimentaire du ménage, la
disponibilité régulière du produit, les caractéristiques qualitatives ou quantitatives
du produit.
La gastronomie dans le quartier de Soprim et ses alentours intègre surtout des
produits que la ménagère est à peu près sûre de trouver à tout moment sur le
marché. Les produits disponibles de manière épisodique (certains légumes de type
européen comme l’aubergine, la betterave ou le concombre) ne sont pas encore
entrés dans les habitudes de préparation surtout dans ces couches aux revenus
faibles ou moyens.
Ces trois filières répondent parfaitement à toutes ces exigences avec des
variétés qui différent de par la forme, la grosseur, la couleur, le niveau de maturité
(cas du jaxatu), la présentation (cas de la laitue) et l’aptitude à la conservation (cas
de la tomate)…
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