Le conflit étudiant sur le terrain : Entrevue avec Anarchopanda
Quels sont les moyens d'action pour quelqu'un qui est pacifiste ? C'est s'éduquer. S'éduquer nous-mêmes. Éduquer
la population en général qui ne comprend clairement pas les enjeux. Et l'action directe non violente. La grève est une
forme d'action directe non violente : les étudiants font des occupations, des blocages... Il y a d'autres actions un peu
plus violentes, comme saboter quelque chose. Mais il y a une bonne manière de faire ces choses-là et une mauvaise
manière de faire ces choses-là. Il faut que ce soit pertinent. Il faut que ça ait un impact réel. Il y a aussi des actions
moins intenses, plus symboliques. On en a vu beaucoup : les manifestations, la ligne rouge dans le métro... Ce n'est
pas violent en soi. Elles sont créatives. Ce sont des actions de sensibilisation.
J'admire vraiment le mouvement étudiant actuel justement pour sa créativité, sa capacité à s'adapter aux
circonstances. Mais ce n'est pas juste ce qu'ils font. C'est leurs arguments aussi. Ils en ont de meilleurs. Et en
général, ce qui sort du gouvernement, ce ne sont pas des arguments, ce sont des relations publiques, de la gestion
d'image et de la perversion de l'image de l'autre côté.
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JDA. À un certain moment dans le conflit étudiant, il y a eu des discussions sur la question de la violence et de sa
dénonciation. Le gouvernement Charest, sans jamais dénoncer sa propre violence ou celle des corps policiers
envers les étudiant-e-s, a exigé et pressé les associations étudiantes, notamment la CLASSE, à se dissocier de ceux
et celles qui cassent des vitres. Mais jamais on ne s'est attardé à s'interroger sur la raison de ces gestes. Comment
voir les questions entourant le débat sur la violence et la non-violence ?
AP. Prenons un exemple : Victoriaville. Les gens pensent que les étudiants qui étaient à Victoriaville étaient violents
et que leur but était d'aller poser des actes de violence. C'est faux. Et c'est ça qui me fascine : ils appellent « des
casseurs » les gens qui ont sacré la clôture par terre. Leur but dans la vie, ce n'est pas de casser une clôture. Si
c'était de casser pour casser, ils s'en seraient pris au magasin de luminaires à côté de l'hôtel. Quelqu'un qui a
comme fantasme de casser quelque chose, c'est le mont Everest du cassage. Quelqu'un a-t-il a touché au magasin
? Non. Et il y en avait des roches et des briques.
Donc, le but, c'est d'aller parler à Jean Charest. C'était de rentrer dans le congrès pour aller lui dire ce qu'on pense.
Parce que lui, il ne rencontre pas son peuple. Il ne discute pas avec lui. Il est en contact avec une petite partie de la
population, sa gang. On n'a pas accès à lui et l'idée, c'est d'y avoir accès.
Et oui, il y a une partie de violence. Mais la partie de violence, c'est que c'est sain pour un politicien d'avoir un peu
peur de son peuple. Et d'avoir un peu peur de subir les conséquences des gestes qu'il pose. On voit ça par exemple
par rapport aux politiciens et au secteur banquier. C'est l'impunité totale. Ces gens font des actes catastrophiques et
s'en sortent avec des indemnités de départ. Il faut que ça cesse à un moment donné. Il faut qu'ils aient peur un peu.
Non pas pour leur vie, mais peur qu'il y ait des choses qui ne passent pas et qu'il y ait des conséquences sur leur
vie. Leurs décisions ont des conséquences économiques graves sur la vie des gens. C'est ce que les banquiers ont
fait aux États-Unis et ici. Ça a mené à des divorces, des suicides, à du vol, à beaucoup de conséquences négatives.
Ils en sont directement responsables. Eux, ils causent de la violence, mais systémique et indirecte. Nous, on casse
une vitre et c'est pire !
JDA. En ce qui concerne une éventuelle sortie de crise, as-tu une façon de la concevoir ?
AP. Ça l'air que ça va niaiser jusqu'aux élections. C'est clairement un gouvernement qui est têtu. Je ne pense pas
que la défaite dans Argenteuil va être un choc électrique suffisant pour leur faire reconsidérer de manière
fondamentale ce qu'ils sont en train de faire. C'est sûr qu'ils misent sur le fait que le mouvement s'essouffle. C'est
juste ça qu'ils font : attendre que ça s'essouffle et/ou essayer de le casser. Malheureusement, ces deux choses sont
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