Les camarades maoïstes du Pérou n’ont de cesse de le répéter : pour pouvoir déclencher, et mener victorieusement à son terme, la Guerre populaire dans un pays donné – comme processus de négation du capitalisme par le communisme menant à la prise du pouvoir par les exploité-e-s, après quoi l’on parle de socialisme ; les communistes de ce pays doivent d’abord élaborer une PENSÉE. C'est-à-dire, une analyse profonde, méthodique, à la lumière de la science marxiste la plus avancée de l’époque (qui, aujourd’hui, est le maoïsme), de la réalité et de l’organisation sociale, politique, économique et idéologique/culturelle qui nous entoure, dans laquelle et généralement CONTRE laquelle nous luttons ; et qui, en ce qui nous concerne, porte le nom de ‘France’ ou ‘République française’. Élaborer une pensée, cela veut finalement dire, tout simplement, comprendre la réalité qui nous entoure pour la TRANSFORMER. À partir de ce mot d’ordre, différentes interprétations sont possibles... L’on peut, comme certains, étaler sur internet des cours magistraux d’histoire philosophique, littéraire et artistique en général, de notre bonne vieille ‘France’ académique : finalement, rien de bien plus que nos bons vieux programmes de lycée ou de fac, mais ‘avec un œil marxiste’. OU ALORS, l’on peut se pencher, dans une démarche réellement antagonique (d’abord dans la pensée, avant que celle-ci ne 'rencontre’ les masses et ne s’organise pour agir, devenant ainsi force matérielle), sur le processus matérialiste historique, de luttes de classe, à travers lequel s’est CONSTRUITE cette réalité. Tel va être l’objet de la longue étude qui va suivre. Appartenant à la Nation occitane, Servir le Peuple a depuis maintenant près de deux ans été amené à se pencher longuement sur cette question : la question de la présence, au sein de la ‘République française’ (assimilée, avec un trait d’égalité, à une prétendue ‘Nation’ française), d’un certain nombre de nations : Bretons, Basques, Occitans, Corses, Alsaciens etc. ; et de l’émergence, depuis les années 1960, de revendications de ces nations présentant un contenu démocratique, progressiste voire révolutionnaire. D’autre part, ce n’est plus un secret depuis que quelques petites balances ont fait leur office, SLP est basé dans la région de Lyon : une ville qui, par sa situation géographique et son rôle économique, s’est souvent vue attribuer le titre de ‘capitale de la province’, véritable petite ‘antenne’ de Paris pour tout l’Est et le Sud-Est de l’Hexagone, et concentrant, à ce titre, toutes les contradictions de la construction politique, économique et sociale ‘France’. Nous en sommes, au bout du compte, arrivés à la conclusion que ce qu’on l’appelle ‘France’ (plus ou moins totalement, depuis une centaine d’années, identifiée à ‘la République’), est en réalité et avant tout une CONSTRUCTION POLITICO-MILITAIRE au service de la classe dominante (hier, une alliance entre la monarchie capétienne, une partie de l’aristocratie et du clergé et une partie de la grande bourgeoisie ; aujourd’hui la grande bourgeoisie devenue, depuis près de 150 ans, monopoliste) ; ainsi qu’une ARMADA IDÉOLOGIQUE et culturelle en ‘appui’ à cette domination – mobilisant les masses derrière cette classe dominante et ses plans. Telle est la conclusion principale de notre analyse ; et non le fait d’avoir déterminé que cette construction politico-militaire/armada idéologique renferme, rien qu’en Europe (sans compter l’outre-mer), une demi-douzaine de peuples et donc de prolétariats, plus les ‘colonies intérieures’ de descendant-e-s de colonisé-e-s : les intérêts de ceux-ci sont de toute manière identiques et indissociables, et distincts et antagoniques de ceux de la bourgeoisie même la plus ‘couleur locale’ qui soit, même ‘beurgoise’ ou ‘black-bourgeoise’, etc. Tel est le principal, et telle est, selon nous, la véritable rupture et le véritable antagonisme de classe, assumé, avec la réalité sociale qui nous entoure et nous oppresse en tant que personnes du peuple, et que nous voulons abattre en tant que révolutionnaires ; réalité qui, quel que soit le sens dans lequel on tourne le problème, converge toujours vers un seul et même mot pour en désigner la globalité : ‘France’. Telle est, aussi, la vraie rupture, la ligne de démarcation qui démasque la pensée de gauche petite-bourgeoise ‘radicale’ ; pensée qui toujours en appelle à ‘l’État’, à la ‘République’, comme entité déifiée au dessus des classes ; et inévitablement, finit toujours par glisser sur ‘la Nation’, ‘la France’ et sa ‘grandeur’, ‘patrie des droits de l’homme’ et ‘lumière’ pour l’humanité qui ne serait pas, mais alors pas du tout, ce que ses actuels dirigeants en donnent à voir... Un peu comme les rois, dans l’Ancien régime, n’étaient jamais mauvais mais avaient de ‘mauvais conseillers’ ; la ‘République’, la ‘France’, n’a pour nos petitsbourgeois ‘radicaux’ que de ‘mauvais gouvernements’. Cette petite-bourgeoisie est souvent fonctionnaire (cadres moyens de l’administration ou des entreprises publiques, enseignants), elle vit de l’appareil politico-militaire et idéologique ‘France’ : ceci explique peut-être cela... Et telle est, enfin, la grande rupture et le grand dépassement vis-à-vis des limites du marxisme appliqué à la France depuis la fin du 19e siècle ; limites qui ont empêché la prise de pouvoir révolutionnaire. Mais, précisément en raison de ce qui précède (hégémonie idéologique de la classe dominante, dont la ‘France’ est l’instrument, influence de la pensée petite-bourgeoise ‘social-républicaine’ sur les masses populaires, et limites de la conception du monde des marxistes au siècle dernier), cette analyse se heurte aussi à de très nombreux contradicteurs. Il est malheureux, par exemple, de voir des communistes, sans la moindre analyse marxiste des classes en présence et de leurs contradictions, considérer que les massacres de populations rurales, dès lors que menés par la ‘République’ – notamment en Bretagne, Vendée, Anjou – étaient parfaitement justifiés, face à la ‘vermine contrerévolutionnaire’, alors même que celui qu’ils considèrent généralement comme le ‘premier communiste’, Gracchus Babeuf, les avait pourfendus en son temps ; et alors même que les méthodes utilisées, en rien différentes de celles de la ‘pacification’ de la Corse sous Louis XV ou de la ‘guerre des camisards’ sous Louis XIV, ou encore de la guerre napoléonienne en Espagne, seront les mêmes qui seront reprises par Bugeaud et consorts lors de la conquête de l’Algérie… Les communistes italiens de l’époque de Gramsci, eux, faisaient parfaitement le parallèle entre la ‘pacification’ du Sud après l’Unité (1860-90) et les ‘prouesses’ de leurs troupes coloniales en Libye ou en Éthiopie. Et combien n’est-il pas lamentable de voir des ‘maoïstes’ (en principe, les marxistes les plus avancés de notre époque) nous expliquer que ‘La France est une nation, mettre en avant l’Occitanie aujourd’hui, c’est vouloir faire tourner la roue de l’histoire à l’envers’, c’est ‘nier la lutte des classes en France en niant la France’ ; ou ce ‘marxiste-léniniste plus-ouvrier-que-moi-tumeurs’ nous affirmer que 'les délires sur la libération de la Bretagne sont affligeants ; ce sont des revendications féodalistes qui veulent faire tourner la roue de l'histoire à l'envers’, que ‘c'est nier tout le développement historique qui a conduit à la "nation" bourgeoise qui est un "progrès" historique sur les régionalismes et sur le féodalisme ; voilà ce qui s'appelle vouloir faire tourner la roue de l'histoire à l'envers’, et qu’il a ‘des collègues ouvriers bretons’ que ‘sur la question (il) cite : « c’est des conneries de bobos intellectuels »’ ; comme si toute la mise en avant, progressiste et même révolutionnaire, de l’Occitanie ou de la Bretagne depuis les ‘années 68’ (1965-75), était une ‘lubie’ sortie d’on ne sait où, peut-être sous l’effet de substances hallucinogènes (qui sait, à l’époque…), à moins que ce ne soit le fruit d’un complot de l’impérialisme (comme les révoltes arabes ?)…Mais ce ne sont là, hélas, que des opinions très et TROP répandues. Très et trop répandues car, justement, les communistes luttant à l’intérieur des frontières géographiques de cette ‘France’ n’ont jamais élaboré cette pensée, cette analyse profonde, méthodique et antagonique de cette réalité sociale, politique, économique et culturelle qu’on appelle ‘France’. Par exemple, les États modernes (ceux qui se sont constitués depuis la fin du Moyen-Âge), ‘France’ en tête, se sont constitués autour d’une ‘nation centrale’ et se sont, généralement, proclamés ‘États-nations’. Ce qui a amené, chez nombre de communistes, une tendance à confondre cette proclamation avec la réalité, et à confondre État et Nation alors que ces deux réalités, ni dans l’Antiquité (Grèce et Gaule divisées en ‘cités’, Empire romain supranational), ni à l’époque moderne et contemporaine, n’ont pratiquement jamais coïncidé. Tendance à confondre, par exemple, une expression culturelle de la classe dominante, celle qui ‘pilote’ la construction politico-militaire, avec une des ‘premières expressions’ d’une prétendue ‘culture nationale française’, comme le PCMLM mettant en avant son ‘Enfin Malherbe vint’ (1674) de Nicolas Boileau – fils d’un magistrat au Parlement de Paris, très-haut bourgeois plus-ou-moins anobli et représentant- type de la classe dominante de l’époque, dont le royaume de ‘France’ était l’appareil politico-militaire. C’est donc pourquoi, loin de vouloir s’autoproclamer jefatura de quoi que ce soit, Servir le Peuple a voulu apporter, modestement, sa petite pierre à l’élaboration de cette pensée qui a tant fait défaut au mouvement communiste hexagonal, pour ‘éclairer la route’ de la révolution prolétarienne. SLP affirme que la ‘France’ n’est pas une nation, mais au contraire le cadre, et souvent la prison d’un ensemble de nations ‘constitutives’ : c’est bien, mais quelles sont ces nations ; et où, quand, comment, par quel processus historique sont-elles apparues ? Il affirme que la ‘France’ n’est pas une nation mais un ‘État moderne’, un appareil politico-militaire et idéologique de domination d’une classe sur les masses du peuple : c’est bien, mais là encore, où, quand, comment cet État moderne s’est-il constitué ? Et comment tout cela converge-t-il vers la ‘France’ comme réalité sociale, politique et économique qui nous entoure, et que nous voulons renverser et transformer ? C’est ce que nous allons voir à présent. Si l’on suit Ibrahim Kaypakkaya, selon lequel - dans sa très importante étude de la question kurde les populations humaines, sur un territoire donné, ‘accumulent’ les caractéristiques nationales avant de ‘rencontrer’ l’aube du mode de production capitaliste qui les ‘transforme’ en nations au sens moderne et marxiste du terme ; alors l’on peut dire que les nations actuelles d’Europe et de Méditerranée sont ‘nées en l’An Mille’, apogée (entre 800 et 1200 de notre ère) du mode de production et de la civilisation féodale, où de grands États féodaux faisaient resplendir la renaissance médiévale, et où une économie mercantile très avancée commençait à ‘muter’ vers le capitalisme, suivant le processus décrit par Marx et Engels : on ne cherche plus à vendre une marchandise pour obtenir de l’argent et acheter une autre marchandise (M->A->M), mais on investit de l’argent pour produire (ou acquérir) une marchandise, dont la vente (ou revente) va rapporter plus d’argent (A->M->A’ supérieur à A). Il serait absurde de vouloir (comme certains ‘identitaires’ et autres ‘néo-païens’) faire remonter les nations actuelles à une époque antérieure à celle-là ; antérieure aux grands bouleversements politiques, économiques, sociaux et démographiques (‘grandes invasions’) qui ont accompagné la décadence et suivi la chute de l’Empire romain, entre globalement 250 et 800 de l’ère chrétienne. Mais il est tout aussi absurde, sinon plus, de les faire naître à l’époque où Denis Papin (16471712), en inventant la machine à vapeur, préparait déjà la révolution industrielle... Concernant ce fameux Empire romain, voici ce que Friedrich Engels nous en disait dans L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884) : ″L'appartenance au monde romain, qualité de fraîche date, n'offrait point de compensation: elle n'exprimait pas une nationalité, mais seulement l'absence de nationalité. Les éléments de nations nouvelles existaient partout; les dialectes latins des différentes provinces se différenciaient de plus en plus; les frontières naturelles, qui avaient fait autrefois de l'Italie, de la Gaule, de l'Espagne et de l'Afrique des territoires autonomes, existaient encore et se faisaient toujours sentir. Mais nulle part n'existait la force capable de forger, avec ces éléments, de nouvelles nations. Nulle part il ne restait trace d'une capacité de développement, d'une force de résistance et, moins encore, d'un pouvoir créateur. (...) L'État romain était devenu une machine gigantesque, compliquée, exclusivement destinée à pressurer les sujets. (...) Voilà où avaient abouti l'État romain et son hégémonie mondiale : celui-ci fondait son droit à l'existence sur le maintien de l'ordre à l'intérieur, et sur la protection contre les Barbares à l'extérieur. Mais son ordre était pire que le pire des désordres, et les Barbares, contre lesquels il prétendait protéger les citoyens, étaient attendus par ceux-ci comme des sauveurs.″ Cela est certes, peut-être, un peu exagéré : la tendance des villes, aux 4e-5e siècles, à se replier et se fortifier, montre que les ‘barbares’ n’étaient pas tant accueillis à bras ouverts que cela. Et c’est sans doute très rapidement, dès (en fait) la fusion de l’élément romain avec les populations conquises que la langue populaire (vulgaire) a commencé à se différencier, tandis qu’en Orient et en Afrique du Nord, la culture et la langue grecque, araméenne (toujours parlée par les chrétiens), égyptienne (copte) ou amazighe n’ont jamais disparu (et reculé seulement, plusieurs siècles plus tard, devant l’arabe). C’est ainsi que, dès les tous premiers siècles de l’ère chrétienne, il y a une langue, une culture, une civilisation gallo-romaine, britto-romaine (Grande-Bretagne), ibéroromaine, italo-romaine, afro-romaine (Afrique du Nord) de manière nettement différenciée. Ce qui varie, en revanche, c’est le degré de romanisation des provinces de l’Empire, qui s’étend, à son apogée, des confins de l’Écosse à l’Égypte et au Sahara, et du Portugal à la Mésopotamie, fixant sa frontière avec les ‘barbares’ germaniques sur le Rhin et le Danube. En Orient, on l’a dit, les langues et les cultures pré-romaines restent intactes ; les premiers évangiles seront d’ailleurs rédigés en grec, en araméen voire en copte, et non en latin ; et l’Empire d’Orient qui naîtra à la fin du 4e siècle sera un Empire grec. Quant aux régions ‘périphériques’ de l’Empire, près du Rhin et du Danube, en Grande-Bretagne et dans les Balkans, leur romanisation sera très superficielle, et elles seront très facilement et rapidement germanisées (ou slavisées) aux 5e-6e siècles ; les quelques îlots 'résistants’ de langue et culture latine étant appelés valachies (comme la province roumaine) ou vallonies (Wallonie), de l’ancien germain wahl, désignant une population nongermanisée (on le retrouve aussi pour les Celtes du Pays de Galles, Wales en anglo-saxon). La romanisation sera également assez faible en Armorique (actuelle Bretagne), ce qui permettra aux arrivants celtes grand-bretons du 5e siècle d’imposer leur langue celtique – le brezhoneg, qui reste toutefois la plus ‘latine’ des langues celtes, ainsi ‘liberté’ se dit frankiz (‘franchise’), alors qu’en gallois cela se dit rhyddid (rien à voir !) ; tandis que dans l’actuel Bassin parisien, elle sera ‘intermédiaire’, laissant fortement subsister les langues gauloises – formant un substrat du galloroman médiéval et du futur ‘français’ – et également une grande place au superstrat des influences germaniques (franque, alémanique), d’autant plus que l’on va vers le Nord ou l’Est…En revanche, les régions fortement et anciennement (100 ans avant l’ère chrétienne) romanisées, que sont le pourtour méditerranéen, la vallée du Rhône et le bassin aquitain, sont le domaine de l’occitan – avec, entre les deux, les langues 'transitionnelles' que sont les dialectes arpitans, le poitevinsaintongeais, le bourbonnais voire le berrichon etc. Par ailleurs, jusqu’à la veille de l’An Mille voire au-delà, existait certainement – comme en Afrique aujourd’hui – une distinction entre langues vernaculaires (au territoire réduit, parfois une vallée voire un village), pour la vie ‘de tous les jours’, et langues véhiculaires (pour la vie sociale ‘plus large’, notamment commerciale), les secondes ‘rétroagissant’ sur les premières pour les ‘standardiser’, mais en laissant de profondes variations régionales que sont les dialectes d’oïl et d’oc, arpitans, ‘bas-bretons’, basques etc. d’aujourd’hui. Une autre grande différenciation, comme le souligne Engels, est celle liée aux frontières naturelles (le transport étant alors essentiellement routier, et fluvial pour le transport ‘lourd’), aux zones montagneuses et peu praticables en général, aux lignes de partage des eaux, qui délimitent les grands bassins d’unité économique. La Gaule romaine, que l’on voit ci-contre, tend ainsi à se différencier entre un ensemble SeineLoire (notre Bassin parisien), un ensemble au sud de la Loire, entre Massif central et Pyrénées (bassin aquitain), la vallée du Rhône et le pourtour méditerranéen, et un ensemble Rhin-Meuse (on l’a dit, peu romanisé) ; ensembles qui correspondent, approximativement, à la Gaule lyonnaise, à la Gaule aquitaine, à la Narbonnaise et la Gaule belgique avec les Germanies (le découpage administratif romain cherchant simplement, pour des raisons pratiques, à faire converger ces provinces vers Lyon, ‘capitale des Gaules’ : c’est ainsi que le Bassin parisien est rattaché directement à Lyon, la Narbonnaise commence à Vienne - autre grande ville romaine, 30 km au sud, l’Aquitaine au sud de Saint-Étienne et la ‘Belgique’ au nord de Bourg-en-Bresse, englobant l'Helvétie, actuelle... Suisse). Et, après la chute de l’Empire, l’on retrouvera ces grands ensembles naturels/économiques dans les grands ensembles politiques qui structureront l’époque mérovingienne, jusqu’à Charlemagne : Neustrie (Seine-Loire-Somme), Aquitaine (bassin aquitain et Massif central), Burgondie (axe Rhône-Saône) et Austrasie (régions de la Meuse, de la Moselle et du Rhin, fortement germanisées), le richissime pourtour méditerranéen étant disputé entre maîtres de la Burgondie (burgondes puis francs), de l’Aquitaine (wisigoths puis francs), de l’Espagne (wisigoths puis musulmans) et de l’Italie (romains puis ostrogoths, byzantins, lombards etc.). Car tous ces royaumes ‘barbares’ raisonnent en fait administrativement, jusqu’à Charlemagne et même au-delà, en termes ‘romains’ ; ils ne sont d’ailleurs pas des territoires découpés arbitrairement par le sort des armes, mais des provinces romaines dont Rome, dans sa décadence terminale, avait confié l’administration à des chefs germaniques. Ceci d'autant plus que ces territoires, comme on l’a dit, formaient des unités économiques bien distinctes. Poursuivant (jusqu’à plus de 500 ans après sa disparition...) le ‘rêve’ impérial romain, les tentatives d’unification de vastes territoires seront nombreuses, de Clovis à Charlemagne (dont l’Empire allait de la Catalogne actuelle jusqu’à l’Elbe, et de l’Italie centrale jusqu’à la Mer du Nord) et jusqu’au Saint-Empire romain germanique (du Rhône et de la Meuse jusqu’à l’Oder, avec là encore le nord et le centre de l’Italie ; il se désintégrera aux 13e-14e siècle). Mais chaque fois elles éclateront et tendront à ‘revenir’ aux grandes unités économiques ci-dessus décrites. Car dans ces grandes unités économiques, auxquelles se ‘ramenait’ toujours en définitive la réalité politique, étaient déjà en gestation les actuelles nationalités (différenciation de la langue, de la culture, des 'us et coutumes’ populaires), qui allaient réellement voir le jour autour de l’an 1000 de notre ère, aux premières lueurs de l’aube capitaliste. La période suivante, de 814 (mort de Charlemagne) jusqu’à 950 environ, est politiquement troublée - et d’ailleurs marquée par un net recul de la population. Le ‘rêve’ de restaurer l’Empire romain d’Occident s’estompe peu à peu, sauf paradoxalement chez les rois... othoniens de Germanie. Les titres de ‘duc’ (sorte de gouverneur militaire) et de ‘comte’ (sorte de préfet) commencent à se transmettre héréditairement et s’affranchissent de l’autorité royale ; et leurs moeurs politiques sont expéditives : la guerre est facilement la continuation de la politique par d'autres moyens. Ils se livrent des ‘guerres privées’ sanglantes, de même que leurs vassaux : des ‘hommes de confiance’ qu’ils rémunèrent en leur confiant un territoire qu’ils administreront, et duquel ils vivront en prélevant toutes sortes d’impôts sur la population productive. L’Europe fait face à cette même époque à ses dernières grandes invasions : les Vikings (scandinaves) qui attaquent les régions océaniques et même méditerranéennes, et les Hongrois qui ravagent la Germanie et mènent des attaques jusqu’à Lyon, la Provence ou la Lorraine ; tandis que le pourtour méditerranéen est soumis aux raids ‘sarrasins’, qui remontent même parfois la vallée du Rhône. Les Scandinaves seront ‘calmés’ par l’attribution de la Normandie en 911, et les Hongrois écrasés par le roi de Germanie à la bataille de Lechfeld (955) [les raids d’Afrique du Nord, eux, s’atténueront avec les Croisades, mais il y en aura encore en Provence jusqu’au 16e siècle, en Italie et en Corse jusqu’au 18e...]. L’Église, seule autorité 'pan-européenne’ restante, lance alors le mouvement de la 'paix de Dieu’ contre les guerres privées féodales, ouvrant une période relativement pacifiée qui verra la véritable renaissance médiévale proprement dite (jusque vers 1200). Au sud des Pyrénées, la civilisation d’al-Andalus (califat de Cordoue) est alors à son apogée, et exerce un grand rayonnement économique et culturel sur tout l’ouest de la Méditerranée et le sud de l’Europe, de même que la Sicile, arabe du milieu du 9e siècle jusqu’à la fin du 11e... La ‘France’ d’alors, comme le dira bien plus tard un certain Metternich de l’Italie, est une pure expression géographique. Ni les Carolingiens, ni leurs successeurs Capétiens ne sont d’ailleurs rois de France, mais rois des Francs ('premier' des aristocrates francs). ‘France’ (Francia) désigne alors, tout simplement, les territoires sous l’autorité (plus ou moins réelle ou nominale) de la monarchie franque. Au début du 9e siècle, c’est l’Empire franc de Charlemagne, divisé en 843 (partage de Verdun) en une Francie occidentale, une Francie orientale (qui deviendra ‘Germanie’ et le centre du Saint-Empire), et un territoire intermédiaire, de l’Italie à la Mer du Nord, nommé Lotharingie (d’où la Lorraine tire son nom), qui disparaîtra rapidement. Par la suite, le terme 'Francia’ tendra à ne désigner que la partie occidentale : une bonne partie, certes, de l’actuelle ‘France’, mais aussi des territoires qui n’en font plus partie (Catalogne, Flandre), et avec beaucoup de territoires en moins (à l’Est et au Sud-Est) qui ne seront conquis que bien plus tard. De manière plus étroite, on tend à ne désigner ainsi que la partie nord de l’ancienne Gaule, celle où la culture politique et sociale franque (peuple germanique établi de longue date, dès la fin du 3e siècle, comme ‘fédérés’ dans l’Empire romain) a le plus influencé et fusionné avec la culture et la civilisation gallo-romaine, et dont les rois mérovingiens avaient fait le centre de leur (toute relative) autorité : globalement entre la Meuse, la Loire et la mer, le massif ardennais et le massif armoricain (qui leur échappait, sous la conduite des roitelets bretons). Pour le reste, passé la Loire on parle généralement d’Aquitaine, passé le Morvan, de Burgondie/Bourgogne (territoire beaucoup plus vaste que la région actuelle, cf. infra) ; pour la Bretagne et le Cotentin, d’Armorique ou (déjà) de ‘Petite Bretagne’, pour la Provence de... Provence (du nom de la Provincia romaine), pour l’actuel Languedoc de ‘Narbonnaise’, de ‘Gothie’ (car resté territoire wisigoth après Clovis, jusqu’au 8e siècle, les Arabes l’occupant alors 40 ans) ou de ‘Septimanie’. L’acception se réduit encore au 10e siècle, à l’approche de l’An 1000, en même temps que les territoires effectivement soumis à l’autorité politique de la couronne franque : au maximum le Bassin parisien, entre l’Argonne, les frontières de l’Anjou et de la Normandie (distinction Vexin normand/Vexin français), un peu au sud de la Loire et un peu au nord de la Somme ; ou seulement l’Île-de-France au sens ‘large’, du sud de la Picardie actuelle (Senlis, Soissons) jusqu’à Orléans, Chartres, à la rigueur Sens. Par ‘pays de France’, on peut même ne désigner que les territoires franciliens au nord-est de Paris... grosso modo l’actuelle Seine Saint-Denis ! Dans l’acception ‘large’, la France en l’An Mille (Hugues Capet monte sur le trône en 987), c’est donc l’espace en vert ci-contre, avec les ‘tâches’ bleues du domaine capétien. Le Roi des Francs occidentaux n’est même pas le seigneur féodal le plus puissant de cet espace géographique, qui est surtout dominé par les comtes de Champagne, de Blois (actuelle région Centre) et de Vermandois (actuelle Picardie). Au contraire : il a précisément été choisi (par ces derniers, et les autres grands féodaux) pour être un souverain faible, purement symbolique. Pour le reste, contrairement à une idée fausse répandue, l’An Mille n’est pas une époque de morcellement féodal absolu, où les seigneurs règnent sur quelques kilomètres carrés et se font la guerre incessamment. Il y a de grandes unités politiques, subdivisées en fiefs certes, mais où la suzeraineté du grand féodal s’exerce fermement et commence à ressembler à des prérogatives étatiques modernes. Le duché d’Aquitaine, gigantesque, est l’’héritier politique’ du royaume wisigoth annexé par Clovis, à travers les multiples Aquitaines mérovingiennes et carolingiennes (c’était souvent un ‘royaume’ que les rois donnaient à leur fils). Elle englobe des terres occitanes (Limousin, Auvergne, Périgord), et d'autres considérées aujourd’hui comme non-occitanes (Poitou, actuelles Charentes, Bourbonnais – Allier – et sud du Berry, etc.) mais où l’influence occitane est importante. Ce sera le siège de la civilisation troubadour, troubadours dont le primus inter pares est bien souvent le duc lui-même. Au sud se trouve le duché de Gascogne, héritier des invasions vasconnes (basques) du 6e siècle, qui est la région occitane portant ce nom aujourd’hui. Il est sous l’influence politique de l’Aquitaine, et rattachée définitivement à celle-ci en 1032. Le comté de Toulouse (héréditaire depuis le milieu du 9e siècle, vassal ‘émancipé’ de l’Aquitaine) et le ‘marquisat de Gothie’ (progressivement absorbé par le premier aux siècles suivants, ou passant sous suzeraineté d’Aragon-Catalogne) recouvrent l’Occitanie ‘centrale’, entre Garonne, ‘Massif central’ et Rhône. La Bretagne est solidement installée (depuis le 9e siècle) dans ses frontières des 5 départements actuels ; et l’on y parle le brezhoneg celtique beaucoup plus largement qu’au 19e siècle : seuls l’est de l’Ille-et-Vilaine, l’est et le sud de la Loire-Atlantique sont alors non-bretonnants. Cette langue a été amenée, aux 5e-6e siècles, par des Celtes de Grande-Bretagne (jamais réellement romanisée) qui fuyaient en masse l’invasion germanique anglo-saxonne, beaucoup plus brutale que les invasions germaniques en Gaule romaine. Depuis cette époque, l’ancienne Armorique ne fut jamais réellement sous autorité franque, divisée en petits royaumes qui s’unifièrent vers la fin du 8e siècle et, d’ailleurs, la Bretagne n’est un ‘duché’ que depuis 936 : avant cette date, elle était considérée comme un ‘duché’ par les rois carolingiens... mais se considérait elle-même comme un royaume (avec notamment le roi Nominoë). Loin d’être une terre 'barbare’, elle s'insère alors dans la grande civilisation celtique médiévale, dont l’épicentre est l’Irlande avec ses monastères. Au nord se tient le duché de Normandie, fief donné à un chef scandinave (normand) en 911, d’où son nom. En 1066 (Guillaume le Conquérant), ses ducs deviennent rois d'Angleterre, parlant dès lors 'd'égal à égal' avec les Capétiens ; jusqu'à ce que Philippe Auguste mette fin à ce royaume anglo-normand en annexant la Normandie au domaine royal, au début du 13e siècle. On remarque tout au sud le comté de Barcelone (Catalogne), ancienne ‘marche d’Espagne’ fondée par Charlemagne. Il a à cette date cessé de prêter toute allégeance féodale aux rois de Francie occidentale, dont il relève en théorie. Uni au royaume d’Aragon (qui en l’An Mille est encore en gestation dans quelques vallées pyrénéennes), il deviendra aux siècles suivant le centre d’un grand empire maritime méditerranéen, avant d’être réuni à la Castille en 1479 pour former le royaume d’Espagne. La Francia occidentalis s’arrête au Rhône, aux montagnes d’Ardèche et du Forez, puis peu ou prou sur la Saône. Au-delà commence une entité que l’on nomme Royaume de BourgogneProvence (à ne pas confondre avec le duché de Bourgogne qui, lui, relève bien de la Francie occidentale – mais sera un important ‘poil à gratter’ de ses rois aux 14 e et 15e siècles). Il englobe, ni plus ni moins, la totalité de l’Arpitanie (aire des langues ‘franco-provençales’) : Lyonnais, Forez, Bresse et sud du Jura, Alpes du Nord et Romandie, ceci additionné de quelques terres de langue comtoise (‘comté de Bourgogne’, qui est l’actuelle Franche-Comté), langue d’oïl à influences germaniques, et de quelques régions helvétiques germanophones : c’est la ‘Bourgogne proprement dite’ ; ainsi que les terres occitanes vivaro-alpines et provençales : c’est la partie dite ‘Provence’. Ce royaume est rattaché au Saint-Empire en 1032, mais se désintégrera aux 12 e-13e siècles (donnant naissance au comté de Provence, au Dauphiné, au duché de Savoie etc. etc.). Ces entités étatiques, relativement stables du 10 e jusqu'au 13e siècle, seront le CREUSET des nations modernes et de leurs 'branches' (disons-le ainsi pour éviter le terme dépréciatif de 'sous-nations') ; dont les caractéristiques nationales (qui sont une communauté humaine stable historiquement constituée, avec une langue (deux nations différentes peuvent toutefois avoir une même langue, comme les Anglais et les Américains), un territoire défini, une vie économique et une formation psychologique communes ; se traduisant dans une communauté de culture) vont 'rencontrer', dans la Renaissance médiévale des 11e-13e siècles, les premières lueurs de l'aube capitaliste pour former des NATIONS au sens marxiste strict. La Nation française au sens strict s'est ainsi formée, grosso modo, sur le territoire de l'ancienne Neustrie de l'avènement de Charlemagne. Elle se compose d'une branche francilienne (qui vivrait aujourd'hui, globalement, dans l'aire métropolitaine de Paris), se prolongeant jusqu'à la vallée de la Loire entre Cosne et Blois ; d'une branche angevine-tourangelle ('Pays de Loire' sans Nantes et la Vendée, et Touraine/Indre-et-Loire) ; d'une branche normande ; d'une branche picarde-ch'ti ; d'une branche berrichonne-bourbonnaise (au sud de la Loire, jusqu'à l'Auvergne occitane) ; d'une branche poitevine-saintongeaise ('Poitou-Charente' et Vendée), aquitaine jusqu'au 13e siècle et dont le caractère 'transitionnel' avec l'Occitanie est depuis longtemps discuté par les linguistes ; d'une branche champenoise (Champagne) et d'une branche bourguignonne. C'est l'aire de ce que les linguistes appellent les langues d'oïl. C’est aussi à partir de la langue parlée dans ce grand Bassin parisien, entre Île-de-France et Val de Loire (Orléans, Blois, Tours…), dans sa version aristocratique reprise par la grande bourgeoisie, que s’est forgé (par une longue évolution, entre le 13e et le 18e siècle – sa version définitive) le français ‘standard’, le français académique ; langue officielle de l’État depuis 1539 (ordonnance de Villers-Cotterêts, avant c’était le latin) et langue de la culture académique des classes dominante depuis la fin du Moyen-Âge. S’imposant aux différentes langues nationales et aux variantes dialectales d’oïl (les fameux ‘patois’, terme péjoratif) entre le 18e et le 20e siècle, sans pour autant les faire disparaître, et accueillant au 20 e siècle les apports linguistiques divers de l’immigration (européenne et extra-européenne), il a muté sur les différents territoires en un français populaire local (on parle d’’argot’ en région parisienne, et parfois de manière générale), très éloigné dans le vocabulaire du ‘bon’ français académique (que tentent vainement d’imposer les profs…). Plus à l'Est, on peut considérer qu'il y a une Nation franc-comtoise et une Nation lorraine, rattachées très tardivement à l’État français (1678[1] et 1766), communautés politiques stables et à la conscience forte jusque-là, parlant des langues d'oïl à forte influence germanique (lorrain et comto-jurassien, parlé également dans le Jura suisse), ainsi que dans le sud de la Franche-Comté l'arpitan jurassien (proche du suisse romand) et en Moselle le francique mosellan (ou thiois ou platt) - également parlé en Sarre et au Luxembourg. Il y a évidemment une Nation alsacienne, constituée au Moyen-Âge autour de la ville libre de Strasbourg et du Décapole (à mille lieue, à l'époque, d'imaginer qu'elle serait un jour 'française'), à la langue proche du suisse alémanique. Elle a, en plus (avec la Moselle), la particularité d'avoir été Reichsland de l'Empire allemand entre 1871 et 1918. Le royaume de Bourgogne-Provence a été le foyer, la 'matrice' de la Nation arpitane ('RhôneAlpes' sauf la Drôme et l'Ardèche, Romandie suisse pour l'essentiel - sauf canton du Jura, tiers sud de la Franche-Comté et Val d'Aoste en Italie), ainsi que de la branche 'orientale' (provençale et vivaro-dauphinoise) de la Nation occitane. Entre le 14e et le 16e siècle, une très grande partie de l'Arpitanie sera à nouveau unifiée sous l'autorité des ducs de Savoie : Savoie, Ain actuel (Bresse, Bugey, pays de Gex), Romandie (Genève, Vaud, Fribourg, Bas-Valais), Val d'Aoste - les ducs règnent également sur le Piémont et le comté de Nice. L'actuel Ain n'est annexé au royaume de France qu'en 1601, la Savoie entre 1793 et 1815 et définitivement en 1860. Ce sont les territoires (dans l'entité 'France') où la conscience arpitane est aujourd'hui la plus forte - regardant, souvent, vers le modèle confédéral de la Suisse voisine (comme les Franc-comtois et les Alsaciens, également), ou la très grande autonomie du Val d'Aoste italien. Le reste (Forez/Loire, Lyonnais/Rhône, Dauphiné/Isère) est annexé dans le courant du 14 e siècle, avec l'Occitanie vivaro-dauphinoise (Ardèche ; Drôme et Hautes-Alpes qui font partie du Dauphiné). L'ensemble comté de Toulouse - 'Gothie' (ou 'Septimanie') a engendré la branche languedocienne de l'Occitanie ; l'Aquitaine et la Gascogne (unifiées à partir de 1032), la branche gasconne (entre Garonne et Pyrénées) et la branche nord-occitane (Auvergne et Limousin) - ainsi, on l'a dit, que le poitevin-saintongeais (branche d'oïl ou 'Arpitanie de l'Ouest', intermédiaire entre oïl et oc ?). Tous ces territoires occitans seront unifiés – paradoxalement – par la politique d'annexion française, entre le règne de Philippe Auguste (1180-1223, premier à se faire appeler 'roi de France' et non 'des Francs', et véritable père fondateur de l’État moderne français) et - définitivement - la fin de la Guerre de Cent Ans (1453), alors (donc) que l'aube du capitalisme est déjà bien affirmée en Europe ; et reconnus comme nation par la monarchie elle-même dès le début du 14e siècle. Par la suite, la conscience nationale du 'Midi' (son appellation fréquente, de la Renaissance jusqu'à nos jours) s'exprimera au cours de Guerres de Religion (1562-98, 1621-29, camisards 1685-1715), dans le soutien au 'fédéralisme' girondin sous la Convention, etc. La Provence n'a été annexée qu'en toute dernière (1480, sous Louis XI), ce qui explique sans doute un certain particularisme provençal au sein de l'Occitanie, beaucoup ayant tendance à se considérer 'provençaux' et à réserver l'Occitanie à 'l'autre côté du Rhône'. De même, la Gascogne 'survit' (partiellement) plus longtemps, dans les 'réduits de Guyenne' sous souveraineté anglaise (jusqu'en 1453), puis dans les très indépendants domaines d'Albret, réunis à la France par leur héritier Henri IV, à la fin du 16e siècle : le particularisme gascon (et/ou béarnais) est également assez affirmé. Les régions qui, par contre, se trouvent dès la fin du Moyen-Âge dans l'orbite économique de Paris (nord du Limousin et de l'Auvergne) ou de Lyon (Ardèche, Drôme), se caractérisent également (aujourd'hui) par un 'particularisme' fort, mais dans le sens d'une conscience occitane faible. Le duché de Bretagne a évidemment été la matrice de la Nation bretonne. Aux 5e-6e siècles, des Celtes de Grande-Bretagne se sont implantés, fuyant l'invasion germanique de l'île, et ont fusionné avec des populations gauloises armoricaines déjà très peu romanisées. Cela a donné une langue celtique, la seule d'Europe continentale, le brezhoneg. Cependant, autour et à l'Est de Rennes et de Nantes, la proximité et les liens économiques avec la Normandie et le Maine-Anjou, et les liens des ducs et de la noblesse avec les Plantagenêts angevins et/ou les Capétiens de Paris, favorisent le développement d'un oïl populaire de Bretagne, le parler gallo. Celui-ci se déplace vers l'Ouest, du 11e au 19e siècle, jusqu'à atteindre une ligne reliant peu ou prou le golfe de SaintBrieuc au golfe du Morbihan. Puis, au 20 e siècle, la grande francisation forcée de la IIIe république fait grandement reculer les deux langues, au profit d'un français populaire de Bretagne (comme il y a un français populaire d'Occitanie, d'Alsace, du Nord, de la région lyonnaise etc.). Cela ne veut pas dire, pour autant, qu'il n'y ait pas de Nation bretonne : en Irlande, la situation du gaélique est encore pire, il est confiné dans l'Ouest de l'île et n'a plus que 300.000 locuteurs (sans doute encore moins le parlant couramment), pour une population totale de 6 millions ; la langue courante de la population est l'anglais populaire irlandais, pourtant, il ne viendrait à l'idée de personne (surtout pas face aux intéressé-e-s) de dire que les Irlandais sont des Anglais (il en va de même en Écosse, avec moins de 2% de gaélophones). De même, il ne faut pas être dogmatique avec "Le Marxisme et la Question nationale" de Staline, selon lequel deux nations différentes peuvent parler une même langue, mais en aucun cas une nation ne peut avoir deux langues différentes : de l'avis de SLP, la superstructure politique, si elle est stable pendant une assez longue période, peu contestée en tant que telle, voire associée à un 'âge d'or' dans la conscience collective, et n'installant pas de rapport de domination entre un groupe linguistique et l'autre, peut rétroagir sur la réalité sociale et déterminer une conscience nationale commune même s'il y a deux langues différentes. C'est selon nous le cas de la Bretagne, stable dans ses frontières ducales du 9e siècle jusqu'à l'Union de 1532, et relativement autonome ensuite jusqu'en 1789 ; ou encore du comté de Bourgogne devenu Franche-Comté, entité stable dans ses frontières de la fin du 9e siècle jusqu'à son annexion en 1678, et même ensuite jusqu'en 1789. Les deux langues doivent, simplement, être traitées démocratiquement sur un strict pied d'égalité, les autres aspects de la culture populaire étant globalement partagés[2]. Enfin, l’actuelle entité ‘France’ compte trois ‘portions’ de nations, qui sont principalement établies sur le territoire d’un État voisin mais ‘débordent’ à l’intérieur de ses frontières. Ce sont : 1°/ La partie nord (Iparralde) de la Nation basque, dont la matrice entre le 8e et le 12e siècle a été le royaume de Navarre (que l’on voit ici, en marron, vers l’an 1000) ; celui-ci, ‘grignoté’ peu à peu (dès le 12e siècle) par la Castille (qui deviendra ‘Espagne’) et la Gascogne (qui deviendra ‘française’), est finalement annexé par le royaume d’Espagne en 1512 (celui-ci en respectera officiellement les fueros, lois et coutumes particulières, jusqu’au 19e siècle). Une petite partie, province centrale (et principale) d’Iparralde, la Basse-Navarre, subsiste au nord des Pyrénées ; c’est de celle-ci qu’Henri IV est le roi lorsqu’il monte sur le trône de France en 1589 (et la réunit alors à cette dernière). 2°/ La partie nord de la Nation catalane (Roussillon, longuement disputé avant d’être définitivement rattaché en 1659), dont la matrice est le comté de Barcelone, comté carolingien s’émancipant assez rapidement de la suzeraineté franque. Celui-ci participe (1000-1300 environ) à la Reconquista et s’étend jusqu’aux îles Baléares [il y aura même (1229-1349) un éphémère 'royaume de Majorque', dont fera partie le Roussillon] et de l'Èbre jusqu'au sud d’Alicante ('royaume de Valence') ; tout en asseyant (par mariage) son influence sur la Provence (de 1112 à 1245) et le Languedoc (seigneurie de Montpellier, vicomté de Carcassone, comté de Foix...) au début du 13e siècle ; le catalan et l'occitan 'moyen' (languedocien et provençal) sont d'ailleurs considérés comme des langues 'soeurs', 'quasi-jumelles'. Il s’unit d’autre part (1137) au royaume d’Aragon et devient ainsi le centre d'un vaste empire maritime méditerranéen, avant d’être réuni (avec l’Aragon) au royaume d’Espagne en 1479. La Catalogne gardera toutefois son gouvernement particulier, la Generalitat, jusqu’en 1714 – les nouveaux rois Bourbons, appliquant le modèle centralisateur français, la suppriment alors (décrets de Nueva Planta). 3°/ enfin, une mince frange, dans le département du Nord entre Lille et la mer, de la Nation flamande. Celle-ci est née au sein du comté de Flandre, grand comté très indépendant de la Francie occidentale, qui commençait en l’An Mille un peu au nord de la Somme – mais Philippe Auguste le ‘repoussera’ sur la frontière actuelle du Nord et du Pas-de-Calais, les terres conquises devenant comté d’Artois et étant rapidement 'francisées' (c’est aujourd’hui le domaine du ch’ti). Elle parle une langue germanique extrême-occidentale, proche du hollandais, et est aujourd’hui – surtout – une nation constitutive de l’État belge[3]. CEPENDANT, parallèlement à ce processus qui voit l'aube du capitalisme donner naissance aux nations modernes, va s'en dérouler un autre, dans toute l'Europe, qui est la formation des grands États modernes. Ce processus correspond à la concentration ultime, extrême, de la propriété et du pouvoir (qui va avec) féodal entre les mains de quelques grandes ‘maisons’ : c’est en réalité le stade suprême de la féodalité, l’équivalent pour celle-ci de l’impérialisme pour notre capitalisme. Il est la traduction d’une CRISE, profonde, structurelle du mode de production féodal ; avec la disparition de sa base productive essentielle, le servage, et l’émergence puissante des futures classes révolutionnaires : la bourgeoisie urbaine, organisée dans de puissantes corporations, guildes etc. et qui met en avant des revendications communales (autonomie politique des villes sous la forme de petite ‘républiques’) ; et la paysannerie aisée, libre (et propriétaire) ou fermière (le fait, à l’époque, de payer un droit fixe sur sa terre est déjà un privilège considérable). C’est un processus marqué par les GUERRES et leur cortège de fléaux liés (famine, épidémies) : alors que, du milieu du 10e au milieu du 12e siècle, le mouvement de la paix de Dieu avait fait de l’An Mille (contrairement aux idées reçues) une période relativement pacifique (tout est relatif), permettant la Renaissance médiévale, on voit dès la fin du 11e débuter les Croisades et s’accélérer la Reconquista espagnole, puis c’est la ‘première guerre de Cent Ans’ (1159-1259) entre Capétiens et Plantagenêts (rois d’Angleterre depuis 1154) et la ‘Croisade contre les Albigeois’ (1208-1221), la Guerre de Cent Ans proprement dite (1337-1453), suivie des luttes contre la Bourgogne (ex-alliée des Anglais) jusqu’en 1477, puis les guerres d’Italie (fin 15e-milieu 16e siècle) qui voient s’affronter le royaume de France et le jeune royaume d’Espagne, les Guerres de Religion (deuxième moitié du 16e siècle, en France, Pays-Bas, Allemagne etc.), pour finir par déboucher dans la terrible Guerre de Trente Ans (1618-48), conflit d’ampleur continentale où les terres d’Empire perdent 3 à 4 millions d’habitants sur 17, certaines régions (comme la Poméranie ou la Franche-Comté) perdant près des deux tiers de leur population ; et qui s’achève (traité de Westphalie) sur l’ère du triomphe apparent de l’absolutisme… et (en réalité) des révolutions bourgeoises. Pour se donner une idée, il suffit d’observer le ‘yo-yo’ de la population ‘française’ entre le début du 14e et le début du 18e siècle (plus de 4 siècles !), après une croissance démographique soutenue qui a vu la population passer de 6 à plus de 20 millions entre l’an 850 et 1345 ; ‘yo-yo’ dû essentiellement aux guerres ou aux périodes de troubles, et aux crises alimentaires et sanitaires qui les accompagnent. Voyons quelles sont, en ‘France’, les principales étapes de ce processus. Tout d’abord, au 11e siècle et jusqu’au milieu du 12 e, les Capétiens luttent pour affermir leur autorité sur le Bassin parisien, la ‘France proprement dite’. C’est à cette époque (Louis VI, 11081137) que la capitale se fixe définitivement à Paris (auparavant, les Capétiens ‘allaient et venaient’ entre Paris, Orléans, Étampes etc.), et que commence à se sceller un pacte entre la monarchie et la bourgeoisie de cette ville, pacte qui se démentira peu par la suite, sauf en période de grande crise (guerre de Cent ans, guerres de religion, Fronde), jusqu’en 1789. Puis, on l’a dit, c’est la première guerre de Cent ans contre l’Empire plantagenêt. Au 12e siècle, cette ‘maison’ régnant originellement sur le Maine-Anjou-Touraine s’empare de la Normandie (1144), de l’AquitaineGascogne (1152) par mariage avec la fameuse Aliénor, puis finalement de la Couronne d’Angleterre en 1154. Cet Empire tentait, peut-être, de renouer avec l’époque de la fin de l’Empire romain (4e-5e siècles), où de nombreux empereurs ‘gaulois’ avaient régné à la fois sur la Gaule et la Grande-Bretagne…Il faut dire que l’Angleterre, comme nation, est unifiée politiquement depuis la fin du 9e siècle (Alfred le Grand) et l’est restée jusqu’à nos jours (comme nation constitutive du Royaume-Uni), et n’a dès lors pu chercher à s’étendre que de manière extranationale (vers l’Écosse, le Pays de Galles, l’Irlande… et le continent), alors que les Capétiens ne contrôlaient pas même, au 12e siècle, l’intégralité de la ‘France proprement dite’ (Bassin parisien), dont l’unification accompagnera la formation de l’État moderne parallèlement à la conquête de terres ‘nonfranques’. Débutant sous la forme de conflits ‘frontaliers’ entre les deux domaines, cette guerre se déroule principalement sous Philippe Auguste (1180-1223), que l’on peut considérer, on l’a dit, comme le véritable père fondateur de la ‘France’ comme État moderne. Voici deux cartes comparatives de la construction politico-militaire ‘France’, entre le début et la fin de son règne : Par la suite, au 14e siècle, le ‘réduit aquitain’ anglais sera encore plus réduit, couvrant l’actuelle Gironde, les Landes et la province basque de Lapurdi. C’est également sous son règne qu’a lieu la Croisade des Albigeois (1208-21), qui voit la conquête de l’Occitanie centrale (‘Languedoc’) – et non, contrairement à une idée reçue, sous celui de ‘Saint’ Louis IX (1226-70), qui voit l’écrasement sanglant des cathares, avant l’union ‘officielle’ du Languedoc à la Couronne (1271), mais pas la conquête proprement dite. Au terme de cette première phase, sous les règnes de Louis IX, Philippe III le Hardi et Philippe IV le Bel, se consolide l’État monarchique dans une période de relative prospérité économique – particulièrement pour la ‘France’/Bassin parisien, conquérante victorieuse d’immenses territoires. Le règne de Philippe le Bel voit la soumission à la Couronne franque de la région lyonnaise (1312). Mais les fils de ce dernier meurent, les uns après les autres, sans héritier. Va alors commencer la deuxième phase, la Guerre de Cent Ans proprement dite (1337-1453)[4]. Celle-ci débute comme une lutte dynastique, par laquelle le roi Édouard III d’Angleterre va tenter de rétablir l’Empire plantagenêt, et même prétendre à la ‘France’ entière puisqu’il est, par sa mère, l’héritier direct (petit-fils) de Philippe le Bel. Mais la bourgeoisie ‘de Cour’ et les féodaux (ses ‘producteurs primaires’) du Bassin parisien ne veulent pas de ce monarque ultramarin, qui favoriserait inévitablement leurs homologues et rivaux de sa sphère d’influence côtière. Ils vont donc appuyer Philippe VI de Valois (qui n’est que le neveu de Philippe le Bel) ; c’est alors qu’est mise en avant la fameuse loi salique qui veut que la Couronne ne puisse se transmettre par le biais des femmes… Un autre grand enjeu de ce conflit est la Flandre, comté faisant originellement partie de la Francia occidentalis, mais qui a toujours fièrement affirmé son indépendance (les territoires conquis sur lui par Philippe Auguste et Louis VIII devenant l’Artois, donné au frère de Louis IX) ; et a développé depuis la fin du 11e siècle une puissante industrie textile liée, indissociablement, à l’Angleterre grande productrice de laine (c’est ainsi que les caractéristiques nationales anglaises, ‘parfaites’ dès le 10e siècle, ont ‘rencontré’ le capitalisme naissant). Le port et la région de Calais seront ainsi l’objet de nombreuses batailles, avec le fameux épisode de ses bourgeois (représentants de la ville) capitulant la corde au cou devant Édouard III. Lorsque le duché de Bourgogne héritera, en 1384, de la Flandre, il passera alors dans l’alliance anglaise (ce que l’on peut considérer comme le début de la deuxième phase du conflit). Les cartes suivantes montrent le mouvement de ‘va-et-vient’, pendant cette centaine d’année, entre expansion anglaise et reconquête française : Au début du conflit (années 1330) Les reconquêtes de Charles V (1364-80) Traité de Brétigny (1360) Après le traité de Troyes (1420) Au terme du conflit, en 1453, le royaume d’Angleterre ne contrôle plus sur le continent que le port de Calais (pour faire transiter sa laine vers la Flandre), finalement rendu en 1558. Le ‘Grand Ouest’, du Pas-de-Calais jusqu’aux Pyrénées, est définitivement sous contrôle. Durant cette période, les Capétiens (devenus ‘indirects’) s’étendent également au Sud-Est, avec l’acquisition du Dauphiné (donné à l’héritier du trône, d’où le terme de ‘dauphin’ entré dans le langage courant) sur le Saint-Empire, plutôt allié de Paris contre l’Angleterre. Il faut relever comment, à cette époque, le Saint-Empire (actuelles Allemagne et Autriche, Suisse, Tchéquie et Italie du Nord), qui était la grande puissance politique de l’An Mille, s’est atomisé politiquement sous le poids des contradictions féodales – et de l’ingérence des États modernes en formation tout autour ; processus que la Réforme protestante viendra encore accélérer. Les Habsbourg y formeront l’État moderne qui deviendra l’Autriche-Hongrie (en plus de conserver symboliquement la couronne impériale jusqu’en 1806), mais c’est seulement la bourgeoisie, sous l’impulsion de la Révolution bourgeoise française, qui ‘refera’ l’unité politique de l’Allemagne et de l’Italie au 19e siècle. Par l’intermédiaire de la maison (cousine) d’Anjou, les Capétiens indirects assoient également leur influence sur la Provence (définitivement annexée en 1481). Les révoltes paysannes (jacqueries) franciliennes de 1358, reliées à l’insurrection bourgeoise parisienne du prévôt des marchands Étienne Marcel, traduisent l’aiguisement des contradictions sociales dans un système féodal en crise profonde, au cœur même (parisien) de la construction politique ‘France’. Il faut dire que, si la relation entre la monarchie et la bourgeoisie parisienne/francilienne est motrice du processus de construction de l’État monarchique moderne, entre le 12e et le 17e siècle, c’est une relation entre forces sociales différentes et qui, donc, ne va pas sans antagonisme et frictions régulières : si le roi appuie, dans les ‘provinces’, les revendications communales de la bourgeoisie pour affaiblir les seigneurs féodaux (fussent-ils ses propres frères ou cousins...), il n’en va pas du tout de même dans les territoires placés directement sous son autorité, où il défend brutalement ses prérogatives. La revendication de Marcel, extrêmement radicale pour l’époque (la 3 e République en fera d’ailleurs un ‘héros révolutionnaire’ bourgeois de la première heure), était celle d’une monarchie ‘contrôlée’ par le déjà puissant ‘patriciat’ bourgeois de Paris et de sa région. Mais, et c’est intéressant à souligner, il ignorera une profonde réalité de son époque, ce qui le mènera à sa perte : ‘pragmatique’, il se liera avec Charles le Mauvais de Navarre, cousin pro-anglais du roi de France et prétendant à la couronne, et ouvrira la ville à des milliers de mercenaires et d’archers anglais qui susciteront l’hostilité de la population ; la bourgeoisie parisienne se retourne alors contre lui, en faveur du futur Charles V, l’isole politiquement et finalement l’élimine (Charles V rentre alors triomphalement à Paris)… Ce dénoument peut être considéré, avec l’épisode de Jeanne d’Arc quelques décennies plus tard, comme l'une des premières manifestations d’une conscience nationale française dans le Bassin parisien. Dans la dernière phase du conflit, donc, après Azincourt (1415) et le traité de Troyes (1420), l’épisode de Jeanne d’Arc (1429-31), née à Domrémy dans la vallée de la Meuse, à la limite de la Champagne et de la Lorraine (zone alors sous contrôle anglo-bourguignon), révèle la réalité d’une conscience nationale populaire ‘française’ dans la moitié nord de l’Hexagone (en tout cas, à l’Est de Paris), conscience nationale dans sa dimension économique : l’attachement des laboureurs, paysans propriétaires libres et relativement aisés (comme la famille d’Arc), à la monarchie parisienne – attachement qui ne se démentira pas jusqu’au 18e siècle, où elle s’affaiblit, puis passe au bonapartisme, au républicanisme ‘juste milieu’ et patriotard de la ‘Belle époque’, et enfin au gaullisme. Pour autant, ce ‘sentiment national’ n’a encore rien de général sur le territoire du royaume : ainsi l’évêque Cauchon (qui fera brûler Jeanne d’Arc), pro-bourguignon et proanglais, est à l’origine un bourgeois de Reims ; la bourgeoisie des régions côtières est farouchement pro-anglaise (intérêt économique évident) ; et le Languedoc se révolte violemment contre l’autorité de Paris en 1381-84. C’est à cette même époque que vit un autre personnage célèbre, symbole de l’importance prise par la bourgeoisie capitaliste et de son influence (cela dès le 13 e siècle, et notamment à partir de Philippe le Bel) auprès de la Couronne dans sa construction de l’État moderne : le négociant berrichon Jacques Cœur, ayant accumulé une fortune colossale dans le commerce maritime avec le ‘Levant’ (Proche-Orient), et promu en 1439 ‘grand argentier du royaume’ par Charles VII. Cependant, comme avant lui Enguerrand Le Portier de Marigny (petit baron/semi-roturier normand, ‘bras droit’ de Philippe le Bel, destitué et pendu à la mort de ce dernier), il sera victime en 1451 d’une réaction aristocratique, tombant en disgrâce et échappant de peu à la peine de mort ; preuve de l’acuité des contradictions de classe au sein même de cette construction politique ‘équilibriste’ que se voulait être l’État monarchique. L’Angleterre évincée du continent (et entrant en crise profonde, avec la guerre civile des Deux Roses, jusqu’en 1485), la lutte se poursuit contre son ancien allié, le duc de Bourgogne. Celui-ci est pourtant lié par le sang aux rois de France, puisque le duché a été donné en 1361 au second fils de Jean II le Bon. Mais il est porté par une puissance financière considérable depuis qu’il a mis la main sur la Franche-Comté, unifiant ainsi l’ensemble économique de la vallée de la Saône, puis sur la riche Flandre d’industrie textile, puis sur l’Artois (actuel Pas-de-Calais) et la Picardie, le Luxembourg et finalement tous les ‘Pays-Bas’ (correspondant au Benelux actuel), exerçant également une forte influence sur la Lorraine, etc. Il peut se prendre à rêver de restaurer à son profit l’ancienne Lotharingie, royaume carolingien qui allait du golfe de Gênes et de la plaine du Pô à la Mer du Nord, disparu rapidement… mais dont l'ancien territoire est devenu, depuis le 11e siècle, la colonne vertébrale du jeune capitalisme européen (correspondant encore aujourd’hui à ce que l’on appelle la ‘banane bleue’). Ces ambitions, qui culminent avec Charles le Téméraire (1467-77), se heurtent inévitablement au roi Louis XI (1461-83), fils du vainqueur de la Guerre de Cent ans (Charles VII), qui vise évidemment la consolidation de cette victoire. Le Téméraire prend ainsi la tête d’une ligue féodale contre la monarchie, qui met à mal Louis XI, mais l’intelligence politique de celui-ci (et la nouvelle puissance financière du royaume…) lui permet de tenir le choc : il fait, finalement, moins la guerre (coûteuse et risquée) qu’il n’achète, habilement, les territoires et les alliances. Ce n’est finalement pas lui directement, mais une ligue révoltée des Suisses, des Alsaciens et des Lorrains qui a raison de Charles le Téméraire, tué devant Nancy. Le roi de France s’empare ainsi de la Bourgogne, et récupère la Picardie et la côte entre la baie de Somme et Calais (Boulonnais). Mais, le Téméraire ayant marié sa fille à l’héritier des Habsbourg (archiducs d’Autriche et empereurs germaniques), Maximilien, ces derniers récupèrent le reste de l’’Empire bourguignon’ (Franche-Comté, Pays-Bas, Luxembourg, Artois). Maximilien de Habsbourg sera le grand-père d’un certain Charles Quint, héritier – en sus – du royaume d’Espagne, et qui sera l’ennemi numéro un des rois de France au 16e siècle… Si l’on s’arrête un instant sur cette ‘expérience’ bourguignonne, il ressort de l’analyse que son échec est dû, principalement, à son caractère antihistorique (à ‘contresens’ de l’histoire) : c’était un rêve impérial ‘à la Charlemagne’, d’un Empire formé uniquement par l’accumulation de territoires sous une même autorité monarchique. Or, cela n’était absolument plus possible à la fin du 15e siècle, après que l’émergence du capitalisme ait donné naissance aux nations : si les États monarchiques modernes pouvaient être (et étaient généralement) plurinationaux, ils ne pouvaient exister qu’autour d’un centre national bien défini (Angleterre dans les îles britanniques, Castille dans la péninsule ibérique, nation ‘française proprement dite’ du Bassin parisien en ‘France’). L’État bourguignon n’avait pas un tel centre : ses ducs étaient des ‘Valois dissidents’ ; il n’était ni bourguignon ni comtois, ni flamand ni wallon ni luxembourgeois ; la puissance économique des acquisitions (Pays-Bas) était sans comparaison avec celle du ‘point de départ’ Bourgogne/Franche-Comté ; et il périra finalement face à une révolte… nationale des Suisses (alémaniques), des Alsaciens et des Lorrains. Dernier souverain européen à porter ce ‘rêve’, son descendant Charles Quint se heurtera au même mur ; dès sa mort, son ‘Empire universel’ sera partagé entre Habsbourg d’Espagne et d'Autriche, se heurtera au luthérianisme comme affirmation nationale allemande (ou tchèque ou hongroise), à des révoltes en Italie, à la guerre d’indépendance victorieuse des Hollandais calvinistes (1568-1648), à la poursuite du développement et à la consolidation de la Confédération suisse, à la résistance finalement victorieuse du Portugal (annexé par l’Espagne, avec son Empire, entre 1580 et 1640), etc. etc. Déjà au 9e siècle, la ‘Lotharingie’ (que voulait recréer le Téméraire) avait largement éclaté sous les forces centrifuges pré-nationales de son vaste territoire (populations germaniques, franco-galloromanes, italiennes, 'burgondes' arpitanes et provençales etc.). Lorsque meurt Louis XI (1483), le processus est donc pratiquement achevé. L’État moderne, comme appareil politico-militaire au service de la concentration du pouvoir féodal entre les mains de la monarchie, est constitué et consolidé ; même si de nombreux territoires seront encore annexés par la suite (jusqu’en… 1860). Une dernière ligue féodale profite d’une période de régence (Anne de Beaujeu) pour affronter le pouvoir royal, c’est la guerre folle (1485-88), dont le principal instigateur est le duc François II de Bretagne, et dont l’issue voit le début du processus d’annexion de la Bretagne (achevé en 1532). Celle-ci, depuis le 10 e siècle, avait perpétuellement oscillé entre l’alliance franque et l’alliance anglo-normande, sa noblesse se partageant entre un ‘parti français’ et un ‘parti anglais’ (souvent en guerre…) et ses ducs prêtant alternativement hommage au roi de ‘France’ et au duc de Normandie/roi d’Angleterre, jusqu’à la guerre de Cent ans (ce qui ne change rien au niveau de l’imposition du français par l’élite, celui-ci étant également la langue de la Cour anglaise). Après celle-ci, le duc François II (1458-88) menât une politique volontariste de constitution en État moderne indépendant, tentative qui s’achevât (donc) par le piteux échec de la ‘guerre folle’. Voici (en rose) à quoi ressemble le Royaume de France vers 1500 : Il y a deux grandes enclaves : le Comtat venaissin (Vaucluse), au Pape, et le Charolais (à la Couronne d’Espagne, sera transféré au prince de Condé en 1684, puis définitivement rattaché à la Couronne en 1760). Les ‘tâches’ grises sont les terres de la maison d’Albret-Navarre, dont sera issu Henri IV. Après la perte de l’essentiel de la Navarre (annexée par la Castille en 1512, mettant fin au dernier territoire basque indépendant), Jeanne d’Albret se convertira au protestantisme et son fils Henri sera l’un des principaux chefs du ‘parti protestant’, de 1570 environ jusqu’à sa conversion en 1593. Ce ‘parti’ exprimera, jusqu’au règne de Louis XIII et Richelieu (guerres de 1621-29), les aspirations anticentralistes d’une partie de l’aristocratie, de la bourgeoisie urbaine et de la paysannerie propriétaire d’Occitanie ('Provinces de l'Union'), de Poitou-Saintonge et de Normandie – la Ligue catholique, soutenue par l’Espagne, exprimant quant à elle les aspirations centralistes de la bourgeoisie francilienne et du Nord/Nord-Est, bien que la Bretagne, la Provence et la région lyonnaise y soient ralliées : Sur la carte, on peut également observer la désintégration politique de l’Allemagne et de l’Italie du Nord et du Centre, autrement dit du SAINT-EMPIRE, qui était la grande puissance ‘géopolitique’ européenne de l’An Mille. Il n’y aura de nouvelle grande unification politique, sous l’impulsion des bourgeoisies padane et rhénane et des monarchies piémontaise et prussienne, qu’au 19 e siècle (années 1850-70). On remarque aussi le duché de Savoie qui, à cette époque, a unifié politiquement une grande partie de l’Arpitanie (Savoie, Bresse et Bugey, Bassin lémanique)… Par la suite, cette carte montre les dernières annexions de l’Ancien Régime, entre Henri II (154759) et Louis XV (1715-74) : Cet Ancien Régime (les historiens désignent généralement, par ce terme, une période allant du règne de François Ier, ou de la fin des Guerres de Religion, jusqu'en 1789) marque, au niveau de l'économie politique, une période d'équilibre entre les classes féodales (aristocratie, clergé), désormais totalement parasitaires (leur 'fonction sociale' de protection des populations a disparu au 15e siècle), vivant de leurs rentes foncières et fiscales ('droits' seigneuriaux) ou s''épanouissant' dans des tâches militaro-bureaucratiques ou d'encadrement idéologique réactionnaire des masses, et traversées par des ‘courants’ antagoniques (noblesse centraliste/monarchiste ou, au contraire, jalouse de ses prérogatives et hostile à l’autorité royale, clergé ‘gallican’, janséniste ou ‘ultramontain’ – partisan de l’autorité papale, etc.) ; et la bourgeoisie, ou plutôt LES bourgeoisies des différentes nations absorbées dans l'État, avec leurs tendances centralistes ou anti-centralistes (fonction de leur 'tropisme' économique). La monarchie, héritière des Capétiens qui ont fondé l'appareil politico-militaire, joue alors de manière autocratique et arbitraire le rôle de 'gardienne' de cet équilibre, dans lequel, un temps, la majorité de chaque classe exploiteuse trouve finalement son compte – mais il y a des 'minorités agissantes', des 'forces centrifuges' puissantes à contenir, et l’équilibre devient intenable dans la seconde moitié du 18e siècle. Un symbole de cela, afin de mettre autoritairement 'tout le monde d'accord', est la suppression des États généraux, institution créée par Philippe le Bel (1302) pour représenter auprès du monarque les trois 'grandes' classes dominantes de l'époque : noblesse, clergé et bourgeoisie des 'bonnes villes'. Ils ne seront pas convoqués de 1614 jusqu'en... 1789. Une annexion importante de cette période, offrant à la ‘France’ une position stratégique ‘clé’ en Méditerranée, est celle de la Corse. Celle-ci, depuis la fin de l’Empire romain, n’avait jamais fait partie d’aucune manière de l’orbite ‘franque’ : par sa position géographique et sa culture, elle se rattache à l’ensemble Péninsule italique/mer Tyrrhénienne, et depuis le 5 e siècle elle avait successivement été vandale, byzantine, arabe, pisane et enfin génoise. Et surtout, lorsque Louis XV l’annexe en 1768-69, elle n’est nullement un duché féodal… mais une république bourgeoise (ou, pour être exact, un 'royaume sans roi'), très démocratique même (les femmes y ont le droit de vote !), présidée par le 'général de la nation' Pasquale Paoli et menant depuis 40 ans une victorieuse guerre de libération contre la ‘république’ aristocratique de Gênes. Cette république bourgeoise sera même un modèle, quelques années plus tard, pour les révolutionnaires bourgeois américains ; et une ville de Pennsylvanie porte le nom de ‘Paoli’. L’argument selon lequel la centralisation monarchique, puis révolutionnaire/napoléonienne, n’a mis fin qu’à des ‘féodalités’ tombe ici en morceaux... La pacification de l’île, qui se poursuivra sous la révolution bourgeoise (après un bref ‘retour en grâce’ de Paoli en 1790-93) et jusqu’aux années 1820, sera brutale, notamment sous les sinistres Marbeuf (1769-86) et Morand (1801-11). (SUITE) En finir avec la 'France', appareil politico-militaire et idéologique de nos oppresseurs ! (suite) (1ère PARTIE) Telle est donc la ‘France’ dans laquelle éclatera la Révolution bourgeoise de 1789, laquelle annexera pour finir le Comtat (définitivement), la Savoie et le comté de Nice (perdus en 1815, mais récupérés en 1860). L’importance des territoires ‘manquants’ à la toute fin du 16 e siècle (époque à laquelle certains ‘maoïstes’ font naître la ‘nation française’…) est considérable lorsque l’on sait le ‘moteur’ économique du capitalisme hexagonal qu’ils ont été et – pour beaucoup – sont encore aujourd’hui. À vrai dire, leur annexion, concomitamment avec la colonisation des Amériques (Canada, Louisiane, Antilles), aura été le ‘coup de fouet’ pour la ‘grande expansion’ de celui-ci, débouchant sur la révolution bourgeoise et la révolution industrielle (la première créant les conditions politiques de la seconde). Car, parallèlement à ces dernières annexions de la monarchie absolue, s’est mis en œuvre un autre phénomène de toute première importance : celui de la colonisation d’outre-mer. Si, sous la monarchie absolue, l’expansion territoriale en Europe se ‘ralentit’, c’est pour une simple et bonne raison : la ‘France’ n’est pas seule, d’autres grands États modernes se sont formés (Angleterre, Espagne, Autriche des Habsbourg, Provinces-Unies – Pays-Bas actuels – à partir de 1580, Suède, Prusse et Russie à partir du 17e siècle – mais plutôt en Europe germanique et baltique), et elle se heurte à eux, ce qui rend difficile (militairement) de s’étendre en Europe, où les guerres sont longues et coûteuses (et pas toujours victorieuses !). La ‘France’ va donc ‘regarder’ au-delà des mers, vers ce ‘Nouveau monde’ ‘découvert’ par Christophe Colomb en 1492, ou vers ces Indes dont Vasco de Gama a ouvert la route maritime en 1498 ; en quête de nouvelles terres et de nouvelles forces productives à exploiter. Ainsi va naître le premier Empire colonial français, que l’on voit ici sur la carte en bleu clair (et ici, carte plus détaillé des Caraïbes), et qui donnera naissance aux Nations québécoise, acadienne, cajun, et - surtout - afro-caribéennes (par l’importation massive de travailleurs esclaves africains) ou mascareignes (Réunion, Maurice, Seychelles, Rodrigues). Cet empire disparaîtra, pour l’essentiel, entre la guerre de Sept Ans (1756-63), qui voit la perte du Canada, et l’issue des guerres napoléoniennes (1815), la ‘France’ ne conservant finalement que nos actuels ‘DOM’ : Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion. Mais la bourgeoisie, une fois installée au pouvoir, poursuivra cette œuvre 'civilisatrice’ : dès la révolution industrielle avec la conquête de l’Algérie et l’exploration du Pacifique, puis surtout à partir des années 1860 (entrée dans l’impérialisme) avec la conquête de près de la moitié du continent africain, de l’Indochine, etc. : c’est le second Empire colonial. À cette dernière époque, la puissance du capitalisme français (qui se concentre en monopoles) permet en outre la domination financière de nations entières (comme en Chine ou dans le vieil Empire ottoman), sans administration coloniale directe. La résistance des populations autochtones, et les révoltes des esclaves africains transplantés, n’ont jamais cessé durant toute cette période (menant, notamment, à l'indépendance - vite confisquée - de la première 'République noire', Haïti, en 1804) ; toutefois, c’est surtout après la Première Guerre mondiale, sous l’impulsion de la Révolution prolétarienne russe, que s’exprime dans tout l’Empire un puissant mouvement de libération des peuples colonisés. Sous la pression de celui-ci, l’impérialisme ‘français’ va s’adapter et, à partir des années 1950, retirer progressivement son appareil administratif, tout en maintenant sa domination économique – et, souvent, une forte présence militaire ; faisant que les nouveaux États n’ont souvent d’’indépendants’ que le nom ; sauf lorsqu’ils empoignent (plus ou moins fermement et longtemps) le drapeau de la révolution mondiale anti-impérialiste, comme le Vietnam bien sûr (1945-75), ou comme le tentèrent l’Algérie, la Guinée ou le Congo dans les années 1960, ou encore le Burkina Faso de Thomas Sankara en 1983-87 – expériences de courte durée, vite ‘ramenées dans le rang’ par la corruption ou le coup de force. Une conséquence importante de tout cela, outre l’exploitation féroce des populations et une liste interminable de crimes sans nom, et outre le fait que la ‘France’ administre encore directement une huitaine de ‘DOM-TOM’ et exerce un protectorat de fait sur une quinzaine de pays africains, est que, tout au long du 20e siècle et particulièrement pendant les ‘Trente glorieuses’ (1945-75), les besoins du capitalisme bleu-blancrouge l’ont amené à importer, massivement, de la force de travail de ces pays coloniaux, ou nouvellement (pseudo) ‘indépendants’. Cette main d’œuvre, et ses descendants, ont formé en Hexagone métropolitain des colonies intérieures : concentrés dans des zones spécifiques, surtout urbaines (dont la population ‘blanche’ est ‘invitée’ à fuir les ‘incivilités’, le ‘bruit’ et ‘l’odeur’…), elles s’y voient appliquer de facto le même type de traitement colonial que leurs aïeux dans leurs pays d’origine. Ces colonies intérieures cohabitent aujourd’hui avec les nations constitutives de l’entité ‘France’, dans lesquelles, globalement, a fusionné l’immigration de travail d’origine européenne (ne se voyant pas appliquer ce traitement ‘colonial métropolitain’ spécifique). Dans les zones où elles sont particulièrement concentrées (on pense en particulier à la région parisienne, la région de Marseille, de Toulouse ou de Lyon, et aux régions industrielles du Nord ou de Lorraine), elles ont grandement influencé la culture populaire nationale et réciproquement (en étant très influencées elles-mêmes, également, par la culture populaire afro-américaine). Ceci fait, de certains territoires, ce que l’on peut appeler des ‘métropoles multiculturelles du capitalisme’, préfigurant, au sein de celui-ci, le communisme universel d’après-demain. La bourgeoisie n’a donc, on l’a dit d’innombrables fois ici, fait que reprendre à son compte, récupérer l’appareil politico-militaire construit par la monarchie capétienne – en le modernisant bien entendu, en le rationnalisant, car le processus long et contradictoire de sa construction avait ‘empilé’ les appareils administratifs, militaires, policiers, judiciaires et fiscaux ‘façon mille-feuille’, de manière complexe et parfois incohérente (et puis il y avait, bien sûr, les innombrables ‘privilèges’ de la noblesse et du clergé, devenus totalement inutiles et parasitaires, entravant le développement de l’économie capitaliste). Cela parce que si, certes, les 'ténors’ de la bourgeoisie révolutionnaire venaient d’un peu partout, sa fraction (économiquement) la plus puissante, et donc politiquement dirigeante, était celle qui avait prospéré dans la capitale du royaume et ses alentours, profondément incrustée dans l’appareil d’État monarchique : la bourgeoisie du Bassin parisien, qui avait tout intérêt à maintenir un appareil politico-militaire à la base même de sa prospérité. Mais aussi parce que, globalement, TOUTE la bourgeoisie du royaume, de Calais à Marseille et de Brest à Strasbourg, avait tiré profit de ce processus de construction de l’État moderne. Si le capitalisme s’est développé spontanément, en Europe, dès le 11e siècle ; et en ‘France’ surtout aux 12e-13e siècles avec les foires de Champagne et du Languedoc ; il a connu dans l’histoire de celle-ci essentiellement quatre phases de développement volontariste, ‘impulsé’ consciemment pour la ‘grandeur’ du pays : - Sous l’Ancien régime, dès la fin de la Guerre de Cent ans mais surtout aux 17 e-18e siècles (de Henri IV à Louis XVI), par la commande royale ; politique particulièrement bien incarnée par Colbert ; - Sous la ‘révolution industrielle’ (du 1er au 2d Empire inclus). Les ‘argentiers’ de la monarchie et de la ‘noblesse de Cour’ d’Ancien régime sont devenus des banquiers qui investissent dans la production industrielle, les innovations technologiques comme le chemin de fer, etc. ; visant évidemment par là un juteux retour sur investissement. Cette période voit la progressive fusion du capital bancaire et du capital industriel, qui débouche vers 1870-80 sur le capital financier monopoliste, ouvrant l’époque de l’impérialisme. - La ‘grande modernisation’ entreprise par la IIIe république à la ‘Belle époque’ (1879-1914), particulièrement la ‘république radicale’ à partir de 1900 ; parallèlement à l’expansion coloniale ; - Enfin, après la première crise générale du capitalisme et les deux guerres mondiales, de 1945 jusqu’aux années 1980, principalement sous la ‘république gaulliste’ (1958-74). Ces deux dernières phases font également largement appel à la commande d’État (désormais républicaine…) : commande militaire, ‘grands travaux’ etc. En résumé : les ‘argentiers’ de la construction et de l’affermissement de l’État moderne monarchique sont devenus les banquiers de la Révolution industrielle puis, par la fusion capital bancaire/capital industriel, les MONOPOLES de l’époque impérialiste. La généalogie que l’on voit se dessiner ici est édifiante… Ces politiques volontaristes ‘plieront’ l’organisation territoriale du capitalisme ‘français’ à la domination du ‘Centre’ parisien. Outre que Paris est le ‘centre’ de la production intellectuelle, culturelle et idéologique au service de ce système, cela est particulièrement net si l’on observe les voies de communication : dès le 16e-17e siècle, le réseau routier converge ‘en étoile’ vers la capitale, et le réseau ferroviaire fera de même à partir des années 1830-40 ; laissant de vastes territoires sans infrastructures dignes de ce nom, dans l’arriération, uniquement réservoir de force de travail. Une illustration particulièrement nette de ce processus est l’expansion démographique de Paris, et la manière dont celle-ci en ‘suit’ les grandes étapes : au cours de la formation et de la consolidation de l’État moderne, la population de la capitale passe de 50.000 habitants (sous Philippe Auguste) à plus de 600.000 lorsqu’éclate la révolution bourgeoise, puis, avec la ‘révolution industrielle’, on voit à partir des années 1830 la population de l’agglomération ‘décrocher’ de celle de la ville proprement dite (qui la ‘rattrape’ légèrement en 1860, avec l’agrandissement haussmannien), puis 'creuser' considérablement l’écart à partir des années 1880-90 (la population de la ville, elle, commence à stagner et même à diminuer) ; et enfin, à partir des années 1960, l’on voit la population d’une ‘aire urbaine’ (débordant les limites mêmes de l’Île-de-France) ‘décrocher’ de celle de l’agglomération : Paris a littéralement ‘aspiré’ tout le Bassin parisien dans son orbite économique, productive, infrastructurelle, culturelle... Hormis peut-être Londres, aucune capitale européenne n’est le siège d’un tel phénomène. La ‘France’, comme tout grand État moderne/bourgeois (Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Italie, Russie), repose fondamentalement sur une contradiction Centre/Périphérie ; contradictions qui dans son cas recoupe, en tout cas au Sud, au Nord-Est et à l’extrême Ouest (Bretagne), des questions nationales. Mais, parallèlement à tout ce processus, dans le sein du capitalisme qui l’a porté, est également née et s’est développée la classe qui possède la solution à toutes ces contradictions : la classe qui ne possède ni terre, ni atelier ni aucun moyen de production, seulement sa FORCE DE TRAVAIL qu’elle vend (déjà, au 15e ou 16e siècle, sur la place de Grève à Paris) aux détenteurs, justement, de ces moyens de production ; et dont la ‘mission’ historique est de libérer l’humanité des chaînes de l’exploitation et de la faire entrer dans une nouvelle ère : le PROLÉTARIAT. Sous l’Ancien régime, il est organisé par ‘métiers’, de manière corporatiste, lié aux maîtres d’ateliers – ses employeurs. La Révolution bourgeoise brise ces structures corporatistes (en 1791), ce qui le pousse à s’organiser pour défendre ses intérêts propres (alors que se développe la grande industrie) : le prolétariat prend conscience de lui-même en tant que classe, rompt ses attaches politiques avec la bourgeoisie, même la plus ‘humaniste’ ou ‘démocrate-radicale’ (dans un processus qui va des ‘journées de juin’ 1848 jusqu’aux fusillades de Clémenceau à la ‘Belle époque’ et à la grande boucherie de 14-18, en passant bien sûr par le massacre de la Commune de Paris en 1871), et donne naissance à une idéologie, une conception du monde nouvelle pour sa libération, le socialisme scientifique qui, en s’organisant pour lutter, devient une force matérielle. La ‘France’ et le monde entrent alors dans l’époque de la révolution prolétarienne ; ce sur quoi nous aurons longuement l'occasion de revenir. MAINTENANT QUE NOUS AVONS EXPOSÉ TOUT CELA, quelle SOLUTION doivent avancer les révolutionnaires anticapitalistes ? Faut-il, comme il se trouvera – sans doute – des jacobins plus ou moins ‘rouges’ pour nous en accuser, ‘revenir’ aux grands duchés de l’An Mille qui, comme on l’a vu, recouvraient grosso modo les réalités nationales (et de ‘branches’ nationales) actuelles ? Bien sûr que non. Ce serait évidemment, personne ne dit le contraire, ‘faire tourner la roue de l’histoire à l’envers’ ; vouloir revenir à des entités politiques reposant sur un mode de production (féodal) complètement disparu – dont le début du processus de disparition a, en fait, précipité la chute. Si l’on étudiait au cas par cas chacun de ces 'États de l’An Mille’ (ce qui serait beaucoup trop long ici), on s’apercevrait d’ailleurs, dans la plupart des cas, que c’est l’action de leurs ducs et autres comtes (poussés par la crise du mode de production féodal) eux-mêmes qui a précipité leur propre perte ; plus généralement, ils ont ‘explosé’ sous l’effet des contradictions sociales qui les traversaient, entre la lignée régnante elle-même, ses éventuels cadets mécontents, les seigneurs locaux, l’Église avec ses ‘seigneuries ecclésiastiques’, les villes érigées en ‘républiques’ sous la conduite de leur patriciat grand-bourgeois, les paysans propriétaires libres et aisés, les révoltes de paysans pauvres et encore serviles à des degrés divers, etc. etc. Il n’est donc nullement question de vouloir ‘ressusciter’, abstraitement, ces réalités politiques reposant sur un mode de production disparu (dans sa version 'pure’) depuis déjà 6 voire 7 siècles. Il en va de même pour les propositions 'néo-maurassiennes', de type 'Bloc identitaire', qui visent finalement à revenir au 17 e siècle, avec sa relative autonomie des institutions provinciales ('patries charnelles') au sein de la 'France patrie historique'... Faut-il, comme le font certains courants petits et moyens bourgeois (entrepreneuriaux ou intellectuels) de Savoie et du pays de Gex, de Franche-Comté ou d’Alsace, regarder vers la Suisse et son modèle confédéral, qui semble se combiner avec une grande ‘sérénité’ politique et une grande prospérité économique ? NON, car si la Confédération helvétique semble effectivement assurer la cohabitation ‘harmonieuse’ de quatre nationalités (alémaniques, romands, tessinois et romanches), c’est une construction politique BOURGEOISE, capitaliste, et en tant que telle, secouée de contradictions. En tant que ‘pays-banque’ hébergeant des capitaux de toute l’Europe et du monde entier, notamment à travers la puissante UBS (Union des banques suisses), elle semble résister à la crise générale que nous traversons, mais elle n’en est pas moins (justement) totalement insérée dans le système capitaliste mondial, sa crise et ses contradictions. En témoignent le durcissement xénophobe croissant (la culture dominante suisse n’ayant jamais été très ‘xénophile’...) à l’encontre des travailleurs frontaliers ‘français’, qui concurrencent la force de travail helvétique ; et à l’encontre des travailleurs immigrés de toute origine (avec le référendum 'anti-minarets' etc.)... Car la Suisse et sa prospérité, c’est aussi cela : une ‘cité grecque’ reposant sur 22% d’étrangers (à 90% des prolétaires), qui n’ont évidemment (comme étrangers) aucun droit politique. Et les ‘faces cachées’ de ce style seraient également légion si l’on nous parlait du modèle fédéral allemand ou autrichien, sans même parler des ‘autonomies’ d’une Espagne ou d’une Italie qui coulent à pic dans la crise. Faut-il alors envisager l’indépendance pure et simple de toutes les nations, pourquoi pas dans une Europe de type fédéral ? Oui et non... Car, comme Lénine le disait déjà dans sa critique des ‘ÉtatsUnis d’Europe’ (idée avancée par certains à son époque), tout dépend du contenu politique et (donc) de classe que l’on y donne. L’indépendance d’une nation opprimée, vis-à-vis d’un État (avec sa 'nation-centre’) oppresseur, peut avoir un sens dans une démarche révolutionnaire, la nation concernée se constituant alors en ‘base rouge’ pour les masses de tous les États réactionnaires qui l’entourent. C’est ce qu’a fait l’ex-colonie française du Vietnam dans les années 1945-75 ; et c’est ce qu’a voulu faire la colonie française d’Algérie dans les premières années de son indépendance, ou la colonie belge du Congo avec Patrice Lumumba ; ou ce qu’a voulu, dans les années 1960-70, faire Cuba (protectorat US de fait avant 1959) ; et il n’y a aucun obstacle à ce que cela puisse se produire en Europe (Cuba, par exemple, est aussi proche des États-Unis que la Corse de la ‘France’ !). Et il est évident que, lorsqu’une grande partie de l’Europe sera entrée en révolution, le niveau d’intégration économique légué par le capitalisme imposera la fédération continentale des nations socialistes comme une évidence (mais il l’impose déjà, depuis plus de 50 ans, aux États capitalistes et là, comme l’annonçait déjà Lénine en 1915, le fédéralisme européen est ‘ou bien impossible, ou bien réactionnaire’). En revanche, l’indépendance perd de son sens si c’est l’ensemble d’un État bourgeois qui entre en révolution : à ce moment-là, la communauté politique formée par celui-ci va se réorganiser sur des bases démocratiques, mettant fin à la ‘hiérarchie’ politique, économique et culturelle des nations le composant, mais il n’y aura plus vraiment de sens à être ‘indépendant’ au sens juridique international actuel du terme, ou alors, ce sera une indépendance-(libre-)association, sans la signification hostile qu’a l’indépendance d’une nation opprimée vis-à-vis de la nation dominante d’un État oppresseur. C’est ce qui s’est produit dans l’Empire russe des tsars après la Révolution de 1917, et ce qui a été ébauché dans l’État espagnol pendant la guerre antifasciste de 1936-39 (hélas perdue). Car le fait que la ‘relation internationale’ soit un rapport d’oppression est évidemment fondamental. Par exemple, si l’on prend le diasystème germanique : soit l’on considère chaque dialecte comme une simple ‘branche’ de la nation allemande, et cela ouvrirait (et a déjà ouvert, par un passé de sinistre mémoire...) à des idées ‘pangermanistes’ de rattachement de l’Autriche, de la Suisse alémanique, de l’Alsace-Moselle voire des Pays-Bas et de la Flandre. Soit, l’on considère que chaque dialecte ou en tout cas chaque ‘groupe’ de dialectes est une nation : ouf, les PaysBas, la Flandre, la Suisse et l’Alsace sont saufs, mais il faudrait alors démembrer l’Allemagne et peut-être même l’Autriche, ou éventuellement rattacher la Bavière à l’Autriche et le BadeWurtemberg à la Suisse, etc. etc. Mais voilà, quel sens tout cela aurait-il ??? Si, en République fédérale d’Allemagne, les masses populaires peuvent se plaindre de beaucoup de choses, mais personne (sauf peut-être quelques bourgeois bavarois) ne se plaint d’être allemand, personne ne perçoit cela comme une oppression nationale ; et si, au contraire, de par l’histoire récente, cela serait perçu comme une oppression en Autriche, en Alsace ou aux Pays-Bas, où personne ne se plaint de ne pas être allemand, pourquoi changer quoi que ce soit ? Le 'job’ de la révolution, c’est d’abattre l’oppression, pas de sodomiser les diptères pour déterminer qui est une nation et qui ne l’est pas, afin que chaque nation corresponde exactement - au hameau près - à un État[5]. Tout dépend donc du contenu, révolutionnaire (libération nationale) ou bourgeois, réactionnaire, du mot d’ordre. Ainsi, l’idée d’indépendance actuellement mise en avant par une partie importante de la bourgeoisie catalane, est 100% bourgeoise et réactionnaire, 0% libération nationale. Ce n’est là qu’une réédition de ce que l’on peut ou a pu voir, depuis longtemps déjà, en Flandre, parfois en Alsace ou en Savoie, et en Italie du Nord : la revendication séparatiste d’une bourgeoisie prospère, dynamique, tournée vers la dorsale économique européenne, et qui ne veut plus ‘payer’ pour les 'bons à rien’ et la ‘racaille’ de Wallonie, du Mezzogiorno, des ‘banlieues’ de Paris, Lyon et Marseille ou – ici – du sud de la péninsule, beaucoup plus déshérité. Dans une telle ‘indépendance’, il va de soi que la condition des masses populaires de Catalogne ne changerait pas d’un iota - peut-être bénéficieraient-elles, un temps, d’une meilleure ‘politique sociale’... au détriment des prolétaires d’Andalousie, de Murcie, des Canaries ou d’Estrémadure ; mais c’est tout. Les sinistres mossos d'esquadra continueraient à tabasser la jeunesse populaire à coups de matraques, ou à foncer sur la foule en estafette toutes sirènes hurlantes, pour s'amuser. La Catalogne indépendante serait un pays impérialiste, mais un petit impérialisme (de la dimension du Danemark ou de l’Autriche), qui devrait nécessairement se placer sous la ‘suzeraineté’ d’un plus grand : très probablement l’axe francoallemand dirigeant l’Union européenne (la bourgeoisie flamande, elle, se tournerait plus vraisemblablement vers le bloc anglo-américain). La bourgeoisie catalane, elle (petite, moyenne et grande), sablerait certainement le champagne le soir de l’indépendance : enfin, elle ne paierait plus de ‘taxes’ et autres ‘charges’ au bénéfice des culs-terreux, feignasses, alcoolo-toxicomanes et autres gitans andalous ! Mais voilà que, dans un capitalisme en crise générale et face à un prolétariat de Catalogne à la longue tradition de conscience de classe, de combativité et d’organisation, l’appareil politico-militaire ‘Espagne’ pourrait venir à lui manquer... Madrid, de son côté, ne bénéficierait plus des rentrées fiscales catalanes (et basques, s’il prenait à ceux-ci la même idée) pour financer ses troupes de sabreurs, face aux remuants journaliers agricoles andalous, aux jeunes prolétaires des banlieues madrilènes et aux ‘féroces’ mineurs asturiens et léonais (dont la bourgeoisie, elle, se garde bien de demander une quelconque ‘indépendance’...). Le ‘pacte’ bourgeois de 1975-78 rompu, le ‘système Espagne’ courrait sans doute très vite à l’implosion ; ce serait, peut-être, le seul aspect positif de la chose [le problème ne se pose pas du tout dans les mêmes termes en ‘France’, car aucune ‘indépendance’ bourgeoise, même de l’Alsace ou de l’Arpitanie, ne laisserait Paris ‘une main devant, une main derrière’]. Non, la réalité, c’est que tout ce que nous avons vu – les duchés féodaux et l’émergence des nations et du capitalisme, la formation et le développement des États modernes, parallèlement au développement colossal du capitalisme, les révolutions bourgeoises qui ‘prennent le contrôle’ des États modernes, les ‘rénovent’ et les font fonctionner pour leur compte (États bourgeois contemporain), l’émergence à travers tout cela duprolétariat – est un long processus historique et DIALECTIQUE, procédant par négation de la négation. L’Empire romain, ‘sommet’ civilisationnel du mode de production esclavagiste antique en Europe- Méditerranée, est entré en décadence à partir du 3 e siècle pour s’effondrer au 5e (en Occident) et au 7e (en Orient, face aux Arabes). Les siècles qui suivirent, jusqu’au 10 e, furent sombres, chaotiques : un douloureux accouchement de l’histoire. Mais finalement, sous l’égide des nouvelles classes dominantes (aristocratie terrienne/militaire et clergé), le mode de production féodal finit par montrer sa supériorité économique, et de là, civilisationnelle : c’est l’époque de nos grands duchés, comtés, royaumes, républiques patriciennes urbaines (déjà, en Italie : Venise, Amalfi, Pise), et émirats (Andalousie, Sicile) féodaux, de leur rayonnement économique et culturel, technique et scientifique, de l’émergence du capitalisme et de nos nations modernes. À travers les sombres siècles mérovingiens et carolingiens, ce qui précède a donc nié l’Antiquité romaine – qui, elle-même, avait précédemment nié les réalités politico-sociales archaïques antérieures, comme les cités gauloises. Mais, dès la fin du 12e siècle, ce mode de production féodal entre lui-même en crise (pour disparaître, au sens ‘strict’, avant 1500) : c’est alors un processus de concentration des domaines féodaux, donnant naissance aux États modernes. Ceux-ci favorisent le développement exponentiel du mode de production capitaliste (d’ailleurs, dès Philippe le Bel, de grands bourgeois sont ‘de la partie’, au ‘conseil’ du souverain) : autrement dit, comme tout mode de production à son ‘stade suprême’ et (en réalité) pourrissant, la féodalité engendre en masse ses propres fossoyeurs (beaucoup de grands aristocrates le sentent bien et, du coup, se dressent contre la centralisation monarchique, sans succès). La bourgeoisie exploite à fond la ‘niche écologique’ de l’État monarchique jusqu’aux 17e-18e siècles... puis s’en empare, ‘dégageant’ l’aristocratie et le clergé des ‘niches’ (bureaucratiques, militaires, judiciaires, rentières de Cour) qu’ils occupaient, et modernisant l’appareil pour le mettre en pleine adéquation avec ses intérêts de classe. Toute cette séquence historique a donc nié l’apogée féodale de l’An Mille et ses duchés ; ce faisant, elle a nié politiquement et subordonné économiquement (à la fraction dominante, francilienne, de la bourgeoisie) les nations qui s’étaient alors créées. Celles-ci ont cependant subsisté comme réalités populaires, dans la culture et le ‘sentiment’ des masses, même bien après la Révolution bourgeoise ; et ont même plutôt bien résisté (si l’on en juge les revendications culturelles qui n’ont jamais cessé, et ont connu un grand regain depuis les années 1960-70) à la tentative de négation totale (même comme réalité populaire), entreprise par la bourgeoisie sous direction francilienne dès la Révolution, et surtout à partir de son entrée dans le stade monopoliste/impérialiste. La crise générale du capitalisme (qui n’a jamais ‘accouché’ l’histoire sans douleur), plongeant l’humanité entière dans un cycle de souffrances et de barbarie sans nom depuis près d’un siècle et demi, est une évidence qu’il ne sera pas utile de démontrer ici. Sa négation est donc à l’ordre du jour, ainsi que celle de ses appareils politico-militaires et idéologiques que sont les États dans lesquels nous vivons. Dans ce contexte, les nations niées politiquement par le processus de construction des États modernes peuvent-elles ‘revenir’ ? OUI... mais pas sous leur forme d’il y a 1000 ans. Car une réalité donnée (politique, économique, sociale, culturelle) ne peut être niée que par une réalité SUPÉRIEURE. Et cette réalité supérieure aujourd’hui, c’est la RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE, la prise de pouvoir des masses populaires par et pour elles-mêmes, sous la direction politique du prolétariat. Les nations ‘nées en l’An 1000'[6] ont vu la classe dominante de l’époque (aristocratique et féodale) quasiment disparaître en tant que classe, et leur bourgeoisie s’‘intégrer’ au 'système France’, se 'satelliser’ (non sans contradictions, traînements de pieds et grognements) à la bourgeoisie 'française au sens strict’ (Bassin parisien), dans un 'état-major intégré’ de l’appareil politico-militaire 'France’. Elles n’existent plus, on l’a dit (malgré l’offensive plus-que-centenaire de l’appareil idéologique monopoliste), que comme réalités populaires. La question nationale (et la contradiction Centre/Périphérie de manière générale) est aujourd’hui une question démocratique. Et la seule réalité supérieure susceptible de résoudre ces contradictions, ces questions démocratiques, en niant les États bourgeois et le capitalisme dont ils sont l’appareil politico-militaire et idéologique, c’est la révolution prolétarienne ; qui est la démocratie la plus absolue au sein du peuple et la dictature la plus ferme du prolétariat contre les ennemis et les oppresseurs du peuple ; sous la forme de la Commune populaire qui, se fédérant à différents échelons territoriaux, verra renaître peu ou prou – sans pratiquement aucun doute – les nations de l’An Mille niées par le processus historique État moderne monarchique/État bourgeois contemporain… mais renaître à un niveau supérieur, sous la direction de la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout, c'est-à-dire jusqu’au communisme universel : le prolétariat. Et tout cela ‘tombe bien’, car ce prolétariat, force sociale qui ‘porte’ en elle ce gigantesque ‘saut de civilisation’, est devenu pléthorique, numériquement hégémonique dans les masses populaires de toutes les nations d’Europe et de Méditerranée comme du globe. Il s’est formé, on l’a dit, tout au long de l’expansion du mode de production capitaliste qui a ‘accompagné’ la construction des États modernes. Et par la suite, avec la Révolution bourgeoise et la révolution industrielle permise par elle, puis - encore plus - avec l’entrée dans l’ère des monopoles et de l’impérialisme (fin du 19e s.), il a connu un développement spectaculaire, tandis que le capitalisme, lui, cherchait à modeler toute la société à son image. Le capitalisme a subsumé toute la vie sociale, c’est à dire qu’il a subordonné tous les rapports sociaux entre personnes et groupes de personnes, toutes les règles écrites et nonécrites de vie en société, à son objectif de valorisation du capital. Cette subsomption accompagne, comme conséquence logique, l’explosion du rapport social salarial dans la population active : au milieu du 19e siècle, une majorité (plus de 50%) de la population est encore non-salariée (paysans, artisans et commerçants indépendants ou petits patrons). En 1906, on estime qu’encore 44% de la population ‘vit de la terre’ (on compte peut-être, dans ce chiffre, les journaliers - ouvriers agricoles - qui disparaîtront pratiquement par la suite avec la mécanisation et le recul général de la production agricole en Hexagone ; mais la très grande majorité est exploitante familiale, propriétaire ou locataire - fermiers, métayers - de sa terre). Évidemment, ces chiffres sont ‘nationaux’ : ils sont beaucoup plus importants dans les régions ‘reculées’ des nations constitutives ; tandis que le salariat (alors essentiellement ouvrier) se concentre dans les grandes agglomérations (Paris, Lyon, Marseille) et les grandes régions industrielles (Nord, Lorraine, région marseillaise, région lyonnaise-stéphanoise), ou dans quelques ‘bassins’ industriels isolés en zone rurale, comme le Creusot, Carmaux ou Decazeville, les grandes vallées des Alpes etc. Spécificité ‘française’, il existe alors une assez importante ‘industrie rurale’, comme l’horlogerie du Jura ou la chaussure en Iparralde, qui emploie (parfois de manière uniquement saisonnière) une main d’œuvre également agricultrice, à titre ‘complémentaire’. Aujourd’hui, ce sont quelques 91% de la population active qui sont salariés ; et ce taux ne descend guère au dessous de 75% même dans les régions les plus ‘reculées’. Pour ce qui est du revenu individuel moyen (revenu du 'ménage’ divisé par le nombre d’unités de consommation), il est pour une majorité de ces salariés inférieur à 1500 euros par mois, et pour près de 40%, inférieur à 1300 euros, ce qui en fait assurément des prolétaires ou assimilés (et il tend à être encore inférieur pour une grande majorité des agriculteurs et ‘indépendants’). Et ce taux est, cette fois, nettement plus important dans les zones ‘reculées’, et lorsque l’on s’éloigne des grandes agglomérations (de, disons, 200.000 habitant-e-s ou plus). La carte des taux de pauvreté en Hexagone désigne sans ambiguïté les périphéries occitane, corse, ‘nordiste’ et lorraine (ainsi que le grand ghetto à ‘colonies intérieures’ du ‘9-3‘) ; la Bretagne a un niveau de vie très ‘moyen’ (de l’ordre de 1400 euros par mois) avec peu de très pauvres et - également - peu de très riches, mais elle se caractérise par une très forte proportion de jeunes dans les bas revenus, signe de ‘déclassement’, de ‘vivre moins bien que ses parents’, qui est un important ferment révolutionnaire (et de fait, cela se confirme par la très jeune moyenne d’âge du mouvement progressiste autour de la question nationale). C’est ce phénomène qui a impulsé, dès l’entre-deux-guerres mais surtout depuis les années 1960, le ‘réveil’ des consciences populaires nationales dans un sens démocratique et progressiste, voire révolutionnaire (marxiste ou libertaire)[7] ; alors que jusqu’à la Révolution industrielle (incluse), souvent encadrées par la noblesse locale et le clergé contre la centralisation et le ‘modernisme’ monarchique puis bourgeois, les expressions de cette conscience allaient souvent dans un sens réactionnaire, tourné vers le passé, malgré des exceptions notables [protestantisme (alors progressiste) des Guerres de religion, Corse de Paoli, ‘parti’ girondin de la Révolution bourgeoise (anti-centralistes et légèrement moins ‘sociaux’ que les jacobins, mais pas moins républicains, d’ailleurs ralliés par beaucoup de ’huguenots’) ; ou encore le ‘démocrate-socialiste’ de 1848 et véritable ‘père’ de la libération nationale basque, Agosti Xaho]. Le même phénomène concerne aussi, au demeurant, l’ancien Empire colonial, avec la nouvelle division internationale du travail depuis les années 1960-70 (couramment appelée ‘mondialisation’) : le capitalisme y a massivement subsumé la vie sociale, encore à bien des égards traditionnelle il y a seulement 40 ans ; entre 2010 et 2015, prise dans son ensemble, l’Afrique subsaharienne devrait connaître une croissance économique supérieure à celle du Brésil ou de l’Inde. Ceci, bien entendu, accompagné d’inégalités, d’injustices, d’une pauvreté et de violences antipopulaires effroyables, et ‘étranglé’ dans les structures bureaucratiques au service de l’impérialisme, développant la conscience révolutionnaire dans les masses, comme on a pu le voir depuis 2 ans au nord du Sahara (mais aussi au Sénégal et au Burkina). Et nos colonies intérieures hexagonales ont conservé des liens étroits avec les masses populaires de ces pays[8]... C’est donc la révolution prolétarienne qui est l’actualité de notre époque ; avec pour mission historique de libérer l’humanité des chaînes de l’oppression ; et - entre autres - de l’oppression nationale et de la contradiction Centre/Périphérie. Quelque part, finalement, la bourgeoisie révolutionnaire des 18e-19e siècles a fait devant les masses de grandes proclamations démocratiques, mais en appui à son mode de production (qui s’était développé dans ce cadre), elle a conservé intact, en le modernisant, l’appareil-politicomilitaire de l’État moderne. Aujourd’hui, réaliser ces ‘promesses démocratiques non-tenues’ relève historiquement de la révolution prolétarienne. Car la réalité, c’est que si l’époque des révolutions bourgeoises a donné naissance à l’idée démocratique (avec, notamment, Rousseau), elle ne l’a en pratique jamais réellement mise en œuvre, sauf dans de courtes tentatives comme la Convention (1792-94) – qui se disloqua sous la contradiction entre bourgeoisie centraliste jacobine et anti-centraliste girondine. Tout simplement parce que, appliquée en toute cohérence, elle est incompatible avec le mode de production capitaliste lui-même : la liberté essentielle à celui-ci, liberté d’entreprendre et d’exploiter la force de travail pour valoriser son capital et s’enrichir personnellement, est contradictoire avec à peu près toutes les libertés individuelles et publiques des travailleurs, des personnes qui vendent leur force de travail ; ne serait-ce que, pour commencer, la liberté d’esprit critique qui aboutirait inévitablement à le remise en cause du ‘système’. L’idée démocratique n’est pas, en fait, l’expression directe des intérêts de la bourgeoisie ; mais de sa nécessité, face aux classes réactionnaires féodales (ou face aux rivaux capitalistes de chaque État bourgeois…), de mobiliser les plus larges masses possibles du peuple. C’est la fameuse opposition entre ‘démocratie formelle’ et ‘démocratie réelle’, mise en avant par les intellectuels de gauche ‘radicaux’ et les mouvements contestataires comme les altermondialistes ou les actuels Indigné-e-s/Occupy. Sauf que, ce que ces intellectuels et ces mouvements ne comprennent pas, c’est que cette contradiction n’a pas de solution possible dans le capitalisme. La ‘démocratie formelle’ bourgeoise n’est que (dans le meilleur des cas) la forme et le paravent de la dictature de la bourgeoisie dans tous les domaines, économique, administratif, intellectuel etc. ; ‘démocratie’ inexistante dès lors que se referme la porte du ‘boulot’, de l’université ou de l'école, de votre banquier ou de votre propriétaire, dès qu’il s’agit de passer en caisse quelque part, ou même pour ce que vous allez regarder à la télé ce soir (abrutissement organisé et contrôle idéologique des esprits par la classe dominante) ; tandis que la démocratie ‘réelle’, elle, n’est que la base de (et a pour condition) une autre dictature, la dictature du prolétariat, à la tête des classes populaires, contre les classes exploiteuses et la contre-révolution nationale et internationale. La mise en œuvre réelle des belles idées démocratiques de la révolution bourgeoise est possible... mais c’est une tâche qui relève de la révolution prolétarienne. Voilà la vérité. La bourgeoisie a récupéré – en l’adaptant – l'appareil politico-militaire de la monarchie absolue, par souci d’efficacité, et parce que ses objectifs politiques (expression de ses intérêts économiques) n’étaient pas démocratiques et ne l’ont jamais été, sauf pour une poignée d’avocats, de médecins, d’intellectuels et d’artistes divers, de cadres administratifs (pas des bourgeois d'entreprise, donc), qui, appuyés sur les ouvriers et les travailleurs indépendants pauvres de Paris, contrôlèrent la République de septembre 1792 à juillet 1794 ; et qui forment aujourd’hui les chefs de file de ce que l'on appelle la gauche. Détruire cet appareil politico-militaire hérité de la monarchie et sa machine idéologique ; en finir avec l’exploitation du travail et toutes les oppressions ; et, entre autres, en finir avec les oppressions culturelles nationales et l’oppression économique et sociale Centre/Périphérie, ne peut être l'œuvre que des masses populaires organisées sous la direction du prolétariat. La Guerre populaire jusqu'au communisme, stratégie UNIVERSELLE de négation du capitalisme (désormais monopoliste et mondialisé) par le communisme, est, comme Servir le Peuple l'explique depuis maintenant plusieurs années, une GUERRE DE CLASSE entre le prolétariat international et la bourgeoisie monopoliste, dont le champ de bataille est les masses populaires, et le sens de déploiement un ENCERCLEMENT DES CENTRES (du pouvoir politique, économique, culturel) PAR LES PÉRIPHÉRIES. Dans la Chine des années 1930-40, Mao expliquait, en somme, que le prolétariat et son avant-garde révolutionnaire (le Parti) étaient les 'pilotes' du processus révolutionnaire, mais que la lutte de la paysannerie pauvre et du semi-prolétariat des campagnes en était le moteur. Ainsi, dans chaque État bourgeois compris comme état-major de classe de la bourgeoisie, les communistes révolutionnaires doivent se dresser comme état-major de classe 'intégré' du prolétariat des différentes nations, entraînant derrière lui les autres classes populaires, et doivent déterminer quelles sont les 'villes' et les 'campagnes' qui encerclent les 'villes'. Dans l'État bourgeois 'France', le Parti communiste révolutionnaire est cet état-major 'intégré' qui dirige la révolution prolétarienne, la Guerre populaire dont les 'campagnes' sont les périphéries, les 'territoires de relégation' déshérités urbains ou suburbains, industriels ou ruraux ; et un 'moteur' essentiel de ce processus de négation de l'ordre capitaliste existant est la lutte populaire des nations absorbées par la construction de l'État moderne, comme nous l'avons longuement vu ici, et des colonies intérieures fruit du colonialisme d'hier et du néo-colonialisme d'aujourd'hui. Seule une compréhension juste de cela peut permettre aux prolétaires de l'État 'France', comme bataillon local du prolétariat mondial, de venir à bout de cette ennemie des peuples de tout premier plan qu'est la 'France' impérialiste ! La lutte qui se joue ici est, ne l'oublions pas, une petite mais essentielle bataille de la Grande Révolution prolétarienne mondiale. Les masses populaires de chaque nation du globe, organisées en fédération de Communes populaires, formeront alors, à terme, un simple ‘quartier’ de la grande Cité universelle communiste ! [1] Après une première tentative d'annexion sous Louis XIII, la 'Guerre de Dix Ans' (1634-44), guerre d'extermination qui voit mourir les 2/3 de la population comtoise de l'époque... [2]Il faut peut-être, à vrai dire, prendre la question ‘à l’envers’ : ce n’est pas la langue qui fait une nation… c’est la nation qui fait une langue, ou plutôt, les deux sont dans une interaction dialectique (la nation engendre la langue qui ensuite, renforce l’unité et la conscience nationale). Si à partir d’un ‘tronc’ commun (comme le latin ou l’ancien germain), la langue comme moyen de communication entre les personnes se différencie au-delà du dialectal (au-delà de l’’argot’, du ‘patois’ ou de la prononciation de certains phonèmes), ou encore si une langue comme le basque ou le breton 'résiste’ à tous les envahisseurs successifs, c’est bien qu’il y a à la base une vie économique commune (vie économique productive, les liens commerciaux, eux, ayant toujours existé entre nations différentes), et distincte des autres groupes humains parlant une autre langue – le critère essentiel de Staline. Cette vie économique n’est pas nécessairement capitaliste, mais l’émergence du capitalisme (ou le ‘contact’ avec celui-ci) fonde la nation au sens MODERNE. De même, il y a souvent un sentiment de communauté politique distincte, même soumis à une autre nation, la communauté politique étant alors ressentie dans l’oppression. Par la suite, à l’époque des États modernes, le critère ‘langue’ peut régresser considérablement, sans que le sentiment de communauté économique et politique ne disparaisse. Mais aussi, un sentiment de communauté productive et politique peut être amené à englober deux populations parlant un idiome différent, ou à séparer (au contraire) deux populations parlant une langue quasi identique. C’est ainsi que les Irlandais restent une nation, alors même que le gaélique a pratiquement disparu et qu’ils parlent ultra-majoritairement anglais. C’est ainsi, comme l’explique Staline, que des populations séparées par des milliers de kilomètres, rendant la vie productive commune impossible, comme les Américains ou les Australiens avec l’Angleterre, les Québécois avec la France, les latinoaméricains avec l’Espagne ou les Brésiliens avec le Portugal, ne peuvent en aucun cas former une même nation, même si la langue est pratiquement la même, ne variant qu’au niveau ‘argotique’ et de la prononciation. Et c’est ainsi, selon SLP, qu’avec une vie productive et politique commune pendant plusieurs siècles, un ensemble humain parlant deux langues différentes (comme les Bretons ou les Franc-comtois) peut constituer une nation. [3]Tout cela est absolument fascinant, et se constate également dans les pays voisins, par exemple en Europe germanique. Ainsi, si l’on compare cette carte du diasystème (ensemble de dialectes fortement intercompréhensibles) allemand, avec celle-ci des duchés du Saint-Empire vers l’An 1000, les correspondances sont absolument surprenantes... La Bavière, l’Ostmark et la Carinthie correspondent quasi parfaitement au groupe dialectal austro-bavarois, le duché de Souabe au groupe alémanique (Suisse, BadeWurtemberg, Alsace), la Haute-Lorraine et la Franconie au groupe francique rhénan/franconien (dont fait partie le mosellan), le duché de Saxe au groupe bas-saxon/westphalien/ostphalien, la Basse-Lorraine et la Frise (plus le comté de Flandre, en Francie occidentale) au groupe néerlandais (hollandais, flamand, basrhénan, limbourgeois) - sauf la Wallonie de langue romane, la Nordmark au groupe 'makois’, etc. etc. Autant de correspondances qui tendent encore à démontrer que 'les nations (et leurs 'branches’) sont nées en l’An Mille’. [4]Cette période, des 14e-15e siècles, marque en fait l’expression et l’EXPLOSION de toutes les contradictions de la féodalité en Europe. La Guerre de Cent ans (voir ici la liste des belligérants) touche également la péninsule ibérique (guerre civile de Castille dans les années 1370, alliance navarro-portugo-anglaise et arago-française), l'Ecosse (alliée de la 'France'), et se prolongera contre les ducs de Bourgogne jusqu’en 1477 (soit un total de 140 ans de conflit en ‘France’), tandis que l’Angleterre sera ravagée par la guerre civile des Deux Roses de 1455 à 1485. Elle verra l'apparition de techniques militaires nouvelles : d'abord le recours massif aux archers ; puis (à la fin du conflit) l'artillerie. Concomitamment (et même dès le 13e siècle), le Saint-Empire est déchiré par les Reichskrieg et - surtout l’Italie par l’affrontement entre guelfes (partisans du Pape) et gibelins (partisans de l’Empereur romain germanique) et entre cités maritimes (Gênes, Pise, Venise) ; puis la chrétienté entière par le Schisme d’Occident (papauté d’Avignon, 1378-1417), qui exprime l’affrontement entre les Capétiens et le Saint-Siège. Jusqu’à cette période (jusque vers 1300 environ), on peut schématiquement parler de mode de production principalement féodal et d’époque des grands domaines féodaux (qui se concentrent par mariage et héritage, acquisition, guerre) ; ensuite (à partir de la fin du 15e siècle), on peut parler de mode de production capitalo-féodal (à l’équilibre, l’aristocratie/clergé remplissant des tâches bureaucratiques et militaires, et vivant - économiquement - de manière rentière parasitaire) et d’époque des États modernes absolutistes ; jusqu’à la fin du 17e siècle qui ouvre l’époque du triomphe du capitalisme, des révolutions bourgeoises et des États bourgeois contemporains. [5] Ce à quoi l’on pourrait répondre : "et qui donc en Occitanie, ou même en Bretagne, au Pays basque, en Corse voire dans les ‘DOM-TOM’, sinon une minorité, se plaint d’être français ?"… Certes, sauf que : 1/ personne ne se pose la question de savoir si l’occitan ou l’arpitan, et à plus forte raison le corse, le basque, le breton ou l’alsacien, toutes langues encore largement pratiquées, et massivement parlées avant la dernière guerre mondiale, sont des langues ou un diasystème du français ; quant à ce qui est de la culture… on peut même se demander s’il existe réellement, au niveau populaire, une culture française (si l’on laisse de côté la culture académique dont nous gratifie – presque – quotidiennement Voie Lactée, et la sous-culture diffusée par la télévision), 2/ de par son unification politique récente, et son organisation politique fédérative depuis (hors IIIe Reich), la question de la contradiction centre/périphérie ne se pose pas du tout dans les mêmes termes en Allemagne : tout ne ‘tourne’ pas autour de Berlin comme tout ‘tourne’ autour de Paris et de ‘dorsale’ Rhône-Seine en Hexagone, les 'centres’ économiques et culturels sont très nombreux Hambourg, Munich, Francfort, Cologne et la Ruhr, etc. 3/ le recul très récent (une centaine d’année) des langues et des consciences nationales résulte en ‘France’ d’une politique d’imposition volontariste et institutionnalisée, qui n’a pas d’équivalent outre-Rhin, là encore hors IIIe Reich. D’une manière générale, pour ce qui est de ‘se sentir’, il n’y a pas de problème : les gens ‘se sentent’ occitans (en tout cas, provençaux, languedociens, marseillais, toulousains, gascons etc.), corses, bretons, alsaciens, ch’ti, basques etc. Le problème est qu’ils se sentent aussi ‘français’, dans le sens d’une adhésion idéologique au système politico-social ‘République française’, ce qui est une aliénation, imposée par la bourgeoisie à travers ses 220 ans de pouvoir. C’est cela qu’il s’agit de combattre. Le fait que les Irlandais se ‘sentaient’ sans problème irlandais, mais AUSSI ‘britanniques’ et loyaux sujets de Sa Majesté, était une réalité idéologique bien présente au temps de James Connolly, à la veille de Pâques 1916 (c’est essentiellement la grande boucherie de 1914-18, avec le sacrifice inutile de milliers d’Irlandais aux intérêts de la City, et l’effet conjugué de la Révolution russe et du ‘droit des peuples’ proclamé par le président US Wilson, qui firent évoluer cela). [6] Une nation, c’est schématiquement : 1/ une masse populaire productive et 2/ une classe dominante qui, à la fois, ‘régente’ et exploite celle-ci. [7]Dès l’entre-deux-guerres, voire le début du 20e siècle, mais surtout dans les États bourgeois voisins : républicanisme socialiste irlandais de Connolly, mouvement républicain, socialiste et anarchiste en Catalogne et en Andalousie (très lié à la question nationale), émergence d’un gauche abertzale avec l’Action nationaliste basque (ANV, 1930), qui ‘tirera’ le conservateur et catholique PNV dans le camp de la République, sans oublier Gramsci, un des plus grands communistes de son temps, sarde de naissance et qui étudiera en profondeur la question de l’oppression du Mezzogiorno. La ‘France’ restait, elle, trop dominée par une petite paysannerie (propriétaire ou fermière) et une ‘ruralité’ de petits artisans/commerçants, encadrés idéologiquement par les propriétaires fonciers (ex-nobles) et l’Église, dans un sens conservateur (légitimisme, bonapartisme). [8] Là encore, jusqu’aux années 1920 (Révolution bolchévique), la résistance de ces nations colonisées était souvent passéiste : nostalgie du califat musulman ou des grands royaumes africains pré-coloniaux, des Empires inca ou aztèque, de l’organisation sociale communautaire primitive là où elle existait, etc. En finir avec la 'France' (3) : l'État bourgeois contemporain et nos tâches Cet article s’inscrit dans le prolongement de la longue étude déjà menée par SLP, sur la manière dont s’est constituée la ‘France’ comme appareil politico-militaire et idéologique d’oppression et d’exploitation des masses laborieuses, sur le territoire géographique que nous connaissons (la carte qui orne toutes les salles de classe à l’école) et qui englobe plusieurs nations (que ce processus a niées politiquement). C'est là quelque chose de très important, pour ne pas dire fondamental. Car, en dernière analyse, tous les échecs – souvent sanglants – de la révolution prolétarienne dans cette entité étatique, depuis le ‘premier communiste’ Gracchus Babeuf jusqu’à nos jours en passant par 1848, la Commune, le Front populaire et la Libération, les mouvements populaires de 1968-75 ; et les lamentables piétinements comme nous connaissons depuis un quart de siècle, peuvent se résumer en ces termes : le mouvement communiste hexagonal n’a jamais réellement saisi la question de l’État. C’est donc dans les toutes dernières années du 18 e siècle et les premières du 19 e, à partir de 1789, que l’État dans les frontières duquel nous vivons (et dont nous avons, précédemment, longuement parcouru la formation géographique, la construction politico-militaire et – parallèlement – les constructions nationales sur le territoire qui est le sien) entre dans sa forme contemporaine, c’est-à-dire, qui est toujours grosso modo la sienne aujourd’hui ; à travers un évènement MAJEUR, d’importance MONDIALE, duquel les historiens font classiquement débuter l’époque dite (précisément) ‘contemporaine’ : la Grande Révolution bourgeoise française, et ses répercussions (durant près d’un siècle) à travers toute l’Europe et le monde entier (en particulier l’Amérique latine). C’est que, après plus de trois siècles d’époque dite ‘moderne’, depuis la sortie du Moyen-Âge, avec la consolidation des États modernes (notamment, avec la fin de la Guerre de Cent Ans et l’unification espagnole), suivie dans la foulée des ‘Grandes découvertes’ dont celle des Amériques, le niveau des forces productives apporté à l’humanité par le développement du capitalisme exigeait, de toutes ses forces, un tel séisme politique à ‘onde de choc’ planétaire, déjà préfiguré par les révolutions parlementaires anglaises du 17e siècle, la révolution corse de 1729-69, la révolution/guerre d’indépendance américaine de 1775-83, ou encore les tentatives de ‘despotisme éclairé’ (autocratisme modernisateur anti-féodal) d’un Louis XV, d’un Frédéric II de Prusse, d’une Catherine II de Russie, ou d’une Marie-Thérèse et d’un Joseph II d’Autriche. Et c’est dans l’État dénommé ‘France’, alors le plus peuplé d’Europe (devant même la Russie), ayant sans doute (cela n’était certes pas mesuré à l’époque...) le plus important ‘PIB’ de la planète (même si le PIB par habitant pouvait sans doute être plus élevé ailleurs, en Angleterre ou aux Pays-Bas par exemple), et dont la langue et la culture des classes dominantes (aristocratie et grande bourgeoisie) étaient mondialement l’équivalent de l’anglais et de la culture nord-américaine aujourd’hui ; bref, le Centre du monde de l’époque, que cette contradiction entre le niveau de développement capitaliste et les vieilles scories féodales devait atteindre son intensité maximale et finalement exploser – car la révolution bourgeoise est une révolution qui éclate et se déploie depuis le CENTRE vers la Périphérie, et non l’inverse. Il faut bien comprendre, à ce sujet, que les révolutions bourgeoises n’interviennent pas à l’aube du capitalisme, comme nécessités pour le développement de celui-ci. À ce stade, la bourgeoisie capitaliste ‘fait son nid’ dans le cadre politique (semi-féodal semi-grand-bourgeois) de l’État moderne, ce que les historiens appellent communément la monarchie absolue. C’est ce qui s’est produit en ‘France’, où cet État s’est d’abord construit entre la fin du 12 e et la fin du 15e siècle (entre Philippe Auguste et Louis XI), avant de devenir le cadre de l’accumulation capitaliste entre la fin du 15 e siècle et 1789. C’est ce qui s’est produit en Grande-Bretagne où l’État s’est construit entre Guillaume le Conquérant et la guerre des Deux-Roses (1455-85), puis après celle-ci il y eut l’absolutisme des Tudor et des Stuart, jusqu’aux révolutions bourgeoises de 1640-60 et 1688. C’est ce qui s’est produit en Russie avec les Romanov (du 17e siècle jusqu’en 1917), en Allemagne/Autriche et en Italie avec de grands États comme la Prusse, la Bavière, le Hanovre, l’Autriche-Hongrie habsbourgeoise ou le Piémont (ici, cependant, le morcellement politique en petits États princiers entrava le développement capitaliste), en Belgique dans le cadre des ‘Pays-Bas’ espagnols puis autrichiens (du 15e siècle jusqu’en 1793), etc. [certains pays ont connu très tôt des régimes politiques particuliers, comme la Suisse, confédération de ‘républiques’ paysannes libres et ‘patriciennes’ urbaines du Moyen-Âge jusqu’en 1800, ou les actuels Pays-Bas (‘Hollande’), qui ont connu dès 1568 une révolution bourgeoise et aristo-moderniste, sous l’étendard du protestantisme, contre la Couronne d’Espagne maîtresse de l’actuel Bénélux]. Non, les révolutions bourgeoises interviennent lorsque le capitalisme, déjà bien développé, nécessite un ‘saut’, qui est le saut vers la révolution industrielle avec, à très court terme (grosso modo un siècle), la fusion du capital bancaire et du capital industriel dans les MONOPOLES. Pour cela, le capitalisme a alors besoin d’un grand marché et ne peut plus supporter le carcan des réminiscences féodales – et encore moins le morcellement politique principautaire, comme en Italie ou en Allemagne. Parfois, cependant (les idées faisant dès le 18e siècle ‘le tour du monde’), les idées révolutionnaires bourgeoises, en ‘accostant’ dans un pays donné, ne vont pas y trouver les conditions matérielles de leur réalisation. La bourgeoisie, trop faible, ne parvenant pas à écraser les forces féodales, ces pays vont alors devenir des pays dominés, soumis économiquement au capital des pays qui, eux, ont ‘réussi’ leur révolution bourgeoise et sont devenus industrialisés et impérialistes. C’est ce qui s’est produit en Amérique latine, où ont échoué (à briser l’organisation sociale féodale) les révolutions bourgeoises du 19e siècle – Bolivar dans la région nord-andine, San Martin et Rosas en Argentine, Iturbide et Juarez au Mexique – et toutes les tentatives successives, autour de 1900 (‘révolution radicale’ argentine, ‘révolution alfariste’ équatorienne) et par la suite (péronisme, gétulisme, ‘développementismes’ en tout genre). C’est ce qui s’est produit en Anatolie avec Kemal Atatürk, et dans les pays arabes avec les mouvements ‘libérauxconstitutionnels’ de la première moitié du 20e siècle et les diverses ‘révolutions’ baathistes ou nassériennes de la seconde moitié. Dans ces pays, la faiblesse de la bourgeoisie (et sa dépendance vis-à-vis de l’impérialisme, qui surexploite les forces productives) fait que c’est le prolétariat, à la tête des classes populaires (paysannerie, intellectuels et petits ou moyens bourgeois progressistes), qui seul peut accomplir les tâches anti-féodales autrefois dévolues à la bourgeoisie (cela est d’ailleurs vrai, universellement, pour tous les combats démocratiques contre des oppressions qui ne sont pas spécifiquement liées au mode de production capitaliste, mais sont des réminiscences des modes de production antérieurs, que le capitalisme n’a pas été capable de liquider). La fête de la Fédération, grande célébration de la Révolution bourgeoise, 14 juillet 1790 Revenons-en maintenant à notre sujet, celui de l’État bourgeois qui nous entoure, l’État bourgeois dénommé ‘France’. Celui-ci, dans sa forme ‘moderne’, comme nous l’avons vu, a été l’œuvre des ‘grands rois’ qui se sont succédés depuis Philippe Auguste jusqu’à Louis XIV ; et des bourgeois (à la Jacques Cœur), aristocrates modernistes (à la Sully ou Richelieu) et parvenus en tout genre ayant l'‘oreille’ desdits monarques. Dans sa forme contemporaine, actuelle, il aura essentiellement été l’œuvre d’un ‘petit caporal’, issu d’une petite nation fraîchement conquise (notamment avec la complicité… de son paternel) et (alors) pas encore pacifiée : Napoléon Bonaparte. Il faut bien se représenter à quel point même la période de la Restauration (des frères de Louis XVI, 1815-30) n’a pratiquement rien remis en cause de son œuvre, et combien les grandes ‘modernisations’ postérieures – de son neveu Napoléon III, de la 3 e République, de la Libération 1944-47 et de la 5e République avec De Gaulle – n’ont fait que ‘compléter’ l’édifice. Il ‘pécha’, sur la fin de son règne (1799-1815), par mégalomanie militaire et volonté d’imiter l’Ancien régime, amenant la défaite face à l’Europe coalisée et ouvrant la porte à la restauration des Bourbons ; mais il aura réellement été le ‘maître d’œuvre’ de la révolution bourgeoise en ‘France’ (et son ‘impulseur’ dans une bonne partie de l’Europe conquise par lui), en termes de restructuration radicale de l’organisation sociale, de l’appareil politico-militaire et juridique (le fameux ‘Code Napoléon’), et de production idéologique, intellectuelle et culturelle (avec ses lycées, son baccalauréat, ses Grandes Écoles, sa réforme des universités ; l’inspiration apportée par son règne à l’art et à la littérature de tout le siècle suivant), au service du capitalisme désormais triomphant et ‘paré’ pour la révolution industrielle. Une œuvre politico-militaire, juridique et idéologique/culturelle adaptée, bien sûr, au capitalisme à la française et aux nécessités de celuici ; en marginalisant les courants politiques ‘allogènes’ comme le libéralisme (anglo-saxon) ou l’ultra-démocratisme de Rousseau, adapté aux petites républiques helvétiques. C'est-à-dire que le règne de Napoléon a réellement forgé le centre d’agrégation de l’idéologie bourgeoise régentant l’édifice ‘France’ (avec son culte de l’État déifié, instrument de ‘l’intérêt général’, des institutions, de l’autorité et des ‘valeurs’, de la ‘méritocratie’, des formes et des ‘procédures’ etc.), même si d’autres courants idéologiques s’y trouvent représentés, avec lesquels il faut composer : la droite contre-révolutionnaire (pour laquelle, comme pour à peu près toute la bourgeoisie, 1793-94 est un ‘moment de folie’ effroyable, de ‘fanatisme égalitaire’ préfigurant les ‘totalitarismes’ marxistes du 20 e siècle, mais est indissociable de 1789, qui a ‘ouvert les portes de l’enfer’ libéral-maçonnique, ultra-démocratique et socialo-communiste ; alors que les autres courants rejettent la Terreur mais célèbrent 1789) ; le libéralisme, qui a tenté depuis d’innombrables retours en force, dont le plus remarquable fut sans doute la Monarchie de Juillet (1830-48) – aujourd’hui, ce courant va du ‘girondinisme’ social-libéral au libéral-conservatisme reagano-thatchérien type Sarkozy ou Copé, en passant par la libéraldémocratie plus ou moins ‘mariée’ à présent avec la démocratie-chrétienne (‘démocrates sociaux’ au pays de la laïcité…) et les restes de l’ancien radicalisme 3e République (Borloo) ; et les héritiers du jacobinisme qui, de fait, a rapidement cessé d’exister, pour ne laisser subsister que des ‘bonapartistes de gauche’ (républicains pour la forme de gouvernement souhaitée, mais bonapartistes par la conception du monde). D’ailleurs, lorsque le désastre militaire de 1870 (deuxième fois que la ‘folie des grandeurs’ napoléonienne conduisait la France à une occupation étrangère…) eût définitivement écarté le bonapartisme comme ‘solution dynastique’, cette conception du monde devînt alors très majoritairement républicaine quant à la forme 'préférée' des institutions, tout en restant fondamentalement inchangée : c’est tout simplement l’idéologie républicaine, qui est encore notre ‘religion d’État’ aujourd’hui. Il faut dire que la bourgeoisie, après avoir arraché en 1789 son statut de ‘représentation nationale’ et l’abolition des privilèges féodaux, mis fin en 1790 au ‘mille-feuille’ administratif, juridique et fiscal (pour le remplacer par une organisation rationnelle), puis obtenu – apparemment – son triomphe en 1791 avec la promulgation de la première Constitution de l’histoire du royaume, suivie dans la foulée par l’élection de la première Assemblée nationale, était profondément divisée en une multiplicité de fractions (selon la base d’accumulation économique) et de courants politiques (centralisme ou ‘réduire Paris à 1/83 e d’influence’, place réservée à la monarchie, rôle de l’Église etc.), et ainsi plongée dans un ‘flou artistique’ quand à la forme des institutions et de l’organisation sociale sur laquelle appuyer le nouveau (grand) cycle d’accumulation et de développement des forces productives. Lorsqu’au printemps 1792 commença à se lever le vent puissant de la contrerévolution, avec l’invasion des armées coalisées de l’Europe absolutiste, amenant dans leurs bagages les émigrés aristocrates ou ecclésiastiques qui avaient quitté le pays depuis 1789, le début de l’agitation intérieure menée par la noblesse non-émigrée et le clergé ‘réfractaire’ (au serment à la Constitution), et enfin la trahison du roi (que la bourgeoisie voulait, à l’origine, instituer comme ‘clé de voûte’ de l’édifice), elle s’en trouva profondément déstabilisée ; ce qui ouvrît la voie à la fraction la plus ‘radicalement’ démocratique et égalitariste, ‘rousseauiste’, appuyée sur les petits employeurs et indépendants de Paris, et leur main d’œuvre – ceux que l’on allait bientôt appeler prolétariat – organisés dans les ‘sections sans-culotte’. Cette fraction (essentiellement des bourgeois intellectuels, des médecins, des avocats, ce que l’on appelle aujourd’hui des ‘professions libérales’, pas des propriétaires de moyens de production – terres ou ateliers), après l’élimination de son aile ‘provinciale’ (les ‘girondins’, moins radicaux socialement et privés de la base sociale du petit peuple parisien), eût, dans la perspective historique d’alors, le mérite d’assurer une mobilisation de masse hors-pair face à la contrerévolution extérieure comme intérieure (et de préserver la centralisation parisienne, sur laquelle les fractions les plus puissantes de la bourgeoisie révolutionnaire avaient bâti leur prospérité). Mais, dès la menace révolutionnaire (relativement) conjurée, elle explosa (premier semestre 1794) sous ses contradictions, entre ‘ultras’ démocrates proto-socialistes (hébertistes) et modérés partisans d’un ‘retour à la raison’ (Danton), tandis que dans le ‘Marais’ conventionnel (la grande majorité des élus de 1792, jusque là passive) s’organisait son élimination, qui fût chose faite en juillet 1794 (thermidor An II). La révolution bourgeoise, sous la ‘Convention thermidorienne’ puis le régime du ‘Directoire’, tout en ‘s’exportant’ massivement à travers l’Europe (création, dans le sillage des armées françaises, de toute une série de républiques bourgeoises), replongea alors dans le ‘flou artistique’ de 1790-92 quant à la forme et au contenu du nouvel État, à son service – désormais – exclusif. C’est à ce ‘flou artistique’ que mît fin le coup d’État militaire du 18 brumaire An VIII (9 novembre 1799), mené par Napoléon Bonaparte, auquel se rallièrent massivement ‘républicains modérés’ de 1792-94 (Sieyès), ‘girondins’ survivants mais aussi anciens jacobins (Fouché), partisans de la Constitution de 1791 opposés à la Convention (Talleyrand), etc. ; ne gardant comme opposition que – évidemment – les royalistes-catholiques partisans de la restauration des Bourbons (comme Cadoudal, ou les auteurs de l’attentat de la rue Saint-Nicaise), les libéraux ‘à l’anglaise’ (comme Benjamin Constant ou Mme de Staël), et les jacobins les plus radicaux (‘conspiration des poignards’, également inquiétés un temps après Saint-Nicaise). Drapé dans les attributs de dictator à la romaine, mais en réalité plus héritier d’un Henri IV après les Guerres de Religion ou d’un Louis XIV après les troubles de la Fronde, le Premier consul Bonaparte (sacré empereur en 1804) assoit en fait son pouvoir sur le rôle d'‘équilibriste’ de l'‘unité nationale’, que l’effondrement – sans véritable remplacement – de l’autorité monarchique en 1791-92 avait fait voler en éclat, ‘donnant des gages’ (souvent institutionnels) à toutes les ‘forces’ en présence : bourgeoisie nouvelle (ayant profité des évènements depuis 1789) comme ‘ancienne’ (déjà bien installée sous l’Ancien régime, y ayant parfois perdu) et noblesse reconvertie en propriété foncière, républicains comme monarchistes, ‘rationalistes’ comme cléricaux, catholiques (avec le Concordat) comme protestants et juifs (émancipés par la Révolution), Île-de-France comme ‘province’, etc. etc. Historiquement, c’est cette nécessité française d’un pouvoir étatique ‘fort’, NON PAS ‘au dessus des classes’, mais ‘arbitre’ entre les différentes fractions de la classe dominante pour le ‘bien commun’ du capitalisme en général (en prenant ‘le petit peuple à témoin’), qui est à l’origine de la tendance du socialisme français (qui a largement imprégné le marxisme appliqué en ‘France’) à voir l’État comme un acteur ‘neutre’, voire potentiellement bénéfique, ‘allié’ des classes laborieuses… Une tendance à l’origine de quasiment toutes les erreurs, tous les échecs. Et le ciment de cet ‘équilibre’ entre fractions dominantes, et de ce ‘lien direct’ entre l’État et le ‘peuple citoyen’, l’’arbitre’ étatique va aller le chercher dans le ‘patriotisme’ érigé en religion d’État, dans un CHAUVINISME ‘français’ devenu mondialement proverbial, et dans l’EXPANSION MILITAIRE (sous Napoléon Bonaparte et déjà sous le Directoire ; à laquelle succèdera l’expansion COLONIALE dès 1830 et surtout à partir des années 1860 et sous toute la 3e République). Toutefois, dans un premier temps, la ‘démesure’ de l’expansionnisme militaire napoléonien mènera l’Empire à sa perte. La lutte reprend, alors, entre fractions de la classe dominante portant chacune une ‘solution dynastique’ (les évènements de 1792-94, suivis de l’instabilité du Directoire, font que l’’option’ républicaine est alors très minoritaire, sauf dans la petite bourgeoisie et le prolétariat franciliens ; ou alors, est envisagée comme solution transitoire – comme en 1848 et encore en 1870). La Restauration de Louis XVIII et Charles X, comme l’analyse très justement Marx, est effectivement l’expression de classe des propriétaires fonciers (ancienne noblesse ou ‘racheteurs’ des droits féodaux en 1789). Non seulement le cens électoral (seuil d’imposition pour pouvoir voter) est très restrictif, mais il est assis sur le patrimoine immobilier (donc la propriété de bâtiments résidentiels et de terres) et non sur les revenus du capital (‘patente’ des entrepreneurs). Malgré cela (en investissant ‘dans la pierre’ et la terre…), la bourgeoisie financière et entrepreneuriale parvient quand même à former un parti ‘libéral’ qui prend le contrôle des Chambres restaurationnistes dans les années 1820 : c’est depuis ce bastion qu’elle ‘tirera les marrons du feu’ de la révolution de 1830 (contre le coup de force de Charles X), révolution bourgeoise et populaire parisienne où se faisaient concurrence les slogans de ‘Vive la République’ et… ‘Vive Napoléon II’. La Monarchie de Juillet (Louis-Philippe d’Orléans), qui prend la suite, est le régime des banquiers et de la grande bourgeoisie industrielle ; elle agrège autour des ‘libéraux à l’anglaise’ (un La Fayette, par exemple, au soir de sa vie, peut affirmer ‘voir enfin son rêve se réaliser’) bon nombre de bonapartistes ‘pragmatiques’, de légitimistes ‘modernistes’ dépités par l’intransigeance de Charles X et de républicains modérés qui y voient un ‘lot de consolation’ ; et elle voit l’apogée de la ‘première révolution industrielle’ hexagonale sur le mot d’ordre du ministre Guizot : ‘Enrichissez-vous !’. Malgré cela, les nouvelles couches bourgeoises qui émergent à cette époque restent exclues, par le cens électoral, de la ‘citoyenneté active’ ; elles s’organisent dans les années 1840 autour des ‘banquets républicains’ (l’option républicaine reprend de la vigueur, et commence à développer un ‘tissu’ provincial) et – toujours – de l’option bonapartiste, et ‘rencontrent’ à l’hiver 1847-48 un puissant mécontentement populaire causé par une dure crise économique (chômage etc.) : c’est la révolution de 1848 ; la première qui verra le prolétariat parisien (désormais doté d’une certaine conscience de classe) rompre avec la bourgeoisie y compris républicaine (à l’exception d’une petite frange ‘démocrate-socialiste’ très radicale, qui l’encadrera encore en 1870-71), ce qui mènera aux barricades de juin 1848 et à l’écrasement – sanglant – du prolétariat par la bourgeoisie. Lamartine défendant le drapeau tricolore de la bourgeoisie face au drapeau rouge, février 1848 Suite à ces évènements, ‘Napoléon le petit’, le neveu de Napoléon Ier, Louis-Napoléon Bonaparte, est élu Président de la République en décembre 1848, effectivement en s’appuyant très largement sur la classe la plus nombreuse de l’époque : la petite et moyenne paysannerie propriétaire (voire micro-propriétaire, ‘parcellaire’), à laquelle on pourrait ajouter la petite bourgeoisie artisanale et commerçante de 'province'. MAIS, ce que Marx n’a pas correctement saisi dans son ’18 brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte’ (il écrit dans la foulée des évènements, en 1852, juste après le coup d’État du 2 décembre 1851), c’est qu’il s’agissait là d’une piétaille électorale-plébiscitaire, d’une masse de manœuvre enivrée par le souvenir ‘glorieux’ du ‘mythe’ napoléonien. Comment, en effet, un pays capitaliste avancé comme la ‘France’ aurait-il pu être gouverné par un représentant direct d’une classe subalterne, misérable, écrasée de dettes, souvent à demi-illettrée, et dont les cadets (seul l’aîné pouvant reprendre la parcelle, trop petite pour être divisée) allaient grossir en ville les rangs de la classe ouvrière ? D’ailleurs, comme le relève très justement Marx, en contradiction avec sa propre analyse, ce soutien de la ‘paysannerie parcellaire’ au ‘Prince-président’ est loin d’être unanime : en réalité, il est traversé une fois de plus par le clivage historique centre/périphérie. Lors du coup d’État de décembre 1851, les départements du Bassin parisien (même Paris ne connaît pas un soulèvement spectaculaire : il y aura au maximum 2.000 insurgé-e-s), du Nord et de l’Est, ainsi que de l’Ouest atlantique catholique et conservateur (encadré par la propriété foncière ex-noble et le clergé, le parti légitimiste) soutiennent ou, en tout cas, restent calmes ; mais la ‘ruralité’ en particulier de Provence, et du ‘Midi’ occitan en général, encadrée par des ‘sociétés secrètes’ républicaines ou – parfois – des éléments légitimistes non-ralliés au coup, se soulève en masse ; le gouvernement perd un temps le contrôle de la Haute-Provence ('Basses-Alpes'). Il faut bien se représenter que l’Assemblée nationale ‘républicaine’ élue en mai 1849 comptait, en réalité, sur 700 et quelques membres, quelques 450 élus du ‘Parti de l’Ordre’, dont une grande majorité de légitimistes et d’orléanistes (comme Thiers), voyant le régime comme ‘transitoire’ avant l’avènement de leur ‘champion’ sur le trône, finalement peu de vrais bonapartistes, et quelques républicains ‘à l’américaine’ comme Tocqueville ou ‘modérés’ comme Cavaignac (le répresseur de Juin 1848) ; faisant face à 180 représentants de la gauche républicaine avancée et ‘démocratessocialistes’, les ‘quarante-huitards’ des Journées de Juin (Ledru-Rollin etc.)… et, comme le montre cette carte, ce courant n’était pas spécialement fort à Paris et en Île-de-France, mais au contraire en Occitanie centrale (toulousaine, languedocienne) et provençale, en Occitanie du Nord (Périgord, Limousin, Auvergne), en Catalogne-Nord (Roussillon), en Arpitanie ainsi que dans le Berry et le sud de la Bourgogne (Nièvre, Saône-et-Loire), ou encore en Alsace et dans le Nord : des régions rurales (à l'exception du Nord industriel-minier) et 'périphériques', où il s’appuyait sur les petits paysans surendettés et les journaliers agricoles (très nombreux dans une agriculture non-mécanisée), certaines productions particulières (forestiers, vignerons), et la petite-bourgeoisie paupérisée, professions libérales et fonctionnaires, en plus bien sûr d’une part significative de la classe ouvrière urbaine... et rurale (industrie rurale typique du capitalisme 'français' : Haut-Jura, Haut-Bugey avec Oyonnax, Carmaux, La Sala 'Decazeville', Gardanne en Provence, etc. etc.). Quelle classe ou fraction de classe, dès lors, était-elle réellement au PILOTAGE de cette masse de manœuvre paysanne arriérée ? La réponse, en réalité, c’est que le Second Empire de Napoléon III était le régime des fractions capitalistes bancaires et industrielles commençant à fusionner dans les monopoles ; mouvement symbolisé, par exemple, par la division du territoire en grandes ‘concessions’ monopolistes de chemin de fer, ou par la création (1864) de la Société générale, méga-banque – encore aujourd’hui ‘fleuron’ de la haute finance BBR – fondée par des capitaux industriels (dont Paulin Talabot qui en fut le premier directeur) et bancaires (Rotschild), dans le but (‘raison sociale’) de ‘favoriser le développement du commerce et de l'industrie en France’, et dont un ‘géant’ industriel, Eugène Schneider, deviendra le premier président. Un autre ‘indicateur’ étant, bien entendu, la reprise très nette de l’expansion outre-mer (avec toutefois des tentatives malheureuses, comme au Mexique) : ‘pacification’ achevée de l’Algérie, ‘prise pied’ au Liban et en Chine, au Sénégal (point de départ de la colonisation ouest-africaine) et au Gabon (point de départ en Afrique équatoriale), ainsi qu’à Obock (Djibouti, sur la route de l’Océan Indien ouverte en 1869 par le Canal de Suez, conçu par le promoteur et diplomate français Lesseps) et en Cochinchine (sud du Vietnam, point de départ de la colonisation de l’Indochine). Une œuvre qui sera, après le ‘flottement’ institutionnel des années 1870, largement poursuivie et élargie par la 3 e République, ‘âge d’or’ par excellence des monopoles BBR, qui règnent alors sur le deuxième empire colonial du monde après l’Empire britannique. Telle est l’analyse juste, en termes d’économie politique, du Second Empire. Appuyé au départ (‘décennie autoritaire’ 1850-60) essentiellement sur des éléments 'républicains' très conservateurs et orléanistes (en plus des bonapartistes bien sûr), ainsi que des légitimistes partisans – avant tout – de la défense de la propriété et des ‘valeurs’, il ‘intègre’ dans la ‘décennie libérale’ 1860-70 de plus en plus de courants républicains modérés, libéraux etc., formant un ‘Tiers Parti’ (‘bonapartiste de gauche’) qui domine le Corps législatif de la fin du règne. La bourgeoisie voit alors le régime comme ‘éternel’ (dans une œuvre d’anticipation, Jules Verne pouvait faire régner un ‘Napoléon V’ en 1960), et seule la débâcle militaire de 1870 viendra y mettre un terme (l’Allemagne naît alors comme ‘ennemi héréditaire’ surpuissant à la frontière la moins ‘protégée’ du pays ; la responsabilité bonapartiste est telle que ‘l’option dynastique’ Bonaparte disparaît très rapidement du paysage politique). Inauguration du Canal de Suez en présence de l'impératrice Eugénie, 1869 Napoléon Ier ‘préparant le terrain’ à la révolution industrielle, Napoléon III inaugurant le règne des monopoles : nous avons là l’archétype de la dictature du Capital ‘à la française’, le cadre politique dans lequel – seul – peut réellement s’épanouir le capitalisme hexagonal : un exécutif fort, mettant autoritairement et/ou diplomatiquement ‘tout le monde (toutes les fractions de la classe dominante) d’accord’, à travers une autorité assise sur le ‘lien direct avec le peuple’ (les éléments arriérés, conservateurs, non-conscients de leurs intérêts propres, des couches populaires et moyennes). C’est finalement la conception du Léviathan de Hobbes (anglais du 17e siècle, partisan de l’absolutisme ‘à la française’), par opposition au libéralisme politique de John Locke et Montesquieu, Constant ou Tocqueville, et au démocratisme de Rousseau. Un État qui, pour préserver la stabilité de l’édifice, que la moindre instabilité sociale (sans même parler de situation révolutionnaire au sens marxiste) peut faire voler en éclat, ne peut être que policier ; et c’est ainsi que dès le Consulat, avec Fouché, émerge une figure qui deviendra un ‘pilier central’ de l’État BBR contemporain : celle du ‘premier flic’, du Ministre de l’Intérieur. Napoléon Ier aura son Fouché ; la Monarchie de Juillet, ses Thiers, Guizot ou Montalivet ; Napoléon III, son Morny (acteur essentiel du 2 décembre 1851, puis ‘éminence grise’ tout au long du règne, bien qu’il n’ait occupé le poste que brièvement en 1851-52) ; la 3e République aura son ‘tigre’ Clémenceau ; la 4e (difficilement naissante) son Jules Moch (1947e 50) ; la 5 (en danger, 1968-74) son tristement célèbre Marcellin ; tandis que sur le poste, un Charles Pasqua ou un Nicolas Sarkozy pourront bâtir leur carrière politique, jusqu’à l’Élysée pour le second… ‘La France est un pays de flics, à tous les coins de rue il y en a cent’ chantait l’’anarchiste’ petit-bourgeois Renaud en 1975 ; et il est vrai, par exemple, que les petits-bourgeois allant frissonner au contact de la ‘dictature’ cubaine en reviennent surpris par la faible visibilité policière, comparée à un début de soirée sur les boulevards parisiens. Et tout cela, baignant dans un ultra-chauvinisme bleu-blanc-rouge patriotard, la célébration du ‘drapeau’[1], de l’hymne et de l’armée portant ‘aux quatre coins du monde’ la ‘grandeur’ de la ‘France’ ; culte barbare remplissant les tranchées et les cimetières militaires géants de Douaumont et d’ailleurs, comme les Carthaginois nourrissaient d'enfants la gueule incandescente du Moloch. Donc, après la sanglante défaite et la capture de l’empereur à Sedan (septembre 1870), la république est à nouveau proclamée à la hâte. Pourtant, les républicains ‘authentiques’ (partisans de la république comme forme définitive de gouvernement) ne sont, suite aux élections de 1869, que 30 sur 289 députés : pour beaucoup, encore une fois, il s’agit là d’un régime transitoire. La classe dominante replonge dans le ‘flou artistique’ quant à la forme des institutions, et chaque fraction, chaque ‘centre de pouvoir’ pousse à nouveau en avant sa ‘solution dynastique’. Après la démission de l’orléaniste – ‘converti’ à la république – Adolphe Thiers en 1873, c’est le maréchal légitimiste Mac-Mahon qui est investi d’une sorte de ‘régence’, dans l’attente de la ‘solution dynastique’ en question, pour une durée de sept ans : c’est l’origine du fameux septennat présidentiel, qui restera en vigueur jusqu’en 2002. Cette ‘république’, comme (à peu près) tout le monde le sait, sera ‘baptisée’ dans le sang de la Commune de Paris, dont la répression par les ‘Versaillais’ (commandés... par Mac-Mahon) fera plusieurs dizaines de milliers de victimes, et que les marxistes analysent comme la première ébauche de révolution prolétarienne et de dictature du prolétariat de l’histoire ; bien qu’encore largement sous la direction d’une petite-bourgeoisie ‘sansculotte’/’quarante-huitarde’, républicaine ‘ultra-radicale’ ou ‘démocrate-socialiste’. En réalité, la Commune peut être qualifiée de ‘charnière historique’ : c’est à la fois la première tentative de révolution prolétarienne et la dernière insurrection ‘plébéienne’ petite-bourgeoise ayant pour centre Paris (bien que fort peu 'centraliste', prônant au contraire une 'République sociale' sous forme d'une 'Fédération révolutionnaire de Communes'), écrasée avec l’appui des ‘notables’ et de la paysannerie conservatrice de ‘province’ ; la première ‘ébauche’ de dictature du prolétariat et la dernière dictature de ‘salut public’ à la (17)‘93’. Marx et Engels analyseront longuement les causes de son échec. Après cette répression, qui marque la rupture finale et définitive entre la bourgeoisie (désormais principalement alliée aux résidus féodaux, et seulement secondairement en contradiction avec eux) et le prolétariat – bien que des bourgeois, comme Victor Hugo ou Clémenceau, prennent la défense des Communards sur un mode paternaliste ; les ‘solutions dynastiques’ s’évanouissent les unes après les autres : le bonapartisme, on l’a dit, est ‘grillé’ par le désastre de 1870 et l’héritier du trône meurt en Afrique du Sud, dans l’armée britannique, face aux Zoulous ; les orléanistes n’ont pas de prétendant réellement ‘motivé’ (la bourgeoisie qu’ils représentent s’accommode, finalement, de n’importe quel type de régime, comme l’a montré Thiers, orléaniste devenu républicain conservateur), enfin, la propriété foncière et l’Église catholique légitimistes se ‘cassent les dents’ devant l’intransigeance de leur prétendant, le comte de Chambord, qui rejette de la révolution bourgeoise 1788… jusqu’au drapeau tricolore, et voudrait revenir en Finalement, les républicains deviennent ultra-majoritaires aux élections de 1876 et 1877, et MacMahon jette l’éponge en 1879 : c’est la véritable naissance de la 3 e République ; comme solution institutionnelle à laquelle s’est – finalement – ralliée la grande majorité des ‘dominants entre les dominants’, la bourgeoisie monopoliste naissante qui s’était jusqu’alors épanouie dans le Second Empire. Paradoxalement, ce régime, qui sera le plus long qu’ait connu la ‘France’ entre 1789 et nos jours (70 ans, 1870-1940), n’aura jamais de véritable constitution, mais un ensemble de ‘lois constitutionnelles’ adoptées autour de 1875, sous l’impulsion de ‘modérés’ (partisans aussi bien d’une monarchie ‘moderne’ que d’une république conservatrice) comme Casimir-Perier ou Jules Dufaure. Et, contrairement à une idée fausse mais répandue, le Président de la République, élu pour 7 ans (renouvelables sans limite, même si aucune présidence ne ‘durera’ finalement plus de 8 ans), n’est constitutionnellement pas une ‘reine d’Angleterre’ : il dispose au contraire de pouvoirs très étendus, prévus à l’origine pour le ‘régent’ Mac-Mahon, et il peut exercer – s’il le veut – un pouvoir tout aussi fort que celui de Napoléon III dans les années 1850. Simplement, avec la période de prospérité économique et de stabilité dans laquelle entre alors le capitalisme hexagonal (la ‘Belle époque’), et devant des menaces révolutionnaires très marginales (agitation anarchiste des années 1890, syndicalisme révolutionnaire des années 1900-1910, restant sur un terrain strictement économique), il renonce à en faire usage et s’efface devant les Chambres (le Parlement) et le Président du Conseil (chef du gouvernement) désigné par elles (restant rarement en place plus de 3 ans) : c’est la république des notables. Il y aura cependant des ‘présidents forts’, qui tiendront tête à leurs présidents du Conseil et aux ‘notables’ députés : Jules Grévy (1879-87) face à Gambetta, Raymond Poincaré (1913-20) pendant la grande boucherie de 14-18, Alexandre Millerand (‘socialiste’ bourgeois passé très à droite, 1920-24) qui ira jusqu’à envisager un ‘coup d’État’ (en réalité, l’usage plein et entier des ses prérogatives constitutionnelles) face à l’agitation sociale de l’époque (au lendemain de la Révolution d’Octobre), mais finira par renoncer devant la victoire électorale du ‘Cartel des gauches’ (radicaux et sociaux-démocrates), etc. On peut distinguer dans cette 3e République deux grandes périodes : période ‘modérée’ (1880-1900), dominée par les ‘républicains opportunistes’ (républicains conservateurs, prêts à de grandes concessions envers les forces post-féodales et nonrépublicaines en général, afin d’‘acheter’ leur soutien à la république et leur alliance contre la ‘menace’ ouvrière), avec les figures célèbres de Gambetta (leader de la ‘défense nationale’ en 1870-71), Jules Ferry (‘père’ de l’école ‘républicaine et laïque’), Jules Grévy, Félix Faure etc. ; et la ‘république radicale’ (1900-1940) durant laquelle ce parti (‘républicain radical et radical- socialiste’), à la ‘gauche de la gauche’ dans les années 1870-80 mais ‘poussé vers le centre’ par le développement du mouvement ouvrier et socialiste, sera de toutes les majorités gouvernementales (avec notamment la figure du 'Tigre' et 'Père-la-Victoire' de 1918, Clémenceau) – les anciens ‘républicains opportunistes’ formant alors l’Alliance démocratique, tandis qu’une aile droite se retrouve avec les anciens orléanistes, bonapartistes et catholiques ‘ralliés’ à la république (ne faisant plus qu’y défendre leurs ‘valeurs’, sans chercher à rétablir une monarchie) au sein de la Fédération républicaine. Les éléments les plus réactionnaires, ultrachauvins (la ‘France’ est alors dans une ‘guerre froide’ de plus de 40 ans avec l’Empire allemand, jusqu’en 1914), antidémocratiques et antisémites (affaire Dreyfus, 1894-1906), fusionnent quant à eux avec les résidus monarchistes (orléanistes ou légitimistes) dans l’Action française de Charles Maurras (républicain agnostique converti au royalisme catholique, en vertu de sa théorie du ‘nationalisme intégral’). Globalement, la 'formule' préférée des monopoles BBR serait celle associant Parti radical et Alliance démocratique (éventuellement avec des 'socialistes indépendants' ultra-opportunistes comme Millerand ou Viviani) ; cependant, les radicaux devront parfois s’allier ‘tactiquement’ (pour contenir la pression populaire) à la ‘gauche’ SFIO et ‘républicaine-socialiste’ (1924-26, et bien sûr Front populaire 1936-38) ; tandis que, face à la menace 'rouge' du prolétariat, la 'république des notables' peut aller 'chercher des majorités' très, très à droite (Chambre 'bleu horizon' de 1919-24, alors que le monde est ébranlé par la Révolution bolchévique)... Mais dans tous les cas, c’est la CONCEPTION CAPITALISTE DU MONDE ‘à la française’, développée sous Napoléon Ier et ‘mise à jour’ sous Napoléon III pour entrer dans l’ère des monopoles, qui domine et même triomphe à cette époque, quelles que soient les majorités et les gouvernements. C’est l’’âge d’or’ du capitalisme hexagonal, entré dans son stade monopoliste ; ‘âge d’or’ symbolisé par les Expositions universelles de 1889 (qui célèbre le centenaire de la révolution bourgeoise, et voit la construction de la Tour Eiffel) et de 1900, faisant de Paris la ‘ville lumière’ qui – seulement concurrencée par Londres – rayonne sur les ‘nations civilisées’. Sur le plan de la culture dominante, Victor Hugo est érigé en ‘figure tutélaire’ et inhumé directement au Panthéon à sa mort en 1885. En effet, son œuvre littéraire est un ‘monument’ bourgeois du 19e siècle et politiquement, son parcours est l’incarnation même de la ‘synthèse nationale’ appelée de ses vœux par la république ‘définitive’ : fils d’un fameux général d’Empire d’origine lorraine (opérant en Espagne au côté du frère de Napoléon, Joseph Bonaparte) et d’une nantaise plutôt catholique et royaliste ; il a lui-même été légitimiste sous Charles X, puis orléaniste (siégeant à la Chambre des Pairs en 1845, confident de Louis-Philippe) sous la Monarchie de Juillet ; puis républicain (droite conservatrice, menant personnellement la répression des Journées de Juin en tant que maire du arrondissement) en 1848 ; puis, d’abord soutien de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, il n’aura finalement été, au cours de sa vie, un opposant politique qu’à celui-ci (ce qui ne sera pas un problème, loin de là, vu comme le Second Empire sera 'grillé' et honni après 1870), s’exilant à Guernesey après le 2 décembre 1851 pour ne revenir qu’en 1870 ; mais, s’il pourfend ‘Napoléon le petit’, il reste, comme tous les bourgeois de son siècle, un profond admirateur du ‘Grand’, auquel il est relié par la figure paternelle. Devenu républicain ‘définitif’ au cours de son exil, il reviendra en héraut de la République ‘modérée’, ‘raisonnable’ et ‘social-progressiste’ paternaliste (appelant à la clémence envers les Communards et à la ‘générosité’ bien-pensante d’un Jean Valjean envers les Cosettes et les Gavroches prolétaires), que les monopoles nouveau-nés appellent de leurs vœux. Républicain et ‘homme de progrès’, il n’en est pas moins resté profondément catholique, chrétien social dans la lignée d'un Lamennais, et ainsi ‘éclaireur’ du catholicisme rallié (à la république), qui devient massif dans les années 188090… 8e Et depuis cet ‘âge d’or’ de la ‘Belle époque’, au fond, que s’est-il réellement passé de significatif ? Il y a eu la grande boucherie impérialiste de 1914-18, épreuve abominable pour les masses populaires, mais surmontée (victorieusement) par la bourgeoisie BBR sans changement institutionnel majeur, ni même instauration d’un ‘état d’exception’ particulier, hormis la censure contre le ‘défaitisme’ et (logiquement) tout ce qui pouvait donner des informations à l’ennemi, la lutte contre l’espionnage (Mata-Hari) et la répression sanglante des mutineries et autres ‘refus d’obéissance devant l’ennemi’ (les mutineries de 1917 sont restées les plus célèbres, mais la répression la plus dure fut celle de la première année de guerre, jusqu’à l’été 1915). Puis, le monde est entré – après l’Octobre rouge russe – dans l’époque de la révolution prolétarienne mondiale, et la ‘France’ a progressivement cessé d’être une puissance mondiale de premier rang (devant l’émergence, en particulier, des USA, puis du Japon et de l’Asie-Pacifique en général ; pendant la Guerre froide il y avait la superpuissance soviétique, et aujourd’hui la montée de la Chine et des ‘émergents’). Il y a eu le (nouveau) désastre militaire et l’occupation allemande de 1940, donnant naissance au régime d’exception de l’État français et de la ‘Révolution nationale’, expérience contre- révolutionnaire, autoritaire et anti-progressiste soutenue par toute l’extrême-droite, la droite et même une grande partie du centre et de la ‘gauche’ bourgeoise d’avant-guerre (au total, 569 députés et sénateurs votant les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940), récupérant en masse le personnel politique et administratif de la 3 e République ‘terminale’ (Laval, chef du gouvernement de la collaboration jusqu’au-boutiste, était un Président du Conseil de centre-droit dans les années 1930 ; René Bousquet, chef de la police vichyste, était radical et le restera après-guerre, etc.), en tout cas dans les premiers temps ; puis viendront les défections, à mesure que la guerre tourne au désavantage de l’Allemagne (échec de la bataille d’Angleterre, débarquement allié en Afrique du Nord se soldant par l’occupation nazie de tout le territoire métropolitain, Stalingrad, débarquement en Italie etc.), sachant que dès 1940, à peu près toutes les forces politiques bourgeoises, mêmes les plus réactionnaires (Fédération républicaine, Croixde-Feu, Action française, ligues diverses, et jusqu’à la ‘Cagoule’ terroriste de la fin des années 30), ont ‘placé’ des éléments à Londres auprès de la ‘France libre’[2] : de fait, le ‘vichysto-résistant’ deviendra une espèce endémique des ‘allées du pouvoir’ républicain d’après-guerre et jusqu’à la fin du siècle ; en ‘étaient’ rien de moins que… François Mitterrand (ministre ‘récurrent’ de la 4 e République et Président de 1981 à 1995), Maurice Couve de Murville (Premier ministre en 196869), Raymond Marcellin (ministre de l’Intérieur de 1968 à 1974), Maurice Papon (préfet de police de Paris 1958-67, ministre du Budget sous Giscard), etc. etc. Et puis, il y a eu la grande agitation et les luttes révolutionnaires anticoloniales dans l’Empire, amenant à une ‘refonte’ (‘néocoloniale’) de la domination impérialiste et donnant naissance à la 5e République ‘présidentialiste’ que nous connaissons aujourd’hui impulsant, dans les années 1960-70, une nouvelle (et sans doute ultime) restructurationmodernisation du capitalisme monopoliste tricolore, et donnant (inévitablement) naissance à un dernier 'mythe national', une nostalgie de cet ultime 'âge d'or' : ‘du temps du général De Gaulle, ma bonne dame…’, alors que ‘voyez-vous’, ‘depuis Mai 68’ et la victoire consécutive des ‘socialocommunistes’ en 1981, ‘tout fout le camp’… Mais dans le fond, qu’est-ce que tout cela a donc été, sinon, dans des situations de crise particulièrement aigüe, un retour au ‘pouvoir exécutif fort’ d’un (selon la ‘tradition’ réactionnaire dont on se réclame) Mac-Mahon ou d’un Louis-Napoléon, ‘pouvoir fort’ pour la conservation de l’ordre social ébranlé ; c'est-à-dire les prérogatives dont disposaient déjà les présidents de la 3 e République, mais dont ils ne faisaient pas usage ? Au plan ‘géopolitique’, à la ‘guerre froide’ avec l’Allemagne (apparemment terrassée en 1918) succèdera la ‘menace bolchévique’, reléguant même au ‘second plan’ (après 1933) la nouvelle menace allemande hitlérienne (d’où la défaite de 1940) ; puis, après-guerre, toujours la ‘menace rouge’ et anticolonialiste, et enfin, aujourd’hui, les ‘émergents’ BRICS (ou ‘golfiens’, turcs, iraniens etc.) qui ‘grignotent’ à l’impérialisme BBR ce qu’il lui reste de 'pré carré' formellement ‘indépendant’ ; ceci s’ajoutant, à chaque époque, à la préoccupation d’’exister’ face à la superpuissance mondiale (britannique jusqu’en 1940, puis US après 1945). Mais c’est toujours le même chauvinisme tricolore qui suinte de tous les pores du discours et de la culture dominante… Pour le reste… Lorsque les monopoles crient ‘carotte !’, l’idéologie républicaine regarde vers la ‘gauche’, vers la petite et moyenne bourgeoisie des fonctionnaires, travailleurs intellectuels urbains, aristocrates-ouvriers etc., sur une ligne de ‘socialisme républicain’ typiquement ‘français’ (avec lequel le mouvement ouvrier organisé, même sous la direction du PCF des années 1920-30-40, ne rompra jamais vraiment) ou de social-christianisme à la Hugo – les deux composantes, finalement, de la social-démocratie BBR : Mélenchon et Ayrault ; et lorsque les monopoles crient ‘bâton !’, elle regarde vers la ‘droite’, vers la petite et moyenne bourgeoise des ‘indépendants’, petits patrons TPE/PME, paysans propriétaires, cadres du secteur privé, professions libérales et notables divers, sur une ligne renouant avec le ‘Parti de l’Ordre’ de 1848, la ‘république des fusilleurs’ de Thiers et Mac-Mahon, la ‘Chambre bleu horizon’ de 1919-24 (faisant face à l’agitation hexagonale post-Octobre) ou la ‘majorité silencieuse’ des élections de juin 1968… Soit, aujourd'hui, l'aile droite 'décomplexée' de l'UMP (les Copé, les Raoult, les Guéant et les Hortefeux, les Peltier et autre 'Droite forte', les Luca et autre 'Droite populaire'), le FN 'centre d'agrégation' de l'hégémonie intellectuelle réactionnaire depuis près de 30 ans, devenu désormais une force politique colossale pouvant prétendre sérieusement au pouvoir, et des forces plus 'localisées' comme le MPF villiériste dans l'Ouest atlantique (surtout en Vendée) ou la Ligue du Sud de Bompard en Provence (surtout dans le Vaucluse) ; sans même parler de forces plus 'radicales' encore, comme les Identitaires ou les forces de l'UDN - qui, elles, revendiquent ouvertement l'héritage de la 'Révolution nationale' et des régimes fascistes du siècle dernier, parfois sans même l'exception du nazisme. Depuis les années 1980, avec la (nouvelle) crise générale du capitalisme et - en face - le grand recul de tout mouvement populaire révolutionnaire ou même 'sincèrement progressiste', suite à la faillite finale du révisionnisme soviétique et de ses alliés, au triomphe de la voie capitaliste en Chine etc., la tendance générale et dominante est évidemment de 'regarder à droite', ce que le PCmF appelle 'fascisme moderne' : les monopoles crient 'bâton', et leur politique antisociale et sécuritaire/antidémocratique ne trouve aucune force pour se dresser sur son chemin et les forcer à un peu de 'carotte'. La 'gauche' bourgeoise se fait 'gestionnaire' des ravages de la crise capitaliste et les forces rêvant (comme le Front de Gauche ou les amis de Montebourg) à un 'nouveau 1981' ne peuvent plus se livrer qu'à une démagogie social-républicaine populiste et finalement pathétique... Enfin, l'âge des monopoles, c'est aussi l'époque où le Capital va vouloir modeler toute la société à son image. Le 'citoyen' travailleur ne peut plus se contenter d'être un simple vendeur de force de travail pendant la journée, retournant tranquillement à sa petite vie 'traditionnelle' le soir venu : il doit devenir un homo capitalistus intégral, producteur ET consommateur, valorisant et défendant le Capital dans chacun des gestes de son existence, consacrant sa vie et même - si besoin - versant son sang pour lui ; il doit être à chaque instant un soldat des monopoles, car l'ère des monopoles est finalement en elle-même, par delà les cycles de récession et de reprise, une longue et inexorable crise générale commencée dans les années 1860-70. C'est ainsi que la 3e République, parachevant brutalement l’œuvre initiée (pour 'préparer le terrain' à la révolution industrielle) par la Révolution et l'Empire, va prendre 'à bras le corps' cette tâche indispensable : la 'France' ne peut plus être une simple juxtaposition de peuples et de nations, réunies sous l'autorité personnelle d'un souverain ; elle doit devenir une 'nation' artificielle en ellemême, 'nation' de 'bons citoyens' homo capitalistus, travailleurs dévoués et soldats disciplinés, sous l'étendard bleu-blanc-rouge de la bourgeoisie. C'est donc l'époque des 'hussards noirs de la République', du 'Soyez propres - Parlez français' sous le préau de la cour d'école et du 'Tu seras soldat' au tableau noir : l'école 'républicaine et laïque' prend le relais du curé de campagne pour former une armée de ‘cœurs et d'esprits’ tricolores, au garde-à-vous à l'usine comme à la tranchée. Son 'père', érigé en 'saint républicain' jusqu'à encore aujourd'hui, le Jules Ferry qu'on ne présente plus, exposait les choses en ces mots, avec une franchise qui ne caractérise plus guère notre bourgeoisie actuelle - encore qu'on y revienne : "Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. […] Si cet état de chose se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes diamétralement opposés, inspirés peut-être d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 28 mai 1871"... Et pourtant, ‘l’École de la République’ est encore aujourd’hui une entité semi-divine, un totem, une vache sacrée pour toute une ‘gauche’ réformiste petite- et moyenne-bourgeoise, y compris ‘radicale’ et même prétendument ‘révolutionnaire’ (trotskystes, ‘ML’ thorézo-brejnéviens) ; ce qui illustre bien tout le ‘problème français’ de la révolution prolétarienne en Hexagone. Bien sûr, ce processus d’uniformisation BBR n’ira pas sans quelques ‘bugs’ : ainsi, déjà en 1836, lors du procès de Fieschi (corse auteur d’un attentat républicain contre Louis-Philippe), le procureur clamera que ‘seul un étranger (avait) pu faire une telle chose’ (…) ; encore en 1914, dans les alentours de la gare Montparnasse, des Bretons seront pris pour des ‘boches’ en pleine hystérie ‘patriotique’, et passés à tabac ; d’une manière générale, les ‘hussards noirs’ voient les ‘patoisants’ de ‘province’ comme des ‘semi-sauvages’ à civiliser, participant à la ‘grande œuvre civilisatrice’ de la République à défaut d’avoir pu eux-mêmes aller ‘civiliser’ en Afrique ou en Indochine… Et pour 'cimenter' artificiellement un ensemble de nations, et plus généralement un Centre et des Périphéries avec un tel niveau historique de contradiction, rien ne vaut (comme disait ce bon vieux Charles Quint) l'accomplissement d'une destinée universelle : en l'occurrence, porter, non pas la 'bonne nouvelle' de Jésus-Christ, mais les 'lumières' de la 'civilisation française' ('Nous sommes les Grecs du monde', lançait Victor Hugo au maréchal Bugeaud, sanglant 'pacificateur' de l'Algérie sous la Monarchie de Juillet) par delà les océans et les déserts - tout cela, bien entendu, pour le juteux bénéfice de la grande bourgeoisie en pleine fusion monopoliste, cherchant désespérément des 'terrains' où investir et valoriser ses capitaux. Dès 1830, c'est la conquête de l'Algérie, puis les établissements dans le Pacifique (Tahiti, Marquises, 'Nouvelle-Calédonie'/Kanaky, Wallis et Futuna), à Mayotte, à Madagascar, à Dakar (Faidherbe), au Gabon, à Saïgon etc. etc., puis la colonisation d'une bonne moitié de l'Afrique et de l'Asie du Sud-Est : en 1920, 'l'Empire' couvre près de 13 millions de kilomètres carrés pour plus de 100 millions d'habitant-e-s (40 millions en métropole et 60 millions de colonisé-e-s). Ceux-là n'auront pas (même) la 'chance' d'être francisés de force : les devoirs de la 'citoyenneté' s'accompagnent de bien trop de droits pour pouvoir l'accorder à ces 'sauvages' ; ils seront donc 'sujets' de l'Empire, soumis au statut de l''indigénat', jusqu'à ce qu'après la Seconde Guerre mondiale, la bourgeoisie impérialiste décide de 'couper la poire en deux' : la grande majorité devient 'indépendante' sous protectorat de fait, tandis que quelques territoires, consacrés 'DOMTOM', accèdent à la 'citoyenneté' formelle (de seconde zone dans les faits : la répression impérialiste fait encore plusieurs morts en Martinique en décembre 1959 ou février 1974, près d’une centaine en Gwadloup en mai 1967, plusieurs dizaines en Kanaky dans les années 1980, etc.). Les nations périphériques de 'métropole' (corses, occitans, catalans, bretons, basques, alsaciens), elles, 's'accompliront dans la francité' en formant le gros de l'administration et des troupes coloniales (et des colons lorsqu'il y a colonie de peuplement : Maghreb, Kanaky). À partir des années 1960, les effets de la disparition de cette 'soupape' se feront d'ailleurs nettement sentir dans une jeunesse qui, concomitamment, accède de plus en plus largement aux études supérieures : ramassant l'étendard de la lutte contre une colonisation à laquelle avaient participé ses propres pères, elle réaffirmera avec force la conscience nationale populaire sur une ligne progressiste voire révolutionnaire… Toute cette œuvre a été, par la suite, totalement poursuivie par les régimes successifs depuis 1944 ; Vichy ne marquant en réalité aucune véritable rupture (l’appareil politico-militaire d’avant-guerre s’y transférant quasi intact, puis ralliant tel quel la ‘France libre’ entre 1942 et la Libération) ; la colonisation se transformant simplement (dans les années 1950-60) en ‘indépendances’ sous protectorat de fait (l’ambassadeur de ‘France’ jouant le rôle de ‘Résident général’) ; et les monopoles assurant pendant les ‘Trente glorieuses’ une dernière ‘vague’ de modernisation, surmontant au prix de quelques concessions le grand ‘réveil populaire’ de 1968-75 (concessions synthétisées dans le mitterrandisme des années 80). Face à cette analyse et ces constats, quelles sont les tâches des authentiques communistes révolutionnaires ? -> Elles sont d’assumer totalement l’antagonisme avec l’État, correctement analysé comme construction politico-militaire de la classe dominante ; et avec ‘la France’ comprise comme appareil idéologique et culturel qui le soutient. Écrivant dans les années 1840-1880, c'est-à-dire à la jonction entre la toute fin de l’époque des révolutions bourgeoises et le début de l’époque des révolutions prolétariennes, Marx et Engels ont beaucoup insisté sur le caractère progressiste de l’État moderne absolutiste et des révolutions bourgeoises (dont ils étaient encore contemporains en Allemagne, 1848-71) engendrant l’État contemporain ; voire… des entreprises coloniales/impérialistes (conquête de l’Algérie, guerre américano-mexicaine). Ce qui, d’un point de vue matérialiste ‘d’ensemble’, s’explique aisément : en créant le ‘terrain favorable’ nécessaire à la révolution industrielle (ou en ‘arrachant’ des peuples entiers à l’économie primitive ou féodale outre-mer), ces évènements historiques ont créé les conditions d’un développement massif du prolétariat, du caractère social de la production, condition elle-même indispensable pour ‘enclencher’ la marche au communisme, nouveau stade de civilisation et de l’histoire humaine. En développant le capitalisme industriel et ce caractère social de la production, la bourgeoisie, en tant que dernière classe exploiteuse de l’histoire humaine, engendre ses propres fossoyeurs et – par là – ceux de la société de classes en tant que telle. De plus, baignés comme tous leurs contemporains dans l’atmosphère du ‘patriotisme révolutionnaire’ français (et son importance mondiale à l’époque), les deux compères ont toujours considéré la ‘France’ comme une ‘nation’ et n’ont pas vu son caractère plurinational ; et ils ont, sans doute, exagéré (dans cette même atmosphère) l’importance réelle de la ‘rupture’ représentée par la révolution bourgeoise ‘française’ par rapport à l’Ancien régime, l’épisode ‘démocratique radical’ (1792-94) restant finalement très court par rapport au processus d’ensemble (1789-1848)… passons. Mais aujourd’hui, alors que l’époque des révolutions bourgeoises est terminée et bien terminée, on peut se demander s’il est vraiment utile d’insister en long, en large et en travers sur ce caractère ‘progressiste’ au regard ‘global’ de l’histoire humaine ; et s’il ne faudrait pas plutôt mettre en avant le revers de la médaille – que Marx et Engels, au demeurant, n’ont jamais nié. Car la révolution prolétarienne, comme processus de négation du capitalisme par le communisme, n’est pas seulement un ‘changement de mode de production’, comme le passage de l’esclavagisme à la féodalité ou de la féodalité au capitalisme ; elle est un passage à un autre stade de civilisation, la négation, quelque part, des 5.000 ou 6.000 dernières années d’histoire depuis la sortie des temps préhistoriques – d’où le caractère titanesque de la tâche. Telle est la position de Servir le Peuple : oui, d’un point de vue de développement des forces productives, de progrès scientifique et technique et – par là – d’amélioration des conditions de vie générales, cette séquence historique ‘État moderne – révolutions bourgeoises’ (13 e-19e siècles) a évidemment été progressiste ; en allant ‘chercher loin’ (et en se basant sur la stricte condition matérielle, sans se préoccuper des autres aspirations humaines telles que la liberté d’aller et venir, la ‘disposition de soi’), l’on pourrait même dire que la condition de l’esclave africain dans les plantations des 18e-19e siècles était ‘meilleure’ que celle de ses cousins restés en Afrique, dans la précarité de la vie primitive (manque de nourriture, maladies etc., alors que le propriétaire esclavagiste, lui, avait intérêt à maintenir ses esclaves en vie et en bonne santé). On pourrait dire de même que, objectivement, la condition des masses d’Amérique latine (survivantes, la colonisation ayant tout de même divisé la population par dix...) était meilleure en 1800, ‘permettant’ d’ailleurs d’entrer dans la ‘modernité’ à travers les ‘indépendances’, que sous l’Empire aztèque (avec ses sacrifices humains) ou l’Empire inca... Mais ce caractère ‘progressiste’ (passé) est, aujourd’hui, un PILIER CENTRAL de l’argumentaire de la classe dominante, de sa propagande réactionnaire pour se maintenir en place : ‘nous avons apporté à l’humanité le progrès et la civilisation’ et, d’ailleurs, la révolution prolétarienne est généralement présentée, dans cette propagande, comme un retour à la ‘barbarie’ débouchant inévitablement sur le ‘despotisme oriental’. Mettre en avant le ‘revers de la médaille’, les atrocités qui ont émaillé le processus, est donc une nécessité pour contrer cette propagande réactionnaire. Le capitalisme (dont le développement sous-tend toute la séquence historique en question) a, effectivement, créé les conditions pour le ‘saut’ de l’humanité vers une civilisation supérieure ; mais lui-même ne représente pas ce ‘saut’, il fait et demeure partie, comme les modes de production antérieurs, de la protohistoire barbare de l’humanité qu’est la société de classes. Dans le cas qui nous intéresse, sur le ‘front’ de la révolution prolétarienne mondiale où nous nous trouvons, c’est-à-dire face à l’ennemi ‘France’, ‘République française’, il importe donc de démystifier, en dévoilant les mille atrocités et les mille oppressions de masse émaillant le processus de sa construction, cet ennemi qui va bien évidemment mettre en avant son soi-disant caractère ‘progressiste’ passé, le ‘progrès’ qu’il aurait apporté à toute une partie de l’humanité (la ‘France métropolitaine’, mais aussi les ‘DOM-TOM’ – dernières colonies directes – et l’ancien Empire colonial devenu protectorats de fait pseudo ‘indépendants’). -> Et elles sont, également, de comprendre correctement la révolution prolétarienne comme un encerclement du Centre par la Périphérie ; qui est l’universalité de l’encerclement des villes par les campagnes appliqué en Chine par Mao Zedong. Il y a les ‘Centres mondiaux’ que sont la ‘Triade économique’ (Amérique du Nord, Europe occidentale, Asie-Pacifique/Australie/NouvelleZélande) et la ‘Triade géopolitique’ qui ne recoupe pas exactement la première (bloc USACommonwealth-Israël-Japon, bloc ‘euro-continental’ autour de l’axe franco-allemand, bloc ‘de Shanghai’ Russie-Chine) ; et les ‘Périphéries mondiales’ que l’on appelle souvent les ‘Trois continents’ (Afrique, Asie/Océanie ‘pauvre’, Amérique latine et caraïbe). Mais chaque continent, chaque sous-continent, chaque État et même chaque grande métropole urbaine ou département/province rural est fondé sur un ou des Centre(s) et une ‘Périphérie’. Ce sont là, finalement, les anneaux d’un serpent étranglant lentement mais sûrement le capitalisme monopoliste mondial. Pour les communistes, chaque État capitaliste est un ‘état-major intégré’ de classe auquel doit faire face un ‘état-major intégré’ révolutionnaire ; et donc un ‘front’ de la révolution prolétarienne mondiale qu’ils peuvent, éventuellement, subdiviser en ‘tranchées’ (pourquoi pas sur une base nationale, lorsque l’État est plurinational, ou sur la base d’oppressions particulières). Dès lors, chaque ‘front’ et chaque ‘tranchée’ doit être capable de déterminer quelles sont ses ‘villes’ et ses ‘campagnes’. Car dans le processus révolutionnaire qu’est la Guerre du Peuple, l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat est le ‘pilote’ de la ‘machine’, mais le ‘moteur’ en sont (au sens figuré) les ‘campagnes’ que celui-ci aura correctement déterminées au sein des masses populaires. Car le prolétariat avancé (prolétariat pour soi, conscient de sa classe et de ses intérêts, et organisé) ne peut, à lui seul, mener à bien la révolution : dans le meilleur des cas, il représente 5% de la population. Il doit donc agréger autour de lui, non seulement les éléments moins avancés du prolétariat, mais aussi tous les éléments potentiellement révolutionnaires des masses populaires, qui consistent en le prolétariat, l’aristocratie ouvrière, le prolétariat par assimilation ‘employé’ (‘para-productif’), la paysannerie et la petite-bourgeoisie (‘indépendants’ artisans et commerçants) pauvres et ‘modestes’ (c'est-à-dire la quasi-totalité des ces classes aujourd’hui) et la jeunesse déclassée-marginalisée (fille de la ‘génération baby boom’ qui ‘vivra moins bien que ses parents') ; et qui ont – finalement – toutes entières intérêt à un ‘changement radical’ de société ; en déterminant quels sont les ‘secteurs’ de ces masses populaires (les ‘campagnes’) qui ont le plus fort ‘potentiel’ pour entrer les premiers dans la lutte, et de là, déployer celle-ci vers les secteurs moins avancés, plus ‘prisonniers’ du pouvoir capitaliste (ce qui revient à ‘encercler les villes’). Pour Servir le Peuple, dans le cadre géographique de l’État dénommé ‘France’ (notre ennemi), ces ‘campagnes’ sont les ghettos urbains des grandes métropoles, où se concentre le phénomène particulier des ‘colonies intérieures’, de ‘l’indigénat métropolitain’ ; les ‘zones de relégation’ de ‘pauvreté rurale’ (qui, dans la plupart des cas, sont concernées par une problématique nationale) et les ‘zones de relégation’ des bassins industriels en perdition (où se rejoignent souvent une problématique nationale et une problématique de ‘colonies intérieures’) ; sans oublier bien sûr les dernières colonies directes d’outre-mer, et les protectorats de fait pseudo ‘indépendants’ (reliés aux 'colonies intérieures' métropolitaines). Servir le Peuple a également constaté et affirmé que ce sont les territoires et les populations atteints, subsumés en dernier par le capitalisme, qui sont généralement le point de départ (impulsant ceux touchés plus anciennement) de la ‘reconquête populaire’ face à celui-ci (d’où les ‘anneaux du serpent’). Dans ce cadre, les nations qui ont été niées à travers le processus de l’État moderne, sans même parler de celles colonisées par la suite (avec leurs ‘ambassadeurs’ en métropole), n’ont pas seulement ‘toute leur place’ ; elles ont une place de premier plan comme ‘campagnes’ motrices de la Guerre populaire sur le front ‘France’. À travers les modes de productions précédents, ces nations ont toutes connues un ou plusieurs ‘âge(s) d’or’ ; et il en va de même pour la plupart des nations ex- (et aujourd’hui néo-) colonisées. L’Occitanie, par exemple, a connu (même si l’on ne peut pas parler de nation occitane à cette époque) un ‘âge d’or’ à l’apogée de l’Empire romain (et du mode de production esclavagiste), dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, puis l’’âge d’or’ de la civilisation arago-catalo-occitane à l’apogée du mode de production féodal (11 e-12e-13e siècles), le premier n’étant évidemment pas ‘sans lien’ avec le second ; avant d’être niée par la construction monarchique de l’État moderne (correspondant à la crise générale de la féodalité). On peut même dire qu’un autre ‘âge d’or’ a existé après la révolution bourgeoise, lorsque le capitalisme était encore progressiste : la ‘civilisation villageoise’ du 19e siècle (la langue était encore largement parlée, et le sentiment occitan se combinait sans trop de problèmes avec le ‘patriotisme révolutionnaire’ français), avant que le capitalisme n’entre en crise générale – et dans l’ère des monopoles. Il est donc important de souligner, devant les masses, l’importance de ces ‘âges d’ors’ passés ; mais aussi – et surtout – le fait qu’ils n’ont été que des brouillons (puisqu’appartenant à la ‘préhistoire de l’humanité’, tel que Marx qualifie la société de classe) et que si – c’est la conviction de SLP – l’Occitanie renaît, niant la ‘France’ qui l’a précédemment niée (négation de la négation), ce sera à un niveau BIEN SUPÉRIEUR de civilisation, à côté duquel ‘l’Andalousie du Nord’ aragocatalo-occitane médiévale fera figure d’âge des cavernes ; ceci à travers la révolution prolétarienne niant le capitalisme par le communisme, l’appropriation privée de la richesse produite par le caractère social de la production. Démystifier l’ennemi de classe à travers le processus de formation de son organisation sociale, et déterminer quelles sont les ‘villes’ et les ‘campagnes’ du ‘front’ (État bourgeois) sur lequel nous opérons ; telles sont nos tâches primitives, ‘préliminaires’, immédiates mais indispensables : l’élaboration de ce que les maoïstes péruviens et Voie Lactée appellent une ‘pensée’, et l’élaboration de ce que le (n)PCI appelle une stratégie révolutionnaire, un plan général de travail. À partir de là, si ces tâches sont menées correctement, le Parti, avant-garde révolutionnaire organisée du prolétariat, pourra agréger à lui toutes les forces révolutionnaires des masses populaires aspirant à un ‘changement radical de société’, combiner toutes les formes de lutte légales et non-légales, pacifiques et non-pacifiques, pour mener à bien sur le ‘front’ en question la négation du capitalisme par le communisme à travers la Guerre populaire, jusqu’à la conquête du pouvoir par le prolétariat à la tête des masses populaires, puis à travers le socialisme et la dictature démocratique du prolétariat. La ‘France’, la ‘République’, correctement comprises comme MYTHES BOURGEOIS, sont les murs d’une prison qui enferme la conscience du prolétariat et des masses populaires ! COMMENÇONS À ABATTRE LES VIEUX MURS ET À DÉPLOYER L’AURORE !!! [1] Le fameux, l’incontournable drapeau tricolore bleu-blanc-rouge, emblème s’il en est de la bourgeoisie ayant pris le contrôle de l’État construit par les monarques en 1789, après y avoir fait son nid pendant plus de 5 siècles. Il naît au départ sous la forme d’une cocarde (rondelle de tissu que l’on accrochait aux chapeaux), lorsque Louis XVI est ‘ramené’ à Paris après la prise de la Bastille, et il unit le blanc de la monarchie au… (comme par hasard !) bleu et au rouge de Paris, indication, s’il en est, de qui est la fraction dirigeante de la bourgeoisie révolutionnaire d’alors, bien que toutes les ‘provinces’ du royaume aient leurs ‘ténors’ aux États Généraux devenus Constituante. Il deviendra étendard des armées révolutionnaires sur les champs de bataille de 1792 (comme à Valmy), avant d’être consacré officiellement en février 1794 (27 pluviôse an II), sa forme actuelle étant celle du pavillon de la Marine de guerre napoléonienne. Il est resté depuis lors l’emblème ‘national’, à l’exception de la période 1815-30 (rétablissement du drapeau blanc), y compris sous Vichy. Le prolétariat s’en dissocie pourtant rapidement puisqu’en 1848, le poète Lamartine, sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, doit défendre (dans un discours resté célèbre) le drapeau tricolore ‘qui a fait le tour du monde avec la Révolution et l’Empire’ face au drapeau ROUGE, symbole insurrectionnel populaire depuis la répression du Champ-deMars en 1791, et qui deviendra après la Commune le drapeau de la révolution prolétarienne internationale… Mais malgré cela, le mouvement socialiste puis communiste hexagonal ne saura jamais réellement se défaire de ces trois couleurs ‘révolutionnaires’, devenues pourtant, entre temps, totalement réactionnaires et impérialistes. Depuis 2003 (loi sur la ‘sécurité intérieure’), l’article 433-5-1 du Code pénal prévoit que ‘Le fait, au cours d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d'outrager publiquement l'hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d'amende. Lorsqu'il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.’ [2] Le site Voie Lactée (pour lequel les compliments de SLP sont si rares qu’ils valent de l’or…) analyse d’ailleurs ASSEZ CORRECTEMENT la ‘grande contradiction’ de la bourgeoisie BBR en 1940-44, à la lumière de l’opposition Empire/Europe ; à cela près qu’il ‘invente’ (encore une fois) une contradiction anti-léniniste entre ‘bourgeoisie financière’ (impérialiste) et ‘bourgeoisie industrielle/traditionnelle’. Pour SLP, il y avait plutôt UNE bourgeoisie monopoliste, divisée en deux branches : l’une de ‘tropisme ultramarin’ (tournée vers l’outre-mer, les colonies ; ceci même restant relatif, car les vichystes devront être délogés par la force d'Afrique du Nord, de Syrie-Liban et de Madagascar, il y aura des ralliements tardifs de territoires importants (Réunion et Afrique occidentale fin 1942, AntillesGuyane en 1943), tandis que l’Indochine restera sous-contrôle vichysto-japonais jusqu’en 1945) ; l’autre de ‘tropisme euro-méditerranéen’, tournée vers l’Europe (notamment centrale : la ‘Petite Entente’ Yougoslavie-TchécoslovaquieRoumanie d’entre-deux-guerres, l’alliance franco-polonaise) et le ‘proche Empire’ nord-africain et syro-libanais : la Mitteleuropa et la Méditerranée passant sous contrôle allemand et italien en 1940-41, cette branche va logiquement chercher à ‘intégrer’ la France dans la ‘nouvelle Europe’... Mais tout n’est (même) pas si ‘simple’ : comme on l’a dit, des colonies résisteront longuement à la ‘France libre’ et nécessiteront parfois une expédition militaire ; il existera toujours des ‘passerelles’ entre les deux ‘branches’ qui expliquent (aussi) les défections de Vichy à la ‘France libre’ au fil de la guerre, les positions ‘neutres’ du type ‘l’épée (De Gaulle) et le bouclier (Pétain)’, ou les éléments comme Darlan (‘premier ministre’ de Vichy février 1941-avril 1942) qui prennent bouche avec les Américains (alors encore neutres) et se ‘rallient’ lors du débarquement allié en Afrique du Nord, etc. etc. Si l’on prend un industriel comme Renault (vichyste, l’entreprise sera nationalisée à la Libération), ne roulait-on pas en Renault dans les colonies ? N’y avait-il pas là un marché très important pour le fabricant automobile ? Avait-il forcément envie de voir l’Afrique envahie de Volkswagen et l’Indochine de Toyota ? CQFD. On peut également penser qu'il y avait un clivage entre principalement anti-allemands (contradiction inter-impérialiste principale) et principalement anticommunistes (contradiction révolution mondiale/contre-révolution principale) : l'URSS n'était pas (loin de là) 'aux portes' de la 'France' et des bourgeois 'intelligents', ne cédant pas à l'hystérie, pouvaient facilement se rendre compte de l'inoffensivité du PCF et du Front populaire ; pour d'autres, en revanche, l'occupation étrangère était préférable à la moindre réforme sociale, 'ouvrant les vannes du bolchévisme'. Il y avait peut-être, aussi, des principalement antianglais, la contradiction restant forte en Afrique et en Orient (question de Mossoul, province ottomane riche en pétrole, promise à la France mais finalement attribuée au 'mandat' britannique en 1920, d'où l'importance du vichysme en SyrieLiban). Après-guerre, les ‘ultramarins’ seront nettement ‘atlantistes’ (ils ont besoin de l’impérialisme US pour défendre les territoires contre les mouvements anticoloniaux, appuyés par l’URSS et la Chine), quoique non sans contradiction (l’impérialisme US tend aussi à appuyer la ‘décolonisation’, car une colonie qui ‘échappe’ à la France sans tomber dans le ‘bloc rouge’ passe généralement dans son orbite) ; tandis que les ‘continentaux’ vont se lancer, avec l’impérialisme allemand qui cherche à se relever de sa déroute de 1945, dans la construction européenne, présentée aux Américains comme une manœuvre antisoviétique, mais visant en réalité à s’émanciper de leur hégémonie. Le gaullisme va finalement réaliser, dans les années 1960, la ‘synthèse’ de tous ces ‘tropismes’ impérialistes, présidant avec l’allemand Adenauer à la construction d’une ‘Europe forte’ (rejetant cependant le ‘volapük intégré’ des euro-fédéralistes sociauxdémocrates et démocrates-chrétiens), qui s’étendrait idéalement ‘de l’Atlantique à l’Oural’, et jouant de la contradiction USA/URSS, de la rupture sino-soviétique etc. (et de la fameuse 'politique arabe') pour tenter de ‘bétonner’ le ‘pré carré’ BBR Afrique-Orient-Caraïbes-Pacifique. Mais il devra pour cela ‘sacrifier’ l’administration directe et la colonisation de peuplement dans la grande majorité de l’Empire, en accordant l’’indépendance’ ; ce qui fera forcément des mécontentements et donnera naissance – pour longtemps – à une ‘droite antigaulliste’ dans laquelle des 'Français libres' de la première heure retrouveront beaucoup d’anciens vichystes...