1 Ethique, Foi et Santé Saint François Année 2015

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Ethique, Foi et Santé Saint François
Année 2015-2016
Qu’est-ce que guérir ?
13 janvier 2016 – 3ème voletCatherine Radet
La santé face aux pressions économiques
I.
Introduction
Le titre ainsi formulé rejoint davantage le « Comment guérir ? » Ce n’est pourtant pas une question si
éloignée du thème de l’année car le comment ne peut être fondé que sur le « qu’est-ce que guérir »,
en effet le but donne la direction et donc les moyens que l’on se donne. Par exemple, en cas de
céphalées (mal de tête), c’est peut-être plus simple, moins couteux d’investir dans un scanner, d’en
prescrire à répétition plutôt que de prendre le temps, un temps humain si précieux, pour écouter la
plainte somatique qui cache un mal autre, la source qu’il faut atteindre, sans compter le mal spi, le
vide spi… bien souvent à la racine de tous nos maux.
Pourquoi ce thème ? qui dit pressions économiques dit crise, or la santé est touchée par la crise et à
son tour contribue à la crise, par ses retentissements physiques, psychiques et spirituels, responsables
par exemple d’arrêts de travail, de chômage, de maladie chronique, dépression, avec des
conséquences de tout ordre : divorce, familles recomposées, enfants et adolescents en difficultés,
difficultés socioéconomiques, augmentation de la précarité… effet domino.
Il existe plusieurs angles pour aborder la question. En une soirée, il n’est pas possible de faire un
balayage général sur un sujet aussi vaste. Nous regarderons la question à partir de 4 spots ce qui ne
fera qu’effleurer le sujet mais suffisamment, j’espère, pour que chacun puisse se poser la question :
« qu’est-ce qui est à ma portée dans ce problème épineux de la santé aux prises avec la crise
économique ? »
II.
Quelques aspects sous l’angle de l’économie
A.
Economie de la santé et recherche :
L’économie de la santé est une discipline relativement récente dont on peut situer l’origine au début
des années 1960. Paru en 1963, l’article de Kenneth J. Arrow (prix Nobel d’économie 1972) fait office
de précurseur de la discipline. Les principes généraux y sont décrits. Un autre résultat connu comme
le paradoxe d’Arrow montre qu’il est impossible de définir l’intérêt général à partir des choix
individuels. A Chicago, Gary Becker (prix Nobel 1992) élabore une théorie du capital humain
mobilisant l’éducation, la formation et la santé en tant que capacités à développer puis à maintenir,
tels des investissements susceptibles d’engendrer des revenus accrus. Investir dans la santé est ainsi
proposé comme une source potentielle de richesse pour l’individu ou pour la nation. Des débats
s’ouvrent alors sur les applications de tout cela. Les débats viennent en France. Rappelons qu’en
France, dès 1945 sont promulguées les ordonnances Laroque sur la sécurité sociale qui mettent en
place l’assurance-maladie pour les travailleurs salariés. Le dispositif s’étant à l’ensemble de la
population française : la santé n’a pas de prix ! L’ampleur croissante des coûts sociaux et de la santé
conduit les responsables de la Comptabilité Nationale Française à s’intéresser de plus près aux logiques
de croissance des secteurs concernés. Les champs de recherche s’élargissent et les études deviennent
1
le support du processus de rationalisation des choix budgétaires et des dépenses publiques. La
question de la maîtrise des dépenses de santé qui mobilise une part croissante des budgets nationaux
comme des budgets familiaux, et déséquilibrent durablement les comptes de l’assurance-maladie (le
fameux trou de la sécurité sociale) est posée dès le début des années 1970. De multiples plans de
régulation financière visant à contraindre la demande ou réduire l’offre de soin se succèdent depuis.
Des appels d’offre sont lancés sur l’analyse de la croissance des dépenses de santé, la gestion et
l’organisation hospitalière etc. La recherche française en économie de la santé prend alors toute sa
place dans le développement international de la discipline, qui devient une branche reconnue des
sciences économiques et y apporte sa contribution autant théorique qu’appliquée.
Parallèlement à cela, les mécanismes collectifs de financement par l’assurance-maladie induit un essor
continu des soins, d’où une transformation considérable de la société, de son rapport au corps. Les
notions d’économie et de santé apparaissaient depuis longtemps antinomiques, les soins relevant de
la sphère privée, où à défaut de la charité publique, et la vocation du médecin était en apparence
dégagée de toute préoccupation mercantile. Aujourd’hui, confronté à cette situation économique et
médicale d’expansion de la demande de soins, et des moyens scientifiques et techniques d’y répondre,
le monde médical s’empare progressivement des outils du calcul économique et financier pour
déployer et justifier ses interventions de plus en plus coûteuses. La recherche va jusqu’à évaluer les
coûts indirects de la maladie, notamment les pertes de production induites par les arrêts de travail.
Médecins et économistes travaillent dorénavant ensemble. Les questions se
complexifient s’adaptant aux évaluations épidémiologiques. La recherche de l’efficience est devenue
le maître mot. La société évolue aussi : avec l’efficience médicale et l’allongement de l’espérance de
vie, le vieillissement de la population et la montée des maladies chroniques sont devenues les causes
principales de morbidité et de mortalité remplaçant les maladies infectieuses. Le coût sur les soins
ne fait que croître. Dans d’autres pays se discute l’accessibilité aux soins de médications coûteuses
telles que le traitement su SIDA par exemple. Les acteurs de soin se multiplient et la question de leur
coordination entre eux se posent de plus en plus. Des méthodes de travail nouvelles voient le jour :
réseaux, structures de concertation, maisons médicales, etc.
Le monde social et politique évolue également, élabore théories et méthodes. Les nouvelles lois de
santé érigent des Droits nouveaux : Droit des patients en matière de représentation, d’information,
de consentement éclairé, de partage de la décision tant au niveau individuel qu’institutionnel.
La notion de démocratie sanitaire apparait avec le nouveau millénaire. Le patient est de plus en plus
impliqué dans les choix des traitements, le déroulement des soins, leur accompagnement, jusqu’à être
coproducteurs des soins. Ce sont plus largement les conditions sociales de vie, de travail et
d’organisation économique, par les comportements individuels et collectifs qui sont interrogés comme
à l’origine de troubles morbides physiques ou psychiques facteurs de risque de cancer, de dépression
ou d’obésité. L’économie de la santé évolue donc vers un appel à la responsabilité individuelle dans
la préservation et le maintien de sa santé.
Maintenant, étudions les théories de la justice et les systèmes de santé.
2
B.
Systèmes de santé, théories de la justice1
Il existe plusieurs systèmes de santé dans le monde, basés sur des critères, des théories et principes
très différents selon les pays :
 Le critère du marché, comme le système de santé nord-américain, basé sur la théorie
libérale de la justice. Le marché s’appuie la valeur première de la liberté.
 Le critère de la solidarité, mais avec des différences, selon que cette solidarité
s’appuie sur les besoins individuels (systèmes dits bismarckiens en Allemagne,
Autriche, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) ou sur l’utilité collective (systèmes dits
beveridgiens de solidarité utilitariste au Royaume-Uni, Danemark, Irlande, Finlande et
Suède). La France, comme l’Italie, le Portugal, la Grèce et l’Espagne sont des systèmes
mixtes. Tous ces pays ont en commun le besoin comme valeur première, ce sont les
théories solidaristes de la justice. Les droits réels se substituent aux droits formels.
L’utilitarisme donne priorité aux actions qui maximisent le bien-être pour un maximum
de personnes. Equilibre trouvé entre impôt consenti et l’intérêt général (niveau de
santé publique souhaité).
Chaque système comporte malheureusement des failles, produit des effets injustes et chaque système
tente de les corriger en introduisant un des autres critères des autres systèmes. Plus on élève le niveau
de santé d’une population, plus le seuil de tolérance devant la maladie baisse et plus augmente la
demande de santé. Doit-on et peut-on offrir à tout le monde tout ce qui est techniquement possible
en matière de biens de santé ? La couverture du risque engendre la prise de risque, et augmente le
besoin de soins. (C’est ce qu’on appelle un risque moral élevé, ou encore le risque de
déresponsabilisation des patients trop assisté). Les quelques mécanismes libéraux persistants (choix
du médecin, accès direct aux spécialistes, paiement à l’acte, liberté d’installation, etc) induisent
nécessairement une surproduction et une surconsommation massives du système de santé. Les
systèmes utilitaristes purs ont des effets « sacrificiels » (les laisser pour compte du système) et sont de
plus parfois inefficient par inertie bureaucratique et non incitatifs pour les médecins.
Des tentatives de corrections des dérives sont faites soit par des mécanismes de marché (en
introduisant par ex des systèmes concurrentiels entre caisse d’assurance), des systèmes pour favoriser
l’autonomie, le mérite, la responsabilisation de sa santé, augmenter la solidarité utilitariste par
limitation des demandeurs (accès indirects aux spécialistes) et/ou des offreurs (numérus clausus) …
Chaque mécanisme de corrections comporte également des effets pervers complexes.
En France : (toujours selon l’analyse de Suzanne Rameix)
Obligation morale des médecins :
Coté médecin, les conséquences des options françaises sont considérables : leur responsabilité est
immense. Un système solidariste suppose des médecins « vertueux » puisqu’ils ont la charge d’évaluer
les besoins médicaux qui sont – qui devraient être – le seul critère de production et d’allocation des
soins et, d’autres part, de prodiguer les soins correspondant à ces besoins, et ceux-là seulement. De
lourdes obligations pèsent sur eux : détermination du besoin « objectif », évaluation, comparaison
(médecine et autres actions, préventif et curatif, etc.) interdiction de tout soin inutile, compétence
1
Suzanne RAMEIX : Théories de la justice et système de santé. In : Collège des enseignants de sciences humaines
et sociales en médecine et santé : Médecine, santé et sciences humaines. Manuel. Les Belles Lettres, Paris 2011,
p 472-484
3
maximale, devoir de résistance à la demande et à l’offre, participation à l’évaluation du coût, obligation
à efficacité égale de prodiguer le soin le moins coûteux.
Responsabilité du politique et des citoyens :
Le système français est hétérogène, « mille-feuille » : des origines libérales conservées, une évolution
solidariste assurantielle puis une évolution solidariste utilitariste (tutelle de l’Etat sur la santé publique
depuis 1945…) puis à nouveaux des outils libéraux. Qu’est-ce qui est pris en charge par la solidarité
et pourquoi ? Quels mécanismes de marchés sont admis et pourquoi ? Comment le critère du mérite
joue-t-il et pourquoi ? Si les choix ne sont pas clairement posés et connus de tous, médecins et
patients, offreurs et demandeurs, prescripteurs et payeurs, le système ne peut que dysfonctionner. La
relation médicale doit s’instaurer dans un cadre économique transparent, seul gage d’une
responsabilisation de tous les acteurs concernés.
Lien entre morale individuelle et morale collective. Beaucoup de nos problèmes ne sont-ils pas
ultimement les problèmes d’une société qui refuse la mort ?
III.
Principes éthiques :
A.
Théories morales
Dans l’ouvrage de référence des bioéthiciens2, écrits par Beauchamp et Childress, plusieurs théories
morales sont étudiées et passées en revues, chacune des cinq théories est minutieusement
décortiquées pour éliminer ce qui est inacceptable et garder au contraire les éléments pertinents et
acceptables pour une démarche de réflexion en bioéthique et en pratique clinique. Aucune des cinq
théories est à elle toute seule la panacée. La connaissance de tous les aspects, avec ses défauts et
avantages sont utiles car une grande partie de la littérature portant sur ce domaine fait appel aux
méthodes et aux conclusions qu’elles mettent en jeu.
Ces théories sont les suivantes : l’utilitarisme, le kantisme, l’individualisme libéral, le
communitarisme et l’éthique de la sollicitude (ethics of care). Ces théories ont été élaborées selon
des critères et des conditions précises, pensées par des philosophes et s’appliquent dans des domaines
variés. Certaines conviennent mieux que d’autres selon le champ d’application, par exemple
l’utilitarisme est un meilleur modèle pour la politique publique que pour l’éthique médicale clinique.
Dans une conception populaire jusqu’à la fin du XX° siècle, les fonctions d’une théorie morale étaient
de prescrire et de justifier les normes générales, en tant que système. Dans une conception plus
récente et moins définie, la tâche de l’éthique est de réfléchir de façon critique, sur les normes et les
pratiques morales réelles.
Une théorie doit remplir les 8 conditions suivantes :
-
Clarté dans sa globalité et dans ses parties
Cohérence : une théorie doit avoir une cohérence interne.
La complétude et l’exhaustivité et qui peut justifier toutes les valeurs morales énoncées.
L’économie : mieux vaut une théorie comprenant quelques normes de base qui génère un
contenu moral suffisant qu’un ensemble de normes sans contenu.
La force de l’explication : vision suffisante pour nous aider à comprendre la vie morale : son
but, son statut objectif ou subjectif…
2
Tom L. Beauchamp et James F. Childress Les principes de l’éthique biomédicale. Médecine et Sciences Humaines. Les Belles Lettres, Paris
2008 p 483 – 548.
4
-
La force de la justification : une théorie doit également fournir des motifs pour justifier la
conviction exprimée.
La fécondité, c’est-à-dire lorsqu’elle engendre des jugements nouveaux.
Réalisable.
Voici un court aperçu de 2 d’entre elles :
1.
Kant et la morale déontologique du devoir.
La norme morale est posée par l’homme : l’autonomie. Avec lui, il n’y a plus aucune finalité externe
qui puisse être normative. On ne peut partir que de l’homme. L’analyse de Kant à propos des normes
morales s’enracine dans le pouvoir exclusif de la raison humaine. Dans les Fondements de la
métaphysique des mœurs (1785), Kant cherche comment nous pouvons être moraux. Dans la première
section, il part des jugements moraux de la conscience commune. Ce qui est bon en soi pour elle, c’est
« une bonne volonté » (p. 87). Il n’existe qu’une seule chose qui puisse être tenue comme bonne sans
restriction, c’est la « bonne volonté ». En effet, tous les autres talents et qualités ne sont pas bons en
eux-mêmes : ils peuvent être mauvais s’ils sont au service d’une volonté mauvaise. Qu’est-ce qu’une
bonne volonté ? C’est une volonté d’agir par devoir, et non pas conformément au devoir. Quel est le
principe, la loi morale qui doivent déterminer la volonté ? D’abord, « je dois toujours me conduire de
telle sorte que je puisse vouloir que ma maxime devienne une loi universelle » (p. 103).
Donc la moralité d’un acte se juge à la possibilité d’universaliser la maxime qui en est à l’origine. Kant
écrit alors : « Il n’y a qu’un impératif catégorique et c’est celui-ci : agis uniquement d’après la maxime
qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ». Cette intransigeance
formelle nous conduit à l’idée d’autonomie, c’est-à-dire à l’autolégislation de la conscience morale.
Mais comment la volonté est-elle liée pratiquement à cet impératif qu’elle construit ? Pourquoi
devrait-elle s’y plier ? Il faut une fin qui la détermine et l’on sait que cela ne peut être une fin subjective
fondée sur des mobiles nés de nos penchants. Ce ne peut être qu’une fin objective. Quelle est donc
cette fin en soi, objective, qui doive entraîner la volonté à agir ? C’est le respect de l’humanité :
« Supposons qu’il y ait quelque chose dont l’existence en soi-même soit une valeur absolue, quelque
chose qui comme fin en soi, peut être le principe de l’impératif catégorique… Or, je dis : l’homme en
tant qu’être raisonnable, existe comme fin en soi et non pas simplement comme moyen dont telle ou
telle volonté puisse user à son gré » (p. 148). Les choses ont un prix mais l’homme a une dignité ; les
choses dont des moyens et n’ont qu’une valeur relative, les personnes sont des fins objectives et ont
une valeur absolue. La formule de l’impératif devient alors : « Agis de telle sorte que tu traites
l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours et en même
temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen » (p. 150). Cette formulation est
essentielle pour Kant dans la mesure où elle équilibre le formalisme du premier énoncé. Le respect de
l’humanité « humanise » pour ainsi dire et tempère la sécheresse de la première formulation de
l’impératif catégorique. Pourquoi l’homme est-il une fin en soi ? Parce qu’il est l’auteur de la loi à
laquelle il obéit.
L’éthique kantienne est :

Déontologique : la recherche de ce qui doit être remplace l’ontologie, la connaissance
de ce qui est.
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
Autonomie : Poser soi-même la loi à laquelle on obéit remplace l’hétéronomie qui est
de recevoir la loi de quelque chose d’autre que soi-même.

Distingue les choses et les personnes, le prix et la dignité.
2.
La théorie utilitariste : John Stuart Mill
Il s’agit d’un grand courant philosophique héritier de notre modernité qui va s’imposer inexorablement
à la faveur d’un refus radical de toute métaphysique. Le fondateur est Jeremy Bentham, fin XVIIIe
siècle, mais son disciple John Stuart Mill (1806 – 1873) en sera le grand promoteur : c’est lui justement
qui forge le terme dont le livre principal s’intitule L’utilitarisme (1861). Cette théorie éthique est à la
recherche d’un fondement externe, d’un critère objectif, évident, universel pour penser la moralité de
nos actions sans faire appel à la métaphysique ou à la religion.
Ce système part du fait que la vie est une résistance à la mort, que l’être humain évite tout ce qui peut
le détruire et recherche tout ce qui peut aider à la conservation de sa vie. D’ailleurs le système nerveux
d’un homme – mais aussi des animaux – fonctionne pour éviter une douleur, signe négatif d’une
menace ou d’un danger et pour rechercher un plaisir, signe positif de la satisfaction de ses besoins et
de la conservation de soi.
Le fondement est ici hétéronomique de type naturaliste : éviter la peine et la douleur et/ou rechercher
le plaisir. A partir de là, Mill met en forme la grande maxime utilitariste, à savoir promouvoir le plus
grand bien-être du plus grand nombre. Le principe d’utilité ainsi défini est un bien qui consiste à
chercher le plus grand bonheur du plus grand nombre, à maximiser le bien-être.
L’utilitarisme se définit donc comme une doctrine normative éthique – pour les choix personnels – et
politique – pour les choix collectifs – qui fonde la moralité d’une action ou d’une règle d’action sur
une aptitude à conduire au plus grand bonheur du plus grand nombre. Le bonheur étant défini en
termes de plaisir ou d’absence de souffrances. Mill écrit à ce propos : « La croyance qui accepte l’utilité
(i.e. le principe du plus grand bonheur) comme la fondation de la morale, soutient que les actions sont
justes selon le degré auquel elles tendent à promouvoir le bien-être c'est-à-dire le bonheur. Par
bonheur, j’entends le plaisir et l’absence de peine. Par absence de bonheur j’entends la peine et la
privation du plaisir ». On mesure donc le bien d’une action à ses conséquences proches ou lointaines
sur la vie individuelle et la vie en société. Cette doctrine est un conséquentialisme avec comparaison
des plaisirs, calcul des conséquences et optimisation de mon bonheur. Ce qui est bien et juste en soi
n’a aucune importance : si cela me fait plaisir d’être moral, de servir les plus démunis, ce n’est plus un
choix moral, c’est seulement une conséquence que je dois prendre en compte comme un plaisir à
mettre en balance avec d’autres calculs.
L’utilitarisme est un individualisme (les utilitaristes sont en effet les héritiers de ce grand mouvement
d’idées au XVIIe siècle qui fonde l’éthique sur l’individu) car l’utilité n’est liée qu’à l’individu en soi.
C’est aussi un universalisme puisque la société est appréhendée comme un ensemble d’individus
dont il faut minimiser le plus possible la souffrance. Le critère naturaliste du bonheur et de la douleur
permet aussi une prétention à l’égalité (nous sommes tous égaux face à la douleur et au plaisir) :
« Chacun doit compter pour un, et personne pour plus d’un », selon la célèbre formule de Bentham
qui croyait à une arithmétique universelle du plaisir. Le souverain bien est l’état optimal du monde qui
signifie le plus grand bonheur pour tous.
Le premier obstacle auquel se heurte l’utilitarisme est qu’il ne se suffit pas à lui-même pour indiquer
le Bien et qu’il doit recourir à un critère non utilitariste pour déterminer le type d’utilité qu’il convient
de maximiser. Si j’ai envie de maximiser mes plaisirs dits inférieurs (au nom de quoi les jugez-vous ainsi
dira l’homme moderne), je ne vois pas en quoi la théorie utilitariste me l’interdirait.
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On peut faire la remarque/critique suivante à l’encontre de cette conception morale. Premièrement,
un réductionnisme extrême : L’utilitarisme ne juge les actes moraux qu’à l’aune d’un rapport
avantages/désavantages, plaisirs/déplaisirs, préférences/aversions. D’autre part, lorsque le principe
est appliqué à la société – soi qu’il s’agisse d’utilitarisme classique lorsque le bien-être collectif est la
sommes des bien-êtres particuliers ( on maximise la somme), soit que l’on ait à faire à l’utilitarisme dit
moyen lorsque l’on vise à augmenter le niveau moyen des bien-êtres particuliers (on maximise l’utilité
par tête) –, il y a nécessité de disposer d’un observateur impartial qui préside à l’évaluation des
avantages et qui va décider pour la société du choix de maximisation. Mais qui est ce spectateur
extérieur et impartial ? Au nom de quoi s’arroge-t-il le droit de traiter la société dans son ensemble
comme un individu en définitive ? Ce qu’il y a en germe ici c’est le caractère sacrificiel de l’utilitarisme
et qui constitue sa dérive redoutable. Les gains de certains pourraient compenser les pertes des autres
et par exemple, la violation de la liberté ou même de la vie d’un petit nombre peut être justifiée par
l’intérêt maximal du plus grand nombre. C’est le droit du plus fort. Puisqu’il n’y a aucune référence à
des valeurs, l’utilitarisme pose clairement le problème de la tyrannie. Puisque les droits de l’homme
ne valent pas pour eux-mêmes mais seulement parce qu’ils procurent une certaine utilité dans les
rapports interindividuels, se pose la question du sacrifice des innocents pour un plus grand bien
puisqu’il n’y a aucun droit inaliénable dans une perspective utilitariste. Le droit à la vie n’a
d’importance que s’il est utile à augmenter la somme nette des satisfactions : si tel n’est pas le cas, la
violation de ce droit est légitime (exemples de la torture, de l’esclavage, de l’euthanasie,).
En étudiant ces racines philosophiques, Kant en Allemagne, Mill au Royaume-Uni, on comprend mieux,
en plus de la seule histoire, pourquoi le système de base allemand est devenu solidariste, et le système
anglais utilitariste. Chaque système trouve ses racines dans son histoire, ses philosophes, ses
personnages importants.
B.
Principes éthiques de Beauchamp et Childress et notion de vertu
Dans son sens le plus courant, la morale se réfère aux normes de la bonne ou de la mauvaise conduite,
consensus social à peu près stable. Elle englobe de nombreux modèles de conduite, incluant les
principes moraux, les règles, les droits et les vertus. Nous les apprenons en grandissant et elles se
transmettent de génération en génération. Toute personne moralement sérieuse accepte sans
difficulté ces règles et ne conteste pas leur pertinence et leur importance. C’est ce qu’on appelle la
morale commune. La morale s’étend au-delà de la morale commune et inclut par exemple des idéaux
moraux que certains acceptent volontairement, des normes communautaires qui lient les membres
d’une communauté, des vertus exceptionnelles, etc.
Les normes universelles de la morale commune constituent un petit groupe parmi toutes les normes
morales réelles et possibles. Des personnes peuvent ainsi se référer à une morale parfois différente
selon la culture, la religion tout en étant digne de respect l’une et l’autre. Un socle commun minimum
cependant peut être dégagé. De même, les professionnels en médecine (tout comme dans chaque
profession) ont besoin d’une morale dite professionnelle avec des normes spécifiques pour les
institutions, les pratiques et les traditions médicales. Les problèmes de l’éthique professionnelle
proviennent en général de conflits concernant des normes professionnelles ou de conflits surgissant
entre les engagements professionnels et les engagements de personnes extérieures à la profession.
Les auteurs Beauchamp et Childress pour remédier au grand flou dans l’usage et l’interprétation des
différents codes de santé publique, ont retenu et défini 4 grands principes de base pour construire
7
non une théorie morale mais un cadre pour guider les pratiques professionnelles, afin d’identifier les
problèmes moraux et y réfléchir.
L’avantage est de parler un langage commun, qui est souvent la difficulté première de milieux opposés.
Les quatre principes phares sont les suivants :
 Le principe de l’autonomie : norme qui prescrit de respecter les capacités de prise de
décision des personnes autonomes
 Le principe de non-malfaisance : norme qui prescrit d’éviter de causer du mal
 Le principe de bienfaisance : groupe de normes qui visent à procurer des bénéfices et qui
évaluent les bénéfices par rapport aux risques et aux coûts
 Le principe de justice : groupe de normes qui prescrivent la répartition équitable des bénéfices
et des coûts
A cela, sont ajoutés Règles, droits, vertus, émotions, et autres considérations morales, important à
considérer pour avoir une vision d’ensemble de la vie morale.
Ex : une éthique des vertus aide à comprendre pourquoi les bons choix moraux dépendent souvent
davantage du caractère que des principes, et elle nous permet d’évaluer le caractère moral d’une
personne d’une façon plus riche.
Les vertus dans les rôles professionnels sont importants. Toute personne douée de capacités
normales peut cultiver certains traits de caractère qui ont une importance centrale pour la vie morale.
La plupart de ces traits comprennent une structure complexe de croyances, de motivations et
d’émotions. Les rôles professionnels sont liés à des attentes institutionnelles et à des pratiques
professionnelles. Ils intériorisent les conventions, les coutumes et les procédures dans tous les
domaines que ce soit pour la santé. Mélange d’idéaux et de normes… Les 5 vertus centrales
particulières liées à ces professions sont la compassion, le discernement, la loyauté, l’intégrité et le
caractère consciencieux. Les auteurs en citent d’autres : le respect, la considération, le courage, etc.
L’une appelant les autres.
Il existe deux niveaux de normes morales : les morales ordinaires et les morales extraordinaires. Donc
en somme le minimum moral et une morale à laquelle on aspire, dans laquelle les individus adoptent
des idéaux moraux qui ne sont pas valables pour tout le monde, pas obligatoires pour tous, quoique
admirables en soi. C’est ce qu’on appelle la surérogation, avec des actes surérogatoires (payer ou agir
plus que ce qui est demandé).
Actes surérogatoires : actes bons et louables, dans le but de promouvoir le bien-être d’autrui, qui
dépassent ce qui est demandé par la morale commune, au-delà de l’obligation.
Excellence morale : les buts et l’excellence morale d’une personne s’élargissent en même temps que
le développement de son caractère moral. Là est peut-être le secret d’une réussite pour un système
de santé. Or comment exiger ce qui n’est pas obligatoire ? En donnant l’exemple.
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IV.
Paroles de soignants avec Ph Svandra
Philippe Svandra3, infirmier de formation, philosophe essaye de comprendre les raisons pour lesquelles
les soignants estiment qu’il existe par nature une tension (sinon une contradiction) entre leur
engagement professionnel et les exigences économiques auxquelles est soumis aujourd’hui l’hôpital.
« Nous ne souffrons pas tant d’un manque de moyens que d’une pénurie de sens. » dit-il en
reprenant cette citation de Dominique Folscheid.
Il commence par définir les présupposés qui fondent l’éthique soignante selon le philosophe Frédéric
Worms : « le soin se rapporte à toute pratique tendant à soulager un être vivant de ses besoins
matériels ou de ses souffrances vitales, et cela, par égard pour cet être même. » Le soin est caractérisé
par sa visée plus que par son action, et cette distance entre l’acte et sa finalité pose justement un
problème éthique aux soignants, problème d’autant plus grand que la distance sera grande. Si l’acte
peut être évaluable économiquement, l’être auquel il est délivré ne l’est pas, selon la morale des Droits
de l’homme. « Si les choses ont in prix, l’homme a une dignité qui, inaliénable, est au-delà de tout
prix. » (E Kant). Le soignant doit avoir à l’esprit deux exigences : une sollicitude et une responsabilité
envers son patient, d’autant plus grandes que le patient est en situation de vulnérabilité. Ce qui doit
conduire le soignant est le respect inconditionnel que l’on doit à la personne d’autrui, plus exactement
de sa dignité. La vulnérabilité est particulièrement digne de sollicitude et la capacité d’autonomie
particulièrement digne de respect. Il n’est pas toujours facile de respecter et l’un et l’autre. Plus qu’une
relation, le soin est une Rencontre, et une rencontre toujours singulière !
Pour autant, il existe un « prendre soin » collectif, comme forme de lien social. La collectivité se doit
d’organiser la solidarité envers les plus fragiles et c’est même la meilleure manière de mesurer le degré
de cohésion d’une société que de se référer à son niveau de protection des plus fragiles de ses
membres. On retrouve bien dans cette triangulaire les principes de Beauchamp et Childress cités : les
principes de bienfaisance (et non malfaisance) et d’autonomie dans la relation soignant-soigné, et de
justice dans le souci de la collectivité.
Dans une institution comme un centre hospitalier, une maison de santé ou toute autre maison
destinée à la santé humaine, les gestionnaires ont besoin d’éléments chiffrés, comparables et fiables.
Nous l’avons vu, pour l’économie de la santé, idem. Le risque est alors que le soin devienne un service,
voire un produit comme un autre que l’on pourrait standardiser. C’est ainsi que, même sans
enthousiasme, le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI) s’est peu à peu
imposé au corps médical. Fondé sur une nomenclature standardisée appelée G.H.M. (Groupes
Homogènes de Malades), chaque regroupement représente comme un idéal type de malade. On
comprend qu’il y ait eu beaucoup de résistance de la part du corps soignant, qui répugne à l’idée de
faire rentrer dans des cases précises l’inclassable. Entre autre, la T2A (tarification à l’acte) risque de
polluer la relation soigné/soignant.
Comment refuser cette dérive gestionnaire, comptable sans pour autant verser dans l’angélisme?
Philippe Svandra proposer de distinguer deux types d’actes: certains actes peuvent en effet relever de
3
Cadre supérieur de santé / Formateur – consultant au Pôle formation du Centre Hospitalier Sainte Anne (Paris) depuis septembre 2008
Maitre de conférences associé en service temporaire à l’Université Paris Est - Marne-la-Vallée (UPEMLV) depuis septembre 2009
http://svandra.over-blog.com/article-la-difficile-rencontre-de-l-ethique-soig-38399521.html
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la production, ce sont tous les actes techniques, pensés préalablement, programmés ou non,
mesurables par la T2A. Il faut distinguer à coté de cela une catégorie d’actes non mesurables, non
prévisibles : « accomplir un acte de soin, ce n’est pas seulement le réaliser selon un plan, un modèle,
un processus opératoire, c’est aussi (et surtout) le mener à bien en découvrant le sens dont il est
porteur pour le soignant comme pour le soigné. Les soins palliatifs (et plus largement ce qui relève
plus globalement du care comme forme de « prendre soin ») semble relever de cette catégorie. Ainsi,
comment coder un accompagnement, une rencontre. »
Peut-être faudrait-il faire ici la distinction entre « justesse » et « justification » ? Entre ces deux
termes se retrouverait l’opposition entre « singularité » et « universalité ». En ce sens la justesse
concernerait davantage la singularité, l’acte serait juste, bien posé, répondant aux exigences du métier
alors qu’a contrario la justification paraîtrait de l’ordre de l’universalité, il s’agit de pouvoir se référer
à des protocoles ou autres guidelines, de faire ce qui est prouvé statistiquement. La codification de
type T2A se présente alors sous la forme d’une justification qui ne prouve pas pour autant la justesse
de l’acte.
Commentaires : il est évident que tous souhaitent pouvoir valoriser ce si précieux temps passé avec le
patient, non au sens monétaire mais au sens axiologique. Ce temps : comment lui donner sa juste
place ? comment apprendre à le donner, à se donner ? Le temps, c’est de l’argent, dans la logique
comptable habituelle de notre société. Ce temps d’écoute, de formation, de transmission du savoir,
de partage d’information entre l’équipe… C’est toute la tension qui persiste entre quantité et qualité.
Mais la tension est bon signe. On oublie que si tension il y a, c’est qu’il existe un maintien entre deux
entités opposées, un tensioactif comme en chimie pour maintenir eau et corps gras. C’est le propre
de la relation humaine, de la société humaine qui est la somme des relations humaines. L’absence de
tension est la rupture ou la fusion. Tant qu’il y a de la tension, il y a de la vie pourrait-on dire. Il ne
faut pas s’en désoler, s’en morfondre. C’est vrai d’un couple, d’une vie de famille, surtout à l’âge de
l’adolescence. Aucun modèle ne saurait nous modeler ou fusionner dans un moule préfabriqué. Donc
plus que sur du temps ou de l’argent, il faut pouvoir redonner à chacun le sens de ce qu’il vit, la claire
conscience d’accomplir son devoir, être vertueux au sens aristotélicien du terme.
Je reprends les références souvent citées de Philippe Svandra : Paul Ricœur et sa « petite éthique »
(Soi-même comme un autre) qui évoque la triangulaire JE TU IL : moi, l’autre en face et les autres, c’està-dire le tiers qui vient me rappeler à la justice. Paul Ricœur du côté de la sollicitude et Emmanuel
Levinas du côté de la responsabilité.
En tant que chrétien, notre triangle devient pyramidal, avec un 4ème pôle qui apparait dans cette
dimension verticale : Dieu qui me renvoie à ma triple relation à moi-même, aux autres et avec Dieu.
V.
Paroles d’Eglise :
Crise économique, politique ou morale ? Nos papes ne cessent de nous rappeler que la crise est
d’abord une crise anthropologique : une méconnaissance de l’homme.
Lors des différents documents émanent de l’Eglise, les papes ne cessent de redire l’importance de :
-
La dignité de chaque homme
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-
L’importance du bien commun.
Un document « Réflexion du Conseil Pontifical Justice et Paix, pour une réforme de système financier
et monétaire international dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle »
2011, a été reçu avec plus ou moins de bonheur. Il ne faut pas oublier que l’Eglise est là pour dire
davantage le pourquoi du comment dans tout ce qui touche à l’homme et c’est à ce titre son rôle
d’intervenir également dans les questions économiques.
Qu’est-ce que le Bien commun ? mal connu même des chrétiens, confondu avec une sorte d’intérêt
général, voire d’objectif et global à atteindre. Il est défini par Jean XXIII comme « l’ensemble des
conditions sociales permettant à la personne d’atteindre mieux et plus facilement son plein
épanouissement ». Le but est l’épanouissement des personnes (Mater et Magistra n°65).
L’importance de l’éthique : la dimension morale de la crise que nous vivons doit être mise au premier
plan. Il s’agit de rappeler que l’économie ne peut fonctionner sans éthique. La distinction que faisait
Jean-Paul II entre le bon et le mauvais capitalisme passe par l’acceptation ou non de cette nécessaire
dimension éthique. Là où l’Eglise est irremplaçable, c’est lorsqu’elle rappelle, comme l’a fait Benoit
XVI dans Caritas in veritate que l’éthique, c’est d’abord la reconnaissance de la « dignité inviolable de
la personne humaine » et de « la valeur transcendante des normes morales naturelles » (n°45). C’est
le message que l’Eglise doit rappeler à temps et à contretemps à ceux qui œuvrent dans la politique
comme dans l’économie. Souligner cette dimension éthique, c’est montrer qu’au-delà des nécessaires
réformes techniques, c’est le comportement en matière morale qu’il faut changer et cela passe par la
conversion de chacun de nous et la prise de conscience de nos responsabilités personnelles. Encore
une remarque de Benoit XVI, même avec le meilleur modèle économique du monde, on ne
construirait pas une société juste s’il n’y a pas des hommes justes. C’est ce que Mère Térésa avait
répondu à un journaliste qui lui demandait ce qu’il fallait changer dans l’Eglise : « Vous et moi ». Idem,
ce qu’il fait changer dans le système économique actuel : vous et moi.
Enfin, récemment, le Pape François intervient avec l’encyclique l’Evangile de la Joie : « la crise
sociologique, économique et politique est avant tout une crise anthropologique. »
L’Eglise ne propose pas de système économique, de solutions techniques, ou politiques, car elle ne
confond pas Dieu et César, elle ne veut pas prendre la place de César.
VI.
Conclusion
Avec ces 4 spots, les aspects économiques, les aspects éthiques proprement dits, les paroles de
soignants et enfin les paroles de nos 4 derniers papes, nous avons largement de quoi croiser les regards
sur un système de santé, un système économique au sens plus large, une société très complexe qu’on
ne saurait juger par quelques coups de semonce du style « ils ne pensent qu’à l’argent… les
administratifs ne connaissent rien à l’affaire, ne sont pas sur le terrain… les économistes, tous les
mêmes etc. » Non, derrière un système, ce sont des années d’histoire, des hommes et des femmes qui
ont pensé, construits avec le plus souvent des bonnes intentions, des constats impuissants de dérives,
des tentatives de reconstructions, plus ou moins heureuses. Il n’y a pas les bons d’un côté et les
méchants de l’autre. Ce serait une pensée archaïque. A chaque niveau, l’Etat, les différentes instances,
un établissement, une maison médicale, etc., autant du côté soignant (y compris les systèmes de
financement) que du côté du patient, ou de l’usager, chacun est amené à prendre conscience de sa
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responsabilité pour voir quelle est la meilleure façon pour lui d’être tout à la fois solidaire et
respectueux de l’autonomie d’autrui, et ce, dans un triple regard : pour sa propre santé (Je), celle de
son prochain, surtout le plus fragile (Tu), et celle de la collectivité sans exception (Il). Ces organisations
ne pourraient s’exercer humainement parlant qu’en imaginant un niveau d’excellence morale très
élevé à chaque rouage, dans chaque relation, bref dans le don de soi universalisé.
A cette impossible exigence d’excellence morale universelle, on voit combien la Miséricorde Divine
prend toute sa place et sa mesure. Dans cette triangulaire « Je/ Tu / Il » et cette exigence d’amour,
d’excellence morale et de vertu, ne peut-on pas voir la perfection de la Sainte Trinité comme modèle
par excellence ? Modèle à contempler, non à imiter.
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