La voix des professionnels de la forêt Canadian Institute of Forestry/Institut forestier du Canada Des mémoires No 5 décembre 2000 Aménagement intégré des ravageurs forestiers Près de la moitié du territoire canadien est boisée. Ces forêts comptent pour 10 % des écosystèmes forestiers du monde et desquels s’écoule 20 % de l’eau douce de la planète, et en conséquence représentent un élément intégral du système de support de la vie de la planète. En tant que ressource, les forêts constituent également un bénéfice économique considérable. En effet, le Canada est le plus important exportateur de produits forestier du monde. En conséquence, le Canada est le gardien d’une importante ressource mondiale naturelle et économique, et porte la responsabilité de maintenir des forêts dans un état de santé à la fois écologique et économique. Les ravageurs forestiers Les forêts canadiennes englobent une diversité biologique significative. Plusieurs organismes, des champignons aux insectes, de la faune aux plantes, interagissent directement et indirectement avec les arbres vivants et ils constituent des éléments naturels et intégraux des écosystèmes en santé. La plupart de ces organismes sont bénins ou même bénéfiques au niveau de leurs impacts sur la croissance des arbres, mais à l’occasion, les activités d’une très petite minorité d’espèces peuvent entraîner une réduction de la croissance, une difformité et même la mort des arbres. Dans certains types de forêts, les organismes ravageurs des arbres constituent les principales sources de perturbation forestière et de renouvellement, entraînant la mort de millions d’arbres dans les forêts. Dans les forêts aménagées pour des aspects spécifiques (p. ex., les zones d’approvisionnement en bois, les zones pour la faune et pour les activités récréatives), les dégâts des organismes ravageurs d’arbres peuvent à l’occasion être en interférence avec les objectifs d’aménagement. Au cours de ces périodes, nous considérons que ces organismes comme des “ravageurs”. Au Canada, les ravageurs forestiers comprennent les organismes qui endommagent les racines, les troncs, les branches, le feuillage et structures fructifères des arbres. Historiquement, les problèmes les plus importants occasionnés par les ravageurs forestiers ont été retrouvés dans les forêts mûres d’épinette (les tordeuses de bourgeons, le charançon de l’épinette, les maladies racinaires et les champignons de pourriture), dans les forêts mûres de pin (le charançon du pin, le faux-gui, et les maladies racinaires), et dans les peuplements de feuillus à maturité (divers insectes défoliateurs, maladies racinaires et pourritures). Avec la venue de l’aménagement forestier plus intensif, d’autres organismes moins connus pourraient devenir des ravageurs. On estime que la croissance des forêts du Canada (c’est-à-dire la production du bois structural) est réduite de 30 % chaque année par suite de l’activité des insectes herbivores et des pathogènes des arbres. La végétation concurrente (p. ex., les mauvaises herbes) et plusieurs espèces d’insectes et de pathogènes peuvent également avoir un impact sur la régénération réussie des arbres après une perturbation (naturelle ou humaine) et en conséquence, retarder la succession et le rétablissement des forêts. De plus, l’action de certains organismes ravageurs peut accroître le risque d’incendies catastrophiques ou encore être à l’origine d’épidémies d’autres ravageurs. Ces impacts pourraient compromettre sérieusement la capacité productive des forêts du Canada entraînant des limites à l’extraction soutenue des ressources et en changeant la qualité à long terme de l’environnement. Gestion intégrée des ravageurs La gestion intégrée des ravageurs (GIR) cherche à établir des critères rationnels sur lesquels reposent les décisions Les politiques, les énoncés de position et les documents d'information du CIF/IFC sont élaborés par les membres par l'entremise du Comité permanent d'élaboration de politiques. Le CIF/IFC souligne expressément l'aide apportée par le Comité des sciences et technologies forestièresainsi que les commentaires rédigés par les réviseurs externes lors de la préparation de ces documents. de contrôler les ravageurs des forêts canadiennes. Spécifiquement, la GIR se définit comme étant un processus d’intégration où tous les aspects de l’interaction entre un ravageur et la forêt sont étudiées et évalués afin de fournir aux aménagistes forestiers l’information de base nécessaire à la prise de décision. Ces aspects comprennent: l’écologie du système, ses valeurs sociétales; ses relations avec les autres ressources; les tactiques disponibles d’aménagement et leurs effets sur le ravageur et les écosystèmes environnants. La GIR représente l’un des principaux éléments d’un système intégré d’aménagement de la ressource. Un bon système de GIR nécessite une connaissance détaillée de l’interaction entre le ravageur et le système forestier qui lui est associé. Si des tactiques d’aménagement doivent être prescrites, alors les effets de ces tactiques sur l’organisme visé, le peuplement forestier et les organismes non visés doivent être compris. De plus, les valeurs qui doivent être protégées ainsi que le coût de leur protection, y compris les réactions indésirables, doivent être quantifiées. Les bénéfices retirés de l’action envisagée devraient clairement contrebalancer les coûts (économiques, socio-économiques et écologiques). Ces évaluations devraient être faites en utilisant l’information tirée de la détection des ravageurs et des programmes d’évaluation, de notre compréhension du fonctionnement de l’écosystème forestier, de la connaissance de mode d’action de la tactique proposée et de l’évaluation de la réaction sociétale. Les stratégies pour la GIR peuvent être soit proactives ou à long terme (c’est-à-dire, conçues pour réduire la probabilité d’impacts futurs des ravageurs), ou réactives ou à court terme (c’est-à-dire, conçue pour réduire les impacts des ravageurs une fois qu’ils sont apparents). En foresterie, les tactiques à long terme pour réduire la probabilité d’impacts futurs des ravageurs reposent en majeure partie sur la sylviculture, l’aménagement actif des peuplements forestiers afin de réduire leur susceptibilité. Cela peut être fait soit par une coupe sélective des peuplements à forts risques, soit par une modification de leurs conditions de croissance afin d’améliorer la résistance du peuplement, ou soit par la modification du microclimat du peuplement ou l’augmentation de la prédominance des ennemis naturels (prédateurs, parasites ou pathogènes). Les règlements et les restrictions concernant les produits importés afin de prévenir l’établissement de ravageurs exotiques peuvent également être considérés comme une tactique proactive de GIR. Les tactiques réactives ou à court terme de GIR sont conçues pour réduire directement une population de ravageurs présente sous un seuil acceptable de dégâts. Cela peut comprendre la récolte des peuplements qui abritent présentement les organismes ravageurs (traitements de protection), ou l’application de produits synthétiques ou naturels sur les forêts qui sont essentielles à la survie des ravageurs. Dans le cas où les tactiques à long terme ne sont pas possibles ou ont échoué et que l’impact du ravageur sur les objectifs écologiques ou économiques d’aménagement nécessite une intervention, le contrôle direct de l’application des pesticides ou d’autres produits de contrôle des ravageurs sera requis. Les pesticides organiques synthétiques, qui éliminent les ravageurs soit par contact ou par ingestion, constituent les agents de contrôle les plus courants. L’utilisation de ces produits chimiques nécessite l’obtention d’un permis et est étroitement régie par la Loi sur les produits antiparasitaires qui est gérée par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada. Des lignes de conduites semblables sont nécessaires pour les autres produits antiparasitaires tels les pesticides microbiens (p. ex., les bactéries ou les virus qui provoquent des maladies chez les organismes hôtes), et les produits semi-chimiques de synthèse (p. ex., les phéromones pour manipuler les populations de ravageurs) à mesure qu’ils sont élaborés pour usage opérationnel. Le contrôle biologique, la manipulation directe des ennemis naturels pour contrôler les populations de ravageurs, peut être à la fois proactif et réactif. De façon typique, la manipulation des ennemis naturels comprend soit l’introduction de nouvelles espèces dans un écosystème (contrôle biologique classique), soit le développement d’organismes indigènes bénéfiques. Le contrôle biologique, dans un sens proactif (connu sous le nom d’inoculation), comprend l’introduction et l’établissement d’une population viable d’ennemis naturels dans un système ou elle se développera pour infliger un niveau annuel de mortalité à une population de ravageurs suffisant pour réduire les dommages à des degrés tolérables. Le contrôle biologique réactif (connu sous le nom d’inondation) sous-entend la propagation d’un grand nombre d’espèces naturelles ennemies spécifiques suivi de leur dispersion au sein de la population des ravageurs. Contrairement à l’inoculation, où l’objectif est un contrôle durable, l’inondation met l’accent sur la réduction à court terme d’une population de ravageurs dans la zone immédiate de dispersion. L’importation d’espèces naturelles ennemies pour la dispersion potentielle en tant qu’agents de contrôle biologique est régie par la Loi de protection des plantes, gérée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) L’utilisation de moyens de contrôle biologique n’a pas atteint son plein potentiel au Canada malgré les succès associés aux dispersions d’inoculations faites à partir d’espèces antagonistes naturelles dans le cas de ravageurs exotiques ou introduits. À mesure que diminue le nombre d’outils conventionnels pour le contrôle à court terme direct des populations de ravageurs par suite d’inquiétudes en matière d’écologie et de santé, les systèmes GIR devraient incorporer un plus grand nombre d’approches de contrôle biologique. La majorité des forêts du Canada sont sous gestion publique. Près des trois quarts sont de juridiction provinciale, le reste étant principalement de juridiction fédérale tout en ayant un petit pourcentage de forêts sous propriétés privées. C’est le propriétaire forestier qui détermine de façon typique la nature et l’étendue des activités de GIR qui seront implantées. Puisque la majorité des forêts canadiennes sont gérées par les provinces, la planification et l’implantation des stratégies de contrôle des ravageurs sont habituellement de la responsabilité du gouvernement provincial. Les réglementations nécessitent souvent l’obtention d’un permis accompagné des évaluations des impacts environnementaux et économiques. Elles obligent également l’émission d’un avis à tous les intervenants avant que les opérations de contrôle des ravageurs ne soient entreprises. Le CIF/IFC préconise que: La position du CIF/IFC 4. Lorsque cela est possible, les tactiques à long terme et proactives de contrôle devraient être envisagées prioritairement aux options de contrôle direct à court terme. Des forêts productives et en santé sont un élément important pour le maintien de la position compétitive du secteur forestier au sein de l’économie du Canada. Encore plus important, les forêts en santé sont des éléments essentiels de l’intégrité écologique nationale et mondiale. Le CIF/IFC appuie la recherche au niveau des sciences fondamentales et appliquées qui sont à la base du développement et de l’implantation des systèmes de GIR. Le CIF/IFC reconnaît que la GIR est un élément essentiel de l’aménagement intégré des ressources visant la productivité forestière durable et la santé des écosystèmes à long terme. 151, rue Slater, Bureau 606 Ottawa ON, Canada K1P 5H3 Téléphone : 613-234-2242 Télécopieur : 613-234-6181 courriel : [email protected] Internet : www.cif-ifc.org 1. Le développement et l’implantation des systèmes de GIR doivent reposer sur la compréhension établie des principes écologiques et de la connaissance approfondie du cycle de vie des ravageurs. 2. La GIR doit comprendre la possibilité pour les forêts de supporter plusieurs valeurs, de reconnaître les différents besoins et droits des intervenants, et d’établir un équilibre reposant sur la quantification des bénéfices et des impacts des stratégies alternatives d’aménagement. 3. L’application de toute tactique de contrôle des ravageurs doit être faite seulement à l’intérieur du cadre de GIR. 5. Lorsque que des tactiques de contrôle direct sont disponibles, la priorité doit être donnée à l’utilisation des produits biorationels (p.ex., les produits organiques à haute spécificité pour l’organisme ravageur visé, une toxicité minimale et une persistance minimale) versus les pesticides synthétiques chimiques. Cet énoncé sera révisé décembre 2004. Le Canadian Institute of Forestry/Institut forestier du Canada (CIF/IFC) est le porte-parole national des praticiens de la foresterie. Le CIF/IFC, fondé en 1908, représente les membres qui sont des forestiers, des technologistes et des techniciens forestiers, des enseignants des chercheurs et autres personnes ayant un intérêt professionnel pour la foresterie. La mission de l’Institut est « d’assumer un leadership national en foresterie, de promouvoir la compétence parmi les professionnels de la foresterie, et d’accroître la sensibilisation du public sur les enjeux forestiers canadiens et internationaux. » Nous sommes des personnes ayant un intérêt professionnel en foresterie, à l’emploi des gouvernements, de l’industrie, dans le domaine de l’enseignement et de la consultation. Nos membres se basent sur leur formation académique, leur formation technique et leur expérience pour aider à gérer les forêts du Canada et à sensibiliser le public canadien envers les forêts.