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◆ ARTICLE ORIGINAL
Progrès en Urologie (2006), 16, 52-57
L’infiltration intracaverneuse de corticoïdes est-elle réellement sans intérêt
dans la maladie de Lapeyronie?
Alexis DEMEY (1), Daniel CHEVALLIER (1), Pierre BONDIL (2), Jacques TOUBOL (1), Jean AMIEL (1)
(1) Fédération
d’Urologie-Néphrologie, Hôpital Pasteur, Nice, France (2) Service d’Urologie, CHG Chambéry, France
RESUME
But : Les infiltrations intracaverneuses de corticoïdes sont controversées voire contre-indiquées dans la maladie
de Lapeyronie car réputées inefficaces et morbides.
Notre but a été d’analyser rétrospectivement l’efficacité et l’innocuité des infiltrations intracaverneuses de corticoïdes dans une population sélectionnée ne présentant que des critères cliniques de phase aiguë (douleur et/ou
survenue récente < 6 mois).
Matériel et Méthode : L’infiltration intracaverneuse de corticoïdes (hebdomadaire ou bihebdomadaire) a été faite
dans ou autour de la plaque. L’évaluation a été réalisée sur des critères cliniques selon l’évolution de la douleur,
du nodule et de la courbure. On étudie le taux d’amélioration, de disparition, de stabilisation et d’aggravation
de ces critères.
Résultats : Sur 271 patients répertoriés, 123 présentent les critères de la phase aiguë de la maladie. Parmi ces
patients, 45 ont bénéficié exclusivement d’infiltrations intracaverneuses de corticoïdes. L’âge moyen était de 52
(+-8 ans). Le nombre d’infiltrations intracaverneuses a été le plus souvent inférieur à 10 (n=40) dont la majorité inférieur à 8 (n=36). Le recul a été de 6 mois. Il n’y a eu aucune aggravation clinique. Les meilleurs résultats
ont été relevés sur la douleur : diminuée (13,6%) ou disparue (61,4%). La courbure a diminué (20,5%), la plaque
a diminué (25%) ou disparu (9%). En cas d’inefficacité, il semble inutile de poursuivre au-delà de 3 injections.
La morbidité a été nulle.
Conclusion : Dans notre population, la réputation d’inefficacité et de morbidité de la corticothérapie locale est
injustifiée. Il n’y a eu aucune aggravation mais au contraire, une stabilisation et surtout une efficacité très nette
et rapide sur la douleur, bien moindre sur la courbure et la plaque. La voie locale semble licite lors de la phase
aiguë car l’injection permet aux corticoïdes d’exercer leur action anti-inflammatoire in situ en accord avec la
physiopathologie de la maladie. Une étude prospective multicentrique standardisée et randomisée contre placebo pourra confirmer nos impressions.
Mots clés : Maladie de Lapeyronie, corticoïdes, traitement médical.
La maladie de Lapeyronie est une fibrose localisée de la tunique albuginée des corps caverneux. Elle est caractérisée par la présence d’un
nodule initialement douloureux et d’une déformation de la verge surtout en érection. La maladie évolue en deux phases : une phase inflammatoire dite “aiguë” et une phase chronique séquellaire.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Nous avons mené une étude rétrospective multicentrique (CHU de
Nice, CHG de Chambéry, CHG de Salon de Provence) pour analyser l’effet des infiltrations intracaverneuses de corticoïdes sur des
patients présentant une maladie de Lapeyronie en phase aiguë.
Les traitements réellement efficaces sur la maladie lors de la phase
aiguë ne sont pas connus.
Tous les dossiers de consultation de 1998 à 2002 pour motif de maladie de Lapeyronie ont été répertoriés. 271 patients ont ainsi été
identifiés : 97 à Chambéry, 40 à Salon de Provence et 134 à Nice.
40 dossiers niçois ont été exclus pour insuffisance de renseignements.
Habituellement, le thérapeute se contente de prescrire de la vitamine E
puis de rassurer le patient. En cas de séquelles fixées et invalidantes, le
patient sera orienté vers un traitement chirurgical consistant en un
redressement de la verge ou une intervention sur la plaque.
Parmi ces 271 patients, 123 présentent les critères de la phase aiguë
de la maladie. La maladie est considérée en phase aiguë lorsqu’il
L’intérêt des infiltrations intracaverneuses de corticoïdes (IICC)
reste controversé, voire contre-indiqué, car accusé d’inefficacité et
de morbidité. Néanmoins, l’opportunité d’un traitement permettant
de réduire le risque de séquelles ne serait pas dénué d’intérêt.
Manuscrit reçu : juillet 2005, accepté : décembre 2005
Adresse pour correspondance : Dr. A. Demey, Fédération d’Urologie-Néphrologie, Hôpital Pasteur, Pavillon A, BP 69, 06002 Nice Cedex 1.
L’objectif de notre travail est d’analyser rétrospectivement l’efficacité et l’inocuité des infiltrations intracaverneuses de corticoïdes
dans une population sélectionnée ne présentant que des critères cliniques de phase aiguë.
e-mail : [email protected]
Ref : DEMEY A., CHEVALLIER D., BONDIL P., TOUBOL J., AMIEL J. Prog. Urol.,
2006, 16, 52-57
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existe une douleur spontanée et/ou à l’érection et/ou à la palpation
du nodule. Elle est également considérée en phase aiguë lorsque la
courbure et/ou le nodule sont de survenue récente (inférieure à 6
mois).
Sur les 123 patients en phase aiguë, 60 ont reçu des traitements
classiques (abstention, piasclédine, vitamine E, …), 45 ont reçu
exclusivement des infiltrations intracaverneuses de corticoïdes et
18 ont reçu un traitement mixte (infiltrations intracaverneuses de
corticoïdes couplées à un autre traitement).
Nous avons décidé de porter notre attention sur les 45 patients traités exclusivement par infiltrations intracaverneuses de corticoïdes
locales.
Les injections de corticoïdes étaient réalisées en regard de la plaque
en une ponction unique dans et/ou sous la plaque à chaque séance à
l’aide d’une aiguille intradermique et d’une seringue de 1 cc.
Figure 1. Nombre d’infiltrations intracaverneuses de corticoïdes par
patient.
Le corticoïde utilisé le plus souvent est l’hydrocortisone à la dose
de 100 mg. L’injection était parfois précédée d’application locale de
pommade anesthésiante EMLA, seule ou mélangée à de la xylocaïne. Quelques uns de nos patients ont reçu du Triamcinolone.
L’évaluation du traitement s’effectue sur l’évolution des critères cliniques de la maladie, à savoir : la douleur (échelle analogique), la
courbure (mesure angulation) et le nodule (mesure de la taille de la
plaque).
On étudie le taux d’amélioration, de disparition, de stabilisation ou
d’aggravation de ces critères.
Le nombre et la fréquence des injections intracaverneuses de corticoïdes sont fonction de la réponse clinique.
RESULTATS
De 1998 à décembre 2002, 271 patients ont consulté pour maladie
de Lapeyronie. Parmi ces patients, 45 (soit 17%) présentaient les
critères de la phase aiguë de la maladie et ont reçu des infiltrations
intracaverneuses de corticoïdes. L’âge moyen des 45 patients est de
52 ans ± 8ans.
Figure 2. Amélioration des paramètres cliniques en fonction du nombre d’HCC.
Les infiltrations intracaverneuses de corticoïdes se font à fréquence
hebdomadaire ou bimensuelle (<10%) dans la plaque si possible ou
autour.
Le recul moyen est de 6 mois.
Le traitement est le plus souvent court (moins de 2 mois). 85% des
patients reçoivent moins de 10 injections dont 76,5% moins de 8
(Figure 1).
La fréquence des injections oscille entre 3 et 5 pour le plus grand
nombre de patients.
Les effets sur la douleur apportent de bons résultats avec 61,4% de
disparition de la douleur et 13,6% de diminution. Ces résultats sont
obtenus rapidement après 3 à 5 injections (Figures 2, 3 et 4).
Figure 3. Effets positifs des HCC sur les critères cliniques (recul
moyen 6 mois).
Les effets sur le nodule et la courbure sont moindres mais non
négligeables avec respectivement 31,1% et 20,5% d’améliorations
ou disparitions. Aucune aggravation de la plaque n’est constatée
alors que la courbure augmente chez 3,2% des patients traités (Figures 5 et 6).
DISCUSSION
L’évolution naturelle de la maladie de Lapeyronie est plutôt défavorable.
GELBARD a étudié 97 cas sur une période allant de 6 mois à 4 ans. Il
a constaté 13% de guérisons, 45% de stabilisations, et 42% de progressions. Le retentissement psychologique est évalué comme
important chez 77% des patients [8].
Aucun des 45 patients de notre étude n’a été perdu de vue.
Aucun effet secondaire n’a été rapporté.
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de traitement et, même si la maladie n’a pas de retentissement vital,
il ne nous paraît pas satisfaisant de ne pas les soulager. Même si la
vitamine E et la Colchicine n’ont pas d’efficacité prouvée, le comité international ne recommande pas pour autant les infiltrations
intracaverneuses de corticoïdes [12]. Il en craint les effets secondaires systémiques et locaux qui pourraient notamment compliquer
une potentielle chirurgie ultérieure.
Nous pensons néanmoins que les corticoïdes ont leur place dans le
traitement de la maladie de Lapeyronie.
La phase inflammatoire de la maladie est caractérisée par la présence de la douleur. La durée de cette phase varie de 3 à 18 mois [5,
9]. Même si la douleur finit toujours par disparaître, c’est pendant
cette phase que se déroule le conflit immunologique.
Un traumatisme mineur de la tunique albuginée peut rompre une
veine émissaire et provoquer un saignement entre les couches de
cette dernière. Le dépôt de fibrine et l’accumulation de cellules
inflammatoires peuvent entraîner l’oblitération des veines de drainage et l’emprisonnement du phénomène inflammatoire. Les cellules inflammatoires produisent des cytokines, des métalloprotéinases
et des radicaux oxygénés actifs. Les superoxydes et le TGF-β1stimulent la production de fibres de collagène par les fibroblastes
adjacents. Le TGF-β1 peut aussi entretenir son auto- production par
les cellules inflammatoires formant ainsi un cercle vicieux. L’élastase peut détruire les fibres élastiques [10] (Figure 7).
Figure 4. Résultat des effets sur la douleur.
Chez un patient “prédisposé”, lors d’une maladie de Lapeyronie, la
réparation tissulaire présente deux anomalies :
- une hyperproduction de tissu conjonctif (collagène, protéoglycane
et fibrorectine) dont le mécanisme est complexe mais dont le
déterminant semble être la surproduction de TGF-β1 et de radicaux libres oxygénés dans un milieu clos.
Figure 5. Résultat des effets sur la plaque.
- un défaut de remodelage du tissu conjonctif : la réaction inflammatoire étant figée à sa phase initiale, les protéases et collagénases qui interviennent normalement dans le dernier stade de la cicatrisation ne peuvent réorganiser la réaction fibreuse.
La surproduction désordonnée de collagène associée à la dénaturation de l’élastine désorganise l’architecture de l’albuginée. Elle
aboutit à la déformation typique de la verge en érection et, parfois,
à la dysfonction érectile.
Les thérapeutiques utilisées se fondent sur les deux aspects de la
physiopathologie de la maladie. Alors que certaines tentent de stopper ou de contrôler la surproduction de collagène, d’autres essaient
d’apporter les éléments manquant à la deuxième partie de la réaction inflammatoire.
On peut penser que plus l’évolution de la phase inflammatoire est
longue, plus les séquelles risquent d’être importantes. C’est pourquoi, nous préconisons un traitement précoce pendant la phase
inflammatoire pour diminuer la gêne fonctionnelle et tenter même
de stopper l’évolution de la maladie.
Figure 6. Résultat des effets sur la courbure.
O’BRIEN a suivi 242 cas sur plus de 1 an. Il a observé une agravation de la courbure dans 48% des cas pour 12% d’améliorations
[11].
Comme mentionné plus haut, la réaction inflammatoire est “piégée”
entre les fibres de l’albuginée ; par ailleurs, mal irriguées.
Il est compréhensible qu’un traitement par voie générale ne puisse
atteindre son objectif. C’est pourquoi, il faut apporter directement
la thérapeutique au sein de la plaque par une infiltration.
Le comité de la deuxième consultation internationale sur la dysfonction sexuelle (ICSD) recommande l’utilisation d’une thérapeutique orale à base de vitamine E et de Colchicine ou l’abstention
thérapeutique [12].
La réflexion sur l’utilisation des corticoïdes dans le traitement de la
maladie de Lapeyronie repose sur leur réaction anti-inflammatoire.
On sait que les corticoïdes diminuent la perméabilité et la dilatation
Les patients souffrant de maladie de Lapeyronie sont demandeurs
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sur 10 ans avec utilisation du triamcinolone. 45 patients sont suivis
pendant 1 an avant de recevoir 6 injections de 2 mg de triamcinolone dans la plaque à 6 semaines d’intervalle. Durant la période sans
traitement, seuls 3 patients (6%) voient leur maladie se résoudre
spontanément. A la fin du traitement, 33% des patients montrent
des guérisons ou des améliorations. Les meilleurs répondeurs
étaient les patients de moins de 50 ans présentant une petite plaque
ferme distale. Les malades ayant une plaque dure, large et associée
avec des collagénopathies semblaient peu sensibles au traitement.
Aucun effet secondaire ne fut constaté. Malheureusement, cette
étude ne traite pas vraiment de la maladie en phase aiguë car le traitement était initié après 1 an d’évolution de la maladie.
Une étude italienne randomisée réalisée par CIPOLLONE [4] en 1998
compare 15 patients traités par injection de Bétamétasone à 15
patients traités par des injections de solution saline isotonique (placebo). Les résultats observés à 12 mois sont corrects dans les 2
séries avec 66,6% de disparition de la douleur dans le premier groupe et 53,3% dans le groupe placebo. Environ 20% et 40% des
patients voient respectivement leur courbure et la taille de la plaque
diminuer. Il n’existe pas de différence significative entre les deux
groupes et CIPOLLONE explique les bons résultats par l’effet
mécanique des injections qui “fragmentent” la plaque.
Figure 7. Résumé de la physiopathologie de la maladie de Lapeyronie
[10].
des vaisseaux sanguins. Ils réduisent le chimiotactisme et la migration cellulaire sur le site inflammatoire en diminuant la libération
d’histamine par les mastocytes, la production de kinine, de leucotriènes et de prostaglandines. Ils inhibent la fonction phagocytaire
des monocytes ainsi que la production de toutes sortes de cytokines
par les lymphocytes (IL1, IL2, …).
De grands spécialistes de la maladie comme LUE, GELBARD, LEVINE
et RALPH [10] ne recommandent pas ce traitement. Ils en craignent
les effets secondaires : atrophie cutanée, risques d’infection au site
de ponction, effet de passage systémique et accolement des fascia
de Buck à l’albuginée compliquant une chirurgie ultérieure. Pourtant, aucune de ces complications n’est relatée dans la littérature
internationale.
Les corticoïdes empêchent la prolifération des fibroblastes ainsi
que la synthèse de collagène et des mucopolysaccharides.
Par leur action immunosuppressive, ils peuvent donc logiquement
avoir leur place dans le traitement de la maladie de Lapeyronie puisqu’ils agissent sur les deux versants défaillants de la réaction
inflammatoire spécifique de la maladie [7, 13].
L’utilisation de l’injection dans la plaque permet d’éviter les effets
secondaires systémiques et surtout de contourner le phénomène de
“trapping” albuginéal.
Nos résultats sont proches de ceux de la littérature (Tableau I).
Les effets sur la douleur sont bons. Les effets sur la plaque et la
courbure le sont un peu moins.
La bibliographie du traitement de la maladie de Lapeyronie par des
injections de corticoïdes est faible.
Malgré ces similarités, il est difficile d’établir un parallèle entre ces
différentes séries.
En 1954, TEASLEY décrit l’utilisation intralésionnelle des stéroïdes
chez 24 patients mais les résultats sont peu documentés [14].
En effet, les groupes de patients sont rarement homogènes. Ils ne se
présentent pas tous au même stade de la maladie. Les phases aiguës
et chroniques sont généralement traitées indifféremment alors que
notre étude s’est focalisée sur les patients en phase aiguë.
La même année, BODNER rapporte de bons résultats avec la cortisone et l’hydrocortisone chez 17 patients [1].
En 1967, DESANCTIS [6] rapporte les résultats d’une étude prospective réalisée sur 10 ans. Il obtient de bons résultats avec 4 cc de
dexaméthasone injectés 1 fois par semaine dans la plaque. Le nombre d’injections dépend de la réponse clinique. Un patient a reçu 62
injections.
En plus du faible nombre de patients, les séries de la littérature sont
courtes, non randomisées et ne disposent pas d’un recul suffisant.
Comme dans notre étude, les protocoles d’injection ne sont pas
standardisés ce qui biaise les conclusions et interprétations.
Les patients qui bénéficient des injections intracaverneuses de corticoïdes reviennent régulièrement pour recevoir leur traitement ce
qui explique qu’aucun des patients n’ait été perdu de vue.
En 1975, CHESNEY [3] publie 79% de bons résultats. Les patients
ont reçu 12 injections de 4 mg de dexaméthasone espacées de 15
jours. Mais les groupes de patients sont très hétérogènes et reçoivent parfois plusieurs thérapeutiques. L’interprétation des résultats
manque d’objectivité.
Aucun effet secondaire n’est mentionné dans les domaines de l’étude.
WINTER et KHANNA [16] commentent leur expérience de l’injection
de dexaméthasone au dermo-jet. 21 patients reçurent 6 à 10 injections de solution à 0,4% de dexaméthasone. Bien que les auteurs
rapportent une diminution de la taille de la plaque et de la douleur
pendant l’érection, aucune différence significative n’est mise en
évidence par rapport à l’évolution naturelle de la maladie. Les
auteurs n’ont pas noté objectivement les modifications de la taille
de la plaque et du degré de courbure de la verge.
Comme pour les autres traitements médicaux, il n’existe aucun
consensus pour les infiltrations de corticoïdes. Il reste donc à définir les posologies, les fréquences d’injections et leur nombre.
En 1980, WILLIAMS et GREEN [15] réalisent une étude prospective
La grande majorité des patients a reçu moins de 8 IICC. Les bons
Notre étude ne nous permet pas d’évaluer le nombre d’injections
permettant d’obtenir les meilleurs résultats. Le plus souvent, les
patients niçois ont reçu 4 injections contre 3 pour les patients de
Chambéry/Salon de Provence. Cependant, certains malades ont
reçu des injections tant que la douleur persistait.
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Tableau I. Résultats de notre étude comparés à 4 séries de la littérature
Nom
Modalités
Effectif
Amélioration
douleur
Amélioration
courbure
Diminution
plaque
Remarque
Hydrocortisone
10 inj. espacées d'1 sem.
17
100%
47%
-
Etude prospective, non
randomisée, non opposée
au placebo
DESANCTIS (1967) [6] Dexamethasone1x/sem.
Selon réponse
14
57%
57%
43%
Etude prospective sur 10
ans, non randomisée,
non opposée au placebo
CHESNEY (1975) [3]
Dexamethasone12 inj.
espacées de 15 j.
24
Betametasone12 inj.
espacées de 15 j.
15
Hydrocortisone ou
Triamcinolone
45
BODNER (1954) [1]
CIPOLLONE (1998) [4]
Notre étude (2004)
Etude prospective
79% de bons résultats,
non randomisée,
non opposée au placebo
66% (disparition)
20%
75%
20,5%
(dont 61,4% disparition)
résultats sur la douleur sont obtenus entre 3 et 5 infiltrations. Il n’est
peut être pas nécessaire d’infiltrer au-delà de 3 fois.
10%
Etude prospective et
randomisée versus placebo
Résultats identiques
au placebo
34,1%
Etude rétrospectve
Tous les patients en
phase aiguë
Dans notre population, la réputation d’inefficacité et de morbidité
de la corticothérapie locale est injustifiée. Il n’y a eu aucune aggravation mais au contraire, une stabilisation et surtout une efficacité
très nette et rapide sur la douleur, bien moindre sur la courbure et la
plaque.
Le traitement est simple, ambulatoire et peu coûteux. Il est intéressant d’appliquer une pommade anesthésiante (type EMLA) avant
l’infiltration car celle-ci peut être douloureuse. Il faut parfois recourir à une force importante pour injecter le corticoïde au contact de
la plaque.
La littérature rapporte de bons résultats mais l’unique étude randomisée contre placebo de CIPOLLONE [4] n’a pas permis de conclure
à l’intérêt des injections de stéroïdes.
La plaque est stabilisée dans la majorité des cas et diminuée dans
un quart des cas. Elle ne s’étend jamais.
Seule une étude prospective multicentrique standardisée et randomisée contre placebo pourra confirmer nos impressions. Elle permettra de mieux cibler la population réceptrice et de définir plus
précisément les modalités des injections intralésionnelles de corticoïdes.
Par contre, les infiltrations ont des effets modestes sur la courbure
avec seulement 20,5% de diminution et aucune disparition. Mais,
54,5% sont stabilisées ce qui est sensiblement positif.
La courbure est la résultante d’une plaque fixée dans son évolution
et les patients présentant une courbure marquée ne sont peut être
pas ceux qui doivent bénéficier des injections intracaverneuses de
corticoïdes. Cette constatation va dans le sens de la nécessité d’un
traitement précoce.
Nous chercherons à déterminer le nombre d’infiltrations permettant
de faire disparaître la douleur. Nous mesurerons objectivement l’évolution de la taille de la plaque et de l’angulation de la courbure.
Nous comparerons précisément le taux d’apparition des séquelles et
le taux d’évolution vers la chronicité par rapport à l’évolution naturelle. Cette étude sera prochainement initialisée.
On englobe sous le terme de maladie de Lapeyronie des entités très différentes par manque de précisions sur les aspects cliniques [2]. Il est
fort probable qu’il faille adapter le traitement au type et à la phase de
la maladie. Aujourd’hui, il n’existe aucun consensus. En choisissant de
nous intéresser exclusivement aux patients en phase aigüe, nous avons
pris le parti de nous concentrer sur un profil de patient.
REFERENCES
1. BODNER H., HOWARD A.H., KAPLAN J.H. : Peyronie’s disease : Cortisone-hyaluronidase-hydro-cortisone therapy, J. Urol., 1954 ; 72 : 400-403.
2. BONDIL P., SALTI R.S., BOUGHETAIA A., ALADAWI F., SABBAGH R.:
Maladie de Lapeyronie : La clinique a-t-elle encore un intérêt ? Andrologie,
1998 ; 8 : 138-147.
CONCLUSION
3. CHESNEY J. : Peyronie’s disease, Br. J. Urol, 1975 ; 47 : 209-218.
L’intérêt des injections de corticoïdes réside :
4. CIPOLLONE G., NICOLAI M., MASTROPRIMIANO G., IANTORNO R.,
LONGERI D., TENAGLIA R. : Betametasone versus placebo nella malattia
di Lapeyronie, Arch. It. Urol., 1998 ; LXX : 165-168.
- dans leur faculté à supprimer la douleur et donc à réduire la durée
de la phase aiguë
- dans la simplicité du traitement et l’apport direct dans la plaque
5. DELAVIERRE D., IBRAHIM H., PENEAU M. : Maladie de Lapeyronie.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Néphrologie-Urologie, 1997 ; 18-355-A-10, 6
p.
Néanmoins, nous recherchons toujours quelle drogue utiliser et à
quel rythme.
6. DESANCTIS P.N., FUREY C.A. : Steroid injection therapy for Peyronie’s
disease : A 10-year summary and review of 38 cases - J. Urol., 1967 ; 97 :
114-116.
- dans un meilleur suivi des patients
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n’ont jamais été confirmés. Au contraire, la seule étude randomisée
contre placebo (Cipollone) n’a pas permis de conclure à l’intérêt des
injections de stéroïdes et elles ne sont pas recommandées par les
experts de la Conférence sur les dysfonctions sexuelles (Paris 2003). Il
faut remercier les auteurs d’avoir fait part de leur expérience mais leurs
conclusions n’emportent pas la conviction et seule une étude prospective, randomisée contre placebo, adoptant une procédure standardisée,
permettrait de progresser dans nos connaissances. Nous ne pouvons
qu’encourager les auteurs dans leur projet d’effectuer cette étude complémentaire mais pour le moment il n’est pas possible d’affirmer que
les résultats constatés sur la douleur au cours de leur étude initiale ne
sont pas inhérents à l’évolution naturelle de la maladie.
7. EMILIE D., ETIENNE S. : Glucocorticoïds : mode of action and pharmacokinetics, Rev. Prat., 1990 ; 40 : 511-517.
8. GELBARD M., DOREY F., JAMES K. : The natural history of Peyronie’s
disease, J. Urol., 1990 ; 144 : 1376-1379.
9. HELLSTROM W.J.G., BIVALACQUA T.J. : Peyronie’s disease : Etiology,
medical and surgical therapy, J. Androl., 2000 ; 21 : 347-353.
10. LUE T.F., GELBARD M.K., GUEGLIO G., JORDAN G.M., LEVINE L.A.,
MURELAND R., PRYOR J., RALPH D., YACHIA D. : Peyronie’s Disease:
Recommendations of the 1st International Consultation on Erectile Dysfunction, Plymbridge Distribution Ltd, 1999 ; 437-475.
11. O’BRIEN K., PARKER M., GUHRING P., MULHALL J-P. : Analysis of the
natural history of Peyronie’s disease, Oral communication, 11th World congress of the International Society for Sexual and Erectile Dysfunction,
Podium 8, 2004, O69.
___________________
12. PRYOR J., AKKUS E., ALTER G., JORDAN G., LEBRET T., LEVINE L.,
MULHALL J.P., PEROVIC S., RALPH D., STACKL W. : Priapism, Peyronie’s disease, penile reconstructive surgery, Recommendations of the 2nd
International Consultation on Sexual Dysfunction, Paris 2004, Sexual Medecine, Editions 21, 2004 ; 383-408.
SUMMARY
Is intracavernosal corticosteroid infiltration really useless in Peyronie’s disease?
The value of intracavernosal corticosteroid infiltration remains controversial or may even be contraindicated in Peyronie’s disease, as it is
considered to be ineffective and a source of morbidity.
13.SAKLATVALA J. : Glucocorticoïds : do we know how they work ? Arthritis Res., 2002 ; 4 : 146-150.
14. TEASLEY G.H. : Peyronie’s disease : A new approach, J. Urol., 1954 ; 71 :
611-613.
Objective: To retrospectively analyse the efficacy and safety of intracavernosal corticosteroid infiltration in a selected population only presenting clinical criteria of the acute phase of Peyronie’s disease (pain
and/or recent onset < 6 months).
15. WILLIAMS G., GREEN N.A. : The non-surgical treatment of Peyronie’s
disease, Br. J. Urol, 1980 ; 52 : 392-395.
16. WINTER C.C., KHANNA R. : Peyronie’s disease. Results with dermo-jet
injection of dexamethasone, J. Urol., 1975 ; 114 : 898-900.
Material and Method: Intracavernosal corticosteroid infiltration (weekly or twice-weekly) was performed in or around the plaque. Evaluation was based on clinical criteria according to the course of pain, the
nodule and curvature and the rates of improvement, resolution, stabilization and deterioration of these criteria were studied.
Commentaire de Jean Hermabessière, Centre République,
Clermont-Ferrand
Il est intéressant pour un lecteur de voir confirmer l’intérêt d’une technique qu’il utilise depuis 30 ans avec des résultats absolument superposables à ceux révélés par une étude qui, bien entendu, comporte
beaucoup moins de cas qu’il n’a traités.
Results: In a series of 271 patients, 123 presented criteria of the acute
phase of Peyronie’s disease. Forty five of these patients were treated
exclusively by intracavernosal corticosteroid infiltration. The mean age
was 52 ± 8 years. The number of intracavernosal infiltrations was
usually less than 10 (n = 40) with less than 8 injections in the majority of patients (n = 36). Follow-up was 6 months. There were no cases
of clinical deterioration. The best results were observed on pain, which
decreased (13.6%) or totally resolved (61.4%). Curvature was decreased (20.5%), the plaque decreased (25%) or disappeared (9%). When
intracavernosal corticosteroid infiltration is ineffective, it appears useless to administer more than 3 injections. No morbidity was observed.
Il faut insister sur l’innocuité des injections de corticoïdes dans ou
autour de la plaque de la maladie de La Peyronie.
Le seul problème que j’ai rencontré est un petit flush peut-être dû à un
passage veineux.
En tous cas, le résultat est certain sur la douleur, fréquent sur la déformation et ne gêne absolument pas l’intervention ultérieure si elle est
nécessaire.
J’utilise personnellement du Cortivazol, qui a une action prolongée et
actuellement je fais plutôt 4 infiltrations que 3, ce que je pratiquais
auparavant.
Conclusion: In our population, the reputation of inefficacy and morbidity of local corticosteroid therapy appears to be unjustified. There
were no cases of deterioration, but, on the contrary, stabilization and
especially very marked and rapid efficacy on pain, but a lesser efficacy on curvature and plaque. Local steroid therapy appears justified
during the acute phase, as the injection allows corticosteroids to exert
their anti-inflammatory action in situ in line with the pathophysiology
of the disease. A standardized, multicentre, prospective, randomized,
placebo-controlled study could confirm our impressions.
Commentaire de Dominique Delavierre, Service d’Urologie-Andrologie, CHR La Source, Orléans
Malgré l’absence de validation scientifique et de recommandations, les
injections de stéroïdes restent couramment utilisées à la phase initiale
de la maladie de Lapeyronie. Après la publication initiale de Teasley en
1954 de bons résultats avaient été rapportés (Chesney, Desanctis) mais
Key-Words: Peyronie’s disease, corticosteroids, medical treatment..
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