Effet du paysage sur la diversité des espèces généralistes

Master 2 Ecologie Fonctionnelle, Comportementale et Evolutive
Ecole doctorale Vie-Agro-Santé
Université de Rennes 1
2009 2010
Rapport bibliographique
Effet du paysage sur la diversité des espèces
généralistes et spécialistes
Maxime HERVE
Laboratoires d’accueil
UMR CNRS 6553 Ecobio, Campus de Beaulieu
UMR 320 INRA-Agrocampus-Université Bio3P, Campus de Beaulieu
Responsables scientifiques
Liliane KRESPI
Yannick OUTREMAN
Joan VAN BAAREN
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SOMMAIRE
INTRODUCTION ........................................................................................................ 3
1. Facteurs du paysage pouvant influencer la diversité des espèces généralistes
et/ou spécialistes ........................................................................................................ 4
1.1. Surface de l’habitat ...................................................................................................... 4
1.2. Fragmentation des habitats .......................................................................................... 5
1.3. Diversité du paysage .................................................................................................... 8
2. Un paysage peut-il être optimal à la fois pour les espèces généralistes et
spécialistes ? .............................................................................................................. 9
2.1. Un constat : la diversité spécifique des deux groupes répond différemment au
paysage ......................................................................................................................... 9
2.2. Une hypothèse explicative : deux modes d’utilisation des ressources différents ...... 10
3. A quelle échelle les organismes perçoivent-ils le paysage ? ................................ 12
3.1. Hypothèse du niveau trophique ................................................................................. 12
3.2. Hypothèse du niveau de spécialisation trophique ...................................................... 13
3.3. Hypothèse de la capacité de dispersion ..................................................................... 15
CONCLUSION ........................................................................................................... 16
ANNEXE : METHODOLOGIE .............................................................................. 17
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 18
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INTRODUCTION
Chaque espèce peut se définir par sa niche écologique, c’est-à-dire selon Hutchinson
(1957) un hyper-volume à n dimensions dont les axes sont constitués par les variables ou les
ressources environnementales. L’étendue de cette niche peut varier pour un axe donné, sous la
pression (ou le relâchement) des contraintes rencontrées par l’espèce : intrinsèques
(génétiques) et extrinsèques (conditions biotiques et abiotiques du milieu) (Barbault 2008).
Selon la taille de sa niche pour un axe considéré, chaque espèce peut être placée le long d’un
continuum allant d’espèces dites « généralistes » niche large) à des espèces dites
« spécialistes » (à niche étroite). En particulier, on peut définir des espèces généralistes et
spécialistes pour leur niche alimentaire, selon le nombre de ressources qu’elles peuvent
utiliser (Fox & Morrow 1981).
La diversité des espèces généralistes et spécialistes dans un milieu dépend de
nombreux facteurs agissant à différentes échelles spatiales et temporelles, dont l’une est
représentée par le paysage (Vitousek et al. 1997). Celui-ci est caractérisé par sa structure, sa
composition ou encore sa dynamique, tous ces facteurs structurant de fait les habitats des
espèces généralistes et spécialistes (Burel & Baudry 1999). Nous nous posons ici la question
de l’influence que peuvent avoir les caractéristiques paysagères sur la diversité des espèces
généralistes et spécialistes. Pour ce faire, nous aliserons un état de l’art des recherches
réalisées dans ce domaine, en nous basant sur le modèle des communautés d’insectes
phytophages (qui se nourrissent de matière végétale), de leurs parasitoïdes (qui se
développent à l’intérieur des insectes phytophages et les tuent à la fin de leur développement)
et de leurs prédateurs (qui se nourrissent des insectes phytophages). Les paysages agricoles
représentant plus de la moitié de la surface de l’Union Européene (chiffre de la Commission
Européenne), nous nous placerons dans ce contexte.
Le paysage et la biodiversité étant deux notions dépassant largement le cadre ce
mémoire, nous avons choisi d’en réduire l’étendue et de nous focaliser sur deux points :
l’aspect spatial du paysage d’une part et l’aspect richesse de la biodiversité d’autre part. Nous
n’aborderons donc ni la dynamique temporelle des paysages, ni la notion d’abondance des
espèces.
Nous commencerons pas examiner l’effet de quelques facteurs majeurs du paysage sur
la diversité des espèces généralistes et spécialistes, puis nous tenterons d’expliquer les
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résultats observés. Nous nous poserons pour finir la question de l’échelle à laquelle les
organismes perçoivent le paysage, donnée cruciale pour comprendre à quelle échelle celui-ci
influence la diversité spécifique.
1. Facteurs du paysage pouvant influencer la diversité des espèces généralistes
et/ou spécialistes
1.1. Surface de l’habitat
L’étude de la relation entre la surface d’un habitat et le nombre d’espèces présentes
n’est pas nouvelle. Elle fut modélisée par Olaf Arrhenius en 1921 sous la forme :
S = cAz ou logS = log c + z.log A
(appelée « relation espèces-surface »)
S désigne le nombre d’espèces, A la surface considérée et c une constante propre au groupe
biologique étudié. Sous sa forme logarithmique l’équation donne une réponse linéaire, dont le
paramètre z représente le coefficient directeur, décrivant donc la force de la relation (plus z est
grand, plus la richesse spécifique augmente avec la surface).
Différentes études ont montré que cette règle, l’une des plus robustes et générales de
l’écologie (Holt et al.1999), s’applique aux insectes phytophages comme les Lépidoptères
(Steffan-Dewenter & Tscharntke 2000), les Hyménoptères (Steffan-Dewenter 2003), les
Hémiptères ou les Coléoptères (Zabel & Tscharntke 1998). Cependant, les espèces
généralistes et les spécialistes présentent-elles la même réponse à la taille de leur habitat ? Il
semblerait que non. En effet, même si l’existence d’une telle relation a été vérifiée dans les
deux groupes, elle apparaît plus forte chez les spécialistes, c’est-à-dire que la richesse
spécifique augmente plus rapidement avec la surface que chez les généralistes (Zabel &
Tscharntke 1998 ; Steffan-Dewenter & Tscharntke 2000). Steffan-Dewenter & Tscharntke
(2000) ont même démontré une relation positive et significative entre le degré de
spécialisation trophique et la valeur du paramètre z, ce qui tend à généraliser ce résultat chez
les espèces étudiées.
Cette différence de réponse entre généralistes et spécialistes serait liée au fait que (i) la
diversité végétale augmente avec la surface de l’habitat (Steffan-Dewenter & Tscharntke
2000) et (ii) la plupart des insectes phytophages sont des spécialistes (Jaenike 1990). Ainsi,
chaque nouvelle espèce de plante présente dans un habitat donné forme de fait une (ou
plusieurs) nouvelle(s) unité(s) de ressource (ou taches, réparties discrètement dans l’espace).
Chaque nouvelle plante permet ainsi l’installation d’au moins une nouvelle espèce de
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phytophage spécialiste vis-à-vis d’elle-même, à la condition que les individus soient en
mesure d’atteindre la ou les taches qu’elle forme. Cette dépendance trophique stricte n’existe
pas chez les généralistes et de plus la plupart sont opportunistes (Holt et al. 1999). Par
conséquent, l’augmentation de leur diversité spécifique avec la surface de l’habitat est faible
(Zabel & Tscharntke 1998, Steffan-Dewenter & Tscharntke 2000), et ne semble pas être
influencée par la diversivégétale (Jonsen & Fahrig 1997). Holt et al. (1999) suggèrent
qu’elle serait plutôt due à la dynamique de leurs populations.
Concernant les parasitoïdes et prédateurs d’insectes phytophages, l’existence d’une
relation espèces-surface reste controversée (Zabel & Tscharntke 1998 ; Steffan-Dewenter
2003). En effet, l’installation d’espèces de troisième niveau trophique dépend de l’installation
préalable des ressources des deux niveaux inférieurs, contraignant un peu plus la relation
(Zabel & Tscharntke 1998). Kruess (2003) a montré que la richesse spécifique des
parasitoïdes augmente avec celle des phytophages, ce qui conforte cette hypothèse. De plus,
les parasitoïdes spécialistes sont le plus souvent associés à des hôtes eux-mêmes spécialistes
(Stireman & Singer 2003), ce qui va aussi dans le sens d’une relation positive entre surface et
diversité spécifique au troisième niveau trophique.
1.2. Fragmentation des habitats
Depuis des siècles, les activités humaines ont contribué au morcellement des habitats
naturels (tels que les forêts par exemple), notamment pour l’agriculture, la construction des
réseaux routiers et l’urbanisation. Ce phénomène nommé fragmentation des habitats, implique
nécessairement la fragmentation des ressources contenues dans ces habitats, qui se retrouvent
alors distribuées en taches (Figure 1).
Figure 1 Fragmentation d’une forêt par l’agriculture et la construction d’une route
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