
AVANT-PROPOS 
qu’on appelle la shari’a. La  moindre critique de cet état de 
fait débouche souvent sur des condamnations pour apostasie. 
Je ne crois pas pour ma part que l’islam soit 
à 
l’origine de 
ce  non-dialogue  entre musulmans. 
Le 
problème a plutôt 
à 
voir avec l’absence de démocratie, le rehs d’accepter l’opi- 
nion  de l’autre.  D’ailleurs,  comme je le rappellerai dans le 
livre,  la  loi  sur l’apostasie  est  une loi politique  destinée 
à 
museler  la  liberté  d’expression, 
à 
neutraliser  la  liberté de 
conscience  et  d’opinion.  Outre ces  facteurs  politiques,  il 
semble qu’une attitude critique soit difficile 
à 
accepter lors- 
qu’elle est le  fait d’un musulman 
- 
donc de l’intérieur de 
la  communauté 
-, 
beaucoup plus  que si elle  émanait  de 
milieux non musulmans. 
Aujourd’hui  encore,  en  France, 
dans 
les  assemblées  de 
musulmans,  la parole ne circule pas  librement. Le  prédica- 
teur ou le conférencier expose dans un discours édifiant les 
orientations,  avis  et  lois  islamiques,  face 
à 
un public  qui 
(( 
consomme 
», 
s’instruit, s’interroge, mais toujours 
dans 
un 
cadre normatif élaboré plusieurs siècles auparavant. 
J’avais envie 
d‘exposer 
mes 
opinions 
et 
mes 
analyses, 
mais 
dans une  confrontation  avec  des  points  de vue  différents, 
voire opposés. 
I1 
ne s’agissait pas  d’un  quelconque 
(( 
dialo- 
gue 
», 
d‘une  de ces opérations de fraternisation 
où 
les pro- 
blèmes qui 
(( 
fâchent 
)) 
sont soigneusement évités, mais d’un 
débat polémique et fraternel 
à 
la fois. Etait-il possible d’enga- 
ger un tel échange sur des questions aussi sensibles, avec un 
homme de religion, 
(( 
cartes sur table 
», 
sans détours et sans 
complaisance 
? 
Ce livre en est la preuve. Lorsque j’ai proposé 
ce projet 
à 
Tareq Oubrou, que je connaissais et dont j’appré- 
ciais l’esprit d’ouverture, il a accepté immédiatement. Tout 
portait 
à 
croire  que le  débat  allait  être vif.  Car  malgré  la 
sympathie de l’homme, mon interlocuteur reste un représen- 
tant de la 
(( 
loi 
)) 
islamique. Ce n’est pas seulement une ques- 
tion de désaccords ou de divergences d‘opinion.  Dans nos 
visions  respectives,  tout ou presque  nous séparait.  Mais  ce 
qui importait, c’était que la discussion se fasse. 
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