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Genre et gouvernance décentralisée
au Québec : le cas de l’économie
sociale dans la région de Laval
Denyse Côté, Danielle Fournier
et Marie-Paule Maurice
Cahiers de l’ORÉGAND : série Recherche - No. R-8
Denyse Côté – 1950
Danielle Fournier - 1947
Marie-Paule Maurice – 1947
Sylvie Chénard : soutien technique
Laurence Clennett-Sirois : correction linguistique
Karl Dorais Kinkaid : mise en page
ISBN : 2-89251-259-X
©- ORÉGAND, 2005
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Gatineau, Qc. - Canada
Genre et gouvernance décentralisée au Québec :
le cas de l’économie sociale dans la région de Laval
Denyse Côté
Danielle Fournier
Marie-Paule Maurice
ORÉGAND
Université du Québec en Outaouais
Table des matières
Préambule
3
1.
La région de Laval
4
2.
Les mesures gouvernementales en économie sociale à Laval
6
a) Le Comité régional en économie sociale de Laval : 1996-1998
6
b) Les Centres locaux de développement : 1999---
7
3.
L’économie sociale : des visions à la fois opposées et convergentes
9
4.
Les projets en économie sociale subventionnés sur une base régionale
ou locale à Laval (1999-2001)
13
En bref
20
Annexe I
22
Références
23
2
Préambule1
Ce portrait de l’économie sociale dans la région de Laval porte sur une période qui peut
sembler révolue : celle de 1997 à 2002. En effet, le nouveau gouvernement québécois élu en
avril 2003 a implanté depuis d’importants changements au niveau des structures de
gouvernance locale et régionale : changement dans la composition des conseils
d’administration des Centres locaux de développement (CLD), rattachement des CLD aux
Municipalités régionales de comté (MRC), remplacement des Conseils régionaux de
développement (CRD) par des Conférences régionales des élus (CRÉ). Ces changements de
structure ont été accompagnés d’un changement dans la philosophie d’intervention aux
niveaux local et régional tout comme en économie sociale. Et cette période subséquente à la
recherche a consacré l’absence des groupes de femmes à titre d’acteurs politiques
régionaux en économie sociale. Il n’en demeure pas moins intéressant et important
d’analyser la période visée, car elle illustre des modalités uniques de rapports entre la
société civile et les autorités régionales et locales. Elle illustre également des modes de
gestion particuliers à l’économie sociale qu’il nous faut mieux comprendre afin de mieux
intervenir en regard de l’atteinte d’objectifs d’égalité hommes-femmes au niveau des
politiques gouvernementales décentralisées.
Ce document est issu d’une recherche menée dans sept régions du Québec qui avait pour
but de mieux saisir l’économie sociale d’un point de vue régional et local. Il présente des
données recueillies sur les projets d'économie sociale à Laval financés à même des fonds
régionaux et locaux. Il aborde aussi l’impact de ces projets sur les femmes de la région et
sur la place des groupes de femmes dans les processus décisionnels régionaux en matière
d’économie sociale. La dynamique de concertation, les mécanismes d’attribution des fonds
régionaux et locaux en économie sociale y sont analysés, de même que la vision des
praticiens et des acteurs en économie sociale. Ceci permettra de combler tant soit peu le
vide créé par la fragmentation des dossiers, des domaines et des territoires ainsi que par
l’évolution rapide du contexte. Ce document ne présente cependant qu’une partie des
données recueillies à Laval au cours de cette recherche.
La question de départ de cette recherche portait sur le lien entre un mouvement social, le
mouvement des femmes et la politique sociale dont il a suscité la création. Plus précisément,
elle portait sur la capacité de cette nouvelle politique en économie sociale mise en place en
1996 à répondre à certaines revendications des groupes de femmes formulées lors de la
Nous tenons à remercier Guillaume Albert, Marie-Aude Boislard Pépin, Lisa Denoncourt, Hugo Lemay, Caroline
St-Amand, Anne-Marie Royer, Élyse Vézina qui ont participé à la collecte et à la mise en forme des données, de
même que Benoît Michaud qui a participé à l’analyse de contenu.
1
3
Marche Du pain et des roses de 19952. En effet, dès 1996, le gouvernement du Québec
avait octroyé aux groupes de femmes régionaux un rôle central au sein des Comités
régionaux en économie sociale (CRÉS), mais ce rôle s’était pratiquement estompé suite à la
mise en place des Centres locaux de développement (CLD) en 1999.
La collecte de données s’est effectuée entre 1996 et 20023 dans 7 régions du Québec
(Outaouais, Lanaudière, Laurentides, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Laval, Centre-duQuébec, Montréal). Ont été réalisées des entrevues auprès d’informateurs-clés, des focus
groups auprès de promotrices et promoteurs de projets et auprès de travailleuses et
travailleurs embauchés à même ces subventions, ainsi qu’une recension téléphonique des
projets ayant reçu une subvention régionale ou locale en économie sociale4. Les données
recueillies documentent l’évolution des modes d’allocation budgétaire locale et régionale en
économie sociale à Laval entre 1999 et 2001, les retombées des processus décisionnels
régionaux et locaux ainsi que les dynamiques décisionnelles en économie sociale propres à
cette région. La cueillette des données a porté sur les projets en économie sociale qui ont
émergé directement du milieu régional et local lavallois plutôt que sur les projets créés
directement par le Chantier de l’économie sociale dans toutes les régions du Québec5. Le
présent document est une monographie des modalités de gestion du financement local et
régional de l’économie sociale dans la région de Laval entre 1999 et 2001, avec un regard
particulier porté sur l’insertion des femmes, des groupes de femmes et du traitement de
leurs demandes dans ce contexte.
1.
La région de Laval
Laval est à la fois une ville, une MRC et une région. Elle est influencée par sa proximité avec
la région métropolitaine de Montréal. La population lavalloise s’élevait à 343 005 personnes
en 2001, ce qui représente 4,7 % de la population québécoise. Entre 1991 et 2001, la région
Une des revendications formulées par les groupes de femmes à cette occasion était celle des
« infrastructures sociales », sorte de clin d’oeil aux investissements massifs du gouvernement fédéral dans les
infrastructures routières ; ils demandaient au gouvernement du Québec un investissement semblable dans les
secteurs d’activités sociales vouées au bien-être de la population dans lesquels travaillent une majorité de
femmes. «On parle donc d’économie sociale... », disent-elles (Marche des femmes contre la pauvreté, Du pain et
des roses, 1995, p. 2).
3
Il ne s’agit pas d’une recherche longitudinale, mais bien d’une recherche dont la cueillette de données s’est
étendue de 1996 à 2002.
4
Cette recherche a été financée successivement par Condition féminine Canada (Côté et al, 1998), par
l’Université du Québec en Outaouais (Côté, 2003) et par le Conseil de recherche en sciences humaines du
Canada (CRSH) en partenariat avec Relais-femmes.
5
Le Chantier de l’économie sociale a été constitué en 1996 suite à une recommandation du Groupe de travail sur
l’économie sociale du Sommet sur l’économie et l’emploi. Il fait la promotion de projets d’économie sociale dans
des secteurs précis (aide domestique, Centres de la petite enfance, ressourcerie, centres péri-ressources, etc.)
implantés à travers le Québec. Ce sont les « axes sectoriels » du Chantier de l’économie sociale auxquels on
réfère dans ce texte.
2
4
a connu une croissance démographique de 9,1 %, presque deux fois supérieure à celle de
l’ensemble du Québec (5 %). Sa population est plus jeune que celle de l’ensemble du Québec
(18,6 % et 17,8% respectivement) et compte moins de personnes âgées de plus de 65 ans
(13,3 % et 14,2 % respectivement). La génération des 25 à 34 ans représente 12,6 % de la
population lavalloise (12,7 % pour le Québec) (MDEIE, 2005; CSF, 2004).
Les quatre territoires de Laval ont des caractéristiques socio-économiques distinctes. SteRose est plus densément peuplée et représente 32 % de la population lavalloise; sa
population est assez homogène : jeune, francophone et familles relativement prospères. On
y retrouve cependant une proportion élevée de femmes sans revenu. Le territoire Ruisseau
Papineau est moins homogène : la proportion des personnes sous-scolarisées, celle ayant
fait des études universitaires, et celle ayant le revenu moyen le plus faible est élevée, tout
comme celle des personnes âgées et d’origine ethno-culturelle diverse. Le territoire
Marigot se caractérise par la décroissance démographique, une proportion élevée de
femmes et une grande diversité ethno-culturelle. Enfin, le territoire Milles-Îles (SaintVincent-de-Paul) est le moins populeux (représentant 14,5 % de la population lavalloise),
compte une majorité de francophones unilingues et une proportion importante de personnes
d’origine haïtienne; le niveau de scolarité, les revenus et la proportion de propriétaires y
sont élevés. Laval est maintenant considérée comme la troisième région québécoise d’accueil
des personnes immigrantes, 15 % de sa population étant née à l’extérieur du Canada
(MDEIE, 2005; ministère de l’Industrie et du Commerce, 2003; CSF, 2004; TCLCF, 2001).
La situation du marché du travail à Laval est bonne. En effet, le taux d’activité ainsi que les
revenus étaient en 2001 supérieurs à ceux de l’ensemble du Québec (66,8 % et 28 862 $
pour Laval comparativement à 64,2% et 26 958 $ pour l’ensemble du Québec). On remarque
par contre d’importantes disparités entre les femmes et les hommes, car à niveau de
scolarité équivalent, le taux d’activité et d’emploi des Lavalloises était inférieur à celui des
Lavallois (69,2% et 73,4% respectivement). Les Lavalloises occupaient des emplois à temps
partiel deux fois plus souvent que les Lavallois (26,1 % comparativement à 13,4 %). Par
ailleurs, selon le Conseil du statut de la femme, le revenu d’emploi des Lavalloises en 2001
était de 7,9% plus élevé (25 129 $) que celui des Québécoises (23 282 $). L’écart de
revenu entre les femmes et celui les hommes de la région (12 428 $) était légèrement
supérieur à celui de l’ensemble du Québec (11 423 $) (CSF, 2004). Tant au niveau des
études que de l’emploi, cependant, les domaines d’insertion professionnelle demeurent
associés au genre : personnel de bureau et services de santé pour les femmes; secteur des
métiers, transports, machineries, gestion et administration des entreprises pour les
hommes. Enfin, bien qu’elles soient en proportion légèrement plus élevée sur le marché du
travail que les Québécoises (57,3 % comparativement à 53,2 %), légèrement moins de
Lavalloises que de Québécoises travaillent à temps partiel (CSF, 2004; MDEIE, 2005;
TCLCF, 2001; Institut de la statistique, 2003).
5
Laval est considérée comme une région favorisée au niveau socio-économique. Cette
situation entraîne par contre une occultation de la pauvreté sur son territoire. Parmi les
Lavallois les plus pauvres, on compte en autres les femmes (particulièrement les plus jeunes
et les plus âgées), les personnes immigrantes (particulièrement celles qui sont récemment
arrivées), les travailleurs-euses à temps partiel et les personnes vivant seules (TCLCF,
2001; MDEIE, 2005).
2.
Les mesures gouvernementales en économie sociale dans la région de Laval
Les organismes communautaires de la région sont en grande majorité regroupés au sein de
la Corporation de développement communautaire (CDC) de Laval, dont les 80 groupes
membres oeuvrent dans différents domaines (défense des droits, famille, santé, etc.). La
région compte également une vingtaine de groupes de femmes membres de la Table de
concertation de Laval en condition féminine (TCLCF). Ces deux regroupements ont travaillé
en partenariat dans le cadre du financement local et régional en économie sociale. À Laval,
le processus de concertation autour du dossier de l’économie sociale a été quelque peu
mouvementé.
a) Le Comité régional en économie sociale de Laval (CRÉS) : 1996-1998
Dans la foulée de la Marche des femmes Du Pain et des Roses, le gouvernement du
Québec a créé en 1996 un programme permettant de soutenir l’économie sociale
dans chacune des régions du Québec. Pour en assurer la gestion, il a mis en place des
Comités régionaux en économie sociale (CRÉS) dans chaque région. Ceux-ci ont alors
dû développer des critères et des modalités d’allocation budgétaire pour les projets
d’économie sociale de leur propre région.
Le CRÉS de Laval a été mis sur pied en 1996, et, comme ailleurs au Québec, était
composé de quatre représentantes issues de groupes de femmes, ainsi que de
représentants délégués par des instances gouvernementales. C’était la première fois
au Québec qu’un comité régional décisionnel, issu d’une mesure gouvernementale,
prévoyait comprendre des membres issus de groupes de femmes en si grande
proportion.
Au cours de sa première année d’opération (1996-1997), le CRÉS de Laval s’est
affairé à établir des priorités et des objectifs en économie sociale pour la région, à
définir des critères pour l’allocation de fonds et à faire l’étude et la
recommandation de projets pour financement en économie sociale. Les
représentantes des groupes de femmes qui siégeaient au CRÉS ont mis de l’avant une
vision de l’économie sociale qui priorisait la création d’emplois durables et bien
rémunérés pour les femmes. Dépassant par ceci la revendication mise de l’avant par
la Marche des femmes Du Pain et des Roses de 1995, elles ont alors revendiqué un
6
taux horaire de 17$ de l’heure pour les emplois créés en économie sociale dans la
région.
En 1998, le CRÉS de Laval est devenu un comité aviseur du CRD de Laval en matière
d’économie sociale. Son rôle et sa composition se sont transformés radicalement. En
effet, des acteurs du milieu communautaire et du milieu coopératif se sont joints
aux représentantes des groupes de femmes. L’élargissement et la restructuration du
CRÉS ont été marqués par une atmosphère particulièrement tendue, car
d’importantes divergences sur la conception et les objectifs régionaux de l’économie
sociale sont apparues. Certains groupes communautaires siégeant au CRÉS6
exprimaient une réticence à s’impliquer en économie sociale. Ces groupes y voyaient
une menace à leur financement, considérant l’argent investi dans ces mesures comme
un détournement du financement habituel des groupes communautaires. Et les
représentantes des groupes de femmes en place ont eu l’impression d’avoir été
manipulées par le gouvernement du Québec.
Un an plus tard, une nouvelle restructuration confiait au CLD le mandat de gérer
l’allocation budgétaire locale en économie sociale. À partir de ce moment, les groupes
de femmes n’ont plus siégé au sein du CLD.
b) Les Centres locaux de développement (CLD) : 1999-La Politique de soutien au développement local et régional (Gouvernement du Québec,
1998) transférait la responsabilité de l’allocation budgétaire en économie sociale aux
Centres locaux de développement (CLD) de chaque MRC. Issus des anciens
commissariats industriels, les CLD sont des guichets multiservices qui ont, entre
autres, le mandat de soutenir l’implantation d’entreprises en économie sociale. La
composition des conseils d’administration des CLD est variable, mais la Politique
exige que les secteurs suivants y soient représentés : milieu des affaires (industriel,
manufacturier et commercial), syndicats, municipalités, milieux agricole, coopératif,
communautaire et institutionnel (santé, éducation). Aucun secteur ne peut être
majoritaire au conseil d’administration d’un CLD. Les députés, les responsables du
Centre local d’emploi (CLE), le sous-ministre adjoint au ministère des Régions7, ainsi
Il a malheureusement été impossible d’avoir accès aux archives du CRÉS de Laval pour les fins de cette
recherche. En effet, aucun des répondants contactés au moment de la saisie des données n’a pu identifier le lieu
où celles-ci avaient été entreposées. Il nous a donc été impossible de procéder à une analyse comparative des
projets financés par le CRÉS (1996-99) et ceux financés par le CLD (1999-2002).
7
Le ministère des Régions n’existe plus. Il a été remplacé en avril 2004 par le Ministère du développement
économique et régional et de la recherche, et en 2005 par le Ministère des affaires municipales et des régions ;
et pour les aspects économiques par le Ministère du développement économique, de l’innovation et de
l’exportation.
6
7
que le directeur du CLD y siégeaient également, mais sans droit de vote (MDEIE,
2005).
Dans la foulée des balises émises par le ministère des Régions, un seul CLD a été
implanté en 1999 sur le territoire de Laval8. Il gérait une enveloppe dédiée au
financement des projets en économie sociale9 qui a transité comme pour la région
montréalaise, par le ministère des Affaires municipales et de la Métropole (MAMM).
Le montant attribué à ce CLD à même cette enveloppe était déterminé au prorata de
sa population. Le CLD a été responsable de l’allocation des subventions en économie
sociale sur son territoire, à partir de lignes directrices émises par le ministère des
Régions et de critères qu’il avait déterminés. Les organismes admissibles à ces
subventions étaient des coopératives ou des organismes sans but lucratif. Les
critères d’admissibilité des projets ont été développés en lien avec la finalité sociale
du projet et son arrimage au plan local d’action sur l’économie et l’emploi10 du CLD.
Enfin, seules certaines dépenses pouvaient faire l’objet d’une subvention 11 (MDEIE,
2005).
Le rôle du CLD de Laval à cette époque a été similaire à celui des CLD d’autres
régions, seule sa structure a différé. Son conseil d’administration était formé de
l’exécutif du CRDL12 qui regroupait déjà l’ensemble des acteurs prévus à la Politique
de soutien au développement local et régional, auquel s’ajoutaient certains acteurs
du milieu (dont la présidente du CRÉS-CRD). Et puis le CLD de Laval était en
impartition avec Laval Technopole, une corporation vouée à la promotion du
développement économique de la région. Ainsi, le directeur adjoint de Laval
Technopole dirigeait à cette époque les opérations du CLD de Laval. En 2002,
l’enveloppe budgétaire pour les projets en économie sociale du CLD se chiffrait à
700 000 $. Il y avait également un budget de 65 000 $ pour la consolidation des
La situation particulière de Laval qui est, rappelons-le, à la fois une ville, une MRC et une région, explique la
présence d’un seul CLD sur son territoire.
9
Jusqu’en décembre 2001, cette enveloppe n’était pas fermée et n’était donc pas réservée au financement des
projets en économie sociale. Certains CLD ont alors utilisé les fonds en économie sociale pour d’autres fins que
le financement direct de projets. Dans certains cas, ils ont utilisé une partie des fonds pour payer le salaire
d’un agent ou d’une agente en économie sociale ou encore pour faire la promotion du Fonds d’économie sociale
dans le milieu. À partir de janvier 2002, l’enveloppe en économie sociale a été fermée : le Fonds d’économie
sociale ne sera utilisé pour financer des projets en économie sociale.
10
Le CLD de chaque MRC est doté d’un plan d’action local sur l’économie et l’emploi (PLACÉE, PALÉE ou PLAÉE,
selon les CLD) habituellement établi pour 3 ans.
11
Les dépenses admissibles étaient les suivantes : les dépenses en capital (terrain, bâtisse, équipement,
matériel roulant, frais d’incorporation et autre dépense de même nature à l’exception des dépenses
d’achalandage), l’acquisition de technologies et de brevets (à l’exception des activités de recherche et de
développement), ainsi que les besoins en fonds de roulement se rapportant strictement aux opérations de
l’entreprise. L’achat de services-conseils pertinents aux projets de consolidation était également admissible.
12
Notons que la directrice générale du CRD de Laval était également la directrice générale du CLD de Laval.
8
8
entreprises d’économie sociale, montant jugé très insuffisant par l’ensemble des
informateurs-clés rencontrés. Le CLD possédait enfin un budget pour soutenir la
réalisation d’études de marché et de plans d’affaires13.
En l’absence d’un comité d’économie sociale au sein du CLD, la conseillère en
développement des entreprises était responsable de l’évaluation des projets en
économie sociale. Elle s’occupait d’informer et d’orienter les promoteurs et
procédait à l’analyse des projets pour ensuite les recommander au conseil
d’administration pour approbation. Au moment des entrevues, en 2002, le CLD de
Laval ne disposait pas d’une grille systématique pour évaluer les projets qui lui
étaient soumis. Cependant, divers informateurs-clés ont mentionné que l’intégration
en emploi constituait un critère important, tout comme la décision de ne pas financer
les Centres de la petite enfance (CPE).
Consternés par l’absence de consultation dans le processus d’allocation des
subventions en économie sociale, les groupes de femmes et plusieurs acteurs du
milieu communautaire démissionnèrent en bloc du CRÉS aviseur en 1999. Celui-ci
s’est donc retrouvé avec trois membres seulement. Suite à cette crise interne et à
des questionnements sur la nécessité de conserver cette instance, les membres
restants du CRÉS aviseur ont décidé de réunir les promoteurs d’entreprises
lavalloises en économie sociale. En 2000, le CRÉS aviseur s’est retrouvé avec 25
membres, dont l’ensemble des promoteurs lavallois en économie sociale, et avec un
mandat redéfini, celui de former un réseau d’entreprises d’économie sociale. Ce
réseau devait agir comme outil de renforcement pour les entreprises d’économie
sociale et faire des recommandations au CRD et au CLD en matière d’économie
sociale. Il a par exemple travaillé à développer des critères d’analyse des projets à
l’intention du CLD pour l’allocation budgétaire en économie sociale. Le CRÉS aviseur a
aussi travaillé à un portrait du secteur de l’économie sociale sur le territoire de
Laval. En 2001, des représentantes de la Table de concertation de Laval en condition
féminine et de la CDC de Laval sont revenus siéger au sein du CRÉS aviseur du CRD
de Laval, de même qu’au CLD. Les projets et la nouvelle approche mise de l’avant
semblaient favoriser le rapprochement d’acteurs aux visions et aux intérêts
différents.
3.
L’économie sociale : des visions à la fois opposées et convergentes
Depuis la mise en place des mesures d’économie sociale en 1996, diverses visions de
l’économie sociale se sont côtoyées et les acteurs régionaux ne sont jamais véritablement
arrivés à un consensus. La définition de l’économie sociale a fait l’objet d’importants débats
Les études de marché et les plans d’affaires étaient subventionnés à parts égales par le CLD de Laval et le
RISQ.
13
9
idéologiques, en lien notamment avec les critères de sélection des projets. En soi, la
définition de l’économie sociale a toujours été ambiguë.
Au niveau empirique, l’économie sociale, en tant que concept, renvoie à un
champs d’activité ou à un secteur de l’économie, mais elle demeure des plus
floues […]. Au niveau théorique, le constat de l’absence d’une acceptation
minimale du concept d’économie sociale et d’une définition opératoire de celle-ci
est partagé. (Côté, 2003, p. 8)
Trois définitions ont circulé dans la région, comme dans les autres régions du Québec
d’ailleurs : la définition des groupes de femmes, la définition du Chantier de l’économie
sociale et la définition du gouvernement du Québec.
La définition des groupes de femmes prend racine dans la revendication des
« infrastructures sociales » de la Marche des femmes Du Pain et des Roses de 1995 et
présente l’économie sociale comme une alternative aux inégalités sociales et économiques
que vivent les femmes. Cette définition met de l’avant la reconnaissance du travail gratuit
et invisible des femmes ainsi que l’importance de la consolidation du tissu social,
(...) des ressources mises en place par des collectivités pour améliorer leur
qualité de vie et qui se donnent des missions diverses: combattre les inégalités
et la discrimination, briser l’isolement des personnes, favoriser l’entraide, la
prise en charge, l’éducation populaire, le sentiment d’appartenance et la
participation, venir en aide aux personnes malades, âgées ou handicapées,
garder les enfants, alphabétiser, accueillir, intégrer, etc. On le voit, il s’agit ici
de ressources vitales pour une communauté. On parle donc d’économie sociale,
de qualité dans les rapports humains plutôt que de surconsommation de produits
manufacturés. Cette économie sociale est une alternative à l’exclusion marquée
de beaucoup de femmes de l’économie de marché. (Marche des femmes contre
la pauvreté - Du pain et des roses, 1995, p. 2)
Cette définition a été enchâssée dans une « Plate-forme des femmes en économie
sociale »14. À Laval, cette plate-forme a été portée par les groupes de femmes et mise de
l’avant par la TCLCF et le comité Femmes et développement régional du CRD de Laval. La
En décembre 1997, une cinquantaine de déléguées provenant des tables régionales de groupes de femmes, de
comités régionaux sur l’économie sociale, de groupes nationaux de femmes et de syndicats, adoptaient une
plate-forme mettant de l’avant 7 principes devant encadrer le développement de l’économie sociale. Cette
démarche était appuyée par Relais-femmes, par la Fédération des femmes du Québec et par le Comité national
des femmes en soutien à l’économie sociale. Les 7 principes adoptés sont les suivants : finalité sociale,
autonomie de gestion, processus décisionnel, primauté des personnes, emplois durables et de qualité,
accessibilité des biens et des services sans obligation de tarification, activités fondés sur la participation, sur
la prise en charge et sur la responsabilité individuelle et collective (Relais-femmes et al., 1997).
14
10
présence des groupes de femmes à divers conseils d’administration lavallois a constitué un
moyen pour promouvoir leur vision de l’économie sociale.
La définition du Chantier de l’économie sociale s’intéresse plutôt à l’entrepreneuriat
collectif; elle est moins large que celle des groupes de femmes. Elle a été portée par le CRD
de Laval et dans une certaine mesure par le CRÉS aviseur.
Le concept d’économie sociale combine deux termes qui sont parfois mis en
opposition: « économie » renvoie à la production concrète de biens ou de
services, ayant l’entreprise comme forme d’organisation et contribuant à une
augmentation nette de la richesse collective; « sociale » réfère à la rentabilité
sociale, et non purement économique de ces activités. Pris dans l’ensemble, le
domaine de l’économie sociale regroupe l’ensemble des activités et organismes,
issus de l’entrepreneuriat collectif qui s’ordonne autour des principes suivants:
l’entreprise de l’économie sociale a pour finalité de servir ses membres ou la
collectivité plutôt que de simplement engendrer des profits et viser le
rendement financier. Elle a une autonomie de gestion par rapport à l’État. Elle
intègre dans ses statuts et ses façons de faire un processus de décision
démocratique. Le domaine de l’économie sociale recouvre donc l’ensemble des
mouvements coopératif et mutualiste et celui des associations (Chantier de
l’économie sociale, 1996, p. 6-7).
La définition gouvernementale de l’économie sociale cible le développement d’activités
socialement rentables avec une intervention minimale de l’État. Dans la région de Laval,
cette vision a été portée par le CLD de Laval.
Le concept « économie » renvoie à la production concrète de biens ou de
services, ayant l’entreprise comme forme d’organisation et contribuant à une
augmentation nette de la richesse collective. Le concept « social » réfère à la
rentabilité sociale et non purement économique de ces activités. Cette
rentabilité s’évalue par la contribution au développement d’une citoyenneté
active, par la promotion des valeurs et d’initiatives de prise en charge
individuelle et collective. L’économie sociale s’ordonne autour des principes et
des règles de fonctionnement suivants: le bien commun, l’autonomie de gestion,
la démocratie, la primauté de la personne, le principe de la participation.
(Gouvernement du Québec, 1998, p. 8)
Les définitions du Chantier de l’économie sociale et du gouvernement du Québec étaient
plus restrictives que la définition véhiculée par les groupes de femmes. Ainsi, la définition
du Chantier et celle du gouvernement référaient à des entreprises et à des organisations
identifiées à leur milieu, alors que celle des groupes de femmes référait à des initiatives
issues de collectivités, c’est-à-dire naissant des besoins de la communauté et mises en place
11
par cette dernière. Le Chantier reliait la rentabilité sociale au développement d’entreprises
communautaires; le gouvernement utilisait plutôt les termes de rentabilité sociale viable
financièrement qu’il reliait à l’atteinte d’un équilibre financier. Pour les groupes de femmes,
la rentabilité sociale signifiait plutôt de travailler avec et pour ses membres, dans une
optique de changement social. Il s’agissait de soutenir financièrement des initiatives de la
communauté jugées essentielles au développement d’une société en termes d’entraide et de
solidarité, plutôt que de simplement viser des impératifs économiques.
Par ailleurs, le gouvernement reliait la création d’emplois à la rentabilité économique, alors
que les groupes de femmes reliaient la création d’emplois durables (au salaire d’au moins
8,30 $ de l’heure) à la rentabilité sociale15. Pour les groupes de femmes, la création
d’emplois était une réponse à la pauvreté ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie au lieu
d’être un indice de la rentabilité économique d’une entreprise. Pour ce qui est de
l’accessibilité des biens et des services (la tarification pour l’obtention d’un produit ou d’un
service), le gouvernement avançait qu’un projet d’économie sociale devrait générer des
revenus autonomes, c’est-à-dire des revenus provenant de la vente de son produit ou de son
service, encourageant ainsi le virage entrepreneurial des organismes communautaires. Le
Chantier concevait que les entreprises communautaires génèrent des revenus, alors que les
groupes de femmes signifiaient plutôt qu’il n’y a pas d’obligation de tarification.
En adoptant la définition gouvernementale de l’économie sociale, le CLD de Laval a adopté
une conception plus « économique » de l’économie sociale que celle portée par les groupes
de femmes, s’articulant autour de la rentabilité économique, de l’autofinancement et de la
tarification. Le retrait des groupes de femmes des instances décisionnelles en économie
sociale peut s’expliquer par leur perte d’influence au sein du CLD (Côté et Fournier, 2002),
et par la difficulté de faire financer leurs projets à cause des nouveaux critères générés
par la nouvelle définition de l’économie sociale.
Suite à des interventions de la présidente du CRÉS aviseur et à une recherche menée par
ce dernier, le CLD de Laval a changé sa conception de l’économie sociale. Le CLD est en
effet arrivé au constat qu’il était irréaliste d’exiger l’autofinancement des projets en
économie sociale. Une nouvelle grille d’évaluation a alors été développée ainsi que de
nouveaux critères : sur la gestion démocratique, sur la parité hommes-femmes en matière
de ressources humaines au sein des entreprises d’économie sociale et sur l’amélioration des
conditions de vie des femmes comme impact souhaité.
Le CRÉS aviseur a encouragé les promoteurs et entrepreneurs en économie sociale de Laval
à bien identifier leurs activités liées aux projets en économie sociale qu’ils avaient soumis
au CLD, afin d’identifier des critères d’autofinancement plus réalistes. Cet appui et cette
médiation du CRÉS aviseur a servi en quelque sorte de lien de collaboration entre les
15
Le Chantier ne faisait pas de lien entre la création d’emplois et la rentabilité sociale ou économique.
12
promoteurs en économie sociale et le CLD. Le CRÉS aviseur et le CLD se sont entendus pour
privilégier la consolidation des projets lavallois déjà existants en économie sociale. Les
remous qu’avait connus la région entre 1996 et 2000 autour de la conception de l’économie
sociale ont donc été oubliés grâce à ce récent partenariat entre le CLD et le CRÉS aviseur.
4.
Les projets en économie sociale subventionnés sur une base locale à Laval
(1999-2001)16
Nous avons procédé à une recension téléphonique des projets17 de Laval ayant reçu une
subvention locale en économie sociale entre 1999 et 2001. Contrairement aux autres
régions qui ont fait l’objet d’une recension semblable dans le cadre de cette recherche, il
nous a été impossible de recenser les projets ayant reçu une subvention entre 1996 et
1999, car les archives du CRÉS, malgré tous les efforts déployés, sont demeurées
introuvables. Les entretiens téléphoniques ont été faits auprès des promoteurs et
promotrices de projets à partir des seules listes fournies par le CLD de Laval pour la
période 1999-2001. Pour être retenues, les subventions locales devaient financer la totalité
du projet ou un de ses éléments importants. Tous les projets qui apparaissaient sur les
listes fournies par le CLD comme ayant reçu des subventions en économie sociale ont été
recensés18. Ceci rend impossible toute comparaison avec la période précédente (celle du
CRÉS entre 1996 et 1998).
Au total, 20 projets ont été financés par le CLD de Laval. Ces 20 projets étaient issus de
17 organismes promoteurs. Pour les 20 projets de Laval, des informations sur leur nature,
les montants octroyés et l’utilisation des subventions, ainsi que les caractéristiques des
emplois créés ou consolidés ont été recueillies.
Nombre et caractéristiques des projets
Le CLD de Laval a privilégié les projets dans les secteurs situés en dehors des axes
sectoriels du Chantier de l’économie sociale. Ils représentent en effet 90% (18/20) des
projets financés par le CLD (Annexe I).
Les données pour cette région ont été recueillies et compilées par Danielle Fournier.
Le terme « projet » désigne ce qui a été financé par la subvention locale en économie sociale. Plus
précisément, le terme « projet » désigne un projet particulier, lié ou non à la mission habituelle de l’organisme,
et mis sur pied à l’aide de la subvention en économie sociale.
18
L’expression « projets recensés » désigne les projets pour lesquels des informations ont été recueillies lors
d’une entrevue téléphonique avec la promotrice ou le promoteur du projet.
16
17
13
Graphique 1
Région de Laval (1999-2001)
Secteurs d'activité des projets ayant reçu
une subvention locale ou régionale
en économie sociale (CLD)
Axes sectoriels du Chantier
Autres secteurs d'activité
10%
90%
Les domaines d’activité les plus soutenus par le CLD sont l’éducation, (28%) et
l’environnement (22%). Aucun projet soumis par un groupe de femmes n’a été recensé.
Le CLD a financé 2 projets correspondant aux axes sectoriels du Chantier de l’économie
sociale : en aide domestique et en services post-accouchement.
14
Graphique 2
Région de Laval (1999-2001)
Projets ayant reçu une subvention locale ou régionale
Par secteur d’activité
CLD (n=20)
Axes sectoriels du
Chantier
10% Alimentation
Soutien entrepreneuriat
5%
Santé
10%
5%
Arts et culture
5%
Loisirs
5%
Communication
5%
Jeunesse
10%
Environnement
20%
Éducation
25%
Montant des subventions
Les subventions accordées par le CLD se situent pour la plupart (30 % des projets) entre
50 000 $ et 99 999 $ et pour 7 projets (35 %) entre 100 000 $ et 399 999 $. Le CLD
semble donc octroyer des montants élevés à moins de projets. Les 7 autres projets ont
reçu entre 5 000 $ et 40 000 $.
15
Graphique 3
Région de Laval (1999-2001)
Montant accordé à chaque projet
Subventions locales en économie sociale
Nombre de projets
7
6
5
Nombre de
projets
4
3
CLD
2
1
300 000 – 399 999 $
250 000 – 299 999 $
200 000 – 249 999 $
150 000 – 199 999 $
100 000 - 149 000 $
50 000 – 99 999 $
40 000 – 49 999 $
30 000 –39 999 $
20 000 – 29 999 $
10 000 – 19 999 $
0 – 9 999 $
0
Montage financier
On constate que 90 % des projets (18/20) financés par le CLD de Laval ont eu recours à un
montage financier. Leurs partenaires ont été les ministères de l’Environnement, de la
Culture, de la Santé et des Services sociaux, ainsi que le RISQ, le SACA et des
investisseurs privés et fondations. Certains bailleurs de fonds ont financé uniquement les
16
salaires liés aux projets : c’est le cas du Fonds de lutte contre la pauvreté19, d’EmploiQuébec et du Comité d’adaptation à la main-d’oeuvre (CAMO). Les montants octroyés par
chacun des bailleurs de fonds sont très variables.
Tarification
Soulignons que 16 des 20 projets financés par le CLD ont eu recours à la tarification, soit
80 % des projets.
Finalité du financement
Plus de la moitié des subventions en économie sociale octroyées par le CLD a été utilisée
pour l’immobilisation, la construction ou l’achat d’équipement (59 % ou 11,8/20). Une
proportion plus modeste des subventions a été utilisée pour créer ou consolider des emplois
(16 %), pour des études de faisabilité (10 %) ou encore au fonds de roulement et à la
formation (8 %) ou au fonds de démarrage (7 %).
Il s’agit ici d’un financement du Fonds de lutte contre la pauvreté qui n’est pas relié au volet de l’économie
sociale.
19
17
Création et consolidation d’emplois
On constate que 24 % (4/17) des organismes promoteurs de projets en économie sociale
ont créé ou consolidé des emplois directement avec la subvention accordée par le CLD.
Parmi les 20 projets financés par le CLD, 4 projets ont créé ou consolidé 5 emplois, ce qui
représente un ratio de 0,25 emploi par projet (5 emplois pour 20 projets). Ces 4
organismes promoteurs créateurs ou consolidateurs d’emplois se situaient en dehors des
axes sectoriels du Chantier de l’économie sociale. Les secteurs où ces emplois ont été créés
sont ceux de l’éducation, du soutien à l’entrepreneuriat, de l’alimentation et des loisirs.
Parmi ces cinq emplois, trois ont été occupés par des femmes, alors que les deux autres
emplois ont été occupés par des hommes.
Tableau 1
Région de Laval (1999-2001)
Subventions locales en économie sociale
Emplois créés ou consolidés selon le sexe
Femmes
Hommes
Total
Total des organismes
créateurs/consolidateurs
18
CLD
(1999-2001)
3
2
5
4
Les emplois créés et consolidés ont été à 100 % des emplois à temps plein. Le peu d’emplois
créés découle en fait de la taille de la région de Laval, mais aussi de la nature des projets.
En effet, le montage financier de plusieurs projets présentés au CLD prévoyait une
collaboration d’Emploi-Québec pour le financement des salaires, et donc la création
d’emplois a été dans plusieurs cas financée par cette entremise.
Tableau 2
Région de Laval (1999-2001)
Subventions locales en économie sociale
Emplois créés ou consolidés à temps plein et à temps partiel
Emplois temps plein
Emplois temps partiel
Total
CLD
(1999-2001)
5
0
5
Le salaire horaire moyen des emplois créés ou consolidés est de 12,30 $, et on constate une
différence de près de 2 $ entre le salaire horaire des femmes et celui des hommes, à
l’avantage de ces derniers. Le petit nombre et la nature des emplois créés ou consolidés à
partir de ces subventions explique cet écart. En effet, deux postes occupés par des
hommes étaient de niveau supérieur.
19
Formation offerte aux employés
Les organismes promoteurs ont investi très peu dans la formation de leurs employés. En
effet, un seul organisme sur les quatre ayant créé ou consolidé des emplois a offert de la
formation à ses employés. On pourrait certainement expliquer cet état de fait par la nature
des emplois créés dans la région de Laval : en effet, plusieurs de ces emplois sont des
postes de coordination pour lequel la personne embauchée a déjà la formation requise.
EN BREF
Laval a connu un développement parallèle à celui des autres régions en matière de mise sur
pied de structures en économie sociale (CRÉS et CLD). Il a aussi connu des débats
similaires au sujet de l’économie sociale (définition plus «sociale» ou plus «économique» de
l’économie sociale). L’expérience des groupes de femmes lavallois dans le dossier régional de
l’économie sociale ressemble aussi à celle d’autres régions étudiées. Dès 1996, les groupes
de femmes ont investi le CRÉS avec enthousiasme, voyant dans ces nouvelles mesures en
économie sociale une possibilité de créer des emplois bien rémunérés pour les femmes. Des
divergences au niveau de la définition et des objectifs de l’économie sociale sont apparues
suite au rattachement du CRÉS au CRD en 1998, et les groupes de femmes et les groupes
communautaires lavallois se sont alors retirés du CRÉS.
Les deux regroupements y sont revenus en 2001, deux ans après la création du CLD.
Rappelons que Laval est la seule région du Québec à compter une seule municipalité rurale
de comté (MRC) et donc un seul CLD. Une collaboration particulière et originale s’est
développée entre le CRÉS et le CLD à partir de 2001. En effet, contrairement aux autres
régions étudiées, le CRÉS de Laval est intervenu en matière d’allocation financière en
économie sociale, déposant par exemple un avis au CLD pour les nouveaux projets
demandant une subvention. Le CRÉS et le CRD de Laval se sont aussi entendus pour
subventionner moins de projets en économie sociale, pour leur accorder des montants plus
substantiels, et pour privilégier la consolidation de ces projets.
Rappelons qu’il a été impossible de recenser les projets ayant reçu une subvention en
économie sociale octroyée par le CRÉS de Laval entre 1996 et 1998. Vingt projets ont été
financés par le CLD entre 1999 et 2001. Près du tiers de ces projets ont reçu plus de 100
000 $. Ceci reflète le choix du CLD et du CRÉS de Laval de limiter le nombre de projets
subventionnés, mais de leur accorder des montants plus substantiels. 90% des projets ont
eu recours à d’autres bailleurs de fonds. Les subventions en économie sociale ont surtout
servi à l’immobilisation, la construction ou l’achat d’équipement. Il y a eu peu de création et
de consolidation d’emplois à même ces subventions : seulement 4 projets (situés dans des
20
domaines d’activité autres que celles du Chantier de l’économie sociale) sur 20 ont créé ou
consolidé 5 emplois, ce qui représente un ratio de 0,25 emploi par projet. Ces 5 emplois ont
tous été à temps plein et occupés par 3 femmes et 2 hommes. Les hommes ont été plus
favorisés au niveau de leur salaire horaire, recevant près de 2 $ de l’heure de plus que les
femmes. Enfin, les organismes ont très peu investi dans la formation de leurs employés.
La définition gouvernementale de l’économie sociale visait à rapprocher le programme de
subventions locales et régionales des objectifs économiques classiques, dont la création
d’emplois. Mais elle n’aura pas permis d’atteindre cet objectif, car très peu d’emplois auront
été créés à Laval à même ces subventions. L’approche « entrepreneuriale » de l’économie
sociale adoptée par le gouvernement n’aura donc pas été garante d’emplois mieux rémunérés
pour les femmes, quoique le petit nombre d’emplois créés ou consolidés nous incite à la
prudence dans nos conclusions. Et ce sont les projets les plus endogènes à la région (les
projets exogènes étant associés aux « axes sectoriels » du Chantier) qui auront permis la
création d’emplois.
21
Annexe I
Région de Laval (1999-2001)
Projets recensés ayant reçu une subvention locale en économie sociale
CLD
(1999-2001)
Secteur d’activité
Aide domestique
Services post accouchement
1
1
Axes sectoriels du Chantier
= 2
Alimentation
Arts et culture
Communication
Éducation
Environnement
Jeunesse
Loisirs
Santé
Soutien entrepreneuriat
1
1
1
5
4
2
1
2
1
TOTAL
20
22
Autres secteurs d’activité
= 18
20
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23
PUBLICATIONS DE L’ORÉGAND
SÉRIE ANALYSES
No. A-1 ORÉGAND, La violence faite aux femmes : nouveaux enjeux. L’actualité en perspective,
Gatineau, Québec, 2005.
SÉRIE CONFÉRENCES
No. C-1 Andrew Caroline. Les voix des régions : réflexions sur la nécessité d’une analyse différenciée
selon les sexes. Gatineau, Qc. 2003.
No. C-2 ORÉGAND, Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes,
Gatineau, Québec, 2005.
SÉRIE FORMATIONS
No. F-1 Côté Denyse. Garde partagée et violence conjugale. Gatineau, Qc. 2004.
No. F-2 Côté Denyse, Analyse différenciée selon les sexes (ADS) en développement économique
communautaire (DÉC), Gatineau, Québec, 2004.
No. F-3 Côté Denyse. La economía social : Nuevo modelo de intervención, política social del nuevo
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No. F-4 Côté Denyse, Isabel Côté, Lise Moisan, Prise de décision municipale : Comment tenir compte des
réalités des hommes et des femmes, Gatineau, 2005.
SÉRIE RECHERCHES
No. R-1 Gagnon Éric, Nancy Guberman, Denyse Côté, Claude Gilbert, Nicole Thivierge, Marielle
Tremblay, Les impacts du virage ambulatoire : responsabilités et encadrement dans la dispensation des
soins à domicile. Hull, Qc. 2001.
No. R-2 Côté Denyse, Marie-Paule Maurice, : Genre et gouvernance décentralisée au Québec : le cas de
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l’économie sociale dans la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, Gatineau, 2005.
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No. R-5 Côté Denyse, Marie-Paule Maurice, : Genre et gouvernance décentralisée au Québec : le cas de
l’économie sociale dans la région de Lanaudière, Gatineau, 2005.
No. R-6 Côté Denyse, Marie-Paule Maurice, : Genre et gouvernance décentralisée au Québec : le cas de
l’économie sociale dans la région de l’Outaouais, Gatineau, 2005.
No. R-7 Côté Denyse, Marie-Paule Maurice, : Genre et gouvernance décentralisée au Québec : le cas de
l’économie sociale dans la région de Montréal, Gatineau, 2005.
No. R-8 Côté Denyse, Marie-Paule Maurice, : Genre et gouvernance décentralisée au Québec : le cas de
l’économie sociale dans la région de Laval, Gatineau, 2005.
SÉRIE OUTILS
No. O-1 Côté Denyse, Hugo Lemay, Caroline St-Amand, Techniques de recherche qualitative à l’aide de
programmes de gestion de données. Gatineau, Qc. 2003.
Observatoire sur le développement régional
et l’analyse différenciée selon les sexes
Pavillon Alexandre-Taché
283, boul. Alexandre-Taché
Case postale 1250, Succ. B
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