:: 1
La Lettre de l’Institut Pasteur de la Guyane :: :: Mai 2012
::
É
ditorial
Dans le champ de la santé publique,
ses missions de Centres nationaux de
référence qui viennent d'être reconduites et
renforcées en 2012, sont essentielles pour
la surveillance épidémiologique des maladies
infectieuses, coordonnée au plan régional
par la Cire Antilles Guyane. Son expertise en
entomologie médicale est primordiale pour
l'Agence régionale de santé (ARS) et le
Conseil Général pour guider les stratégies de
lutte et de contrôle des vecteurs impliqués
dans la transmission du paludisme et de la
dengue. Son laboratoire Hygiène et
Environnement est le laboratoire référent
pour l'ARS pour le contrôle sanitaire des
eaux. L'IPG héberge le seul centre de
traitement antirabique en Guyane. Le
laboratoire d'analyses de biologie médicale
de l'IPG est lunique laboratoire qui réalise le
diagnostic bactériologique de la tuberculose
en Guyane ; de même que pour les tests
génotypiques de résistance du VIH aux
antirétroviraux réalisés par le Laboratoire
des Interactions Virus-Hôtes.
Les thématiques de recherche sont ciblées
sur les maladies tropicales infectieuses
identifiées comme prioritaires en Guyane.
L'IPG travaille ainsi à créer de nouvelles
approches diagnostiques et thérapeutiques,
à acquérir une meilleure compréhension des
facteurs d'émergence liés aux interactions
grandissantes entre la faune sauvage et
les populations humaines du fait des
modifications des habitats naturels, à
étudier la variabilité des souches virales
circulantes L'excellence de ce centre de
recherche est liée à la complémentarité
d'équipes pluridisciplinaires, présentes au
sein même de l'IPG ou du fait dun
partenariat avec des équipes externes, ainsi
qu'à la qualité d'un plateau technique sans
cesse amélioré (2 laboratoires de sécurité
biologique de niveau 3, 4 laboratoires de
sécurité de niveau 2, un plateau de biologie
moléculaire, équipements d'identification et
de dosage de substances chimiques, etc.).
Au-delà des nombreuses collaborations
scientifiques menées au niveau local
(Centres hospitaliers, CNES, CNRS/Labex
CEBA, IRD), l'IPG développe depuis
plusieurs années des collaborations étroites
avec le Suriname et le Brésil. Ainsi, de par
son rôle dans la détection, l'alerte et
la recherche, en lien étroit avec
l'administration (ARS, Cire), les structures
hospitalières et l'université, l'IPG est devenu
une structure stratégique dans la lutte
contre les maladies infectieuses pour la
région Antilles-Guyane et le plateau des
Guyanes.
Quant à la formation, l'IPG est un centre de
transmission des connaissances. Chaque
année une vingtaine d'étudiants de
l'Université Antilles Guyane ou d'autres
universités françaises sont accueillis à
l'Institut. L'IPG participe également à
la formation du 3ème cycle des études
médicales et trois de ses laboratoires sont
agréés pour l'accueil des internes (médecine
et pharmacie).
À travers ce bref survol, on peut mesurer
combien les activités menées par l'IPG sont
nombreuses et de nature diverse. Peu, sans
doute, sont à même d'en mesurer réellement
toute l'étendue et la richesse.
C'est l'objet de cette Lettre que de mieux
faire connaître l'ensemble des missions
menées au sein de l'IPG ainsi que les travaux
scientifiques qui y sont réalisés. Il sagit
également de présenter de manière réactive
les principaux résultats de ces recherches en
mettant en avant leurs retombées
immédiates ou potentielles sur les politiques
publiques en matière de santé. Cest aussi
l'opportunité de revenir sur l'histoire de l'IPG
et de présenter les hommes et les femmes
qui y travaillent, afin de mieux appréhender
son passé et son présent pour mieux
comprendre son devenir.
En espérant que ce premier numéro de la
Lettre de lIPG fera de vous un fidèle lecteur
et pourquoi pas un généreux donateur, je
vous en souhaite bonne lecture.
Dr Philippe
Quénel
Directeur
de l'IPG
:: Sommaire
Santé Publique
Nomination
de 3
Centres Nationaux de Référence
:: Arbovirus
. .......................................................................
:: 2
:: Influenzae
. ....................................................................
:: 2
:: Hantavirus
. ....................................................................
:: 3
Recherche
Programmes
:: Démarrage du
programme
STRonGer
. .......
::
3
Résultats
d'études
::
DENFRAME
. ...................................................................
:: 4
:: Multiples introductions du
paludisme
en Arique du Sud
.................................................
::
5
Projets d
'études
:: Grand Connétable
. ....................................................
:: 5
Formations - sensibilisation
Fête
de la
science
2011
........................................... ::
5
Portrait
................................................................................
:: 7
L'Institut Pasteur
de
la Guyane (IPG) fait partie du Réseau International
des
Instituts
Pasteur (RIIP) qui
compte 32 instituts répartis sur les cinq
continents.
Ayant s
uccédé
à l
'
Institut d
'
Hygiène et de Bactériologie
,
l’IPG joue,
depuis plus de 70 ans,
un rôle clef dans le domaine
de
la santé en Guyane.
Par son triple rôle
de centre
d'expertise en santé publique,
de
centre recherche
et
de
centre
de
formation, il
contribue
de
manière déterminante
à la prévention
et au contrôle d
es maladies infectieuses.
#1
:: 2
3 Centres Nationaux de
Référence en virologie,
laboratoires associés pour
la zone Antilles Guyane,
ont été nommés, depuis le
1er janvier 2012, à l’Institut
Pasteur de la Guyane.
Le laboratoire de Virologie de lIPG
est reconnu par les autorités
sanitaires comme laboratoire
référent pour les arbovirus depuis
le début des années 1980 et pour
les virus grippaux, depuis le milieu
des années 1990.
Philippe Dussart et Séverine Matheus,
Laboratoire
de
virologie
:: CNR des arbovirus
Au cours de son précédent mandat de Centre
National de Référence (CNR) des Arbovirus et
virus Influenzae pour la région Antilles
Guyane (2006-2011), le laboratoire a
répondu à sa mission première de
surveillance épidémiologique des arboviroses
et de la grippe en Guyane, Martinique et
Guadeloupe. Le CNR des arbovirus a ainsi
développé des outils de diagnostic
virologique et sérologique permettant de
détecter un large éventail d'arbovirus
d'intérêt médical dont les principaux
appartiennent à la famille des Flaviviridae
(ex : dengue, fièvre jaune) et Togaviridae
(ex : virus tonate, mayaro ou chikungunya).
Le CNR a également assuré des activités
d'expertise sérologique et virologique pour
les laboratoires des Antilles (Martinique,
Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-
Barthélemy) mais aussi pour le Suriname.
Toutes ces activités ont été menées en lien
étroit avec l'Unité d'Epidémiologie de l'IPG et
la Cellule de l'InVS en Région Antilles
Guyane (Cire AG/Institut de Veille Sanitaire)
a i n s i qu a v e c les Plateformes de Veille
et de Gestion Sanitaire des ARS de chaque
département. Les données de surveillance
biologique ont ainsi contribué à mieux
caractériser l'épidémiologie de la dengue
dans les Départements Français dAmérique
(DFA).
Au cours de ces dernières années, ces dépar-
tements ont été touchés par des épidémies
de dengue de forte ampleur. La Guyane a
été frappée en 2006 par une épidémie de
dengue les aurotype 2 avec environ 16 200
cas cliniques. Cest au cours de cette
épidémie que la dengue a émergé » pour la
première fois le long du fleuve Maroni.
:: Guyane française
Plus récemment, au cours de l'année 2010,
la Guadeloupe et la Martinique ont été
touchées par deux épidémies majeures de
dengue liés au sérotype 1, au cours desquelles
plus de 40 000 cas suspects ont été observés
dans chaque île. Au cours de ces épidémies,
le CNR a joué un rôle important dans
l'identification des sérotypes de dengue
circulants, information majeure pour
anticiper au mieux l'ampleur et la gravité
potentielle des épidémies de dengue. En 2008,
cette surveillance a été mise en place à Saint
-Martin et Saint-Barthélemy via une
procédure d'analyse d'échantillons de sang
recueillis sur papier buvard.
Le laboratoire s'est impliqué par ailleurs dans :
(i) l'étude de la variation génétique des
souches de virus de la dengue qui circulent
au niveau du bouclier guyanais et dans les
Antilles fraaises, (ii) l'évaluation de
nouveaux tests sérologiques et de prototypes
pour le diagnostic de la dengue et de la fièvre
jaune et (iii) dans différents projets de
recherche clinico-biologiques.
Suite à sa candidature à l'appel d'offre 2011
de l'InVS pour la nomination des CNR pour le
mandat 2012-2016, de par son expérience et
son expertise régionale développée depuis de
nombreuses années, le laboratoire de
Virologie de IPG s'est vu reconduit dans ses
fonctions de CNR des Arbovirus, laboratoire
associé pour la zone Antilles Guyane. Aux
Antilles, le laboratoire de Virologie de l'IPG
s'appuie sur des laboratoires relais
(laboratoire de Virologie du CHU de Fort-de-
France en Martinique, laboratoire de
Microbiologie du CHU de Pointe-à-Pitre en
Guadeloupe, laboratoires privés à Saint-
Martin et Saint- Barthélemy) qui constituent
des acteurs et des partenaires clés du
dispositif de surveillance. La coordination du
CNR des Arbovirus a été confiée à l'Institut de
Recherche Biomédicale des Armées à
Marseille, et le laboratoire de Virologie du
Centre Hospitalier Régional de Saint-Denis
de la Réunion s'est vu désigné CNR des
Arbovirus, laboratoire associé pour la zone
Océan Indien. Cette nouvelle organisation
renforce la couverture géographique en
termes de surveillance des arbovirus et
devrait renforcer l'expertise dans ce
domaine.
L'un des principaux objectifs du nouveau
mandat du CNR des Arbovirus est
d'harmoniser les techniques de diagnostic
moléculaire des principaux arbovirus au sein
des trois laboratoires qui le composent mais
aussi au sein des laboratoires relais,
notamment de la région Antilles Guyane.
Enfin, en termes de surveillance virologique,
l'étude de la variation génétique des souches
de virus de la dengue qui circulent dans la
région reste un objectif majeur.
:: CNR des virus
Influenzae
La surveillance virologique de la grippe est
assurée dans la région Antilles Guyane par le
laboratoire de Virologie de l'IPG, via des
réseaux de médecins sentinelles dans chaque
DFA, animés par lARS de chaque
département et coordonnés par la Cire AG.
Santé Publique
:: Virus de la grippe
observé en microscopie électronique
:: 3
Au cours de son mandat de CNR 2006-2011,
le Laboratoire de Virologie a montré sa
capacité d'adaptation pour faire face à
l'alerte pandémique survenue en avril 2009
et l'émergence du virus grippal pandémique
A(H1N1). Ce virus a été détecté dans
l'ensemble des trois DFA entre mi-juin et
début août 2009 engendrant une épidémie
s'étalant d'août à novembre.
Au cours cette période, l'activité du CNR a
été multipliée par 10 par rapport aux années
précédentes (Figure 1), le laboratoire de
Virologie de l'IPG ayant reçu et analysé des
prélèvements en provenance de Guyane,
Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et
Saint-Barthélemy et du Suriname.
Tout comme pour les arbovirus, le laboratoire
de Virologie de l'IPG s'est vu reconduit dans
ses fonctions de CNR des virus Influenzae. Le
nouveau CNR des virus Influenzae (2012-
2016) s'organise en trois pôles : l'Institut
Pasteur à Paris est le CNR coordonnateur et
assure la surveillance de la grippe dans la
région Nord de la France. Les Hospices Civils
de Lyon ont été désignés CNR des virus
Influenzae, laboratoire associé pour la région
Sud de la France. LIPG est laboratoire
associé pour la zone Antilles Guyane.
La situation particulière de la grippe
observée dans les DFA au cours de ces
dernières années (saisonnalité de type
hémisphère Nord suivie d'un second pic
de circulation virale entre mai et juillet) a
pleinement justifié le maintien d'une activité
à part entière au sein du laboratoire
de Virologie de l'IPG en lien avec
la métropole.
:: CNR des Hantavirus
L'émergence possible des hantavirus en
Guyane a conduit le laboratoire de Virologie
à mener en 2005, une étude rétrospective
sérologique visant à en évaluer
la séroprévalence à partir de serums de
patients ayant présenté des signes cliniques
évocateurs, sans étiologie identifiée. Les
résultats de ces travaux préliminaires
laissant présager une circulation possible de
ce type de virus dans le département ont
conduit à poursuivre cette enquête
sérologique de manière prospective.
En 2008, celle-ci a abouti à l'identification
du premier cas humain d'infection
autochtone par un hantavirus, responsable
d'atteintes pulmonaires sévères chez
l'homme, objectivant ainsi la circulation de
cette famille virale en Guyane. La mise à
disposition d'outils diagnostic rologiques
et moléculaires pour la détection de ce virus
associée à une sensibilisation des cliniciens a
amené à diagnostiquer, en 2009 et 2010,
deux nouveaux cas humains d'infection par
ce même virus, nommé « Virus Maripa ».
La circulation avérée des hantavirus dans
le département et l'expertise acquise par le
laboratoire de Virologie lont conduit à être
nouvellement nommé CNR des hantavirus,
laboratoire associé pour la région Antilles
Guyane, en collaboration avec le CNR
coordinateur des Hantavirus basé à l'Unité
de Biologie des Infections Virales Emergentes
à Lyon. En complément, il participe à un
programme de recherche mené par le
laboratoire des Interactions Virus-Hôtes de
l'IPG qui vise, entre autres, à identifier le
servoir de ce virus au sein de la faune
sauvage guyanaise.
::
Figure 1. Répartition
des
prélèvements rhino-pharyngés adressés
au
CNR
par
origine
géographique
et
par
semaine au
cours
de
l'année
2009.
En plein essor, la population guyanaise est
gulièrement confrontée à la survenue de
foyers infectieux ou dépidémies d'origines
diverses (virales : dengue, rage,
hantavirus; parasitaires : paludisme,
maladie de Chagas; ou bactériennes :
fièvre Q, histoplasmose).
L'émergence de ces agents infectieux est
en grande partie le résultat de contraintes
socio-économiques, environnementales et
écologiques liées aux activités humaines.
De fait, les cycles infectieux des agents
pathogènes, des vecteurs et/ou des réservoirs
animaux peuvent être affectés par les
pressions sur les milieux naturels
(déforestation, anthropisation) et par les
changements de comportement des
populations.
STRonGer
est le premier
projet Potentiel de Recherche du 7
ème
Programme Cadre de Recherche et
Développement de l'Europe à être obtenu
par un coordonnateur guyanais. Sur les 291
projets soumis en 2010, le programme
STRonGer
a été classé 9
ème
.
# 1
La Lettre
de
l'Institut Pasteur
de la
Guyane
Recherche
STRonGer* est la nomination d’un programme dont l’objectif est de renforcer les capacités
de recherche existantes en Guyane - tant du point de vue des ressources humaines
qu’en termes de laboratoires de recherche - afin de mieux répondre aux risques sanitaires d’origine
infectieuse encourus par la population guyanaise.
Philippe Quénel, Directeur
* Renforcement de la recherche transdisciplinaire sur les maladies infectieuses et émergentes en Guyane
www.pasteur-cayenne.fr/stronger/
:: 4
D'une durée de 3 ans, doté d'un budget
financé par la Commission Européenne
à hauteur de 3,7 M d'euros, STRonGer
est coordonné par l'Institut Pasteur de
la Guyane.
Les objectifs du programme sont de :
promouvoir une coopération étroite
et des échanges réguliers entre les
différentes équipes afin de renforcer
le potentiel de recherche dans
différents domaines scientifiques et
techniques, notamment via
l'organisation, chaque trimestre, de
séminaires et/ou de conférences
scientifiques impliquant des experts
locaux, régionaux, nationaux et/ou
internationaux,
accroître le potentiel de recherche
grâce au recrutement de 8 jeunes
chercheurs qualifiés,
renforcer les capacités locales de
diagnostic par la mise en place de
nouvelles technologies,
accroître les capacités des laboratoires
de recherche, en construisant
notamment un insectarium de
sécurité de niveau 3 et en dotant les
laboratoires existants de technologies
de pointe,
diffuser les résultats des recherches
et l'expertise acquise, via des supports
adaptés (livre, film, site Internet).
En termes de recherche, le programme
STRonGer contribuera à renforcer
l'excellence scientifique en Guyane et à
accroître la visibilité internationale des
membres du consortium dans le
domaine des maladies infectieuses et
émergentes. En termes de santé
publique, STRonGer devrait avoir un
impact majeur non seulement pour la
Guyane française, mais aussi pour tout le
plateau des Guyanes.
Les 13 et 14 décembre, une réunion de
lancement du programme STRonGer a
été organisée à lIPG, rassemblant
l'ensemble des partenaires guyanais et
européens ainsi que le comité de suivi
composé de représentants de la
Préfecture, de la Région, du
Département, de l'ARS, de I'UAG et de
I'OPS (Organisation Pan Américaine de
la Santé).
Recherche
:: Parole de
Pasteurien
Emile Roux
(
1889)
« Pour constituer un Institut Pasteur, il ne suffit pas de construire les laboratoires de recherche et
d
enseignement, munis de l'outillage le plus perfectionné. Il faut encore y introduire l'esprit
pasteurien, c'est-à-dire la foi scientifique qui donne l'ardeur au travail, l'imagination qui inspire
les idées, la persévérance qui les poursuit, la critique qui les contrôle, la rigueur expérimentale qui
les prouve et aussi l'indépendance et le désintéressement qui sont une conséquence de l'amour
passionné de la vérité ».
Principaux résultats du projet
DENFRAME
Étude clinique et virologique de cas de dengue et des membres de leur foyer
Philippe Dussart,
Laboratoire
de
virologie
*
Dussart P, Baril L, Petit L, Beniguel L, Quang LC, Ly S, Azevedo RSS, Meynard JB, Vong S, Chartier L, Diop A, Sivuth O, Duong V, Thang CM,
Jacobs M, Sakuntabhai A, Nunes MRT, Huong VTQ, Buchy P, Vasconcelos PFC. Clinical and virological study of dengue cases and the
members of their household: the multinational DENFRAME project. PLoS Negl Trop Dis. 2012 ; 6(1): e1482. doi:10.1371/
journal.pntd.0001482
La dengue représente actuellement la maladie virale à transmission vectorielle la plus répandue
chez l'homme. Cette maladie est désormais endémique dans plus de 100 pays et menace plus de
2,5 milliards de personnes vivant dans les régions tropicales. Chaque année, elle touche de 50 à
100 millions de personnes. Elle se manifeste sur le plan clinique par un large éventail de
symptômes allant de formes asymptomatiques à des formes sévères qui comprennent les formes
hémorragiques de la maladie, en passant par des formes de dengue dites bénignes. Il n'existe
actuellement aucun vaccin spécifique ni aucune molécule antivirale disponibles.
Une étude multicentrique prospective a été menée dans le Sud-est asiatique (au Cambodge et
au Vietnam) et en Amérique du Sud (au Brésil et en Guyane) afin de déterminer la proportion
d'infections inapparentes dans les foyers de sujets fébriles infectés par le virus de la dengue. Le
second objectif était de confronter les données cliniques aux marqueurs biologiques de sujets
présentant différentes manifestations de la dengue.
Dans un premier temps, des sujets fébriles présentant une manifestation clinique évocatrice de
dengue ont été inclus ; ils représentent les "cas index" de dengue dans cette étude. Il a été
ensuite proposé aux membres de la famille vivant dans le même foyer du cas index de participer
à l'étude, afin de détecter d'éventuels sujets présentant des formes inapparentes de la maladie.
Une infection récente par un virus de la dengue était considérée comme biologiquement
confirmée par un isolement du virus et/ou par la détection du génome viral. Les quatre
laboratoires impliqués dans cette étude, tous laboratoires de référence dans leur pays respectif,
ont utilisé des techniques de diagnostic préalablement standardisées.
Parmi 215 cas index fébriles évocateurs de dengue - 114 dans le Sud-est asiatique et 101 en
Amérique du Sud - 28 (13,0%) ont présenté des manifestations cliniques de dengue sévère,
selon la classification OMS (tous localisés en Asie du Sud-est). L'investigation familiale a pu être
réalisée chez 177 cas index. Parmi les membres de foyers investigués, 39 cas de dengue aiguë
ont été diagnostiqués et parmi eux, 29 étaient des infections inapparentes (74.4%). Soixante
deux autres cas de dengue ont été identifiés et ont été classés comme des infections en phase
de convalescence. Au total, 101 cas de dengue ont pu être identifiés parmi les 408 sujets
investigués vivant dans le foyer d'un cas index.
En prenant en compte les 177 cas index de dengue identifiés, la proportion globale de cas de
dengue observée chez les sujets participants à l'étude a été estimée à 47,5% (278/585; IC 95% :
43,5 - 51,6). Le taux de lymphocytes observés et la détection de l'antigène NS1 différaient
significativement entre les sujets atteints de dengue inapparentes et les formes
symptomatiques. Parmi les cas de dengue inapparents les taux de lymphocytes étaient normaux
et la détection de l'antigène NS1 était positive dans seulement 20% de cas. L'investigation
familiale de cas de dengue brile a démontré l'existence d'une forte proportion d'individus
infectés par le virus de la dengue au sein d'un même foyer. Parmi eux, une proportion non
négligeable d'infections inapparentes a été observée dont la fréquence était plus élevée dans le
Sud-est asiatique qu'en Amérique du Sud. Cette information est capitale pour mieux
comprendre la dynamique des épidémies et constitue un préalable à la modélisation prédictive
de celles-ci.
::
Partenaires du programme STRonGer
:: 5
Col1
Ven
Mar Trs
Per
Cmp
Bol Bra
Col2Col1
Ven
Mar Trs
Per
Cmp
Bol Bra
Col2
Origine de
Plasmodium falciparum
, agent du paludisme,
en Amérique du Sud*
Éric Legrand et Lise Musset, Laboratoire de parasitologie
* Yalcindag E, Elguero E, Arnathau C, Durand P, Akiana J, Anderson TJ, Aubouy A, Balloux F, Besnard P, Bogreau H, Carnevale P,
DAlessandro U, Fontenille D, Gamboa D, Jombart T, Le Mire J, Leroy E, Maestre A, Mayxay M, Ménard D, Musset L, Newton PN,
Nkoghé D, Noya O, Ollomo B, Rogier C, Veron V, Wide A, Zakeri S, Carme B, Legrand E, Chevillon C, Ayala FJ, Renaud F, Prugnolle F.
Multiple independent introductions of Plasmodium falciparum in South America. Proc Natl Acad Sci U S A. 2012 ; 109 : 511-516.
L'origine de Plasmodium falciparum en Amérique du Sud est mal connue et sujet
à controverse. Certaines études suggèrent une introduction récente au cours de la
colonisation européenne et de la traite négrière, d'autres, à la fois archéologiques et
génétiques, suggèrent une origine beaucoup plus ancienne.
Pour mieux comprendre l'origine des plasmodies du nouveau monde, l'IPG a participé à une
étude multicentrique dans laquelle ont été recueillis et analysés des parasites du monde
entier, de l'Amérique du Sud (dont 3 sites en Guyane) à l'Asie du Sud-est, en passant par
l'Afrique sub-saharienne et le Moyen-Orient. L'analyse des marqueurs génétiques montre,
pour l'Amérique du Sud, les résultats suivants :
les populations de P. falciparum varient en fonction de leurs origines géographiques ;
il existe deux groupes de populations plasmodiales : le premier comprend les plasmodies
circulant en Guyane, Brésil et Bolivie ; le second comprend les isolats circulant en
Colombie ;
les populations du Pérou et du Vénézuela sont beaucoup plus diversifiées que les autres
populations de P. falciparum d'Amérique du Sud. Elles se trouvent dans une position inter-
médiaire entre le groupe1 et le groupe 2. La diversification des populations de ces deux
régions est évocatrice d'une histoire récente de mélange des isolats de P. falciparum ;
les P. falciparum d'Amérique du Sud sont proches des isolats africains ce qui indique une
introduction de souches africaines en Amérique du Sud via la colonisation de ce continent
par les empires portugais et espagnol.
En conclusion, cette étude montre deux introductions indépendantes de P. falciparum en
Amérique du Sud par des parasites d'origine africaine. Les estimations du temps
de divergence entre les populations américaines et africaines montrent que P. falciparum a
été introduit en Amérique du Sud il y a entre 430 et 990 ans pour le groupe 1, via l'empire
portugais, et entre 220 et 495 ans pour le groupe 2, via l'empire espagnol (Figure 2). Plus
généralement, cette étude montre que P. falciparum est une espèce envahissante capable de
s'adapter à des environnements variés.
Recherche
# 1
La Lettre
de
l'nstitut Pasteur
de la
Guyane
Partenariat entre l’Institut
Pasteur de la Guyane, le
GEPOG et le CEBC/CNRS
Benoît de Thoisy, Anne Lavergne et
Vincent Lacoste, Laboratoire des
Interactions Virus-Hôtes
La réserve naturelle du Grand Connétable
(cogérée par le Groupe d'Etude et de
Protection des Oiseaux en Guyane
(GEPOG) et l'Office National de la Chasse
et de la Faune Sauvage (ONCFS)), le
Centre d'Etudes Biologiques de Chizé
(CEBC/CNRS) et l'Institut Pasteur de
Guyane (IPG) ont mis en place un
programme de recherche pluridisciplinaire
sur l'écologie et la conservation des
frégates superbes (Fregata magnificens)
du Grand Connétable.
::
Frégates du Grand Connétable, Guyane française
Ce programme vise à déterminer s'il
existe un lien de causalité entre l'infection
des frégates par un herpèsvirus
nouvellement identifié, l'état de stress
énergétique lié la disponibilité des rejets
de la pêcherie crevettière et l'apparition
de symptômes associés à une forte
mortalité chez les juvéniles. Ce projet
s'appuiera sur les derniers développements
de la télémétrie embarquée, sur la mesure
du st r ess énergétique et sur
la détermination du statut infectieux de
cette population.
Ce projet, pluridisciplinaire (halieutique,
écologique, physiologique, virologique et
épidémiologique) qui rassemble plusieurs
instituts de recherche, de gestion et de
conservation, permettra une interaction
fructueuse pour la gestion de la
biodiversité marine en Guyane.
Ce projet est financé par la Direction de
l'Ecologie, de l
'
Aménagement et du
Logement (DEAL) pour une durée de 3
ans.
::
Figure 2. Voies d'introduction et migration de P. falciparum en Amérique du Sud. Les Boîtes et
les couleurs représentent les groupes de population de P. falciparum. En rouge le groupe 1 (flèche
grise au niveau du Brésil) et en bleu le groupe 2 (flèche grise au niveau de la Colombie. Col =
Colombie ; Ven = Venezuela ; Per = Pérou ; Bol = Bolivie ; Bra = Brésil ; Mar= Maripasoula (site 1
de Guyane) ; Cmp = Camopi (site 2 de Guyane) ; Trs = Trois Sauts (site 3 de Guyane).
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