#1 :: Mai 2012 La Lettre de l’Institut Pasteur de la Guyane :: :: Éditorial L'Institut Pasteur de la Guyane (IPG) fait partie du Réseau International des Instituts Pasteur (RIIP) qui compte 32 instituts répartis sur les cinq continents. Ayant succédé à l'Institut d'Hygiène et de Bactériologie, l’IPG joue, depuis plus de 70 ans, un rôle clef dans le domaine de la santé en Guyane. Par son triple rôle de centre d'expertise en santé publique, de centre recherche et de centre de formation, il contribue de manière déterminante à la prévention et au contrôle des maladies infectieuses. Dans le champ de la santé publique, ses missions de Centres nationaux de référence qui viennent d'être reconduites et renforcées en 2012, sont essentielles pour la surveillance épidémiologique des maladies infectieuses, coordonnée au plan régional par la Cire Antilles Guyane. Son expertise en entomologie médicale est primordiale pour l'Agence régionale de santé (ARS) et le Conseil Général pour guider les stratégies de lutte et de contrôle des vecteurs impliqués dans la transmission du paludisme et de la dengue. Son laboratoire Hygiène et Environnement est le laboratoire référent pour l'ARS pour le contrôle sanitaire des eaux. L'IPG héberge le seul centre de traitement antirabique en Guyane. Le laboratoire d'analyses de biologie médicale de l'IPG est l’unique laboratoire qui réalise le diagnostic bactériologique de la tuberculose en Guyane ; de même que pour les tests génotypiques de résistance du VIH aux antirétroviraux réalisés par le Laboratoire des Interactions Virus-Hôtes. Les thématiques de recherche sont ciblées sur les maladies tropicales infectieuses identifiées comme prioritaires en Guyane. L'IPG travaille ainsi à créer de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques, à acquérir une meilleure compréhension des facteurs d'émergence liés aux interactions grandissantes entre la faune sauvage et les populations humaines du fait des modifications des habitats naturels, à étudier la variabilité des souches virales circulantes… L'excellence de ce centre de recherche est liée à la complémentarité d'équipes pluridisciplinaires, présentes au sein même de l'IPG ou du fait d’un partenariat avec des équipes externes, ainsi qu'à la qualité d'un plateau technique sans cesse amélioré (2 laboratoires de sécurité biologique de niveau 3, 4 laboratoires de sécurité de niveau 2, un plateau de biologie moléculaire, équipements d'identification et de dosage de substances chimiques, etc.). Au-delà des nombreuses collaborations scientifiques menées au niveau local (Centres hospitaliers, CNES, CNRS/Labex CEBA, IRD…), l'IPG développe depuis plusieurs années des collaborations étroites avec le Suriname et le Brésil. Ainsi, de par son rôle dans la détection, l'alerte et la recherche, en lien étroit avec l'administration (ARS, Cire), les structures hospitalières et l'université, l'IPG est devenu une structure stratégique dans la lutte contre les maladies infectieuses pour la région Antilles-Guyane et le plateau des Guyanes. Quant à la formation, l'IPG est un centre de transmission des connaissances. Chaque année une vingtaine d'étudiants de l'Université Antilles Guyane ou d'autres universités françaises sont accueillis à l'Institut. L'IPG participe également à la formation du 3ème cycle des études médicales et trois de ses laboratoires sont agréés pour l'accueil des internes (médecine et pharmacie). À travers ce bref survol, on peut mesurer combien les activités menées par l'IPG sont nombreuses et de nature diverse. Peu, sans doute, sont à même d'en mesurer réellement toute l'étendue et la richesse. scientifiques qui y sont réalisés. Il s’agit également de présenter de manière réactive les principaux résultats de ces recherches en mettant en avant leurs retombées immédiates ou potentielles sur les politiques publiques en matière de santé. C’est aussi l'opportunité de revenir sur l'histoire de l'IPG et de présenter les hommes et les femmes qui y travaillent, afin de mieux appréhender son passé et son présent pour mieux comprendre son devenir. En espérant que ce premier numéro de la Lettre de l’IPG fera de vous un fidèle lecteur et pourquoi pas un généreux donateur, je vous en souhaite bonne lecture. Dr Philippe Quénel Directeur de l'IPG :: Sommaire • Santé Publique Nomination de 3 Centres Nationaux de Référence :: Arbovirus. ....................................................................... :: 2 :: Influenzae ..................................................................... :: 2 :: Hantavirus. .................................................................... :: 3 • Recherche Programmes :: Démarrage du programme STRonGer . ....... :: 3 Résultats d'études :: DENFRAME . ................................................................... :: 4 :: Multiples introductions du paludisme en Amérique du Sud................................................. :: 5 Projets d'études :: Grand Connétable. .................................................... :: 5 • Formations - sensibilisation Fête de la science 2011 ........................................... :: 5 • Portrait ................................................................................ :: 7 C'est l'objet de cette Lettre que de mieux faire connaître l'ensemble des missions menées au sein de l'IPG ainsi que les travaux :: 1 Santé Publique 3 Centres Nationaux de Référence en virologie, laboratoires associés pour la zone Antilles Guyane, ont été nommés, depuis le 1er janvier 2012, à l’Institut Pasteur de la Guyane. dengue liées au sérotype 2 avec environ 16 200 cas cliniques. C’est au cours de cette épidémie que la dengue a émergé » pour la première fois le long du fleuve Maroni. Le laboratoire de Virologie de l’IPG est reconnu par les autorités sanitaires comme laboratoire référent pour les arbovirus depuis le début des années 1980 et pour les virus grippaux, depuis le milieu des années 1990. Philippe Dussart et Séverine Matheus, Laboratoire de virologie :: CNR des arbovirus :: Guyane française Au cours de son précédent mandat de Centre National de Référence (CNR) des Arbovirus et virus Influenzae pour la région Antilles Guyane (2006-2011), le laboratoire a répondu à sa mission première de surveillance épidémiologique des arboviroses et de la grippe en Guyane, Martinique et Guadeloupe. Le CNR des arbovirus a ainsi développé des outils de diagnostic virologique et sérologique permettant de détecter un large éventail d'arbovirus d'intérêt médical dont les principaux appartiennent à la famille des Flaviviridae (ex : dengue, fièvre jaune) et Togaviridae (ex : virus tonate, mayaro ou chikungunya). Plus récemment, au cours de l'année 2010, la Guadeloupe et la Martinique ont été touchées par deux épidémies majeures de dengue liés au sérotype 1, au cours desquelles plus de 40 000 cas suspects ont été observés dans chaque île. Au cours de ces épidémies, le CNR a joué un rôle important dans l'identification des sérotypes de dengue circulants, information majeure pour anticiper au mieux l'ampleur et la gravité potentielle des épidémies de dengue. En 2008, cette surveillance a été mise en place à Saint -Martin et Saint-Barthélemy via une procédure d'analyse d'échantillons de sang recueillis sur papier buvard. Le CNR a également assuré des activités d'expertise sérologique et virologique pour les laboratoires des Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et SaintBarthélemy) mais aussi pour le Suriname. Toutes ces activités ont été menées en lien étroit avec l'Unité d'Epidémiologie de l'IPG et la Cellule de l'InVS en Région Antilles Guyane (Cire AG/Institut de Veille Sanitaire) a i n s i q u ’ a v e c les Plateformes de Veille et de Gestion Sanitaire des ARS de chaque département. Les données de surveillance biologique ont ainsi contribué à mieux caractériser l'épidémiologie de la dengue dans les Départements Français d’Amérique (DFA). Le laboratoire s'est impliqué par ailleurs dans : (i) l'étude de la variation génétique des souches de virus de la dengue qui circulent au niveau du bouclier guyanais et dans les Antilles françaises, (ii) l'évaluation de nouveaux tests sérologiques et de prototypes pour le diagnostic de la dengue et de la fièvre jaune et (iii) dans différents projets de recherche clinico-biologiques. Au cours de ces dernières années, ces départements ont été touchés par des épidémies de dengue de forte ampleur. La Guyane a été frappée en 2006 par une épidémie de :: 2 Suite à sa candidature à l'appel d'offre 2011 de l'InVS pour la nomination des CNR pour le mandat 2012-2016, de par son expérience et son expertise régionale développée depuis de nombreuses années, le laboratoire de Virologie de IPG s'est vu reconduit dans ses fonctions de CNR des Arbovirus, laboratoire associé pour la zone Antilles Guyane. Aux Antilles, le laboratoire de Virologie de l'IPG s'appuie sur des laboratoires relais (laboratoire de Virologie du CHU de Fort-de- France en Martinique, laboratoire de Microbiologie du CHU de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, laboratoires privés à SaintMartin et Saint- Barthélemy) qui constituent des acteurs et des partenaires clés du dispositif de surveillance. La coordination du CNR des Arbovirus a été confiée à l'Institut de Recherche Biomédicale des Armées à Marseille, et le laboratoire de Virologie du Centre Hospitalier Régional de Saint-Denis de la Réunion s'est vu désigné CNR des Arbovirus, laboratoire associé pour la zone Océan Indien. Cette nouvelle organisation renforce la couverture géographique en termes de surveillance des arbovirus et devrait renforcer l'expertise dans ce domaine. L'un des principaux objectifs du nouveau mandat du CNR des Arbovirus est d'harmoniser les techniques de diagnostic moléculaire des principaux arbovirus au sein des trois laboratoires qui le composent mais aussi au sein des laboratoires relais, notamment de la région Antilles Guyane. Enfin, en termes de surveillance virologique, l'étude de la variation génétique des souches de virus de la dengue qui circulent dans la région reste un objectif majeur. :: CNR des virus Influenzae La surveillance virologique de la grippe est assurée dans la région Antilles Guyane par le laboratoire de Virologie de l'IPG, via des réseaux de médecins sentinelles dans chaque DFA, animés par l’ARS de chaque département et coordonnés par la Cire AG. :: Virus de la grippe observé en microscopie électronique :: CNR des Hantavirus L'émergence possible des hantavirus en Guyane a conduit le laboratoire de Virologie à mener en 2005, une étude rétrospective sé rol o gi qu e vi sa nt à en év alu er la séroprévalence à partir de serums de patients ayant présenté des signes cliniques évocateurs, sans étiologie identifiée. Les résultats de ces travaux préliminaires laissant présager une circulation possible de ce type de virus dans le département ont conduit à poursuivre cette enquête sérologique de manière prospective. :: Figure 1. Répartition des prélèvements rhino-pharyngés adressés au CNR par origine géographique et par semaine au cours de l'année 2009. Au cours de son mandat de CNR 2006-2011, le Laboratoire de Virologie a montré sa capacité d'adaptation pour faire face à l'alerte pandémique survenue en avril 2009 et l'émergence du virus grippal pandémique A(H1N1). Ce virus a été détecté dans l'ensemble des trois DFA entre mi-juin et début août 2009 engendrant une épidémie s'étalant d'août à novembre. Au cours cette période, l'activité du CNR a été multipliée par 10 par rapport aux années précédentes (Figure 1), le laboratoire de Virologie de l'IPG ayant reçu et analysé des prélèvements en provenance de Guyane, Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy et du Suriname. Tout comme pour les arbovirus, le laboratoire de Virologie de l'IPG s'est vu reconduit dans ses fonctions de CNR des virus Influenzae. Le nouveau CNR des virus Influenzae (20122016) s'organise en trois pôles : l'Institut Pasteur à Paris est le CNR coordonnateur et assure la surveillance de la grippe dans la région Nord de la France. Les Hospices Civils de Lyon ont été désignés CNR des virus Influenzae, laboratoire associé pour la région Sud de la France. L’IPG est laboratoire associé pour la zone Antilles Guyane. La situation particulière de la grippe observée dans les DFA au cours de ces dernières années (saisonnalité de type hémisphère Nord suivie d'un second pic de circulation virale entre mai et juillet) a pleinement justifié le maintien d'une activité à part entière au sein du laboratoire de Virologie de l'IPG en lien avec la métropole. En 2008, celle-ci a abouti à l'identification du premier cas humain d'infection autochtone par un hantavirus, responsable d'atteintes pulmonaires sévères chez l'homme, objectivant ainsi la circulation de cette famille virale en Guyane. La mise à disposition d'outils diagnostic sérologiques et moléculaires pour la détection de ce virus associée à une sensibilisation des cliniciens a amené à diagnostiquer, en 2009 et 2010, deux nouveaux cas humains d'infection par ce même virus, nommé « Virus Maripa ». La circulation avérée des hantavirus dans le département et l'expertise acquise par le laboratoire de Virologie l’ont conduit à être nouvellement nommé CNR des hantavirus, laboratoire associé pour la région Antilles Guyane, en collaboration avec le CNR coordinateur des Hantavirus basé à l'Unité de Biologie des Infections Virales Emergentes à Lyon. En complément, il participe à un programme de recherche mené par le laboratoire des Interactions Virus-Hôtes de l'IPG qui vise, entre autres, à identifier le réservoir de ce virus au sein de la faune sauvage guyanaise. Recherche STRonGer* est la dénomination d’un programme dont l’objectif est de renforcer les capacités de recherche existantes en Guyane - tant du point de vue des ressources humaines qu’en termes de laboratoires de recherche - afin de mieux répondre aux risques sanitaires d’origine infectieuse encourus par la population guyanaise. www.pasteur-cayenne.fr/stronger/ Philippe Quénel, Directeur * Renforcement de la recherche transdisciplinaire sur les maladies infectieuses et émergentes en Guyane En plein essor, la population guyanaise est régulièrement confrontée à la survenue de foyers infectieux ou d’épidémies d'origines diverses (virales : dengue, rage, hantavirus…; parasitaires : paludisme, maladie de Chagas…; ou bactériennes : fièvre Q, histoplasmose…). L'émergence de ces agents infectieux est en grande partie le résultat de contraintes socio-économiques, environnementales et écologiques liées aux activités humaines. De fait, les cycles infectieux des agents pathogènes, des vecteurs et/ou des réservoirs animaux peuvent être affectés par les pressions sur les milieux naturels (déforestation, anthropisation) et par les changements de comportement des populations. STRonGer est le premier projet Potentiel de Recherche du 7ème Programme Cadre de Recherche et Développement de l'Europe à être obtenu par un coordonnateur guyanais. Sur les 291 projets soumis en 2010, le programme STRonGer a été classé 9ème. # 1 La Lettre de l'Institut Pasteur de la Guyane :: 3 Recherche D'une durée de 3 ans, doté d'un budget financé par la Commission Européenne à hauteur de 3,7 M d'euros, STRonGer est coordonné par l'Institut Pasteur de la Guyane. Les objectifs du programme sont de : promouvoir une coopération étroite et des échanges réguliers entre les différentes équipes afin de renforcer le potentiel de recherche dans différents domaines scientifiques et techniques, notamment via l'organisation, chaque trimestre, de séminaires et/ou de conférences scientifiques impliquant des experts locaux, régionaux, nationaux et/ou internationaux, accroître le potentiel de recherche grâce au recrutement de 8 jeunes chercheurs qualifiés, renforcer les capacités locales de diagnostic par la mise en place de nouvelles technologies, accroître les capacités des laboratoires de recherche, en construisant notamment un insectarium de sécurité de niveau 3 et en dotant les laboratoires existants de technologies de pointe, diffuser les résultats des recherches et l'expertise acquise, via des supports adaptés (livre, film, site Internet). En termes de recherche, le programme STRonGer contribuera à renforcer l'excellence scientifique en Guyane et à accroître la visibilité internationale des membres du consortium dans le domaine des maladies infectieuses et émergentes. En termes de santé publique, STRonGer devrait avoir un impact majeur non seulement pour la Guyane française, mais aussi pour tout le plateau des Guyanes. Les 13 et 14 décembre, une réunion de lancement du programme STRonGer a été organisée à l’IPG, rassemblant l'ensemble des partenaires guyanais et européens ainsi que le comité de suivi composé de représentants de la Préfecture, de la Région, du Département, de l'ARS, de I'UAG et de I'OPS (Organisation Pan Américaine de la Santé). :: Partenaires du programme STRonGer :: 4 :: Parole de Pasteurien Emile Roux ( 1889) « Pour constituer un Institut Pasteur, il ne suffit pas de construire les laboratoires de recherche et d’enseignement, munis de l'outillage le plus perfectionné. Il faut encore y introduire l'esprit pasteurien, c'est-à-dire la foi scientifique qui donne l'ardeur au travail, l'imagination qui inspire les idées, la persévérance qui les poursuit, la critique qui les contrôle, la rigueur expérimentale qui les prouve et aussi l'indépendance et le désintéressement qui sont une conséquence de l'amour passionné de la vérité ». Principaux résultats du projet DENFRAME Étude clinique et virologique de cas de dengue et des membres de leur foyer Philippe Dussart, Laboratoire de virologie * Dussart P, Baril L, Petit L, Beniguel L, Quang LC, Ly S, Azevedo RSS, Meynard JB, Vong S, Chartier L, Diop A, Sivuth O, Duong V, Thang CM, Jacobs M, Sakuntabhai A, Nunes MRT, Huong VTQ, Buchy P, Vasconcelos PFC. Clinical and virological study of dengue cases and the members of their household: the multinational DENFRAME project. PLoS Negl Trop Dis. 2012 ; 6(1): e1482. doi:10.1371/ journal.pntd.0001482 La dengue représente actuellement la maladie virale à transmission vectorielle la plus répandue chez l'homme. Cette maladie est désormais endémique dans plus de 100 pays et menace plus de 2,5 milliards de personnes vivant dans les régions tropicales. Chaque année, elle touche de 50 à 100 millions de personnes. Elle se manifeste sur le plan clinique par un large éventail de symptômes allant de formes asymptomatiques à des formes sévères qui comprennent les formes hémorragiques de la maladie, en passant par des formes de dengue dites bénignes. Il n'existe actuellement aucun vaccin spécifique ni aucune molécule antivirale disponibles. Une étude multicentrique prospective a été menée dans le Sud-est asiatique (au Cambodge et au Vietnam) et en Amérique du Sud (au Brésil et en Guyane) afin de déterminer la proportion d'infections inapparentes dans les foyers de sujets fébriles infectés par le virus de la dengue. Le second objectif était de confronter les données cliniques aux marqueurs biologiques de sujets présentant différentes manifestations de la dengue. Dans un premier temps, des sujets fébriles présentant une manifestation clinique évocatrice de dengue ont été inclus ; ils représentent les "cas index" de dengue dans cette étude. Il a été ensuite proposé aux membres de la famille vivant dans le même foyer du cas index de participer à l'étude, afin de détecter d'éventuels sujets présentant des formes inapparentes de la maladie. Une infection récente par un virus de la dengue était considérée comme biologiquement confirmée par un isolement du virus et/ou par la détection du génome viral. Les quatre laboratoires impliqués dans cette étude, tous laboratoires de référence dans leur pays respectif, ont utilisé des techniques de diagnostic préalablement standardisées. Parmi 215 cas index fébriles évocateurs de dengue - 114 dans le Sud-est asiatique et 101 en Amérique du Sud - 28 (13,0%) ont présenté des manifestations cliniques de dengue sévère, selon la classification OMS (tous localisés en Asie du Sud-est). L'investigation familiale a pu être réalisée chez 177 cas index. Parmi les membres de foyers investigués, 39 cas de dengue aiguë ont été diagnostiqués et parmi eux, 29 étaient des infections inapparentes (74.4%). Soixante deux autres cas de dengue ont été identifiés et ont été classés comme des infections en phase de convalescence. Au total, 101 cas de dengue ont pu être identifiés parmi les 408 sujets investigués vivant dans le foyer d'un cas index. En prenant en compte les 177 cas index de dengue identifiés, la proportion globale de cas de dengue observée chez les sujets participants à l'étude a été estimée à 47,5% (278/585; IC 95% : 43,5 - 51,6). Le taux de lymphocytes observés et la détection de l'antigène NS1 différaient significativement entre les sujets atteints de dengue inapparentes et les formes symptomatiques. Parmi les cas de dengue inapparents les taux de lymphocytes étaient normaux et la détection de l'antigène NS1 était positive dans seulement 20% de cas. L'investigation familiale de cas de dengue fébrile a démontré l'existence d'une forte proportion d'individus infectés par le virus de la dengue au sein d'un même foyer. Parmi eux, une proportion non négligeable d'infections inapparentes a été observée dont la fréquence était plus élevée dans le Sud-est asiatique qu'en Amérique du Sud. Cette information est capitale pour mieux comprendre la dynamique des épidémies et constitue un préalable à la modélisation prédictive de celles-ci. Recherche Origine de Plasmodium falciparum, agent du paludisme, en Amérique du Sud* Éric Legrand et Lise Musset, Laboratoire de parasitologie Partenariat entre l’Institut Pasteur de la Guyane, le GEPOG et le CEBC/CNRS * Yalcindag E, Elguero E, Arnathau C, Durand P, Akiana J, Anderson TJ, Aubouy A, Balloux F, Besnard P, Bogreau H, Carnevale P, D’Alessandro U, Fontenille D, Gamboa D, Jombart T, Le Mire J, Leroy E, Maestre A, Mayxay M, Ménard D, Musset L, Newton PN, Nkoghé D, Noya O, Ollomo B, Rogier C, Veron V, Wide A, Zakeri S, Carme B, Legrand E, Chevillon C, Ayala FJ, Renaud F, Prugnolle F. Multiple independent introductions of Plasmodium falciparum in South America. Proc Natl Acad Sci U S A. 2012 ; 109 : 511-516. Benoît de Thoisy, Anne Lavergne et Vincent Lacoste, Laboratoire des Interactions Virus-Hôtes L'origine de Plasmodium falciparum en Amérique du Sud est mal connue et sujet à controverse. Certaines études suggèrent une introduction récente au cours de la colonisation européenne et de la traite négrière, d'autres, à la fois archéologiques et génétiques, suggèrent une origine beaucoup plus ancienne. Pour mieux comprendre l'origine des plasmodies du nouveau monde, l'IPG a participé à une étude multicentrique dans laquelle ont été recueillis et analysés des parasites du monde entier, de l'Amérique du Sud (dont 3 sites en Guyane) à l'Asie du Sud-est, en passant par l'Afrique sub-saharienne et le Moyen-Orient. L'analyse des marqueurs génétiques montre, pour l'Amérique du Sud, les résultats suivants : les populations de P. falciparum varient en fonction de leurs origines géographiques ; La réserve naturelle du Grand Connétable (cogérée par le Groupe d'Etude et de Protection des Oiseaux en Guyane (GEPOG) et l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS)), le Centre d'Etudes Biologiques de Chizé (CEBC/CNRS) et l'Institut Pasteur de Guyane (IPG) ont mis en place un programme de recherche pluridisciplinaire sur l'écologie et la conservation des frégates superbes (Fregata magnificens) du Grand Connétable. il existe deux groupes de populations plasmodiales : le premier comprend les plasmodies circulant en Guyane, Brésil et Bolivie ; le second comprend les isolats circulant en Colombie ; les populations du Pérou et du Vénézuela sont beaucoup plus diversifiées que les autres populations de P. falciparum d'Amérique du Sud. Elles se trouvent dans une position intermédiaire entre le groupe1 et le groupe 2. La diversification des populations de ces deux régions est évocatrice d'une histoire récente de mélange des isolats de P. falciparum ; les P. falciparum d'Amérique du Sud sont proches des isolats africains ce qui indique une introduction de souches africaines en Amérique du Sud via la colonisation de ce continent par les empires portugais et espagnol. En conclusion, cette étude montre deux introductions indépendantes de P. falciparum en Amérique du Sud par des parasites d'origine africaine. Les estimations du temps de divergence entre les populations américaines et africaines montrent que P. falciparum a été introduit en Amérique du Sud il y a entre 430 et 990 ans pour le groupe 1, via l'empire portugais, et entre 220 et 495 ans pour le groupe 2, via l'empire espagnol (Figure 2). Plus généralement, cette étude montre que P. falciparum est une espèce envahissante capable de s'adapter à des environnements variés. Col1 Col2 Ven Mar Cmp Trs Per Bol Bra :: Figure 2. Voies d'introduction et migration de P. falciparum en Amérique du Sud. Les Boîtes et les couleurs représentent les groupes de population de P. falciparum. En rouge le groupe 1 (flèche grise au niveau du Brésil) et en bleu le groupe 2 (flèche grise au niveau de la Colombie. Col = Colombie ; Ven = Venezuela ; Per = Pérou ; Bol = Bolivie ; Bra = Brésil ; Mar= Maripasoula (site 1 de Guyane) ; Cmp = Camopi (site 2 de Guyane) ; Trs = Trois Sauts (site 3 de Guyane). :: Frégates du Grand Connétable, Guyane française Ce programme vise à déterminer s'il existe un lien de causalité entre l'infection des frégates par un herpèsvirus nouvellement identifié, l'état de stress énergétique lié la disponibilité des rejets de la pêcherie crevettière et l'apparition de symptômes associés à une forte mortalité chez les juvéniles. Ce projet s'appuiera sur les derniers développements de la télémétrie embarquée, sur la mesure du stress énergétique et sur la détermination du statut infectieux de cette population. Ce projet, pluridisciplinaire (halieutique, écologique, physiologique, virologique et épidémiologique) qui rassemble plusieurs instituts de recherche, de gestion et de conservation, permettra une interaction fructueuse pour la gestion de la biodiversité marine en Guyane. Ce projet est financé par la Direction de l'Ecologie, de l'Aménagement et du Logement (DEAL) pour une durée de 3 ans. # 1 La Lettre de l'nstitut Pasteur de la Guyane :: 5 Formation / Sensibilisation : fête de la science 2011 Tous ensemble contre le paludisme ! Lise Musset, laboratoire de parasitologie Le 24 novembre 2011, dans le cadre de la semaine de la Fête de la Science, le laboratoire de parasitologie de l’IPG a coordonné une action de sensibilisation des collégiens de SaintGeorges de l’Oyapock, en collaboration avec l’unité d’entomologie médicale de l’IPG, la Direction de la Démoustication et des Actions Sanitaires (DDAS) du Conseil Général de la Guyane et l’Agence Régionale de Santé. :: Collégien de St Georges de l’Oyapock observant des plasmodies au microscope Trois stands présentaient le paludisme sous différents aspects : Un premier stand était dédié à l’agent du paludisme, le parasite Plasmodium. Les collégiens ont pu visionner un film présentant le cycle de développement du parasite chez l'homme et observer au microscope, avec l'aide du laboratoire de parasitologie de l'IPG , des parasites contenus dans les globules rouges du sang de malades. Un deuxième stand, animé par l’unité d’entomologie médicale, présentait le vecteur de la maladie : le moustique anophèle. La visite du stand a permis aux collégiens d'observer des anophèles à la loupe binoculaire, de découvrir leurs conditions de vie et leurs rôles dans la propagation de la maladie. Les entomologistes ont également présenté les différentes méthodes qu'ils utilisent pour capturer ou piéger des anophèles. Un troisième stand portait sur les moyens de lutte contre cette maladie. Les collégiens ont ainsi été sensibilisés à l'intérêt de l'utilisation des moustiquaires, répulsifs, et autres moyens de protection individuelle contre la maladie. Les moyens de lutte antivectorielle collective ont également été présentés par la DDAS. :: Collégiennes de St Georges de l'Oyapock observant des larves de moustiques anophèles au microscope Cette journée fût riche d'échanges avec les collégiens qui, pour la plupart, avaient déjà été atteints par le paludisme. Un grand merci à M Louis, professeur de SVT du collège, pour son implication dans l'organisation de cette journée. :: L’année internationale de la Chauve-souris donne des ailes aux mammifères volants Anne Lavergne et Vincent Lacoste, LIVH :: 6 Les membres de l'équipe du Laboratoire des Interactions Virus -Hôtes (LIVH) ont accueilli les 24 et 25 novembre plusieurs classes des écoles élémentaires Dorville Léonço et Jean Macé de Cayenne. L'animation offerte avait pour but de faire découvrir les chauves-souris aux enfants. Une centaine d'élèves a pu être sensibilisée à ce mammifère fascinant, essentiel à l'équilibre de la vie en forêt. Cette action était proposée en partenariat avec le Groupe Chiroptères de Guyane. Portrait Philippe Dussart Chef du Laboratoire de Virologie, depuis 10 ans, quitte l’IPG :: Philippe Dussart, chef du Laboratoire de Virologie de l'IPG Quand et comment êtes-vous arrivé à l'IPG ? C'est après une première expérience de 18 mois entre 1998 et 1999, en tant que Volontaire de l'Aide Technique (VAT) au laboratoire d'Analyses de Biologie Médicale, que j'ai découvert les missions de l'Institut Pasteur de la Guyane. Suite à cette expérience professionnelle enrichissante, je suis revenu à l'IPG en décembre 2001, cette fois-ci au laboratoire de Virologie. Combien de temps y avez-vous travaillé ? J'aurais donc passé dix ans au laboratoire de Virologie, au service de la santé publique et de la recherche dans le domaine des arbovirus (dengue, fièvre jaune) et de la grippe. Quelles responsabilités y avez-vous exercé ? J'ai tout d'abord exercé la fonction d'adjoint du laboratoire puis j'en suis devenu le responsable en juillet 2007. Ce laboratoire dispose d'une expertise dans le domaine des arbovirus et de la grippe depuis de nombreuses années. Cela lui a valu d'être désigné Centre National de Référence (CNR) des Arbovirus et CNR des virus Influenzae, laboratoire associé pour la zone Antilles Guyane. L'expertise plus récente développée dans le domaine des hantavirus a conduit le laboratoire à être nommé CNR Hantavirus, laboratoire associé pour la zone Antilles Guyane. Quels ont été les événements les plus marquants ? Les évènements qui m'ont le plus marqué restent sans doute ceux associés aux épidémies majeures survenues aux Antilles Guyane, comme l'épidémie de dengue 2 en 2006 en Guyane ou les épidémies Antillaises de dengue 1 et dengue 4. Sans oublier, bien sûr, la pandémie grippale de 2009. Ces évènements ont contribué à une amélioration permanente des systèmes de surveillance de ces maladies, y compris dans nos pratiques de laboratoire au quotidien. Quels sont les principaux travaux de recherche que vous y avez menés ? Je me suis impliqué dans les travaux de recherche sur l'étude de la variation génétique des souches de dengue qui circulent dans le bouclier guyanais et les Antilles françaises, ainsi que dans l'évaluation de tests commerciaux et de prototypes pour le diagnostic des arbovirus. Je me suis également impliqué dans des projets de recherche clinico-biologique développés en collaboration avec des centres de recherche ou hospitaliers de la région (Guyane, Antilles, Brésil) ou d'autres Institutions appartenant au Réseau International des Instituts Pasteur, notamment dans le cadre du projet européen Denframe. Au cours de ce dernier, une étude clinique et virologique multicentrique menée en Amérique du Sud et en Asie du Sud-est a pu démontrer l'existence d'une forte proportion d'individus infectés par le virus de la dengue au sein d'un même foyer. Que pensez-vous avoir apporté à la Guyane en termes d'amélioration de la santé publique ou tout simplement de la santé ? L'évolution permanente des techniques de laboratoire et le développement de nouveaux outils diagnostiques au sein même du laboratoire ont permis de contribuer à une certaine amélioration de la santé publique dans la région. Ainsi, lorsqu'en janvier 2006 le Chikungunya explosait à la Réunion, nous avons pu mettre en place rapidement, dès le mois de mars, une technique de biologie moléculaire nous permettant ainsi de détecter les rares cas d'importation du Chikungunya en provenance de l'Océan Indien. Quelle expérience tirez-vous de ces années passées à l'IPG ? Ces dix années passées à l'IPG représentent une expérience humaine et professionnelle très enrichissante, dont l'objectif aura été de faire progresser la recherche et la santé publique dans le domaine de la virologie, le tout au bénéfice de la population antilloguyanaise. # 1 La Lettre de l'Institut Pasteur de la Guyane :: 7 Histoire de l'IPG :: Premier episode* : 1888—1940 * tiré d’une conférence donnée le 1er décembre 2010, par le Pr André Spiegel - directeur de l’IPG de 2007 à 2011- à l’occasion des 70 ans de l’IPG. L’histoire de l’IPG commence à Paris, le 14 novembre 1888, avec l’inauguration de l’Institut Pasteur créé grâce au succès d'une souscription internationale. Lors de cette inauguration, dans son discours que Louis Pasteur - trop ému – ne peut prononcer mais fait lire à son fils, il fait part de sa vision et trace le chemin : « Il est donc certain que, pour la France un seul établissement l’Institut Pasteur -peut suffire. Pour l’Amérique du Sud, le Chili, le Brésil, il faudra évidemment former, dans l’établissement de Paris, de jeunes savants qui iront porter la méthode dans les lointains pays… ». anti-lépreuse, fléau majeur de l'époque en Guyane qui accapare une grande partie des activités de l'Institut. Il est alors en charge de la lutte contre les principales pathologies infectieuses du territoire (parasitoses intestinales, paludisme et fièvre jaune…). :: Inauguration de l’Institut Pasteur, 14 novembre 1888 Très rapidement des pasteuriens vont essaimer à travers le monde pour diffuser la vaccination contre la rage mais aussi la sérothérapie antidiphtérique, la vaccination contre la variole, et pour étudier et soigner les caractères particuliers des maladies qu'on qualifiait alors « d'exotiques ». Dès 1891, soit seulement trois ans après l'établissement parisien, Albert Calmette qui mettra au point le BCG - fonde à Saïgon – l'Ho-Chi-Minh Ville actuelle - le premier Institut Pasteur hors de France pour vacciner les populations contre la rage et la variole. Les Instituts se multiplient ensuite au fil du temps, tous leurs fondateurs ayant été formés à l'Ecole Pasteurienne : Lorsqu'il débarque en Guyane le 30 décembre 1938, le docteur Hervé Floch, Médecin militaire, élève de l'Ecole Santé navale de Bordeaux et du Pharo à Marseille, a pour mission de créer un Institut Pasteur. L'Institut Pasteur de la Guyane française et du Territoire de l'lnini est ainsi créé le 7 décembre 1940 ; il succède à l'Institut d'Hygiène et de Prophylaxie dont il occupe les locaux. L'immeuble principal est alors transformé avec, au rez-de-chaussée : deux salles d 'attente, deux salles de consultations, une salle de pansement et un laboratoire clinique ; et au premier étage le bureau du Directeur, la bibliothèque, le secrétariat, le laboratoire d'entomologie, le laboratoire de sérologie, deux laboratoires de bactériologie et la chambre des étuves. Il est inauguré le 16 juillet 1941, en présence de M. Chot, Gouverneur de la Guyane et du Chef du Service de Santé de la Colonie, le Médecin-Lieutenant-colonel Meydieu. 1893, Charles Nicolle en Tunisie qui reçut le Prix Nobel pour l'identification du rôle du pou dans la transmission du typhus ; :: Institut Pasteur de la Guyane et du territoire de l'Inini Dans son discours d'inauguration, le Dr Hervé Floch trace la feuille de route du tout jeune Institut et envisage le très large champ d'activités qu'il doit embrasser : « Le chemin qui doit être suivi par notre Institut mène, entre autres, à l'étude des maladies si spéciales du continent Sud-Américain, au problème de la lèpre, à celui de l'hygiène, à celui de l'élevage guyanais ». 1894, les frères Sergent en Algérie ; 1895 Alexandre Yersin à Nah Trang au Viet Nam qui décrit l'agent pathogène de la peste. LIP-GUYANE Puis, c'est au tour du Sénégal, de Madagascar, du Congo, du Cambodge, de l'Iran … En Guyane, l'Institut d'Hygiène et de Bactériologie est créé le 10 mars 1914 par arrêté du Gouverneur Didelot, via un contrat signé avec l'Institut Pasteur de Paris. Sis dans des locaux de la rue Victor Schœlcher (à l'emplacement de l'actuel bâtiment de la Direction de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et de la Direction de la prévention et de la solidarité du Conseil général), il est le principal centre de la lutte :: 8 #1 :: La Lettre de l’Institut Pasteur de la Guyane Directeur de la publication : Dr Philippe Quénel, Directeur de l’Institut Pasteur de la Guyane Rédacteur en chef : Dr Philippe Quénel Maquettiste : Angelina Azanza Comité de rédaction : Angélina Azanza, Isabelle Dusfour, Romain Girod, Vincent Lacoste, Philippe Lasnier, Anne Lavergne et Eric Legrand :: Dr Hervé FLOCH, Directeur IP Guyane 1940 -1957 Diffusion : Institut Pasteur de la Guyane, 23 avenue Pasteur, BP 6016, 97360 Cayenne Cedex Tél. : 594 (0)594 292 617 Fax : 594 (0)594 309 416 http://www.pasteur-cayenne.fr ISSN 0000-0000