Les types de marketing dans le secteur public

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Le marketing dans le secteur
public
Judith J. Madill*
Les gestionnaires de la fonction publique
peuvent grandement accroître leurs
chances d’élaborer des stratégies de
marketing fructueuses en comprenant
mieux les principales différences entre les
techniques de marketing du secteur privé
et celles du secteur public.
Les gouvernements démocratiques existent pour servir leurs
citoyens, tandis que les entreprises existent pour faire des
profits. Pourtant, ce sont les entreprises qui cherchent sans
cesse de nouvelles façons de plaire au peuple américain. La
plupart des gouvernements américains sont insensibles aux
désirs des clients, tandis que McDonald et Frito-Lay s’efforcent
de répondre à leurs besoins. C’est peut-être là l’acte
d’accusation ultime du gouvernement bureaucratique.1
L
e marketing est une pratique clé des entreprises depuis
de nombreuses années. En vérité, c’est là qu’il a ses
racines. Bien que le marketing demeure une importante
activité administrative des entreprises, on y a maintenant
largement recours, avec plus ou moins de succès, dans
d’autres genres d’organisations, notamment des
administrations publiques, des organisations sans but lucratif,
des partis politiques et même des organisations religieuses.
Judith Madill est professeur agrégé à la School of Business de
l’Université Carleton. Elle est titulaire d’un BHEc et d’une MSc
(gestion et économie de la consommation) de l’Université du
Manitoba ainsi qu’un d’un doctorat (administration des affaires)
de l’Université Western Ontario. Ses travaux actuels portent sur le
secteur public et le marketing social, le comportement des
consommateurs ainsi que le marketing industriel. Elle a dirigé la
publication de Marketing: Proceedings of the Administrative
Sciences Association of Canada, 1998.
10
Toutefois, la plupart des textes sur l’élaboration de stratégies
de marketing concernent le secteur privé. Les gestionnaires
du secteur public font souvent l’expérience amère qui
consiste à essayer d’appliquer directement dans leur milieu
des idées mises au point dans le secteur privé, en sachant très
bien que la fonction publique n’est pas une entreprise privée.
Il est essentiel d’examiner les différences entre le
marketing des secteurs public et privé, étant donné que
nous assistons à une augmentation sans précédent du
recours à ces techniques dans les administrations publiques.
La fonction publique du Canada traverse une période de
transition cruciale qui trouve en partie son origine dans
l’engagement du gouvernement de réduire son déficit. De
nombreux secteurs gouvernementaux adoptent donc des
techniques de marketing pour les aider à surmonter deux
grandes difficultés : remplir leur mandat et répondre aux
besoins de leur clientèle dans un contexte de décroissance
* L’auteur aimerait particulièrement remercier M. Dave Monahan,
du Service hydrographique du Canada du ministère des Pêches et
des Océans, et M. Jim Mintz, de la Division des partenariats et du
marketing de Santé Canada, pour leurs idées, leur aide et leur appui
dans la recherche sur laquelle se fonde le présent article.
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4 (10-20)
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
importante des ressources et atteindre des objectifs précis
en matière de recettes.
L’adoption d’une méthode de marketing dans un
contexte gouvernemental présente des défis particuliers. Il
est possible que les fonctionnaires n’aient que peu ou pas
de connaissance en marketing, et il y a une pénurie de
documents portant précisément sur le marketing dans le
secteur public. Il s’ensuit donc que les fonctionnaires sont
souvent obligés d’adapter les théories traditionnelles de
marketing du secteur privé à leurs besoins précis. Mais le
marketing dans les administrations publiques diffère sous
plusieurs rapports fondamentaux, et il est essentiel de
cerner et de comprendre ces différences pour élaborer des
stratégies de marketing fructueuses dans le secteur public.
L’objectif du présent article est de donner un aperçu de
quelques-unes de ces différences. Il se fonde sur des
recherches effectuées au gouvernement fédéral et
comportant trois grands volets :
•
un examen des ouvrages didactiques et de la
documentation établie par des praticiens sur le
marketing dans les secteurs privé et public;
•
des entrevues sur le marketing dans le secteur public
avec des gestionnaires de différents secteurs gouvernementaux;
•
des études de cas sur des projets de marketing au
gouvernement du Canada au cours des trois dernières
années.
Bien que le présent article ne prétende pas être une
introduction aux principes de base du marketing, il
commence par une définition de celui-ci et décrit les
principaux types de marketing que l’on retrouve dans les
ministères. On présente ensuite une étude de sept
différences fondamentales entre le marketing dans les
secteurs public et privé et de la façon dont celles-ci influent
sur l’élaboration de stratégies de marketing fructueuses
dans l’univers du secteur public.
Qu’est-ce que le marketing?
Selon l’American Marketing Association, l’une des
plus importantes associations de spécialistes du marketing
au monde, le marketing est le processus de planification
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
et de réalisation de la conception, de l’établissement
du prix, de la promotion et de la distribution d’idées,
de biens et de services afin de créer des échanges qui
permettent d’atteindre des objectifs individuels et
organisationnels2.
Cette définition prend en considération le fait que le
marketing est un processus de gestion comportant des
activités de « planification et de réalisation » et précise que
le marketing s’exerce dans quatre grands domaines : la
conception d’un produit, l’établissement de son prix, la
promotion et la distribution. De plus, le marketing peut
s’appliquer aux idées, aux biens ou aux services et, enfin,
son objectif est des créer des échanges satisfaisants entre
des parties consentantes.
Les notions de base du marketing sont donc la
satisfaction et l’échange. Lorsqu’une entreprise adopte une
stratégie de marketing, elle cherche à créer des échanges
avec les consommateurs ciblés de façon que l’entreprise et
le client atteignent tous deux leurs objectifs (c’est-à-dire la
satisfaction du client et la contribution aux profits de
l’entreprise).
Les organisations gouvernementales peuvent faire leur
cette définition. Lorsqu’un ministère élabore un « produit »,
que ce soit un produit matériel comme une carte marine,
une idée comme celle qui consiste à lutter contre le tabac
ou la prestation d’un service comme l’entretien d’un parc
national à l’intention des visiteurs, qu’il établit un prix pour
ce produit, qu’il en fait la promotion et qu’il le distribue à
un groupe ciblé pour favoriser un échange, il fait du
marketing.
Les types de marketing dans le
secteur public
L’un des plus grands obstacles à l’utilisation efficace du
marketing dans le secteur public est l’absence de
compréhension des différents types de marketing auxquels
il peut se livrer. Bien que les auteurs présentent souvent le
marketing dans le secteur public comme une activité
monolithique, la recherche montre qu’il est fort diversifié.
La typologie des quatre différents types de marketing
montre les formes qu’il peut prendre dans les organisations
gouvernementales.
11
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
Type A : Marketing de produits et
de services
Certaines personnes pourront être surprises d’apprendre
que le premier type de marketing dans les administrations
publiques porte sur les produits et services, comme le
marketing des cartes marines sur support papier et
électronique du Service hydrographique du Canada (SHC) ou
le marketing des données statistiques par Statistique Canada.
Il est important de signaler que le marketing de produits et
de services par le secteur public est semblable à celui du
secteur privé, comme le démontre l’expérience du SHC.
Celui-ci est chargé d’établir les cartes des océans et des voies
navigables du Canada, et les navigateurs commerciaux ainsi
que les plaisanciers qui empruntent des voies navigables
inconnues sont tenus par la loi d’avoir en leur possession les
cartes officielles du SHC. Pour satisfaire à cette exigence
législative, le SHC fait la promotion de ses cartes sur support
papier et électronique auprès des navigateurs commerciaux,
des plaisanciers et des autres personnes qui naviguent sur les
océans et les voies navigables du Canada. Donc, le SHC
dresse les cartes des voies navigables du pays. Il conçoit,
élabore et produit une gamme de produits (cartes sur
support papier et électronique, atlas, indicateurs des marées,
etc.). Il distribue ensuite ces produits par l’entremise d’un
réseau de distributeurs dans tout le Canada. Puis, il établit le
prix de ces produits et en fait la promotion de différentes
façons (salons nautiques, publicité) afin de les porter à
l’attention des consommateurs. Le SHC a récemment adopté
une stratégie de marketing pour mieux répondre aux besoins
des navigateurs canadiens et atteindre ses objectifs en
matière de recettes. Il a donné un caractère officiel à sa
démarche, notamment en prenant les mesures suivantes :
•
formation d’un comité de marketing pour diriger ses
initiatives de marketing dans tout le pays;
•
réalisation d’activités de sensibilisation, de formation et
de recherche en marketing;
•
élaboration d’une stratégie officielle de marketing pour
orienter le processus de prise de décisions.
Type B : Marketing social
Le marketing social – celui qui tente de modifier les
comportements et les attitudes de groupes cibles – est le
12
deuxième type de marketing auquel ont souvent recours les
organisations gouvernementales 3. Ainsi, lorsque Parcs
Canada met au point une campagne de sensibilisation pour
encourager les visiteurs à se montrer plus responsables au
regard de leur propre sécurité lorsqu’ils font de la
randonnée pédestre, de l’alpinisme ou du canotage, il fait
du marketing social. Il en va de même lorsque Santé
Canada élabore une campagne de publicité afin de
persuader les jeunes Canadiens de ne pas commencer à
fumer. Bien que le secteur privé se livre également à ce
genre d’activités (pour décourager la conduite en état
d’ébriété ou la consommation d’alcool par les femmes
enceintes, etc.), ces campagnes jouent un rôle mineur par
rapport aux activités traditionnelles de marketing de biens
et de services.
Type C : Marketing de politiques
Le troisième type de marketing auquel ont recours les
administrations publiques est le « marketing de
politiques ». Règle générale, cette activité a lieu lorsque le
gouvernement lance des programmes pour convaincre des
segments précis de la société d’accepter ses politiques.
C’est ce qui se passe lorsqu’il tente de convaincre le public
des avantages de l’Accord de libre-échange ou des
changements apportés au Régime de pensions du Canada.
Ce genre de marketing par les administrations publiques
est fort semblable à la « publicité d’opinion » des
entreprises privées (publicité vantant les vertus civiques
des entreprises).
Type D : Démarketing ou
marketing sur la non-utilisation
des programmes
Les campagnes de démarketing sont lancées par les
administrations publiques pour informer et (ou) persuader
des groupes cibles de ne pas utiliser des programmes
gouvernementaux mis à leur disposition dans le passé. Ces
dernières années, les campagnes de démarketing ont été
élaborées conjointement aux activités de réduction des
effectifs. Par exemple, de nombreux ministères qui
offraient auparavant un financement à des organismes
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
communautaires ont connu d’importantes diminutions de
ces fonds. Ils ont donc dû informer ces organismes de cette
absence de fonds et certains ont offert une formation en
marketing aux groupes touchés pour les aider à trouver
d’autres sources de financement. Ces campagnes sont
rarement mises en œuvre dans le secteur privé, puisque les
entreprises font surtout la promotion de biens et de
services.
Qu’est ce qui distingue le
marketing dans le secteur
public?
Pour tenter d’évaluer ce qui distingue le marketing
dans le secteur public, nous avons passé en revue les
ouvrages didactiques et la documentation des praticiens du
marketing. L’un des points saillants de cet examen est la
pénurie de documents didactiques sur le rôle du marketing
dans les administrations publiques. En outre, le peu de
recherche qui a été effectuée est maintenant désuète. En
revanche, on trouve un grand nombre de rapports rédigés
par des praticiens et des consultants, qui décrivent
différentes initiatives de marketing. Bien que ces rapports
soient utiles pour dresser la liste du grand nombre de
projets gouvernementaux de marketing, ils ne font que
décrire ceux-ci et ne portent nullement sur les points
communs et les différences entre le marketing dans les
secteurs privé et public. En se fondant sur l’étude de la
documentation existante dans le domaine, sur des
entrevues avec des gestionnaires du gouvernement fédéral
et sur des études de cas de projets gouvernementaux de
marketing, l’auteur expose dans le reste du présent article
sept importantes différences entre le marketing des secteurs
public et privé. Enfin, il définit un ensemble de critères
permettant d’élaborer des stratégies de marketing
fructueuses dans un contexte gouvernemental.
La principale différence : la
résistance
La plus importante différence entre le marketing dans
les secteurs privé et public découle de la question
fondamentale suivante : « Le gouvernement doit-il faire du
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
marketing? » Bien que les questions entourant ce dossier
font régulièrement surface dans les discussions sur le
marketing dans le secteur public, nous pouvons affirmer
sans risque de nous tromper qu’elles sont rarement
abordées dans le secteur privé.
Le tableau qui émerge des discussions sur le rôle du
marketing dans différents ministères fédéraux est paradoxal.
D’un côté, on considère le marketing comme un excellent
moyen de régler des problèmes difficiles et, de l’autre, on le
perçoit comme un outil d’entreprise qui ne convient pas
aux activités gouvernementales. Cette ambiguïté se retrouve
dans les équipes de direction et assez souvent chez les
individus qui composent ces équipes.
La perception selon laquelle une administration
publique n’est pas une entreprise et qu’il n’est pas indiqué
de la diriger comme une entreprise fait concurrence à celle
qui veut que le gouvernement doit être plus ouvert aux
besoins du public et que le marketing peut l’aider à y
arriver 4. D’autre part, la transition des administrations
publiques vers une démarche davantage modelée sur les
pratiques du secteur privé est considérée par d’aucuns
comme une mesure absolument nécessaire5. On peut à tout
le moins affirmer que les gestionnaires des secteurs
gouvernementaux qui ont recours au marketing militent
fortement en faveur de la recherche d’un équilibre. Ils
soutiennent que le gouvernement n’est certes pas une
entreprise, mais que, en sa qualité d’institution chargée
avant tout de répondre aux besoins du public, il peut
souvent remplir sa mission plus efficacement en adoptant
des techniques de marketing appropriées. Toutefois, la
recherche a montré de façon non équivoque que le
contexte gouvernemental est très différent de celui d’une
entreprise et que le marketing doit être adapté à ce
contexte.
De nombreux fonctionnaires assimilent le marketing au
recouvrement des coûts et à la production de recettes. À
noter qu’aucun élément intrinsèque à la philosophie, aux
outils ou aux techniques du marketing ne le confine à l’un
ou l’autre de ces rôles. Il est vrai que le marketing peut
favoriser la production de recettes au gouvernement, mais
c’est aussi un merveilleux outil pour améliorer les relations
avec les clients et les groupes cibles avec lesquels les
ministères traitent. Le marketing n’est pas obligatoirement
motivé par la production de recettes ou de profits.
13
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
Étant donné que de nombreux gestionnaires sont de
cet avis, les deux premiers des quatre principaux arguments
contre le marketing sont en fait des arguments contre le
principe du recouvrement des coûts.
❏
❏
❏
14
Selon le premier argument, le libre accès à l’information
et aux biens publics fait partie de la tradition canadienne
et est essentiel aux citoyens d’une société démocratique.
À l’encontre de cet argument, on retrouve celui voulant
que l’administration publique doit pouvoir tirer des
recettes de la vente de renseignements et de produits
qui coûtent cher à produire et à tenir à jour et qui n’ont
pas la même utilité pour tous les Canadiens. Les
subventions consenties à même les deniers publics aux
organisa-tions commerciales qui obtiennent de
l’information gratuitement sont éliminées ou réduites, et
les recettes servent à diminuer les impôts et à améliorer
les bases de données. D’aucuns affirment en outre que
la communication continue de renseignements est
coûteuse et que les coûts de cette activité, qui sert à
répondre aux besoins de certains individus, ne doivent
pas être assumés (c’est-à-dire subventionnés) par
l’ensemble des contribuables. Des frais d’utilisation
externe doivent être exigés pour la communication
d’information et la prestation de services connexes, le
cas échéant.
Un deuxième argument souvent avancé contre le
marketing (recouvrement des coûts) veut que les
contribuables canadiens ont déjà payé les ressources
obtenues en dépensant des fonds publics. De
nombreux citoyens qui s’opposent à verser des frais
supplémentaires sont d’avis que ces ressources doivent
être mises gratuitement à la disposition des contribuables. Selon l’argument inverse, ce n’est pas parce
qu’une ressource a été obtenue grâce aux impôts des
contribuables qu’elle doit obligatoirement être mise
gratuitement à leur disposition. Par exemple, la plupart
des personnes n’auraient pas l’idée d’utiliser un
ordinateur ou un télécopieur du gouvernement tout
simplement parce qu’il a été acquis avec l’argent des
contribuables. Toutefois, les fonctionnaires en contact
avec le public doivent souvent faire face à de tels
arguments.
Le troisième argument concernant le bien-fondé du
marketing dans le secteur public a trait à l’effet des lois
sur l’élaboration de stratégies de marketing. Il arrive
souvent que le gouvernement ait une compétence
explicite ou jouisse d’une option exclusive de vente
que lui confère la loi. Par exemple, la loi porte que les
cartes du SHC doivent être utilisées au Canada lorsque
cela est nécessaire. Étant donné que le marketing est
perçu comme favorisant les échanges « volontaires »,
on peut estimer que le pouvoir de la loi porte ombrage
au rôle du marketing. À cela, on peut rétorquer que,
malgré la loi, le marketing offre le moyen d’améliorer
les relations avec les groupes concernés et (ou) les
clients.
❏
Le quatrième argument soulevé contre le recours au
marketing dans le secteur public est la notion
largement acceptée à l’intérieur et à l’extérieur des
administrations publiques selon laquelle celles-ci ne
doivent pas concurrencer le secteur privé. Cette
question est le plus souvent soulevée lorsque le
gouvernement commercialise des biens et des services.
Par exemple, lorsque Parcs Canada fait la promotion
des parcs et des lieux historiques, il fait concurrence à
d’autres formes de loisirs offerts par le secteur privé.
Dans le même ordre d’idées, même si le SHC a reçu le
mandat de produire des cartes, des atlas, des
indicateurs des marées, etc., à l’intention des
navigateurs, le secteur privé produit également ses
propres versions de ces produits qui s’adressent aux
plaisanciers. Dans l’élaboration de leurs programmes
de marketing, les secteurs gouvernementaux cherchent
constamment des stratégies leur permettant à la fois de
coexister avec le secteur privé et de lui faire
concurrence.
Répercussions sur l’élaboration de
stratégies de marketing
Le principal obstacle à l’élaboration de stratégies de
marketing dans le secteur public est la résistance même à
cette notion, et ce même si l’application de techniques de
marketing est considérée d’un œil positif. Cette résistance
sera soit modérée (lorsque le marketing suscite à la fois des
doutes et des espoirs), soit extrême (lorsqu’il est considéré
tout à fait inapproprié). Dans une telle situation, il est
essentiel d’obtenir l’engagement ferme de plusieurs cadres
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
supérieurs clés pour neutraliser cette résistance au fil du
temps et reconnaître de quelle façon le marketing dans le
secteur public diffère de celui qui a cours dans le secteur
privé. Cette dernière condition est impérative pour assurer
tous les intervenants que l’adoption de techniques de
marketing ne signifie pas que le gouvernement est une
entreprise, mais qu’elles peuvent y donner des résultats
positifs. Enfin, les responsables de la mise en œuvre d’une
stratégie de marketing doivent former les principaux
décideurs de façon qu’ils comprennent la philosophie et les
outils du marketing. Cette formation contribuera à dissiper
de nombreux mythes et favorisera la compréhension des
questions pertinentes liées à la mise en œuvre de
techniques de marketing dans le secteur public.
Il est également très important de préciser les rapports
entre le marketing et la production de recettes. Bien que le
marketing puisse se révéler utile pour l’élaboration de
stratégies de production de recettes, il a aussi d’autres
utilisations. En fait, le marketing peut être plus bénéfique
pour l’atteinte d’autres objectifs du secteur, notamment
l’amélioration des rapports avec les groupes et les individus
qui interagissent avec lui, de meilleurs services aux clients,
la promotion de modes de vie et (ou) de comportements
plus sains, etc.
Absence d’uniformisation :
variabilité dans l’adoption de
techniques de marketing dans le
secteur public
Compte tenu du fait que de nombreux fonctionnaires
continuent de débattre du bien-fondé du marketing dans le
secteur public, il n’est pas surprenant de constater que le
marketing n’y occupe pas la même position officielle que
dans le secteur privé 6. Il y a par exemple un nombre
relativement peu élevé de postes dont le titre comprend le
mot « marketing » (ou commercialisation). De plus, la
recherche a montré qu’il n’y a aucune fonction claire de
marketing dans la façon dont de nombreux secteurs
gouvernementaux sont organisés. Dans le secteur privé, le
marketing s’inscrit dans un schéma de carrière, les postes
allant du niveau de débutant à celui de vice-président
directeur. Dans le secteur public, les individus ne sont
habituellement pas embauchés sur la base de compétences
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
spécialisées en marketing, et il n’y a aucun cheminement de
carrière précis dans ce domaine.
Dans le secteur public, l’écart relatif au marketing
prend trois formes.
❏
Expérience du marketing – On peut répartir l’expérience
du secteur public avec les techniques et les pratiques de
marketing sur une large échelle. Peu d’organisations
gouvernementales possèdent de longs antécédents en
marketing. Un des meilleurs exemples à cet égard est la
Division des partenariats et du marketing de Santé
Canada. À l’autre extrémité du spectre se trouvent les
organisations qui n’ont pas de véritable expérience du
marketing et qui sont sceptiques quant à son rôle et à sa
valeur. Les organisations qui ont récemment élaboré des
programmes de marketing se situent au centre (SHC, etc.).
❏
Connaissance du marketing – Les organisations
gouvernementales n’ont pas toutes la même
connaissance du marketing.
Différentes institutions ont pris goût au marketing
différemment. . . Elles confondent le marketing avec la
vente insistante ou la publicité, et ne montrent donc pas
d’aptitude pour cette technique. (Traduction)7
La recherche menée au gouvernement canadien
corrobore cette observation, montrant une connaissance
variée du marketing. Les spécialistes des secteurs qui
ont de forts antécédents en marketing sont compétents,
mais la perception la plus courante est que le marketing
équivaut à la publicité et à la promotion.
❏
Budgets consacrés au marketing – Tandis que les budgets
de marketing constituent la norme dans le secteur privé,
il est rare que le marketing soit un poste budgétaire au
secteur public. Les gestionnaires utilisent souvent des
montants d’autres postes budgétaires pour financer leurs
programmes de marketing. Toutefois, l’existence des
budgets de marketing dans le secteur public va en
augmentant au fur et à mesure que le marketing s’intègre
dans l’éventail des techniques de gestion efficaces.
Répercussions sur l’élaboration de
stratégies de marketing
Le secteur gouvernemental, qui n’a aucune expérience
ou connaissance en marketing, mais qui est intéressé à y
15
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
avoir recours pour promouvoir ses buts et ses objectifs
doit absolument et en premier lieu comprendre le
marketing et la façon dont celui-ci peut l’aider. Il faut
ensuite procéder à une analyse des initiatives précédentes
de marketing. En effet, il arrive souvent que des activités
mises en œuvre de façon distincte et non coordonnée
soient des éléments d’un programme de marketing.
Malheureusement, cette technique ne fonctionne pas;
aucun progrès n’est réalisé et le personnel se décourage.
Un plan de marketing doit être élaboré, et des cadres
supérieurs internes doivent en assumer la responsabilité.
Des consultants de l’extérieur peuvent donner l’impulsion
initiale et la formation requise, mais il est essentiel que
l’organisation veille elle-même à l’adoption d’un
programme interne de marketing.
Différences dans les objectifs de
marketing : évaluation des
programmes de marketing
Si on admet que le marketing peut être indiqué et
productif pour une administration publique, il faut aussi
convenir que les objectifs de marketing des secteurs public
et privé présentent des différences fondamentales. Chez
l’entreprise privée, l’objectif traditionnel des spécialistes du
marketing est d’accroître les niveaux de vente et de
rentabilité sur des marchés concurrentiels, un objectif
rarement prioritaire dans le secteur public, où les buts et les
objectifs multiples sont davantage monnaie courante. Le
secteur gouvernemental peut évaluer le succès des activités
de marketing en fonction d’une hiérarchie d’objectifs
comme la réalisation du mandat, la modification des
attitudes et des comportements des Canadiens, la
production de recettes, etc.
La recherche montre que les gestionnaires du secteur
public rencontrent des problèmes considérables dans la
gestion des objectifs organisationnels multiples lorsqu’ils
élaborent une stratégie de marketing. Ces objectifs
multiples rendent difficiles l’élaboration et l’évaluation de
la stratégie. Par exemple, en regard de quels objectifs la
direction doit-elle évaluer les programmes de marketing?
Quels objectifs la campagne de marketing doit-elle
atteindre? Dans le secteur privé, la rentabilité constitue un
16
objectif constant qui guide les décisions et sert de critères à
l’évaluation des résultats. Cependant, on s’attend à ce que
la plupart des organisations du secteur public fournissent à
leurs clients, à leurs représentants élus et nommés et au
grand public des services équitables, efficaces et adaptés à
leurs besoins.
Répercussions sur l’élaboration de
stratégies de marketing
Les programmes de marketing les plus avantageux du
secteur public comprenaient des objectifs soigneusement
définis et des mécanismes d’évaluation de leur efficacité. Ce
sont là des pratiques bien acceptées dans le secteur privé,
et elles semblent également être un gage de réussite dans le
secteur public. Toutefois, compte tenu des buts et objectifs
multiples du secteur public, l’établissement des objectifs des
programmes de marketing y exige un meilleur équilibre
entre les objectifs conflictuels. Par exemple, les objectifs
peuvent simultanément comprendre la reconnaissance par
la haute direction du programme et du travail d’un secteur
particulier, la prestation de services plus efficaces aux
clients, la contribution à la production de recettes, etc. Il est
également essentiel d’établir un ordre de priorité des
objectifs.
Une fois que les priorités sont fixées, les budgets
doivent être établis et comprendre des mécanismes
d’évaluation des avantages en fonction des objectifs. Par
exemple, on peut mesurer l’utilité d’un programme de
marketing des cartes marines du SHC aux salons nautiques
en évaluant le coût de la présence du SHC aux salons en
fonction de l’atteinte des principaux objectifs fixés pour la
campagne de marketing. En procédant ainsi pour tous les
programmes de marketing, les décideurs en arrivent à
savoir ce qui donnent les meilleurs résultats dans le
contexte d’objectifs donnés.
La recherche a notamment fait ressortir d’importants
points faibles à l’échelle du gouvernement en ce qui
concerne la définition des objectifs et l’évaluation des
activités de marketing en fonction de ces objectifs. En
comparaison avec le secteur privé, on a effectué un petit
nombre seulement d’évaluations des campagnes de
marketing.
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
Modes de financement des
organisations
Peter Drucker affirme que la principale différence entre
la gestion d’une organisation du secteur public et celle du
secteur privé est la façon dont les deux organisations sont
financées.
Les entreprises (à l’exception des monopoles) sont payées
pour satisfaire les clients. Elles ne sont payées que si elles
produisent ce que le client désire et si celui-ci est disposé à
échanger son pouvoir d’achat pour ce produit. [. . .] Par
contraste, les organisations du secteur public sont
habituellement financées à même des allocations budgétaires.
Leurs recettes proviennent d’une source globale qui n’est
aucunement liée à ce qu’elles font, mais qui est le fruit
d’impôts, de prélèvements, etc. [. . .] Cette situation change la
signification des mots « rendement » ou « résultats ». Dans une
organisation dont les fonds proviennent d’une allocation
budgétaire, les « résultats » se traduisent par un budget plus
important, et le « rendement » est la capacité de maintenir ou
d’accroître ce budget. [. . .] Cela signifie tout d’abord que
l’efficacité et le contrôle des coûts, quelle que soit l’importance
accordée à ces éléments, n’y sont pas vraiment considérés
comme des vertus.8
Dans le secteur privé, l’orientation de la gestion et du
personnel est différente de ce qu’elle est dans le secteur
public et, dans une certaine mesure, cette situation est le
résultat de la façon dont les organisations sont financées.
Les entreprises cherchent à accroître leurs ventes ou leurs
profits. Les budgets et les primes sont souvent liés aux
ventes. La recherche montre que c’est rarement le cas dans
la fonction publique fédérale. Même si un objectif en
matière de recettes a été fixé à un secteur gouvernemental,
l’atteinte ou le dépassement de cet objectif ne signifie pas
nécessairement ou même habituellement que le secteur
conservera ces recettes. En revanche, dans la plupart des
cas, le secteur devra subir une diminution de ses budgets
de fonctionnement et (ou) de son personnel s’il n’atteint
pas ses objectifs. Les gestionnaires de tous les secteurs
examinés ont souligné les difficultés que cette politique
entraîne.
Répercussions sur l’élaboration de
stratégies de marketing
La perte de revenus gagnés est considérée comme un
important facteur de dissuasion au recours à des
programmes de marketing pour atteindre des objectifs en
matière de recettes. Dans un tel contexte, la stratégie de
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
marketing de biens et de services vise à ne pas dépasser les
objectifs. Cela peut également encourager l’élaboration de
stratégies où le coût est un élément négligeable. Pour
neutraliser ces problèmes, il y a lieu de modifier la méthode
de production de recettes de façon à permettre aux secteurs
qui atteignent ou dépassent leurs objectifs à cet égard de
tirer profit de leur réussite. Si les secteurs pouvaient
conserver les recettes accrues (ou une partie de celles-ci)
pour atteindre les objectifs du Ministère, des mesures
d’encouragement seraient en place pour promouvoir
l’élaboration de programmes de marketing plus efficaces.
De plus, peu de secteurs de la fonction publique
fédérale ont des budgets de marketing. Les fonds doivent
donc être prélevés d’autres sources. Des budgets de
marketing doivent être établis pour que les secteurs soient
en mesure de comparer les avantages au coût d’élaboration
et de mise en œuvre du programme.
Satisfaction des clients
La clientèle de nombreux services publics est
beaucoup plus diversifiée que celle des entreprises du
secteur privé. Il s’ensuit que les attentes ne sont pas
homogènes. Dans le secteur privé, cette hétérogénéité des
besoins et des désirs est réglée en appliquant des stratégies
ciblant des marchés précis. Dans le secteur public, la
segmentation du marché est également possible, mais elle
doit être équilibrée avec ce qui est acceptable du point
de vue politique. Les gestionnaires du secteur public
peuvent donc plus rarement appliquer l’important concept
de marketing selon lequel des produits de différentes
qualités (à des prix correspondants) doivent être offerts
pour répondre aux besoins de différents types de
consommateurs.
La recherche effectuée précédemment révèle peu de
tentatives de concevoir des programmes visant des intérêts
spéciaux (absence de segmentation du marché dans le
secteur public). La recherche récente montre toutefois
qu’un nombre croissant d’organisations gouvernementales
tentent de concevoir des programmes et des produits
adaptés aux besoins et aux intérêts précis de certains
groupes, c’est-à-dire qu’il y a segmentation du marché. Par
exemple, les programmes de marketing social conçus par la
Division des partenariats et du marketing de Santé Canada
17
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
sont habituellement fondés sur des recherches poussées
permettant d’élaborer des campagnes de marketing social
de lutte contre le tabagisme visant des marchés précis de
jeunes. Dans le même ordre d’idées, Parcs Canada s’est
livré à une recherche considérable pour concevoir des
messages ciblant différents segments de la population
canadienne, à savoir les personnes dont les visites dans les
parcs nationaux vont de la visite guidée en autocar à la
randonnée pédestre en forêt.
Dans de nombreux cas toutefois, des exigences
législatives régissent les marchés qui doivent être visés. Les
organisations gouvernementales ne jouissent donc pas de la
même liberté que les entreprises privées pour choisir leurs
marchés. À noter également que les administrations
publiques doivent interagir avec des marchés (groupes
distincts de personnes et (ou) d’organisations qui ont un
intérêt réel ou potentiel envers un organisme ou qui ont
des répercussions sur celui-ci), qui sont différents de leurs
clients directs.
Répercussions sur l’élaboration de
stratégies de marketing
En ce qui a trait à l’élaboration d’une stratégie de
marketing, la direction aurait intérêt à reconnaître qu’il y a
deux grandes catégories de clients pour la plupart des
programmes gouvernementaux, à savoir les clients directs
et les clients indirects 9 . Les clients directs sont les
utilisateurs immédiats du service ou du bien. Ces clients
peuvent avoir les caractéristiques suivantes.
•
Ils peuvent agir de façon volontaire. Ces clients ont
beaucoup en commun avec les clients du secteur privé.
•
Ils peuvent être des utilisateurs attitrés, c’est-à-dire que
des facteurs qui échappent au contrôle direct des
clients les rendent automatiquement admissibles à un
programme donné (comme le Programme de la
sécurité de la vieillesse).
•
Ce peut être des utilisateurs obligatoires (programmes
prescrits s’adressant aux détenus, aux contribuables,
aux industries réglementées, etc.).
Les clients indirects sont les personnes et les
organisations touchées par les résultats et les effets des
18
programmes (comme les familles des personnes
hospitalisées) ainsi que les personnes qui payent pour les
programmes (contribuables).
Il est nécessaire de prendre en considération le type
d’utilisateurs visés par la stratégie de marketing que l’on
élabore. La recherche montre que les méthodes de
segmentation du marché et de marketing ciblé sont le plus
souvent utilisées lorsqu’on vise des utilisateurs directs
volontaires (visiteurs des parcs nationaux, utilisateurs des
cartes marines du SHC, jeunes visés par les messages antitabac, etc.). Étant donné que ces utilisateurs sont ceux qui
ressemblent le plus aux clients du secteur privé, il est
nécessaire d’établir des programmes de marketing sur
mesure pour répondre aux besoins des différents segments
d’utilisateurs volontaires pour les persuader de prendre part
à l’échange que suppose le marketing. Il est aussi possible
que les administrations publiques doivent avoir recours à la
technique de segmentation du marché avec certains
groupes d’utilisateurs attitrés. Ainsi, de plus en plus
d’utilisateurs des services gouvernementaux, comme les
écoles publiques et les hôpitaux, exigent que ces services
répondent à leurs besoins précis10.
La satisfaction des clients, que l’on évalue par l’écart
entre les attentes et la qualité du produit ou du service, est
également essentielle avec ce genre d’utilisateurs. Dans le
secteur privé, il faut, pour assurer la satisfaction des clients,
composer à la fois avec leurs attentes et leurs expériences
pour favoriser la fidélité à long terme. Bien que la
satisfaction des clients soit un principe fondamental des
programmes de marketing du secteur privé, ce n’est pas un
élément inhérent de tous les programmes publics. Par
exemple, même si le Régime d’assurance-emploi du
gouvernement fédéral est d’une aide inestimable pour ses
clients (utilisateurs attitrés), il n’est pas conçu pour garder
les clients indéfiniment ou pour chercher activement de
nouveaux clients. Par contraste, le secteur public voudra
probablement accroître la satisfaction des personnes qui
achètent des indicateurs des marées et des visiteurs des
parcs nationaux.
La gestion de la satisfaction des clients dans le secteur
public est fondamentalement différente à cause des
décisions prises par les gouvernements concernant le but
des programmes ou des services et le niveau de service
qu’ils peuvent se permettre d’offrir aux clients. Les secteurs
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
gouvernementaux qui veulent élaborer des stratégies de
marketing fructueuses doivent bien cerner le ou les types
de clients sur lesquels porteront leurs efforts, déterminer
des degrés appropriés de satisfaction et établir des
mécanismes pour mesurer le degré de satisfaction.
(L’importance légitime accordée à certains segments de la
clientèle ne signifie pas que les préoccupations et les
besoins d’autres groupes clients sont négligeables. Elle
signifie simplement que des programmes particuliers de
marketing portent sur des marchés cibles précis pendant
des périodes données.)
Élaboration d’une stratégie de
marketing tenant compte des
quatre éléments principaux
De nombreux secteurs gouvernementaux connaissent
davantage les éléments communication/promotion du
marketing que les autres (produit, établissement du prix et
endroit/distribution) parce qu’ils ont élaboré des plans de
communication dans d’autres domaines. En outre, la
recherche a montré que de nombreux gestionnaires et
d’autres fonctionnaires croient que le marketing se limite à
la publicité et (ou) à la promotion11.
L’établissement du prix est l’une des questions qui
posent le plus de difficultés dans les stratégies de
marketing du secteur public. Même si le secteur privé a
mis au point des processus uniformisés, il s’agit d’une
nouvelle activité pour la plupart des organisations
gouvernementales. Comme nous l’avons vu plus haut, les
organisations du secteur public font face à différentes
contraintes et à différents incitatifs que ceux du secteur
privé. Il est ainsi possible que d’importants problèmes
surgissent lorsque le gouvernement commence à exiger
des frais pour des services qui étaient auparavant gratuits.
Dans un contexte de recouvrement des coûts, cette
situation est très courante et pose des difficultés. De même,
l’élaboration de stratégies de distribution et de promotion
de produits dans le cadre de programmes
gouvernementaux de marketing soulève des défis spéciaux
dus aux questions abordées plus haut, notamment
l’absence de compétences en marketing dans les
administrations publiques.
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
Répercussions sur l’élaboration de
stratégies de marketing
Il est important de comprendre que le marketing ne se
limite pas à la publicité ou à la promotion et que
l’établissement du prix, le produit, la distribution et la
promotion font tous partie d’une stratégie complète de
marketing. La meilleure façon pour arriver à comprendre
cela est de recevoir une formation appropriée. Une fois que
les gestionnaires ont bien saisi ces principes, les différents
éléments des campagnes de marketing s’emboîtent les uns
dans les autres.
Différents contextes
d’administration et de prise de
décisions : visibilité et
responsabilité
Dans l’ensemble, la recherche montre que tout le
contexte d’administration et de prise de décisions des
administrations publiques diffère de celui des entreprises du
secteur privé. La visibilité du gouvernement et sa
responsabilité à l’endroit de la presse et du public sont
parmi les principales différences. La visibilité exerce une
puissante influence sur la prise de décisions et la gestion
des programmes de marketing, surtout à cause de la
responsabilité du gouvernement en matière de dépenses
publiques. Il s’ensuit que les forces politiques influent bien
davantage sur les organisations gouvernementales et que
celles-ci ont des relations beaucoup plus étroites avec le
grand public. Toutes les études de cas révèlent que les
gestionnaires du secteur public sont très influencés par ces
forces politiques et par la visibilité des programmes mis en
œuvre. Cette situation avait un impact certain sur presque
toutes les campagnes de marketing étudiées.
Répercussions sur l’élaboration de
stratégies de marketing
Comme nous l’avons soutenu tout au long du présent
article, il est essentiel d’élaborer des plans comprenant des
objectifs précis, des estimations des coûts et des résultats
mesurables. En fait, les plus grandes responsabilité et
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LE MARKETING DANS LE SECTEUR PUBLIC
visibilité associées au processus de prise de décisions dans
le secteur public conviennent bien à la discipline dont il
faut faire preuve pour élaborer des programmes fructueux
de marketing. De plus, pour assurer le succès des
initiatives de marketing dans le secteur public, il est
nécessaire d’en confier la responsabilité à un cadre
supérieur qui peut influer sur le processus de prise de
décisions. Sans ce leadership de haut niveau, il est
improbable que les programmes de marketing donnent de
bons résultats à long terme. Ce rôle de chef de file existe
déjà dans le secteur privé, où la stratégie de marketing
d’une entreprise est habituellement confiée à un viceprésident au marketing.
Conclusions
Nous avons montré dans le présent article que le
marketing dans le secteur public n’est pas une activité
homogène et que l’on retrouve habituellement quatre types
de marketing dans la fonction publique fédérale. Nous
avons également exposé les sept grandes différences entre
le marketing tel qu’on le pratique dans les secteurs public
et privé. Ces différences font en sorte qu’il est impossible
d’appliquer telles quelles les techniques de marketing du
secteur privé au secteur public. De même, on ne peut pas
supposer qu’on peut appliquer la philosophie du marketing
exactement de la même façon dans les deux secteurs. Il
faut prendre en considération des questions comme la
résistance au marketing, l’absence de caractère officiel, les
différences entre les objectifs du secteur privé et ceux du
secteur public, les différences dans la façon dont les
organisations sont financées, les différences dans la façon
dont les clients sont servis, les différences dans l’élaboration
de stratégies de marketing s’appuyant sur les quatre
éléments principaux et, enfin, les différents contextes de
prise de décisions. Si on ne tient pas compte de ces
différences, il est fort probable que les programmes de
marketing ne donneront pas les résultats escomptés. En
revanche, des programmes de marketing bien conçus et ne
négligeant pas les caractéristiques des organisations du
secteur public peuvent aider grandement la fonction
publique à mieux servir les Canadiens et à atteindre ses
objectifs.
Notes
1. David E. Osborne et Ted Gaebler. « Reinventing Government:
How the Entrepreneurial Spirit is Transforming the Public Sector », New
York, Plume Books, 1993.
7. Phillip Kotler dans Peter F. Drucker. « Managing the NonProfit Organization », New York, Harper Collins Publishers, 1990,
p. 73-75.
2. « AMA Board Approves New Marketing Definition », Marketing
News, 1er mars 1985, p. 1.
8. Peter Drucker. « Managing the Public Service Institution », The
Public Interest, 33 (automne 1973), p. 43-60.
3. Phillip Kotler et G. Zaltman. « Social Marketing: An Approach to
Planned Social Change », Journal of Marketing, juillet 1971, p. 3-12.
9. « Mesure de la satisfaction des clients : Concevoir et adopter de
saines pratiques de mesure et de suivi de la satisfaction des clients »,
Ottawa, Conseil du Trésor du Canada, Bureau du contrôleur général,
Direction de l’évaluation et de la vérification, 1992.
4. Henry Mintzberg. « Managing Government, Governing
Management », Harvard Business Review (mai-juin 1996), p. 75-83.
5. Osborne et Gaebler, op. cit.
6. À noter que le marketing n’est fortement implanté que dans un
petit nombre de secteurs gouvernementaux par rapport à l’ensemble de la
fonction publique fédérale.
20
10. Osborne et Gaebler, op. cit.
11. Phillip Kotler dans Peter F. Drucker, op. cit.
Optimum, La revue de gestion du secteur public • vol. 28, no 4
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