Les dosages ont été répétés deux mois plus tard, dans le
même laboratoire, montrant des résultats tout à fait com-
parables : hyperprolactinémie à 127 ng/mL, FSH à 52,8
mUI/mL, LH à 78,3 mUI/mL et TSH à 7,80 lUI/mL.
La patiente est alors adressée dans notre centre où elle
bénéficie d’une nouvelle exploration biologique réalisée à
l’aide d’une trousse de dosage différente. Les résultats sont
cette fois tous normaux puisque la prolactine est mesurée
à 6 ng/mL (N = 0 à 22, Architect
®
Abbott), la FSH et la LH
respectivement à 7,5 UI/l (N = 4,6 à 7,6, Immulite 2000
®
DPC) et 1,1 UI/l (N = 2,3 à 6,9 Immulite 2000
®
DPC) et
enfin la TSH à 2,24 lUI/mL (N = 0,4 à 3,6 Immulite 2000
®
DPC) avec des hormones thyroïdiennes libres également
normales.
Devant la possibilité d’une interférence hétérophile,
nous avons pratiqué une recherche de facteurs rhumatoï-
des qui s’est révélée positive.
Anticorps hétérophiles
Un anticorps hétérophile est par définition un anti-
corps dirigé contre les déterminants antigéniques d’une
autre espèce. Dans le cadre des dosages immunologiques,
les anticorps hétérophiles sont des anticorps humains
(provenant du patient étudié) capables de réagir avec les
anticorps animaux (souris, lapin, chèvre, mouton, bovin,
cochon, rat, cheval, etc.) utilisés dans le dosage. La fré-
quence des anticorps hétérophiles dans la population
générale a été évaluée entre 0,2 et 80 % selon les études
[3]. Il existe différents types d’anticorps hétérophiles : les
anticorps humains anti-animaux, les facteurs rhumatoïdes
et les anticorps anti-idiotypes (tableau 2).
Les anticorps humains anti-animaux peuvent être spé-
cifiques d’une espèce donnée ou bien interagir avec des
anticorps provenant de différentes sources animales. Ils
sont en général dirigés contre le fragment constant Fc des
immunoglobulines animales, rarement contre les frag-
ments Fab. Les plus couramment rencontrés sont les anti-
corps hétérophiles dirigés contre les anticorps de souris
(HAMA) qui sont utilisés dans de nombreuses trousses de
dosage. Ils sont spécifiques et proviennent de l’exposition
antérieure des individus à des substances d’origine ani-
male : morsures, contact prolongé avec des animaux no-
tamment dans le cadre professionnel (éleveurs, vétérinai-
res, personnel de laboratoire...), préparations médicales
d’origine animale (vaccins, certains traitements des can-
cers,...). Les anticorps humains anti-animaux se lient avec
une forte affinité à l’anticorps animal concerné [4].
Les facteurs rhumatoïdes sont des anticorps de type
IgM possédant une spécificité dirigée contre le fragment
Fc des IgG humaines mais également de certains animaux
(souris, lapin, mouton, chèvre...) en raison d’une grande
homologie de structure de ce fragment d’une espèce à
l’autre. Ils sont présents avec une forte prévalence chez les
patients atteints de polyarthrite rhumatoïde mais sont éga-
lement présents dans le cadre d’autres maladies auto-
immunes et même chez des patients sains [5].
Les anticorps humains anti-idiotypes réagissent avec
les régions hypervariables ou fractions Fab des immuno-
globulines animales. Ce sont des anticorps naturels dirigés
contre un site antigénique du fragment Fab des immuno-
globulines nommé idiotope.
Les facteurs rhumatoïdes et les anticorps humains anti-
idiotypes sont des anticorps non spécifiques et ne sont pas
le résultat de l’exposition à une substance hétérophile. Ils
ne sont spécifiques d’aucune espèce animale. Ils sont le
plus souvent de faible affinité pour leur antigène cible [4].
Caractéristiques
des dosages immunologiques
Trois types de dosages immunologiques sont principa-
lement utilisés en pratique courante dans les laboratoires
de biologie médicale [4].
Les dosages par compétition qui permettent le dosage
d’une substance grâce à la compétition entre cette subs-
tance et une substance marquée (traceur) pour sa fixation
sur un anticorps. Il existe une relation inversement propor-
tionnelle entre la quantité de substance à doser et l’inten-
sité du signal fourni par le traceur. Il peut s’agir par
exemple de dosages de type radio-immunologique si le
marqueur est isotopique ou ELISA s’il est enzymatique.
Ces dosages n’utilisent qu’un seul anticorps à haute affi-
nité qui est présent en quantité limitée. Ils sont en général
réservés à des molécules de petite taille pour lesquelles on
ne dispose pas de deux sites antigéniques nécessaires aux
méthodes sandwich.
Les dosages non compétitifs immunométriques qui
regroupent les méthodes sandwich utilisant deux anti-
corps, l’un servant à « capturer » l’antigène à doser (anti-
corps de capture) et le second servant à le révéler (anti-
corps de détection), par exemple par radioactivité,
fluorescence, activité enzymatique ou chimilumines-
cence. La quantité de signal fourni par l’anticorps de
détection est proportionnelle à la quantité de substance à
doser. Les dosages par méthode sandwich sont plus sensi-
bles et plus spécifiques que les dosages par compétition.
Les anticorps sont ici présents en excès et de moindre
affinité pour la substance à doser que dans les dosages par
compétition, ce qui rend ce type de méthode plus vulné-
rable aux interférences hétérophiles.
Les dosages non compétitifs immunonéphélémétri-
ques et immunoturbidimétriques qui utilisent un seul anti-
corps, la formation des couples antigène-anticorps étant
évaluée par des mesures d’absorptiométrie ou par spec-
trophotométrie. Ces dosages ne sont qu’exceptionnelle-
ment la cible d’interférences hétérophiles car ils sont
utilisés dans le dosage de substances présentes en grande
mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 5, septembre-octobre 2006 353
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