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a planification du mode de
vie est tout ce que la plani-
fication financière n’est pas,
c’est-à-dire le complément parfait du
rôle prévenant traditionnel du con-
seiller financier. Son but est d’aller
au-delà des préférences du client en
matière d’investissement pour com-
prendre en quoi les choix actuels liés
au train de vie et les modèles de
dépenses finissent par influer sur les
décisions d’investissement.
En adoptant une méthode de pla-
nification du mode de vie afin d’iden-
tifier et de documenter les principales
habitudes d’achat de chaque client à
valeur nette élevée, le conseiller en
placement peut :
se faire une excellente idée des pro-
cessus décisionnels financiers du client;
créer des occasions d’affinité, tenant
DE LIMPORTANCE
TENIR COMPTE D’AUJOURD’HUI DANS L’ÉQUATION FINANCIÈRE
Pierre Saint-Laurent
Guide du conseiller pour cibler le marché à valeur nette élevée
deVIE
L
du MODE
deVIE
OBJECTIF CONSEILLER
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compte des intérêts actuels spéci-
fiques du client, afin de le servir d’une
manière dynamique et stratégique;
constituer une base de données sur
le style de vie de chaque client, pour
être à même de devenir le «conseiller
principal» des clients fortunés et à
valeur nette élevée, tout en établissant
des relations avec d’autres profes-
sionnels qui servent ces clients;
maximiser l’effet de levier au sein
de la collectivité par le biais du
bouche à oreille et des références.
De l’importance du mode de vie
Le mode de vie est l’envers de l’inves-
tissement : plus le train de vie d’un
client est financièrement exigeant,
moins ce client aura de revenus dis-
ponibles à investir. En fait, une
consommation actuelle mal contrô-
lée ou peu utile accroît le risque de ne
pas atteindre les objectifs futurs. Il
doit y avoir une relation très étroite
entre un plan de mode de vie bien
conçu et le plan d’investissement qui
en découle.
La planification des habitudes de
vie se résume à comprendre les modè-
les de consommation de l’investisseur
(ainsi que ses décisions en matière
d’épargne et d’investissement) afin de
brosser un tableau complet de ses
désirs, besoins et objectifs.
Un conseiller aura intérêt à consa-
crer autant de temps à établir ce qui
motive les besoins de consommation
présents d’un investisseur qu’à défi-
nir le montant d’argent à économi-
ser pour atteindre les objectifs finan-
ciers futurs.
Les questions de planification du
style de vie revêtent une importance
particulière lorsqu’on traite avec des
investisseurs à valeur nette élevée. Ces
clients ne sont pas nécessairement
fortunés du fait qu’ils gagnent beau-
coup d’argent.
Il existe une différence fondamen-
tale entre bâtir sa fortune et mainte-
nir un train de vie somptueux. En fait,
les recherches montrent que plusieurs
des personnes les plus riches au
monde ont tendance à vivre bien en
deçà de leurs moyens : elles économi-
sent un pourcentage élevé de leurs
revenus et sont extrêmement systéma-
tiques et méticuleuses pour ce qui est
de l’accumulation de leurs richesses.
Ce sont très souvent des entrepreneurs
qui comprennent le risque de ne pas
économiser pour favoriser leur auto-
nomie financière. Autrement dit, le
mode de vie actuel d’une personne est
le facteur déterminant le plus impor-
tant de la préservation de sa fortune,
comme le confirme une excellente
étude menée auprès d’un échantillon-
nage de millionnaires américains,
publiée par Thomas J. Stanley dans
The Millionaire Next Door.
La valeur temporelle de l’argent :
un facteur clé
Bien qu’un dollar gagné puisse être
utilisé de nombreuses façons, il est
soit consommé ou économisé (c’est
là l’une des notions les plus fonda-
mentales de l’économie moderne).
Pour un niveau de revenu donné, une
personne peut décider de maintenir
un taux de consommation élevé
et choisir de réduire son épargne,
ou l’inverse.
Le report de la consommation se
traduit par une hausse future de la
consommation, permettant du coup
à l’investisseur de prendre part à l’un
des phénomènes les plus percutants
en investissement, à savoir ce que les
techniciens de la finance appellent la
«valeur temporelle» de l’argent.
Pourquoi donc la valeur temporelle
de l’argent est-elle aussi importante?
Comme nous le savons tous, le temps,
c’est de l’argent (l’argent «patient»
résultant de l’intérêt composé) et
il favorise toujours l’investisseur qui
adopte un horizon d’investissement
à long terme et comprend ces prin-
cipes financiers.
Plusieurs bonnes raisons incitent
donc le conseiller à étudier le style de
vie de sa clientèle à valeur nette élevée.
OBJECTIF CONSEILLER
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La principale, toutefois, est assez
simple : bien des gens n’ont pas la
moindre idée de leurs objectifs finan-
ciers. D’autres sont tellement pris par
leurs activités qu’il leur reste très peu
de temps pour planifier (sans parler
d’optimiser) leurs finances person-
nelles. La richesse n’est pas synonyme
de sagesse financière. Il arrive même
que certaines des personnes les plus
riches ne comprennent pas en quoi
leur mode de vie actuel influe sur
leurs affaires à long terme.
En aidant ces derniers clients à exa-
miner leur façon de vivre présente, le
conseiller peut évaluer d’une manière
réaliste comment ils peuvent conti-
nuer de maintenir ou d’améliorer leur
mode de vie tout en économisant en
vue de la retraite, de la succession ou
de la vente d’une entreprise.
Revoir le rôle du conseiller
Les personnes fortunées et à valeur
nette élevée ont besoin d’aide pour
différentes facettes de leur vie. Elles
sont en général guidées relativement
aux impôts, à la succession, à la PME
et au mode de vie, chaque facette
représentant une partie de l’ensemble
de leur situation financière.
Pour conseiller ces clients, il faut
travailler en collaboration avec d’au-
tres spécialistes (comptables, fisca-
listes et autres) qui ont souvent
entretenu des relations pendant plu-
sieurs années avec un investisseur.
Demandez-vous ce que vous pouvez
apporter de plus. Comme spécialiste
des finances, une méthode de plani-
fication des habitudes de vie peut
vous permettre d’offrir de manière
inégalée une gamme complète de
conseils. Vous avez la capacité de
prodiguer de précieux conseils à l’in-
vestisseur quant à ses décisions finan-
cières actuelles, et non pas sim-
plement aux décisions dont les
répercussions ne se feront sentir que
dans 20 ou 30 ans. Vous avez l’occa-
sion de proposer un programme
exhaustif à l’investisseur disposé à
recevoir vos conseils.
De plus, les planificateurs, cour-
tiers, agents d’assurance et services de
courtage réduit, ainsi que la nouvelle
génération de conseillers associés aux
banques, se livrent une bataille de
plus en plus féroce pour gérer la for-
tune des investisseurs. Mais les per-
sonnes fortunées et à valeur nette
élevée ont des préoccupations diffé-
rentes de celles de l’investisseur
moyen et doivent composer notam-
ment avec des questions telles que les
fiducies familiales, la planification
successorale et les abris fiscaux. Cela
demande des compétences finan-
cières qui permettent de traiter les
questions particulières relatives à
l’entreprise et au style de vie. Une
bonne connaissance des modèles de
consommation et d’épargne de l’in-
vestisseur s’impose pour offrir ce
genre de conseils.
Les questions pièges
La planification du mode de vie
repose sur des principes simples :
découvrir ce que les investisseurs
achètent, les services pour lesquels ils
paient et les caractéristiques de leurs
modèles de dépenses. L’objectif est
de recueillir des données qui serviront
à illustrer les répercussions sur le style
de vie choisi et sur les décisions d’in-
vestissement. L’exécution d’un tel scé-
nario est parfois plus délicate. Quelles
questions poserez-vous? Dans quel
ordre? En quoi cela est-il lié à l’inves-
tissement? Comment peut-on évaluer
le mode de vie de l’investisseur?
Comment peut-on l’aider à appliquer
à sa situation d’aujourd’hui les avan-
tages propres à la planification du
style de vie?
La première étape pour répondre à
ces questions est d’évaluer les choix
et préférences de l’investisseur concer-
nant le mode de vie, au moyen d’un
questionnaire soumis au cours d’une
rencontre privée. Typiquement, les
questions posées aborderont une vaste
gamme de sujets : emploi et satisfac-
tion au travail, mois les plus occupés,
appartenance à des associations, loi-
sirs, bénévolat, revues favorites, plans
de voyage et de vacances, etc.
Le but est de définir un modèle de
dépenses liées au style de vie, classées
selon leur importance relative. Par
exemple, des vacances hivernales dans
les Caraïbes sont-elles relativement plus
importantes que des activités équestres
l’été? Le classement est subjectif et tient
compte des préférences mentionnées.
L’étape suivante consiste à évaluer
ces préférences dans une juste pers-
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pective. Chaque élément du mode de
vie actuel est mis en contraste avec des
éléments potentiels du mode de vie
futur. Autrement dit, des scénarios
ultérieurs sont comparés aux déci-
sions de consommation présentes. Par
exemple, l’appartenance à un club
dont on ne profite que très rarement
peut être évaluée par rapport aux
avantages d’investir dans un régime
enregistré d’épargne-études qui per-
mettrait aux petits-enfants de fré-
quenter l’université de leur choix.
La dernière étape consiste à servir
le client en fonction du style de vie.
Pour y arriver, le plan du mode de vie
dresse le tableau des habitudes de vie
futures qui soient pratiques, réalisables
et conformes au train de vie actuel.
Votre analyse du mode de vie pré-
sent d’un client et les conséquences des
décisions courantes constituent la base
d’un scénario réaliste d’un style de
vie futur.
Un nombre surprenant d’investis-
seurs encaissent paye après paye ou
reçoivent un relevé de compte men-
suel après l’autre et économisent selon
les mécanismes automatiques mis en
place. Il est également inquiétant de
constater que ces investisseurs à valeur
nette élevée ne consacrent pas plus de
temps qu’il faudrait à la gestion de
leurs finances. Comme le cite Talbot
Stevens, dans son best-seller national
Financial Freedom Without Sacrifice, même
la plus élémentaire discipline consis-
tant à se «payer soi-même en premier
lieu» ou à économiser 10 % de son
revenu est rarement respectée en pra-
tique; c’est pourtant une discipline
qui s’applique aux personnes à valeur
nette élevée comme à quiconque.
Bien maîtriser les données
sur le client
L’avantage de documenter un plan de
mode de vie au nom de chaque inves-
tisseur est que cela permet de créer
une base de données exceptionnelle
sur les clients. Grâce aux éléments
permettant de suivre les besoins et les
modèles de consommation actuels
des clients, un conseiller peut facile-
ment établir des rapports stratégiques
pour offrir des conseils plus appro-
priés et améliorer le niveau de service
offert à chaque client.
Par exemple, une tendance domi-
nante dans les besoins de vos clients
aux plans des loisirs, du foyer ou de
la famille peut se traduire par une
occasion de faire équipe avec des
fournisseurs de services de votre
région qui comblent ces besoins. Ou
encore, vous pouvez identifier cer-
tains de vos clients qui consacrent
beaucoup de leurs temps libres à une
activité précise : collection d’œuvres
d’art, décoration d’intérieur, chasse
ou pêche, pour ne nommer que celles-
là. Prenons un exemple plus concret :
si la moitié de vos clients jouent au
golf à intervalles réguliers, votre affi-
liation à un club de golf ou à un
détaillant d’équipement ou encore
votre commandite d’événements spé-
ciaux permettront d’associer votre
nom à ce type d’activité et favorise-
ront une visibilité exceptionnelle.
Le fait de vous identifier aux
besoins de vos clients concernant leur
mode de vie du moment présente des
avantages considérables. Les investis-
seurs cessent de vous considérer stric-
tement comme le spécialiste du pla-
cement axé sur l’avenir, mais vous
voient également comme celui qui les
encourage à vivre pleinement leur vie
dès maintenant tout en réalisant leurs
objectifs financiers de demain.
Quand présent et futur
se côtoient
Il ne fait aucun doute que des objectifs
à long terme sont les principaux fac-
teurs de la planification financière de
toute une vie; en fait, l’approche à long
terme est la base même de l’accumu-
lation d’actif, de la gestion du risque et
de la constance. Mais cela soulève pré-
cisément la question consistant à éta-
blir la façon dont la planification du
style de vie complète les moyens tra-
ditionnels. Rien ne fait mieux ressortir
les avantages des objectifs à long terme
qu’un examen minutieux des répercus-
sions des activités financières et éco-
nomiques présentes sur ces objectifs.
Et n’est-il pas plus facile d’intéres-
ser vos clients à ce qu’ils vivent main-
tenant plutôt qu’à ces objectifs à long
terme, si lointains?
Pierre Saint-Laurent, M. Sc., AFA, est vice-pré-
sident du marketing à StrategicNova. Économiste
d’expérience, il a siégé à plusieurs comités de
l’Institut des fonds d’investissement du Canada.
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