
Origine des lésions de l’ADN
et polymorphisme génétique
Lésions de l’ADN et anomalies chromosomiques
Les agents mutagènes/cancérogènes subissent en général
plusieurs transformations métaboliques dans l’organisme,
ce qui peut conduire à leur élimination mais aussi parfois à
la formation de composés capables d’altérer les macromo-
lécules cellulaires. Pour lutter contre certaines agressions
d’origine endogène liées à l’hydrolyse spontanée et aux
produits du métabolisme cellulaire oxydatif, à savoir les
espèces radicalaires (ion superoxyde, radical hydroxyle, eau
oxygénée), la cellule est dotée de systèmes enzymatiques
(superoxyde dismutase, glutathion peroxydase, catalase)
chargés d’éliminer ces produits, ainsi que de petites molé-
cules sentinelles (scavenger) capables de capter ces espèces
radicalaires. Ces biotransformations ont lieu selon deux
phases réactionnelles, dites phase I responsable des phéno-
mènes de toxification/fonctionnalisation (comme les cyto-
chromes P450 mono-oxygénases) et phase II responsable
des phénomènes de détoxification/conjugaison (comme les
glutathion S-transférases, N-acétyl-transférases, sulfotrans-
férases) catalysées par les enzymes du métabolisme des
xénobiotiques [13]
. Il s’ajoute à ces enzymes des protéines
de transport de phase III assurant le transfert des métaboli-
tes dans la cellule ou hors de la cellule, par exemple la
protéine P-gp (codée par le gène MDR1 pour multidrug
resistance) et les protéines de la famille ABC (ATP bin-
ding cassette) [13].
La molécule d’ADN est une structure dynamique sujette à
de constants changements. Ces variations sont consécuti-
ves, d’une part, à des erreurs spontanées et, d’autre part, à
des lésions de l’ADN induites par des agents physiques ou
chimiques (ultraviolets, radiations ionisantes, produits
chimiques) qualifiés de génotoxiques. Les cellules ont
donc développé des systèmes de surveillance et de répara-
tion pour maintenir l’intégrité de leur matériel génétique
(réparation par réversion directe, réparation par excision
des nucléotides, réparation par excision des bases, répara-
tion des cassures double brin) [14].
Les systèmes enzymatiques de réparation par réversion
directe (direct reversal repair ou DRR) éliminent les
lésions en catalysant la réaction inverse à celle qui a
conduit à former ces lésions. Ces systèmes de réparation
ont pour avantage d’être hautement spécifiques, ce qui est
également un désavantage puisque leur adaptabilité sera
limitée. Le système de réparation par excision des nucléo-
tides (nucleotide excision repair ou NER) constitue un
système de défense majeur contre les effets des rayonne-
ments ultraviolets solaires. Il peut reconnaître un grand
nombre de lésions de l’ADN et joue un rôle important
notamment dans la réparation des adduits volumineux
(bulky adducts) entraînant une distorsion de la double
hélice [15]. Le système d’excision des bases (base exci-
sion repair ou BER) est le mécanisme de réparation le
plus important vis-à-vis des lésions oxydatives de l’ADN,
qu’elles soient générées lors du métabolisme cellulaire
normal ou à la suite d’exposition à des agents exogènes.
Ce système d’excision-resynthèse permet de réparer, de
façon rapide et fidèle, les lésions d’une base et les cassures
simple brin, le brin intact étant utilisé comme modèle
[14]. Les voies de réparation des cassures double brin
(double strand break repair ou DSBR) sont la recombi-
naison homologue, processus de réparation fidèle, et la
religation directe des extrémités de l’ADN, processus de
réparation fautif pouvant conduire à des erreurs (recombi-
naison illégitime), ainsi qu’à une perte de matériel généti-
que (délétions). En fait, la mise en œuvre de ces processus
de réparation des cassures double brin chez les mammifè-
res varie selon les phases du cycle cellulaire [16]. Des
capacités de réparation des lésions de l’ADN, variables
selon les individus, peuvent expliquer une sensibilité dif-
férente de chacun aux agents mutagènes/cancérogènes et
une prédisposition au cancer [17].
Anomalies chromosomiques
et polymorphisme génétique
À chacune des étapes de la cancérogenèse, depuis la plus
précoce (la génotoxicité) jusqu’à la plus tardive (le clone
tumoral constitué), l’environnement et l’hérédité sont en
étroite interaction. Un champ actuel d’investigation est
d’associer aux biomarqueurs de susceptibilité génétique,
capables de rendre compte de la susceptibilité aux cancers
et de différences interindividuelles dans la réponse à une
exposition génotoxique, le test des micronoyaux, témoin
d’une interaction entre l’environnement et le matériel
génétique de la cellule (figure 2) [2, 18]. Les modulations
des dommages à l’ADN et plus particulièrement de la
fréquence ou du contenu centromérique des micronoyaux
par le polymorphisme génétique de gènes impliqués dans
le métabolisme des xénobiotiques (activation ou détoxifi-
cation), dans la réparation des lésions de l’ADN ou dans le
métabolisme des folates commencent à être largement
documentées [6]. Une récente analyse poolée étudiant
l’influence des polymorphismes génétiques de GSTM1
(Glutathion S-transférases de classue mu 1) et GSTT1
(Glutathion S-transférases de classe thêta 1) sur la fré-
quence des micronoyaux sur lymphocytes périphériques a
montré que les sujets GSTT1 nuls avaient des taux moins
élevés de micronoyaux que ceux GSTT1 positifs [19].
Nous avons également mis en évidence que les individus
GSTM1 positifs présentaient des taux plus élevés de
MNC- comparés à des individus GSTM1 nuls, le poly-
morphisme génétique pouvant également influencer le
mécanisme de formation des micronoyaux et donc le
contenu centromérique des micronoyaux [20, 21].
revue générale
Ann Biol Clin, vol. 65, n° 4, juillet-août 2007360
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