
Juin 2011
94
donner leur indépendance aux colonies. Elle a refusé de laccorder au pavillon français. 
Il en résulte que le droit du pavillon est resté inchangé, contraint par lenvironnement 
social conventionnel et de droit public qui sétait construit sous le parapluie protec-
tionniste du pacte colonial. uand André Malraux écrit : « Toute colonie naît avec un 
signe de mort au ont. », il signie également : « Tout pavillon colonial naît avec un 
signe de mort au ont. » Sur les navires civils battant pavillon colonial, sappliquent 
les 40 heures, les 39 heures, puis les 35 heures, les congés de cinq semaines et la retraite 
à 55 ans. Le droit national sajoute aux conventions internationales pour peser sur le 
pavillon et le rendre incapable de soutenir la concurrence des autres pavillons. Comme 
René Girard le fait observer, la logique du désir mimétique peut produire des conduites 
apparaissant comme des recherches volontaires de léchec.
Le politique va tenter de pallier ce handicap en maintenant des pratiques du 
temps des colonies : cargaisons réservées (pétrole, aide alimentaire, transports dÉtat 
vers les collectivités doutre-mer) et tracs protégés (desserte de la Corse, banane an-
tillaise). Dans le secteur du pétrole brut, la loi de 1928 maintient un trac réservé au 
nom de lindépendance énergétique de la France. Ce secteur fait du tonnage comme 
lillustre laventure sans avenir des quatre navires citernes français de 500 000 tonnes : 
en 1976, notre pays construit et arme les plus grands navires du monde, sans quil y ait 
un marché à leur taille. Ces expédients ne sont pas susants pour que la France puisse se 
prémunir dune concurrence de son pavillon, qualiée de déloyale. Il faut alors y super-
poser des subventions publiques et puis plus subtilement, mettre en place de nouvelles 
pratiques sur les anciennes routes impériales dAfrique noire, grâce aux liens privilégiés 
que lancienne puissance de tutelle entretient avec ses anciennes colonies.  
Les subventions sont de trois natures. Les deux premières concernent len-
semble des armements. Dune part, les contribuables sont invités à leur apporter des 
aides nancières à linvestissement (jusquà 10 % du prix dacquisition du navire) et un 
soutien bancaire par bonication des intérêts des emprunts dont le taux est plafonné à 
8,5 % ce qui en ces temps anciens dination à deux chires, permet aux armateurs de 
payer leurs navires avec de largent emprunté à taux négatif.  Ce soutien nest pas sans 
contrepartie. Les armateurs sont priés de commander leurs navires dans des chantiers 
français. Dautre part, les cotisants du régime général de sécurité sociale sont invités 
à combler le décit du régime exorbitant du droit commun de protection sociale des 
marins. Les troisièmes subventions sont moins visibles. Elles semploient à recapitaliser 
le décit récurrent des entreprises darmement nationalisées (CGMF et SNCF).
Le paquebot France, euron de la construction navale et de larmement na-
tional construit avec largent public est obsolète dès sa mise en service en1962, qui 
coïncide avec lentrée en ligne du Boeing 707-120B sur le marché transatlantique 
des passagers et lavènement du transport aérien de masse.  La mise à la chaîne de ce 
magnique objet dart au «quai de loubli» en 1974 est un traumatisme pour la 
communauté maritime. La otte marchande française sous pavillon connaît alors 
de graves problèmes demploi secoués de violents mouvements sociaux. Ces événe-
ments médiatisés cachent le dépavillonnement des navires des classes les plus ba-
nales (cargos, vraquiers…) vers des cieux plus cléments, la disparition de nombreux 
Un demi-siècle de pavillon ançais
Histoire maritime