102 L’INDIVIDU FACE AU TRAVAIL
Hedge, 1997 ; Landy, Shankster et Kohler, 1994 ; Schmidt, Ones et Hunter,
1992). En France, depuis une décennie, le lecteur concerné par ce champ
n’aura pas manqué l’ouvrage de synthèse de Lévy-Leboyer (1996) ainsi
que l’article du même auteur (Lévy-Leboyer, 1990). Par ailleurs, un
ouvrage plus réduit, insistant davantage sur les questions générales que sur
les données scientifiques, est également disponible (Jouve et Massoni,
1996).
Malgré cet ensemble de publications, le champ de l’évaluation du person-
nel apparaît encore faiblement théorisé, la plupart des travaux disponibles
s’appuyant sur une conception empirique de la recherche ; ainsi Landy,
Shankster et Kohler (1994) soulignent bien cette question en s’interrogeant
sur ce que mesure véritablement l’entretien de recrutement. Le modèle de
référence le plus répandu – implicitement parfois – reste celui de l’apparie-
ment entre l’homme et son travail dans le but d’une maximisation de la
performance ; il conforte donc une explication de la réussite au travail selon
laquelle les facteurs individuels seraient déterminants, résultant d’une inter-
nalisation de la notion de performance (Dubois, 1994). Or une focalisation
excessive sur ces facteurs pourrait conduire à faire l’impasse sur les facteurs
organisationnels traités par ailleurs dans cet ouvrage ; ainsi, quel crédit peut-
on accorder à une procédure de recrutement lorsque les conditions de climat
social, de sécurité au travail ou d’encadrement managerial ne sont pas
remplies a minima ?
Paradoxalement, le domaine du recrutement jouit d’une image plutôt
négative, relayée en partie par les médias ; certains d’entre nous ont pu ainsi
découvrir une publicité dans laquelle une responsable du recrutement est
ridiculisée parce qu’elle se fonde sur le goût d’un camembert pour prendre
ses décisions d’embauche. Les films cinématographiques contemporains
sont nombreux à présenter des scènes de recrutement tout à fait détestables
(par exemple : Gérard Jugnot dans Une époque formidable). Il n’est donc pas
déplacé d’affirmer, en France du moins, que les recruteurs n’ont pas bonne
presse.
Il faut aussi souligner que le « métier » de recruteur se caractérise
comme l’un des plus ingrats et des plus difficiles qui soient. Disposant
d’un cadre référentiel en construction, il est soumis à une incertitude
forte quant à ses décisions, considérées souvent comme hasardeuses et
toujours entachées d’erreurs, même lorsque les meilleures méthodes sont
employées. D’autant plus que ces décisions doivent souvent être prises
dans l’urgence, consécutivement à une pression forte de l’environne-
ment. Le recruteur doit de plus gérer une situation totalement asymétri-
que (le pouvoir du recruteur est considérable, celui du candidat faible),
et jouer le rôle d’un inquisiteur face à un public qui n’est pas demandeur
d’un strip-tease psychologique et qui, de surcroît, est souvent composé
d’individus fragilisés par la perte ou l’attente d’un emploi. Il n’est
d’ailleurs pas exclu qu’une représentation de « rôles » en termes de