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Guerre et paix
« J’ai trop aimé la guerre » aurait dit Louis XIV mourrant. Sur 54 années de règne personnel,
la guerre occupe en effet 29 années. Il n’est pas le seul souverain dans ce cas Guillaume
d’Orange et l’empereur Léopold ont fait autant de guerres que lui. Roi de gloire, le Roi Soleil a
dans ses prérogatives le pouvoir de déclarer la guerre. Un de ses objectifs est d’assurer la
suprématie de son royaume sur les autres puissances européennes. Les premiers conflits sont
victorieux et s’inscrivent dans la continuité de l’action de Richelieu et de Mazarin. Les deux
dernières guerres lui furent par contre imposées par ses ennemis.
I Les moyens de la politique extérieure
A) La diplomatie
Louis XIV élabore la politique étrangère en étroite collaboration avec son secrétaire d’Etat
aux affaires étrangères : il s’agit successivement de Lionne, Pomponne, Colbert de Croissy et
Colbert de Torcy. Si le roi utilise parfois les services de la famille royale, grâce aux alliances
matrimoniales contractées avec les autres maisons régnantes (Henriette d’Angleterre mariée
à Monsieur en 1661 ; la fille de Victor-Amédée II de Savoie mariée au duc de Bourgogne), il
s’appuie surtout sur les ambassadeurs, à Rome, à Venise, à Londres mais un simple résident à
Vienne car il n’admet pas que l’ambassadeur d’Espagne ait le pas sur celui de France. Comme
Richelieu et Mazarin, il finance des souverains étrangers, les rois d’Angleterre, de Danemark,
l’Electeur de Brandebourg lorsqu’il ne peut ou ne veut pas intervenir directement.
B) L’armée de terre, une force redoutable
Les effectifs de l’armée française n’ont cessé de croître tout au long du siècle et c’est pour
assurer le financement de cette force que le pouvoir royal n’a cessé de se renforcer pour
éliminer tous les obstacles (réticences parlementaires, révoltes populaires). C’est là une
différence fondamentale avec l’Angleterre dont l’armée reste peu importante et étroitement
contrôlée par le parlement. Grâce à une fiscalité élevée, les effectifs restent élevés en temps
de paix 40000 hommes en 1662, 84000 en 1671, 150000 en 1699 ; mais ils s’enflent lors des
conflits : 150000 voire 175000 en 1668, 220000 pendant la guerre de hollande, 273000 en
1691 et 395000 vers 1696, entre 350 et 400000 pendant la guerre de succession d’Espagne.
Le roi de France tire profit de sa population, beaucoup élevée que celle de l’Espagne, ou de
l’Allemagne, en baisse ou de l’Angleterre. Un homme sur dix en état de porter les armes est
mobilisé. Il faut toutefois enlever les déserteurs, les passe-volants soit 15 à 20% des
effectifs. Ne pouvant compter sur le seul enrôlement des Français, le roi recourt au
recrutement étranger, surtout au fur et à mesure que les guerres se multiplient : de un
dixième de l’infanterie pendant la guerre de Dévolution, les soldats étrangers représentent un
quart par la suite. Mais attention, on peut trouver des français enrolés dans les corps
étrangers. Les plus importants sont les Irlandais, les Allemands et les Ecossais, mais aussi les
Suisses. Le système repose sur l’enrôlement volontaire pour une durée de trois ans (1682),
pratiqué surtout en hiver. Il y a des abus avec des recrutements forcés, le système des
passe-volants. L’armée fait l’objet de toutes les attentions et c’est la dynastie des Le Tellier
qui garde le Se à la guerre de 1643 à 1701. Louvois, associé à son père dès 1662 et titulaire de
plein exercice dès 1677, crée en 1688 la milice royale. Supprimée en 1698, elle est rétablie de
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1701 à 1714. Sous les ordres de l’intendant, les miliciens sont recrutés dans les villages,
d’abord par élection puis très vite par tirage au sort sur des listes d’hommes mesurant au
moins cinq pieds (1,62 m). Après Le Tellier qui avait réglementé le logement des soldats chez
l’habitant, Louvois et Vauban favorisent la construction de casernes. Louvois développe aussi
le port de l’uniforme pour réduire le flou qui existait encore : bleu pour les régiments royaux,
rouges pour les Suisses, gris-blanc pour le reste de l’infanterie. Il réorganise l’appellation des
régiments : il y a les régiments royaux, ceux qui portent le nom de leur colonel et ceux qui
portent un nom de province. Il tente d’unifier la discipline, d’uniformiser les traitements, de
mettre davantage d’ordre dans la hiérarchie militaire. Les charges de capitaine, de mestre de
camp et de colonel sont alors vénales mais pas celles d’officiers généraux (brigadier, créé en
1667-68, lieutenants généraux (=division) et maréchal de camp (= général de brigade). C’est le
début d’un processus qui sera poursuivi au XVIIIe siècle, notamment par Choiseul.
L’armement évolue peu au cours du siècle qui ne voit pas d’innovations majeures: le mousquet à
mèche cède peu à peu la place au fusil, apparu vers 1635. Il disparaît en 1699 et la pique en
1703. La baïonnette fut généralisée à partir de 1690 et la cartouche au début du XVIIIe
siècle. Louvois met sur pied en 1690 une compagnie de carabiniers par régiment de cavalerie.
L’artillerie fait l’objet de tous les soins de Louvois et le premier régiment est formé en 1684.
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C) La marine, arme choyée
Richelieu avait formé une marine puissante mais la situation s’était détériorée sous Mazarin.
Colbert ambitionne de donner à la France la première puissance navale et il sera aidé dans sa
tâche par un très bon marin, Abraham Duquesne. L’Etat consacre des sommes considérables à
l’équipement des ports militaires, Brest, Le Havre, Toulon, Rochefort et Dunkerque. On y
aménage de gigantesques arsenaux. Pour trouver davantage de matelots pour servir sur des
navires plus nombreux, Colbert crée le système des classes, en obligeant les matelots qui
veulent devenir pêcheur ou marin sur un navire de commerce à servir sur les vaisseaux du roi.
Mais, en temps de guerre, on recourt à la presse, une forme de racolage. Entre 1664 et 1691,
les dépenses navales représentent un dixième du budget français car le coût de construction
d’un vaisseau de ligne, des équipements en canon est très lourd : entre 1671 et 1691, le
nombre de vaisseaux de ligne passe de 120 à 135, celui des frégates de 15 à 38, celui des
galères de 21 à 37. Un vaisseau de 4e rang fait 5 à 600 tonneaux, à 2 ponts, 40 canons, plus de
150 h d’équipages, 8 ancres, 2500 m2 de voile (x2) et 100 km de cordage. De 1672 à 1692, la
marine a coûté 220 millions. Les campagnes de 1675 et 1676 montrent la puissance de la
flotte française dirigée par Vivonne et Duquesne. Après Colbert, la marine échoit à
Pontchartrain. La situation se retourne et après la défaite de La Hougue en 1692, la France
opte pour la guerre de course, faite soit par des escadres royales soit par des corsaires
comme Duguay-Trouin.
II La prépondérance française 1661-1688
Mazarin avait su bien su négocier la paix des Pyrénées en 1659 ; la France avait obtenu le
Sundgau, le Roussillon et la Cerdagne.
A) Les belles années 1661-1672
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Soucieux d’assurer la prééminence française, Louis XIV, dans le prolongement de ses
prédécesseurs, consolide les alliances de la France, confortant la Ligue du Rhin en 1663,
poursuivant les liens amicaux avec la Suède (1661), les Provinces-Unies (1662) et le Danemark
(1663), pays protestants. Il tente un rapprochement avec l’Angleterre en mariant Monsieur à
Henriette, sœur de Charles II. Il envoie un corps de 6000 hommes pour défendre Vienne
contre les Turcs mais poursuit la politique d’amitié avec la Porte. Les Capitulations sont
renouvelées en 1673. Louis XIV va tirer profit du non paiement de la dot de Marie-Thérèse
habilement négociée par Mazarin. Il utilise, en droit public, une coutume de droit privé, le
droit de dévolution pour réclamer les Pays-Bas. L’Espagne refusant, il envahit les Pays-Bas,
occupe Lille, lance Condé sur la Franche-Comté. Les Provinces-Unies s’inquiètent de la
proximité de la France et s’allient avec la Suède et l’Angleterre, inquiètes également. La
négociation aboutit à la paix d’Aix-la-Chapelle (mai 1668) : La France obtient une partie de
l’Artois et de la Flandres, Lille, Armentières, Douai, Tournai, Charleroi, Courtrai enclaves dans
les Pays-Bas.
B) La guerre de Hollande 1672-1678
Les relations avec les Provinces-Unies se dégradent. Le roi est mécontent de l’accueil réservé
aux jansénistes et aux huguenots français, il veut réduire la puissance commerciale de ce
pays, il lui reproche d’avoir freiné ses conquêtes aux Pays-Bas. Il renouvelle l’alliance
suédoise, négocie avec l’évêque de Liège, signe avec l’Angleterre, hostile aux PU, le traité de
Douvres (1670). Les Anglais attaquent sans succès sur mer tandis que les Français atteignent
le sud des Provinces-Unies, s’approchent d’Amsterdam. Guillaume d’Orange, stathouder,
organise la résistance et parvient à étendre le conflit. En 1673, l’Espagne, les Provinces-Unies,
l’Empire se coalisent contre Louis XIV. Abandonnée par l’Angleterre en 1674, la France ne put
compter que sur la Bavière et la Suède. Les succès français conduisent les Provinces-Unies à
signer la paix de Nimègue en août 1678 puis l’Espagne (septembre 1678) et l’Empire (février
1679). L’Espagne cède la Franche Comté à la France –qui obtient la ville libre de Besançon-,
quelques territoires des P-B, Valenciennes, Cambrai, Saint-Omer, Ypres, Maubeuge, tandis que
la France restitue Maastricht aux P-U, Charleroi et Courtrai à l’Espagne et rétablit le tarif
douanier de 1664.
C La politique des Réunions 1678-1688
Louis XIV et son SE aux affaires étrangères Colbert de Croissy, s’appuyant sur la paix de
Nimègue, lancent une politique d’annexions en pleine paix, à l’égard de territoires dépendants
de ceux qu’elle avait annexés en vertu des traités. Elle annexe Courtrai, quatre-vingt fiefs en
Lorraine, dix villes en Alsace dont Strasbourg en 1681, le comté de Montbéliard. L’Empereur
s’oppose mais menacé par les Turcs il préfère signer une trêve de vingt ans, la Trêve de
Ratisbonne. Mais la révocation de l’édit de Nantes récolte les pays protestants. Ainsi la
politique religieuse et la politique des réunions finissent par réunir les adversaires de Louis
XIV en une vaste coalition, la Ligue d’Augsbourg (juillet 1686) qui réunit l’Espagne, l’Empire, la
Suède, de nombreux princes allemands puis Guillaume d’Orange qui vient de prendre le pouvoir
en Angleterre.
III Les difficultés de la fin du règne 1689-1715
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A) La Guerre de la Ligue d’Augsbourg 1689-1697
La France prend l’initiative et Louvois fait saccager le Palatinat ce qui renforce la coalition.
Les opérations terrestres donnent de bons résultats pour la France mais les combats sur mer
sont indécis. Le front se stabilise en 1693 mais les négociations ne commencent qu’au début
de 1697. Lors de la paix, Louis XIV cède une grande partie des réunions mais garde
Strasbourg et Longwy, restitue Pignerol au duc de Savoie, il reconnaît Guillaume d’Orange
comme roi d’Angleterre à qui il restitue sa principauté d’Orange.
B) La Guerre de Succession d’Espagne 1702-1714
Le roi d’Espagne, Charles II de Habsbourg n’a pas d’enfant et il choisit pour successeur
Philippe d’Anjou, un Bourbon, à condition qu’il renonce au trône de France. Louis XIV avait
signé un accord de partage différent avec l’empereur. Celui-ci est mécontent et le reste de
l’Europe inquiet car Louis reconnaît Jacques III Stuart comme roi d’Angleterre, maintient les
droits de Philippe sur la Couronne de France et installe ses troupes sur les places de la
barrière des Pays-Bas. France et Espagne doivent faire face à une coalition. Les généraux
français sont médiocres face au duc de Marlborough et au prince Eugène de Savoie. Les
intérêts divergents des coalisés vont aider Louis XIV car l’Angleterre hostile à une trop
grande puissance française ne veut pas renforcer pour autant celle des Habsbourg.
C) L’Europe à la fin du règne de Louis XIV
En avril 1713, cinq traités sont signés à Utrecht puis en mars 1714 un autre à Rastadt.
L’empire espagnol est partagé : Philippe V de Bourbon garde l’Espagne, les Amériques, les
Philippines. Charles VI de Habsbourg reçoit le Milanais, Naples, la Sardaigne, les présides de
Toscane, Victor-Amédée de Savoie devient roi et obtient la Sicile. Louis XIV cède en
Amérique la baie d’Hudson, Terre-Neuve et l’Acadie à l’Angleterre, abandonne Ypres et
Tournai aux Pays-Bas, expulse le prétendant Stuart et rase les fortifications de Dunkerque.
La principauté d’Orange revient à la France mais la maison de Nassau transfère le nom de
principauté d’Orange à une parie des Provinces-Unies
Commencé glorieusement, le règne de Louis XIV s’achève dans les difficultés. Certes, le
territoire – le pré carré- s’est agrandi mais le rêve de la prépondérance française s’est
évanoui. Aucun pays ne peut l’emporter, c’est le succès de la position anglaise favorable à un
équilibre européen.
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