Frédéric Durand
Maître de conférences à l’université Toulouse II - Le Mirail
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, Nantes, 2001.
Les caprices d’El Niño, ici
sécheresse et là déluge
Le phénomène El Niño, qui existe depuis la fin de la dernière
époque glaciaire, était peu marqué depuis mille ans. Centré sur
l’océan Pacifique, il a connu un regain d’activité à partir des
années 1980, se traduisant par des sécheresses ou des
inondations ressenties de l’Afrique de l’Est jusqu’aux Etats-Unis.
Anomalies pluviométriques liées à El Niño entre janvier et mars 1998
El Niño, connu aussi sous le nom d’ENSO (El Niño Southern Oscillation), est un phénomène
climatique complexe lié à l’oscillation, dans l’océan Pacifique, d’une masse d’eau chaude pouvant
être aussi vaste que les Etats-Unis. Selon une périodicité d’une ou deux fois par décennie, cette
dernière se forme en mars-avril à l’est de l’archipel indonésien sous l’effet de forts alizés venant du
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sud-est. Quand ces vents faiblissent, l’eau chaude dérive alors vers l’est, pour atteindre les côtes de
l’Amérique fin décembre, d’où son nom espagnol, en référence à l’Enfant Jésus.
Ce phénomène, qui peut être plus ou moins marqué, se traduit en premier lieu par une réduction de
la pluviométrie en Indonésie et par des précipitations abondantes sur les Andes. Il n’est pas
nouveau. Les premières observations connues remontent aux années 1525 et 1531, lorsque le
conquistador Pizarro remarqua des pluies diluviennes dans des régions du Pérou d’habitude
désertiques. Les populations côtières le connaissent bien aussi, car son arrivée modifie les courants
marins et se traduit par une baisse drastique de la pêche. Cette oscillation peut entraîner l’année
suivante un phénomène inverse appelé par analogie La Niña.
Des études paléo-climatiques indiquent qu’El Niño existait déjà il y a quinze mille ans. Même si
l’intensité du phénomène est délicate à évaluer, les chercheurs considèrent que, jusqu’à 5000 av. J.-
C., l’oscillation aurait été de faible importance. Elle aurait ensuite connu une augmentation de sa
fréquence comme de son ampleur jusqu’à la fin du Ier millénaire de l’ère chrétienne.
8 milliards de dollars
Impacts d’El Niño sur le climat mondial
L’aggravation de ces variations climatiques anciennes pourrait avoir contribué au déclin brusque de
certaines civilisations, comme celles de la vallée de l’Indus, vers 2000 av. J.-C., ou de la société
maya au IXe siècle. A partir du début du IIe millénaire, El Niño s’était manifesté de manière plus
modérée, à l’exception de pics pouvant correspondre à des périodes plus chaudes liées à un regain
d’activité solaire, comme l’optimum médiéval des XIIe-XIIIe siècles. Les mesures météorologiques,
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plus précises depuis la fin du XIXe siècle, montrent une tendance à l’augmentation de leur intensité,
surtout à la fin des années 1950, et particulièrement depuis 1982-1983.
Ces années-là, l’Indonésie a connu un défi cit pluviométrique sans précédent. Couplé à une
fragilisation des forêts par la surexploitation, ce phénomène a favorisé la propagation d’incendies sur
plus de 3 millions d’hectares à Bornéo. Parallèlement, des inondations ont frappé la Bolivie,
l’Equateur et la côte orientale des Etats-Unis, tandis que des cyclones voyaient leur trajectoire
perturbée et allaient frapper Hawaï et Tahiti. Le seul coût financier de cet El Niño de 1982-1983 s’est
élevé à plus de 8 milliards de dollars.
Des effets renforcés
D’autres, d’une ampleur notable, sont survenus depuis lors, particulièrement en 1993, 1997, 2002 et
2006. Celui de 1997-1998 a provoqué une nouvelle période de sécheresse, qui a touché les
archipels indonésien et philippin, l’Australie, mais aussi le bassin amazonien et certaines régions
d’Amérique centrale et latine, tout en suscitant de violentes tempêtes en Californie. D’autres
incendies se sont propagés en Indonésie, provoquant des fumées qui ont perturbé le trafic aérien
régional, et aboutissant au crash d’un Airbus à Sumatra. Pour la seule Indonésie, le coût des dégâts
a été évalué à 4 milliards de dollars.
Oscillation australe d’El Niño depuis 1880
Etant donné les modes de formation et de diffusion de cette oscillation, l’évolution récente du climat
laisse penser que le réchauffement contemporain induit par les gaz à effet de serre risque de
renforcer les effets d’El Niño, à la fois pour les pays riverains de l’océan Pacifique mais aussi dans
d’autres régions de la planète. De fait, au cours des années 1990, une corrélation a été établie entre
ce phénomène et des perturbations se déroulant l’année suivante dans l’océan Indien, ainsi que
dans la partie atlantique de l’Amérique. L’aggravation du réchauffement climatique pourrait donc
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entraîner une plus grande irrégularité de la mousson en Inde, des sécheresses en Afrique de l’Est, à
Madagascar et en Australie, et en même temps des perturbations en Chine, au Japon, aux Etats-
Unis, au Canada, au Brésil et en Argentine.
Sur La Toile
Site de l’Ifremer sur le phénomène El Niño : www.ifremer.fr/lpo/cours/eln...
Site national des Etats-Unis sur les prévisions météorologiques : www.cpc.ncep.noaa.gov
Centre national de la recherche scientifi que (CNRS), dossier sur le climat : www.cnrs.fr/cw/
dossiers/dosclim
Les cartes et figures ont été réalisées par un collectif
dirigé par Philippe Rekacewicz
composé d’Emmanuelle Bournay, Laura Margueritte et Cécile Marin.
Emmanuelle Bournay, géographe et cartographe, coauteure du Vital Waste Graphics,
Programme des Nations unies pour l’environnement - convention de Bâle, 2004.
Laura Margueritte, cartographe.
Cécile Marin, géographe et cartographe, coauteure de l’Atlas de l’océan mondial,
Autrement, Paris, 2007.
Philippe Rekacewicz, géographe et cartographe, auteur de LAtlas mondial de l’eau,
Autrement, Paris, 2003.
Bibliographie :
Frédéric Denhez, Atlas de la menace climatique, Autrement, Paris, 2005.
J. Jouzel et A. Debroise, Le Climat : jeu dangereux, Dunod, Paris, 2004.
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