FAVORISER LE BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL
« AIDER LE BLESSÉ ET LE BLESSANT »
Jean-Pierre Valera,
médecin du travail à la MSA de Franche-Comté.
Il revient sur le travail ef-
fectué avec Jean-Pierre
George en amont, sur
sa propre réception de
la pièce et sur la prise en
charge des risques psychosociaux (RPS).
« Le théâtre est un canal pour véhiculer les
messages de prévention. Sur la base de cas
concrets, avec l’aide d’une psychologue
clinicienne spécialisée dans la victimologie,
Isabelle Paris, nous avons décortiqué les
comportements, démonté les mécanismes,
extrait ce qui en était symptomatique. Nous
avons partagé le fruit de ce travail avec
Jean-Pierre George. Nous l’avons aiguillé
vers des personnes directement concernées
par la problématique des RPS. L’impor-
tant, c’est de faire prendre conscience
des comportements toxiques que nous
véhiculons tous au quotidien. On voit, avec
le personnage d’Olga, qu’on peut aussi
bien être victime que porteur de RPS. Les
spectateurs le perçoivent-ils ou ne vont-ils
que rigoler dessus ? Parfois, avec un peu
de bienveillance, de prise en compte de la
sensibilité d’autrui, on pourrait améliorer
les choses facilement. Il faut comprendre
que ce genre de situation nécessite une
prise en charge des deux côtés : blessé et
blessant sont à aider. » Une version DVD
du spectacle, diffusable dans le
réseau des caisses, est à l’étude.
Article de Jean-Pierre Valera et interview de
Jean-Pierre George sur notre site.
www.lebimsa.fr
© Gildas Bellet/Le Bimsa
16 JANVIER 2015 le bimsa www.lebimsa.fr
DOSSIERDOSSIER
«Un matin d’hiver…»,
un conte à rebours
Jean-Pierre George écrit.
Et il assure comme une
bête. Perché «plus haut
que les Alpes», la devise
de Forcalquier — son
antre situé entre la montagne de Lure
et le Lubéron —, le sympathique colosse
sexagénaire travaille méthodiquement.
Il transforme le matériau brut collecté
dans la réalité de ce bas monde pour en
faire du théâtre social: en démiurge, il
malaxe. Sa dernière création, commandée
par la MSA de Franche-Comté, s’intitule
Un matin d’hiver… Univers du conte? Beau
matin d’hiver ou matin d’hiver terni par
les événements, points de suspension?
Mais un élément déclencheur qui lance
l’action à coup sûr. Et quelle action! La
fin d’une vie.
Sur les planches, deux sœurs portent le
deuil. « Pourquoi notre frère Bertrand,
garçon intelligent, sensible — trop peut-
être — cultivé, et avec ce que l’on appelle
une bonne situation, en est-il arrivé à se
supprimer? », interroge Sarah, l’aînée
des deux. Qu’est-ce qui pousse un fils de
chevriers, ingénieur dans un organisme
para-agricole, passionné par le vivant, à
paradoxalement se donner la mort en se
tailladant les veines dans sa baignoire un
beau matin, comme on dit? Tout. Ce qui
ne saurait satisfaire des proches qui ont
décidé de fouiller pour en savoir davantage.
Un supérieur hiérarchique qui a du mal à
compartimenter vie professionnelle et vie
privée? Un cas de harcèlement au travail
qui vire au cauchemar? On est sur la piste.
Simple avertissement avant d’aller plus
loin: toute coïncidence ou ressemblance
avec des personnages réels n’est ni fortuite
ni involontaire, bien au contraire. C’est
même la marque de fabrique de ce type
de théâtre produit par la troupe «En com-
pagnie des oliviers», qui s’est notamment
fait connaître par son travail sur des sujets
sensibles: les aidants familiaux (Griottes
et coccinelles), les agriculteurs en difficulté
(Semailles d’automne), la solitude et le céli-
bat (Le mariage de François), la santé (Il y
a un os…), etc.
Et là, vous subodorez le truc larmoyant,
limite ch…, à l’instar de cette jeune per-
sonne du public qui ne peut s’empêcher de
verbaliser un «c’est pas des trucs vieillots au
moins, des années 1960?», en découvrant
l’accoutrement un chouïa vintage ou aus-
tère des comédiennes. Qu’elle se rassure.
Qu’on se rassure! Oyez plutôt: en plus
d’être un auteur, Jean-Pierre George est un
bateleur. On se souvient peut-être, depuis
la préface de Cromwell de Victor Hugo, que
le drame, «qui fond sous un même soue
[…] la tragédie et la comédie», puise sa
force dans «l’harmonie des contraires».
La dernière création théâtrale d’« En compagnie des oliviers » aborde le thème des risques
psychosociaux dans les entreprises. Donnée pour la première fois à Vesoul, le 4 novembre
2014, la pièce est une commande de la MSA de Franche-Comté. Un sujet épineux traité sans
pincettes mais avec force.