Exposition - Sacrées Graines - Institut des Cultures d`Islam

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ÉTABLISSEMENT CULTUREL DE LA VILLE DE PARIS
Institut
des Cultures
d’Islam
PROGRAMMATION 15/09/2016  15/01/2017
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SOMMAIRE
Édito
par Bariza Khiari, présidente de l’ICI
Avant-propos
par Bérénice Saliou, directrice artistique, culturelle et scientifique de l’ICI
Exposition : Sacrées Graines
par Elsa Blanc et David Régnier, commissaires de l'exposition
Événements
Arts de la scène
Cinéma
Conférences / débats
Carnet des Cultures d'Islam
Ateliers artistiques et activités culturelles
Visites guidées de la Goutte d’Or
Ore pédagogique
Informations pratiques
p. 4
p. 6
p. 9
p. 12
p. 16
p. 24
p. 28
p. 30
p. 36
p. 42
p. 44
p. 46
Mircea Cantor
Don’t judge, filter, shoot
Courtesy Mircea Cantor
photo credit: André Morin
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Nous traversons, stupéfaits et hébétés, une
séquence de tous les dangers : le terrorisme est
désormais le problème majeur. La France a trop
de fois été victime de cette barbarie.
Le débat intellectuel qui s’est engagé cherche
désespérément à comprendre l’irrationnel :
assiste-t-on à une radicalisation de l’islam ou
bien à l’islamisation de la radicalité ? Lanalyse
de ce terrorisme se revendiquant de l’islam reste
encore à faire tant la très grande majorité des
victimes de cette folie sont des musulmans. Si
les analyses divergent quant aux mécanismes,
au passage à l’acte, nul doute que lorigine de ces
attaques trouve leur source et leur légitimation
dans le fondamentalisme religieux et ses avatars.
Le monde musulman vit une sourance invisible
aux yeux de la majorité. En eet, la ligne de
démarcation ne se situe pas entre l’ « Orient » et l’
« Occident », mais bien au cœur même de l’islam.
Cette bataille, qui se joue au sein du monde
musulman et de ses diasporas, oppose
d’un côté l’islam traditionnel et spirituel, aux
mouvements intégristes de l’autre. Les cultures
d’islam sont un des enjeux de ce conflit.
J’ai l’intime conviction que le combat contre le
radicalisme qui gangrène et cherche à fracturer
notre société, ne pourra faire l’économie d’une
bataille culturelle d’envergure, adossée à un
contre-discours idéologique.
C’est dans ce contexte troublé que j’ai été élue
présidente de l’Institut des Cultures d’Islam
avec comme projet et ambition de mettre cet
équipement innovant au service d’une meilleure
connaissance des cultures d’islam tant auprès
de ceux qui se reconnaissent dans cette sphère
culturelle que des autres.
Parce que les savoirs, les arts, dessinent des
espaces de rassemblement, de dialogue et
d’émancipation, l’Institut des Cultures d’Islam
ÉDITO
BARIZA KHIARI
PRÉSIDENTE - INSTITUT DES CULTURES D’ISLAM
SÉNATRICE DE PARIS
doit être un vecteur de cette bataille culturelle
en permettant aux français de se (ré)approprier
les « œuvres de l’esprit » au cœur des cultures
d’islam. Face à la barbarie, faisons le pari de
la beauté, de l’intelligence et du débat, pour
faire rempart à l’obscurantisme et éteindre,
ensemble, l’incendie qui se propage.
À l’aune de ce constat et de cette feuille de route,
c’est un pari osé que d’imaginer, de concevoir, et
même de nommer une exposition autour du
grain de blé. Et pourtant ! Le blé est porteur de
sens et reste le socle de lalimentation humaine.
Le pain, aliment de base en Méditerranée, n’est-
il pas l’instrument de la communion pour le
monde chrétien ?
Le couscous - appelé communément
graine- est au cœur du partage notamment
à l’occasion des fêtes et des célébrations
rituelles. Il fait partie d’un patrimoine culturel
et traditionnel commun à l’aire arabo-
musulmane et méditerranéenne. Lexposition
Sacrées Graines nous invite à un voyage qui
interroge les pratiques politiques, culturelles
et sociales autour d’une graine qui ne prend
toute sa valeur que par le travail qu’elle
nécessite. Cette transformation du grain de blé
en farine, son, semoule, boulgour ou couscous,
est essentiellement dévolue aux femmes.
Le regard et les performances des artistes
mettent en lumière les impensés de pratiques
devenues si usuelles qu’elles ne questionnent
plus, alors même qu’elles sont de plus en plus
chargées de tensions. Dans l’ache à l’honneur,
l’artiste Zoulikha Bouabdellah tient devant son
visage une passoire qui se transforme tant en
bouclier qu’en porte-voix, permettant ainsi à
son regard plein de défi et de sérénité, de faire
voler en éclats le projet politique d’une femme
réduite à la vie domestique. Cette création
intitulée « Ni, ni, ni » réinterprète le fameux
triptyque des « trois singes de la sagesse » qui
dénonce désormais la lâcheté humaine devant
l’insupportable.
Cette exposition, qui explore l’exil, l’immigration,
et le vivre-ensemble sur fond de mondialisation,
établit un lien entre la nourriture et la conscience
d’un mouvement citoyen qui ne cesse de
grandir en faveur d’une agriculture biologique
afin d’orir aux travailleurs de la terre un juste
revenu et aux consommateurs des produits
sains. C’est le sens du soutien apporté par la
Ville de Paris à la promotion des circuits courts,
mais cette approche nécessaire ne résume pas
tous les enjeux.
En eet, la graine de blé, si symbolique, subit
maintes contraintes qui risquent d’en altérer
son sens et sa place. Chacune des étapes -
production, transformation, commercialisation,
et consommation – soulève des
interrogations contemporaines – notamment
environnementales - tout en illustrant les
rapports ancestraux entre agriculture et culture.
Si l’une cultive la terre pour nourrir les corps,
l’autre cultive les âmes pour nourrir lesprit ;
les deux se rejoignant quand la gastronomie
devient art de la table, convivialité et partage.
Orir, tel un plat à des invités de marque, ces
cultures en partage, telle est l’ambition de
cette saison culturelle riche de près de soixante
événements : passer de Muhammad Ali, figure
mythique de la boxe, musulman et militant
des droits civiques, à la découverte d’une
maître soufie du Kurdistan iranien, Malek Jân
Ne’Mati; se laisser surprendre par une chorale
venue de Nouvelle-Calédonie qui compte
dans son répertoire des chants de déportés,
notamment d'Algérie, transmis de génération
en génération… Sans pour autant oublier les
chants sacrés d'Abir Nasraoui à l’occasion du
Mawlid. Enfin, participer à un nouveau rendez-
vous de conférences-débats, intitulé Islams d’ICI
destiné à favoriser l’élaboration et l’émergence
d’un discours responsable et éclairé sur les
problématiques liées à l’islam aujourd’hui et ici.
Puissent cette exposition et cette saison
culturelle œuvrer en faveur d’une meilleure
connaissance des cultures du monde musulman
et en montrer toute la diversité et l’audace.
Puisse aussi l’Institut des Cultures d’Islam
contribuer à promouvoir tous ces « aventuriers
de la liberté » qui puisent leur inspiration dans
leur(s) histoire(s) afin de modeler les contours
d’une identité moderne qui donne toute sa
place à l’exercice de la citoyenneté.
Zoulikha Bouabdellah
Ni, ni, ni
© Zoulikha Bouabdellah
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L’artiste nous toise d’un regard frontal et
décidé. Malgré la couscoussière occultant la
partie basse de son visage, la détermination
d’un tel regard est l’armation d’une
présence - ici féminine - qui ne saurait
se laisser enfermer dans des stéréotypes
de genre, de culture ou de croyance. « Je
suis ici ; je suis ainsi » semblent proclamer
silencieusement ces yeux. Lœuvre « Ni, ni,
ni » de Zoulikha Bouabdellah réunit quelques-
uns des ingrédients faisant la saveur
spécifique de l’exposition Sacrées Graines.
Une interrogation du statut des femmes
dans la société d’abord, et de leur rôle dans
la transmission de valeurs dites culturelles
et une récurrence formelle qui s’annonce
d’emblée dans la circularité d’un ustensile de
cuisine percé d’une myriade de petits trous.
Partout, la nourriture est un formidable
vecteur du sentiment d’identification et
d’appartenance à une communauté. Le temps
du repas est celui du partage où se tissent
les fils d’une intimité familiale ou amicale
relevant de ce fameux « vivre ensemble » :
une terminologie qui, bien qu’élimée comme
un vêtement trop porté, est aujourd’hui à
protéger coûte que coûte.
Comme nous le rappelle Marcel Proust, le
goût des aliments est souvent celui de la
mémoire et des souvenirs. Aujourd’hui encore
au Maghreb, le repas est sacré, notamment le
vendredi où l’on se réunit traditionnellement
autour d’une table circulaire, sur lequel
trône un plat de forme similaire, renfermant
parfois de la viande ou du poisson ainsi que
des légumes de saison, harmonieusement
disposés sur un monticule de petites sphères
dorées, dégustées en boulettes dans la creux
de la main. C’est à ce geste particulier que
rend hommage Yazid Oulab, à travers une
vidéo créée spécialement pour l’exposition.
Projetée sur le sol, telle une invitation à
s’immerger dans un « plat-paysage », elle
décline diérentes manières de manger le
couscous, témoignant du pays d’origine
des convives. Ce « souksou », mot dont
la sonorité semble évoquer à elle seule le
roulement des graines passées au tamis,
incarne un art de vivre et des cultures, mais
aussi parfois des clichés et des préjugés
raciaux. Rien d’étonnant donc à ce que les
artistes contemporains se saisissent de ce
plat, et tel une boîte de Pandore, en soulèvent
le couvercle pour révéler d’innombrables
lectures et interprétations personnelles,
souvent critiques.
Pour Mehdi-Georges Lahlou, le temps
s’égraine à l’intérieur de fragiles sabliers
de verre soué, et s’agrège en un vestige
architectural laissant deviner des motifs
arabo-andalous rappelant ceux des zelliges
des dar du XVIIIe et XIXe siècle. C’est au sol
typique de ces demeures bourgeoises, que
Laurent Mareschal fait également allusion,
avec ses dalles de carrelage en sumac,
gingembre, poivre blanc, curcuma et zaatar.
Patiemment composées à la façon d’odorants
mandalas soumis aux caprices du vent, elles
nous rappellent la fugacité de toute chose,
qu’il importe de fixer avant disparition. C’est
ainsi qu’Ymane Fakhir enregistre un répertoire
de gestes séculaires réalisés par sa grand-
mère et par tant de femmes avant elle. Rouler,
trier, eriter, casser, des actions simples et
répétitives qui semblent appartenir à une
époque ou à des aires lointaines : là où le
domaine des femmes est réservé à la sphère
EDITORIAL
AVANT-PROPOS
AVANT-PROPOS
BÉRÉNICE SALIOU
DIRECTRICE ARTISTIQUE, CULTURELLE & SCIENTIFIQUE - INSTITUT DES CULTURES D’ISLAM
Ninar Esber
La Bonne graine
© Ninar Esber, Galerie Imane Farès
Partenaires de la programmation
Musée du Louvre
Jeu de Paume
FRAC Ile de France
La Galerie, Centre d’Art Contemporain
Le Louxor, Palais du Cinéma
Association Dardard
Cinéma Le Trianon
École élementaire Pierre Budin
Home Sweet Mômes
Maghreb des films
Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient
La Fête des Vendanges
Les Gouttes d'Or de la Mode et du Design
Compagnie La Liseuse
Centre Maurice Halbwachs
École des Hautes Études en Sciences Sociales
Institut Européen en Sciences des Religions
Université Paris 8
Chaire du pluralisme religieux de l'université de Montréal
Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme
intime et domestique tandis que l’extérieur se
conjugue exclusivement au masculin. Comme
le souligne subtilement Younès Rahmoun
avec son œuvre « Baidaq / Loqma » : ici,
chacun sa place, chacun sa case, rangé à
la manière des dominos ; là au contraire,
communication, contact, chaleur.
Une chaleur, à l’image de la programmation
généreuse que nous avons concoctée
spécialement pour réconforter les âmes et
les corps. Avant que l’hiver ne s’installe, venez
profiter des derniers rayons de soleil dans
le patio de l’ICI. On est ensemble ! Avec le
collectif Mix ta Race qui vous fera swinguer
sur des sonorités hip hop, afro électro, jazzy
ou du folklore égyptien, la biche madrilène
Maria Dolores et son orchestre Habibi Starlight
qui vous embobineront de délicieuses
élucubrations mythomanes, ou encore la
pièce de théâtre TEATRO NATURALE ? Moi
le Couscous et Albert Camus à déguster
au propre comme au figuré. Rendez-vous
également pour un ciné-couscous autour du
film d’Abdellatif Kechiche La graine et le mulet,
à voir ou à revoir, tout autant que C’est toi mon
Amour du grand maître du cinéma égyptien
Youssef Chahine. Mais peut-être préféreriez-
vous une séance de hammam très particulière,
autour d’un mix visuel et sonore composé à
partir de musiques traditionnelles marocaines,
ou encore une visite à léglise Saint-Bernard
pour un concert de chants de la méditerranée
de Sandra Bessis. Enfin, pour épicer le tout, un
défilé de mode Made in Goutte d’Or n’ayant
rien à envier aux podiums de la fashion week,
dont vous ressortirez avec des étoiles dans les
yeux. Avec la saison Sacrées Graines à l’Institut
des Cultures d’Islam, il y en aura décidemment,
pour tous les goûts !
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EXPOSITION L’exposition Sacrées Graines interroge
la portée symbolique d'un classique de
l'alimentation méditerranéenne : le couscous
ou «la graine», dans sa forme métonymique,
et ses ressorts sociaux, culturels et politiques.
Elle s'inscrit dans un territoire extensible se
référant largement à la France et au monde
méditerranéen.
Élément fort des représentations picturales
orientalistes et naïves ainsi que des photo-
reportages ethnologiques du XIXe siècle, le
« couscous » intègre, à la fin du XXe siècle,
les poncifs de la publicité occidentale,
avec la promesse d'un « comme là-bas ».
Industrialisé, mondialisé, réapproprié, il
façonne durablement les représentations de
l'«Orient» dans l'imaginaire occidental.
Les artistes invités s’approprient ce symbole en
lui orant une relecture contemporaine, par la
sublimation ou par l’ellipse. Ils se jouent de sa
banalité en la détournant de son usage premier
et en exploitent les potentialités formelles et
symboliques : la graine s'avère en eet d'une
grande plasticité. Ronde comme l'atome, elle est
l'élément géométrique minimal et primordial, le
symbole de l'énergie vitale et créatrice.
Si, par sa forme elle confère au sacré, il en est
de même de ses modes de consommation :
que ce soit lors de rituels et de fêtes, ou dans
un registre New Age (germée, biologique…)
célébrant d’autres spiritualités. Seule ou
en masse, la graine révèle, comme une
universalité évidente, les sacralités du corps
et de l’esprit.
Utiliser la graine, c’est aussi poser en filigrane
un certain nombre de questions : celles de
l'exil, de l'immigration, de la transmission
et du partage, de la vie domestique et des
rapports de genre, de la mondialisation aussi.
Les œuvres présentées ici usent du pouvoir
évocateur du couscous et en saisissent
l'ambivalence, tout à la fois réification d'un
passé colonial à l'image exotique persistante,
et symbole du vivre-ensemble dans une
France qui l'a plusieurs fois sacré « plat
préféré des français».
L'exposition Sacrées Graines propose, avec
les artistes et autour de ce plat polysémique,
un regard sur l'état du monde et de notre
société, et casse, s'il en reste, les clichés qui
lui sont associés.
EDITORIAL
AVANT-PROPOS
SACRÉES GRAINES
ELSA BLANC - DAVID RÉGNIER
COMMISSAIRES DE L'EXPOSITION
www.centraldupon.com
l’actualité du Maghreb en Europe
le courr ier de
Sacrées Graines a reçu le soutien de
Cette exposition a bénéficié du mécénat de
Elle a été réalisée en partenariat avec
L'ICI et les commissaires remercient chaleu-
reusement les artistes et les galeries qui
ont contribué à cette exposition.
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