chapitre 1 : les français dans le pays des hindous

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CHAPITRE 1 :
LES FRANÇAIS DANS LE
PAYS DES HINDOUS
Depuis
le XVIe
siècle,
l’Inde
a
été le terrain
de
manœuvres commerciales des Européens. Le Portugal a été le
premier pays d’Europe à débarquer en Inde avec un objectif
commercial. Puis en 1602, les Hollandais ont fondé une
Compagnie des Indes Orientales. En 1616, les Danois y ont
établi sans succès une compagnie. La même année, les
Anglais, le plus grand rival des Français en Inde, sont arrivés
en Inde pour y créer un véritable monopole commercial.
Dès 1617, une Loge française a été fondée à Pondichéry
par un traité entre le Naik de Pondichéry et Jean Pépin, facteur
de la Compagnie. Cette loge servait de résidence aux Français
alors
qu’ils
achetaient
malheureusement,
les
des
Français
toiles
n’ont
de
pas
coton.
Mais,
entrepris
de
nouveaux voyages après 1618, à cause de la Guerre de Trente
ans. Ceci dit, il faut dire que les Français ne se sont mis à
s’intéresser
vraiment
au
sous-continent
indien
que
tardivement, comparé aux autres Européens. C’est sous le roi
Louis XIV que Colbert, son Premier Ministre, a fondé la
Compagnie française des Indes Orientales, en 1664, et tentait
ainsi de réorganiser le commerce extérieur. Cette Compagnie
s’est vu octroyer le monopole du commerce avec l’Inde. La
première implantation française s’est faite à Surate en 1668.
Cette Compagnie des Indes Orientales a crée le comptoir
de Pondichéry français en 1674, suite aux négociations entre
Bellanger de L’Espinay, un militaire français et l’envoyé de La
Haye, un officier de l’armée du Roi et le gouverneur de
Tanjore. En fait, Bellanger de L’Espinay est considéré comme
le fondateur de Pondichéry par le célèbre historien, Jouveau
Dubreuil, puisqu’il était le premier Français à mettre pied sur la
terre de Pondichéry.
François Martin, un employé de la Compagnie des Indes
depuis 1665 et le futur gouverneur de Pondichéry, possédant
une très bonne éducation dans le commerce et la diplomatie a
accompagné
l’officier, La Haye, lorsque celui-ci est arrivé à
Pondichéry en 1673.
Il y est revenu le janvier de l’année suivante pour aider
Bellanger de L’Espinay. Après quelques mois, il a appris avec
beaucoup d’amertume, en août 1674, que La Haye et les cinq
cent trente survivants de l’expédition ’San Thome’ étaient faits
prisonniers par les Hollandais et renvoyés en Europe. Bellanger
aussi, a quitté ce petit village de pêcheurs pour rejoindre
l’officier La Haye. Après son départ, François Martin était seul à
Pondichéry,
entouré
de
soixante-dix-huit
Français
dont
soixante marins et deux prêtres capucins. Ainsi, c’est François
Martin qui devait bâtir ce petit village pour le transformer en
un véritable comptoir puissant. Il l’a fait avec une perfection
impeccable. Là, il ne faut pas oublier le rôle joué par Lazaro de
Motta Tanappa Modéliar, qui fut le premier Dubash ou Courtier
de la Compagnie des Indes Orientales et le conseiller principal
de François Martin.. Il fut à la fois l’intermédiaire commercial
entre les Français et les Indigènes et le représentant des
habitants locaux auprès du Gouverneur..
Après une brève occupation hollandaise, de 1693 à 1699
au cours de la Guerre de la Ligue d’Augsbourg, Pondichéry,
rendu à la Compagnie suite au traité de Ryswick, s’est
transformé en l’une des plus belles villes de la côte de
Coromandel et en un véritable chef-lieu des établissements
français en Inde sous François Martin.
Durant son règne, François Martin « s’est attaché à
renforcer les défenses »1 du territoire de Pondichéry et l’a
agrandi en obtenant la concession de cinq villages de Daoud
Khân, le général du Mogol Aurangzeb. Il a obtenu également le
droit d’avoir une monnaie. La période de son règne a vu une
augmentation considérable du nombre des Indiens, attirés par
une ville bien défendue, des maisons bien construites et des
exemptions fiscales, ainsi que celui des Européens. Avec ceci,
une véritable société a commencé à voir le jour.
VINCENT, Rose, Pondichéry 1674-1761, l’échec d’un rêve d’empire, édition
Autrement, Paris, 1993, p.72.
1
Avec l’augmentation de la population, les problèmes
socioculturels commençaient aussi à surgir.
Le régime végétarien de quelques castes hindoues,
particulièrement les hautes castes, posait un grand problème
aux
Français
pour
lesquels
la
viande
était
un
repas
indispensable. C’est pourquoi, dit-on, on tuait secrètement la
viande de bœuf, un animal sacré pour les Hindous, à l’intérieur
du fort afin d’éviter les affaires avec ces derniers.
Il y avait aussi ce qu’on appelle le dualisme, c’est-à-dire,
la division des castes en Main Droite, rassemblant ‘les Vellaja,
les Commouty, les Cavaré et Main Gauche, rassemblant les
Pallar, Kammâlar et Chetty, qui caractérisait le système des
castes
en
Inde.
Ce
dualisme
accentuait
davantage
les
problèmes liés au système des castes.
Au début, il n’y avait que les castes de la Main Droite à
Pondichéry. Mais le Gouverneur François Martin, dans un but
purement commercial, a invité les marchands appartenant à la
caste Chetty de la Main Gauche à s’installer à Pondichéry. Il
leur a autorisé à occuper trois rues et leur a donné la liberté
d’y célébrer leurs fêtes. Par contre, les rues habitées par les
castes de la Main Droite leur étaient interdites. Les castes de la
Main Droite ou ‘Valangai’ ne pouvaient non plus traverser les
rues de la Main Gauche ou ‘Idangai’2.
La coexistence de ces deux n’a pas toujours été pacifique.
Ainsi, en 1717, à l’occasion de la fête de Pongal, il y a eu un
conflit sérieux lorsque la Main Gauche a traversé une rue de la
Main opposée.
La religion et les missionnaires catholiques dominaient la
société
française.
« La
vie
religieuse
jouait
un
rôle
important »3 dans cette jeune société.
Le terrain des Pères capucins, les premiers missionnaires
installés à Pondichéry, et la première Église des Malabars,
construite sur un terrain et avec les fonds donnés en souvenir
de sa conversion par un Malabar nommé Lazaro de Motta
Tanappa Modéliar, interprète de la Compagnie, étaient les
centres d’attraction du quartier au sud du Fort St Louis, le
quartier français par excellence.
Les Jésuites, appréciés pour
leur enseignement qui connut un grand succès avec des
2
VINCENT, Rose, op.cit., p.157, 158.
3
LABERNADIE, V.Marguerite, le vieux Pondichéry, 1673-1815, Histoire d’une
ville
coloniale
française,
Pondichéry,1936, p.103.
Société
de
l’Histoire
de
l’Inde
Française,
pensionnaires venant de tous les continents du monde et les
Pères des Missions Etrangères dominaient le quartier à l’ouest
du Fort.
L’activité principale des missionnaires notamment des
Jésuites auxquels le Roi Louis XIV avait confié l’évangélisation
des comptoirs français de l’Inde, consistait à évangéliser et
convertir la population indigène4.
Les questions religieuses sont apparues suite à la
rencontre des indigènes, fortement attachés à leur tradition et
à la tolérance, et des missionnaires catholiques, voulant faire
partager leur foi.
Le Gouverneur François Martin a ordonné aux Pères
capucins de travailler parmi les Européens et les créoles et aux
Jésuites de travailler parmi les indigènes puisque les premiers
ne comprenaient pas la langue ni les rites locaux. Les Capucins
n’ont pas bien accueilli cette décision : d’une part, ils voulaient
avoir le droit exclusif de travailler à Pondichéry ; d’autre part,
ils n’appréciaient pas les méthodes que suivaient les Jésuites
4
WEBER, Jacques (éd), Les Relations entre la France et l’Inde de 1673 à nos
jours, Les Indes savantes, Paris, 2002, p.355.
pour évangéliser le peuple local car ceux-ci toléraient certains
rites hindous.
Les Jésuites étaient considérés responsables de quelques
cérémonies hindoues, célébrées dans le cadre des fêtes
chrétiennes, qui ont été vues comme une grande offense au
Christianisme.
L’un de ces événements était un mariage célébré dans un
village aux alentours de Pondichéry, Ariankuppam, en août
1701. Ce mariage a été célébré en grande partie en suivant les
rites hindous. La cérémonie chrétienne a été célébrée le matin,
à l’Église, et le soir, une deuxième cérémonie a eu lieu selon
les coutumes hindoues. L’un des rites hindous suivis lors de ce
mariage était l’usage de ce qu’on appelle tiruniru, du cendre
préparé à partir de la bouse de vache et béni par les prêtres
jésuites5.
Une autre instance où les rites hindous ont été acceptés
par les Jésuites était lors des funérailles des Chrétiens
indigènes. Les Pères jésuites suivaient les traditions hindoues
pour les funérailles alors que les Capucins insistaient que les
funérailles
5
eussent
lieu
comme
WEBER, Jacques (éd), op.cit., p.363, 364.
en
Europe.
Ainsi,
les
cérémonies célébrées le trentième jour après l’enterrement
d’André, un courtier chrétien de la Compagnie française sous le
Gouverneur François Martin, suivaient les traditions hindoues
de la classe supérieure sous l’instruction des Jésuites.
Les Jésuites et les Chrétiens indigènes sous leur autorité
ne prenaient pas du bœuf et certains d’entre eux sont devenus
des végétariens afin de plaire aux Hindous de la classe
supérieure
car
ceux-ci
considéraient
les
Européens
qui
mangeaient du bœuf comme des Intouchables.
Cette tolérance des Jésuites s’expliquait par le fait que
ceux-ci voulaient, d’une part, être reconnus par les Hindous de
la classe supérieure, et d’autre part, essayer de les convertir
au Christianisme. Cette attitude des Jésuites était fortement
critiquée par les missionnaires capucins.
En ce qui concerne les fêtes chrétiennes, elles étaient
célébrées en grande pompe et les Français n’évitaient jamais
la messe quotidienne.
Le Gouverneur François Martin, étant lui-même un
catholique fervent, participait activement avec sa femme à la
vie religieuse de la ville : ils assistaient aux baptêmes des
enfants de leurs employés et aux conversions des esclaves.
Les maîtres français allaient même jusqu’à faire instruire
leurs serviteurs libres ou esclaves indigènes dans la religion
chrétienne6. L’esclavage existait à Pondichéry pendant les
périodes de famine lorsque les parents étaient prêts à vendre
leurs enfants.
Cette forte présence de la religion catholique au milieu
d’une population indigène fortement hindoue expliquait des
conflits religieux, parfois très compliqués á résoudre, dans
cette nouvelle société. Ainsi, lorsque les Pères Jésuites
voulaient supprimer les fêtes hindoues et démolir le temple qui
était à proximité de leur Église, il faillit y avoir un exode en
masse
des
tisserands,
éléments
indispensables
au
développement du commerce de la ville. Mais l’intervention du
Gouverneur François Martin, connu pour sa diplomatie et sa
sagesse, a évité une véritable crise religieuse qui aurait
entraîné une crise commerciale
Malgré quelques problèmes religieux et culturels, cette
société dont on doit la création à son Chef et animateur,
François Martin, jouissait d’une paix remarquable surtout grâce
au génie de son Gouverneur.
6
LABERNADIE, V.Marguerite, op.cit., p.89.
Les Français de cette première société se sentaient plus
ou moins chez eux, trouvant facilement du poisson et des
légumes
français
et
aussi
des
viandes
de
toute
sorte
essentiellement parce que les Hindous ne tuaient presque
jamais aucun animal. Ils s’habillaient également comme chez
eux grâce au talent des tailleurs indigènes qui étaient capables
d’imiter exactement.
Les indigènes, de leur côté, furent autorisés à mener une
vie plutôt paisible. Il existait une relation plutôt amicale entre
ces deux populations. Bien que les Français ne se rendaient
presque jamais aux cérémonies hindoues, ils assistaient
volontiers aux fêtes familiales des Hindoues. Les maîtres
français
étaient
plutôt
bienveillants
vis-à-vis
de
leurs
serviteurs libres et esclaves qui leur montraient une fidélité
exacte. Ils allaient même jusqu’à les marier.
C’est la politique indigène de François Martin fondée sur
la tolérance (malgré la forte pression des missionnaires) et les
exemptions fiscales qui a permis ce début glorieux de la
présence française à Pondichéry.
Ainsi, entre 1699 et 1706, c’est-à-dire entre la restitution
de Pondichéry aux Français et la mort de François Martin, son
premier Gouverneur, Pondichéry s’était transformé en une
véritable ville, totalement indépendante à l’égard des princes
indigènes.
Par contre, la période qui suivit la mort de François
Martin était un désastre pour Pondichéry.
De 1706 à 1721, c’étaient « quinze années perdues »,
pour reprendre les mots de Marguerite V.Labernadie7. En
quinze ans, le pouvoir a changé sept fois de main et les
gouverneurs qui ont succédé François Martin ne pouvaient pas
avoir le même mérite que ce dernier. Ainsi, une fois, lorsque le
Gouverneur Dulivier a refusé aux Hindous l’autorisation de
célébrer la nouvelle lune qui tombait un dimanche, un jour
sacré pour les Chrétiens, près de trois quarts de la population
ont quitté Pondichéry, et Dulivier a fini par autoriser la fête.
La situation de la ville de Pondichéry était rendue pire
sous le gouvernement d’Hébert. Pondichéry « n’était que
cachots, confiscations de biens, qu’exil et désolation »8.
Des
conflits incessants avec la population indigène ont arrêté le
progrès de ce nouveau comptoir si génialement bâti par son
premier Gouverneur, François Martin.
Bref, c’étaient quinze années de chaos et d’instabilité.
7
LABERNADIE, V.Marguerite, op.cit., p.118.
8
Ibid., p.117.
Les quinze années suivantes, le Gouverneur Lenoir a
continué l’œuvre de François Martin. Il a repris les travaux
abandonnés depuis 1706 et s’est mis à fortifier la ville avec
Dumas, alors Conseiller, et qui deviendra plus tard son
successeur.
C’était
une
période
d’urbanisme
et
de
reconstruction de la ville.
Un fait important qui a eu lieu pendant cette période était
la permission à tous les habitants, quelque soit leur race, leur
foi ou leur statut social, d’utiliser les nouvelles rues. Là, il faut
préciser que certaines castes normalement n’autorisaient pas
l’accès de quelques rues à d’autres castes.
En
ce
qui
concernait
les
relations
extérieures,
le
Gouverneur Lenoir menait une politique pacifique.
Le gouvernement de Lenoir était une époque de progrès
durant laquelle les comptoirs de Mahé et de Yanaon ont été
acquis. C’était également une époque calme et heureuse grâce
à l’harmonie qui régnait dans la société.
Par la suite, Benoist Dumas, un habile diplomate, a pris la
charge de Gouverneur de Pondichéry, le 18 septembre 1735.
Sous le nouveau gouvernement, Pondichéry s’est enrichi et
s’est fortifié. C’est sous Dumas que Pondichéry a obtenu le
droit de battre monnaie, très important pour la Compagnie9. Il
a organisé également une armée de cipayes qui fit de la
Compagnie une puissance militaire.
Pondichéry est devenu plus grand territorialement et un
nouveau comptoir, Karikal, a été acquis grâce aux efforts de
Pedro Canagaraya Modéliar, le petit-fils de Lazaro de Motta
Tanappa Modéliar et le troisième Dubash de la Compagnie, qui
a joué un rôle important dans les négociations pour acheter ce
comptoir au Roi de Tanjore.
Sachant très bien que le respect des valeurs indigènes
était indispensable pour obtenir la sympathie des peuples
locaux, Dumas évitait d’intervenir dans les affaires de caste.
La politique prudente de Dumas et la paix qui régnait
entre les grands pays européens favorisaient l’accroissement
non seulement du commerce entre l’Europe et l’Inde, mais
aussi les affaires en Inde même.
Le prestige de Pondichéry s’est accru d’une manière
incroyable
aux
gouvernement
yeux
de
des
Dumas.
puissances
Elle
était
locales,
devenue
formidable, avec sa propre monnaie et armée.
9
VINCENT, Rose, op.cit., p.83.
sous
une
le
ville
Ainsi, le Gouverneur Dumas qui a reçu le titre de
‘Mansebdar’ (ou Général du Mogol) du Grand Mogol, que ses
successeurs continueraient à garder, a pavé le terrain pour son
successeur de faire de Pondichéry la plus grande ville de l’Inde
méridionale.
Joseph François Dupleix, un nom tellement lié à la
colonisation française de l’Inde, a pris le relais en tant que
Gouverneur de Pondichéry en 1742. D’après le célèbre
historien, Rose Vincent, l’histoire de Pondichéry ne peut se
raconter sans faire référence à ce « légendaire gouverneur »10.
Dupleix
poursuivait
la
politique
de
protectorat
et
n’hésitait pas à intervenir dans les affaires des princes locaux
afin de protéger le commerce. Secondé par Charles de Bussy,
un fin diplomate et un véritable génie militaire et par sa
femme Bégum Jeanne qui connaissait bien les dialectes et la
fourberie des Maures, Dupleix s’est révélé très vite bon chef de
guerre.
Les succès militaires de Dupleix comme la défense de
Pondichéry lors du siège de 1748 par les Anglais, la victoire
d’Ambour et la prise de Gingy, font de cet ambitieux
Gouverneur une véritable figure de héros.
10
VINCENT, Rose, op.cit., p.121.
Ces succès ont valu à Dupleix la Croix de Commandeur
de St Louis de la part du Roi. Il est devenu très vite le Maître
d’un vaste ‘Empire’ français. Il jouissait du respect des princes
musulmans comme Chanda Saib, Muzaffer et Salabet Jang,
qu’il avait soutenus avec succès contre leur adversaire. Cette
alliance avec les princes musulmans lui a permis d’étendre son
espace commercial et de doter le comptoir français de l’Inde
de territoires qui lui permettraient de subsister sans l’aide de
la Métropole.
Sous Dupleix, le développement de Pondichéry était à son
apogée. Son gouvernement marquait une période heureuse et
pleine de gloire.
Les missionnaires et la religion continuaient à exercer une
forte influence dans la ville de Pondichéry sous Dupleix. Un
seizième de la population était Chrétien. Cette population
chrétienne
rassemblait
essentiellement
des
parias,
des
mendiants et des domestiques. Ceci s’expliquait par le fait que
les hautes castes ne voulaient pas se convertir à une religion
qui prêchait l’égalité.
Une ordonnance du 12 Janvier 1747 obligeait les gens qui
avaient chez eux des esclaves à les faire instruire dans la
religion catholique et de leur faire administrer le sacrement du
baptême dans le délai d’un an .La plupart de ces esclaves ont
été libérés lors de leur baptême.
Les Français participaient activement à la vie religieuse
de la ville. Ils exerçaient de manière très attentive leurs
devoirs religieux, suivant l’exemple du Gouverneur et de sa
femme. Ces derniers ne rataient presque jamais les cultes
religieux et observaient sévèrement le Carême.
Toutes les fêtes ont été pieusement célébrées et après
chaque victoire militaire, un Te Deum de remerciements a été
chanté. Il était empêché de travailler sans permission les
dimanches et les jours de fêtes et ceux qui
désobéissaient
devaient payer une certaine somme d’amende.
La ville de Pondichéry devait aux missionnaires, outre
leurs services religieux, des services sociaux. Les Capucins
s’étaient chargés de l’hospice et de l’hôpital. Les Jésuites
s’occupaient de l’instruction.
Les conflits religieux continuaient à exister sous le
gouvernement de Dupleix. Les missionnaires jésuites, avec
l’aide de Mme Dupleix, également connue sous le nom de
bégum Jeanne, ont fait démolir le temple d’Iswaran, entraînant
ainsi la colère des Hindous. Ils étaient également responsables
de l’exode en masse des Brahmanes lors du siège de la ville.
Et les maisons de ces derniers ont été occupées par les Parias
pour empêcher les Brahmanes d’y retourner.
Les missionnaires voulaient que tout le monde, quelque
soit leur caste, soit considéré de la même manière à l’intérieur
de l’église. Ils ont obtenu la démolition du mur qui était dressé
pour séparer les Chrétiens de la caste ‘paria’ des autres
Chrétiens de classe supérieure. Mais ceci n’a pas duré
longtemps. Très vite, une barrière de chaises a été mise en
place à l’intérieur de l’église pour séparer les Chrétiens de la
caste paria des autres Chrétiens. Ceci souligne bien combien il
était difficile d’inciter les Chrétiens locaux à accepter la notion
d’égalité.
Le système de varna et de jati qui était fortement présent
en Inde ne permettait pas aux missionnaires de mettre en
place une situation où tout le monde, sans tenir compte des
varnas et jatis, pouvait être considéré égal après leur
conversion au Christianisme. Par conséquent, les missionnaires
étaient amenés à accepter la situation sociale telle qu’elle
existait,
bien
que
le
Christianisme
n’acceptait
pas
la
discrimination fondée sur la naissance.
Le Gouverneur Dupleix détestait le régime végétarien des
hautes castes qui ne convenait pas aux Français. Il disait :
« Les Tamouls mangent une nourriture d’animal…Ce n’est pas
une nourriture d’homme.»11, même s’il aimait beaucoup des
éléments de la cuisine indienne comme le chutny et le Curry.
Cependant, ni cette haine, ni les missionnaires jésuites
ne pouvaient empêcher la confiance que le Gouverneur avait
dans
son
courtier
hindou,
Ananda
Ranga
Poullé,
chef
incontesté des Hindous de la ville.
La structure de la ville de Pondichéry soulignait une
bipolarité coloniale : d’une part, il y avait ce qu’on appellait la
Ville Noire, avec de nombreux ateliers de peinture sur toile et
habitée par la population indigène, et d’autre part, se trouvait
la
Ville
Blanche
qui
rassemblait
les
Européens
et
les
missionnaires. Le canal séparait les deux villes.
Les bâtiments religieux, à l’exception du Fort, étaient les
plus importants de la ville. Le style urbain de Pondichéry
provenait de la rencontre d’un esprit européen éclairé avec le
pragmatisme indigène.
Malgré quelques problèmes religieux, la période du
gouvernement de Dupleix marqua l’apogée de la présence
française en Inde. Le respect que commandait Dupleix
essentiellement grâce à ses succès militaires et les quelques
concessions accordées aux gens des hautes castes comme la
11
VINCENT, Rose, op.cit., p.148.
barrière à l’intérieur de l’église des Jésuites et les pétards
accompagnant
les
fêtes
Chrétiennes,
permettaient
de
maintenir le calme et la stabilité au sein de la société.
La défaite de la troupe française à Trichinopoly en 1751 a
marqué le début de la fin de Dupleix et de la période glorieuse
de Pondichéry et de la présence française en Inde.
Dupleix a été rappelé en août 1754. La Compagnie qui ne
comprenait
pas
son
œuvre
et
la
métropole
qui
était
indifférente à sa politique contribuaient à l’échec de son
empire.
Les Anglais, installés dans la ville de Madras, se sont
inquiétés de la montée en puissance de la France, et ils ont
attaqué les possessions françaises en 1756. Leur supériorité
militaire leur a permis de renverser les seigneurs locaux, alliés
aux Français, puis, de prendre Pondichéry en 1761.
La ville de Pondichéry a été même rasée par les
britanniques en 1761. Le Fort, le Palais de Dupleix, les
fortifications, les églises se sont tous écroulés en poussière.
Les années qui suivaient étaient une période de ruines et de
chaos pour la ville de Pondichéry, à l’exception d’une brève
renaissance sous le gouverneur Law de Lauriston de 1765 à
1777.
Pondichéry et les autres comptoirs français redevenaient
définitivement français seulement en 1816. Jusqu’au mois de
juillet 1852, ils continuaient à être enraciné dans le 18e siècle,
restant toujours soumis à la puissance britannique. Cette
période était une ruine totale pour les comptoirs français de
l’Inde.
Ces
derniers,
en
dehors
du
fait
qu’ils
étaient
démilitarisés, devaient faire face à un cordon douanier qui a
été mis en place par la Compagnie britannique pour ruiner
l’économie des comptoirs français. Le Traité de Paris de 1814
interdisait à la France l’utilisation de la force (construction de
fortifications et implantation de forces armées) pour défendre
ses territoires indiens.
Le développement économique des comptoirs français, en
particulier de Pondichéry, était sacrifié au profit de celui de la
France. En d’autres mots, ces comptoirs étaient exploités.
Cependant, cette période était aussi caractérisée par une
‘politique indigène prudente’. La France et le gouvernement
pondichérien étaient obligés de respecter le système de
‘Mamoul’ (signifiant tradition) car la moindre violation des
valeurs indigènes pouvait entraîner des émeutes sanglantes.
Après la période glorieuse sous Dupleix, les comptoirs
français de l’Inde entraient dans une période d’instabilité qui
durera un siècle. Entre 1754 et 1852, tout espoir était perdu
en ce qui concerne Pondichéry et les autres Établissements
français.
C’est seulement sous le Second Empire que ces comptoirs
français vont connaître un renouveau. Ceci dit, la gloire sous
Dupleix était perdue pour toujours.
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