entreprise que si elle poursuit l’une des finalités suivantes :
1) Présenter un avantage direct pour l’embryon concerné,
notamment en vue d’accroître les chances de réussite de son
implantation.
2) Contribuer à l’amélioration des techniques d’assistance
médicale à la procréation, notamment par le développement
des connaissances sur la physiologie et la pathologie de la
reproduction humaine.
Aucune étude ne peut être entreprise si elle a pour objet ou
risque d’avoir pour effet de modifier le patrimoine génétique
de l’embryon ou est susceptible d’altérer ses capacités de
développement.”
“Art. R 152-8-2. La réalisation d’une étude remplissant les
conditions mentionnées à l’article R 152-8-1 est soumise à
l’autorisation préalable du ministre de la Santé. Le ministre se
prononce après avis de la Commission nationale de médecine
et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal.”
À la lecture de ces textes, il apparaît que la loi interdit toute
expérimentation sur l’embryon, mais... que des études sur
l’embryon peuvent être autorisées : serait-ce un compromis
sémantique qui chercherait à satisfaire partisans et opposants à
la recherche sur l’embryon ? En pratique, la question de la
recherche sur l’embryon en France est suspendue à une pro-
chaine révision de ce texte de loi.
Quels embryons pourraient être concernés ? Il apparaît, à la
lecture du premier article du décret de juin 1997, que seuls les
embryons transférables ou congelables peuvent être l’objet
d’études. Il ne semble donc pas qu’un embryon dont on sait
qu’il ne sera jamais réimplanté puisse faire l’objet d’une
recherche. Ainsi, les embryons actuellement cryoconservés et
qui seraient donnés à la recherche par des couples ne pour-
raient pas faire l’objet d’études !
Pourtant, selon nos travaux, seuls les couples dont les
embryons ne s’inscrivent plus dans un projet parental acceptent
le principe d’une telle recherche (12 % de ces couples), du fait
même que ces embryons ne seront pas implantés. On peut
s’étonner du manque de cohérence du législateur sur un point
aussi fondamental et de la différence ontologique qui pourrait
ainsi être faite entre différents types d’embryons dès lors que
certains seraient réifiés et d’autres non.
La loi de 1994, complétée par le décret de 1997, n’a pas su
faire de choix clair entre l’interdiction et l’autorisation. Elle
paraît de fait totalement restrictive dans la permissivité des
études sur l’embryon humain, puisqu’elle n’autorise que les
études ne pouvant porter atteinte à l’embryon, ce qui semble
être en totale contradiction avec la notion même de recherche
et avec sa réalité pratique.
Par ailleurs, deux points méritent d’être soulignés pour com-
pléter les éléments du débat.
Tout d’abord, si, aujourd’hui, le champ de la recherche sur
l’embryon semble de fait interdit aux chercheurs, cela
n’empêche pas les équipes françaises d’exposer au public de
brillants et indiscutables résultats dans le domaine des dia-
gnostics pré-implantatoires (DPI), réalisés sur des embryons
sans qu’il ait été clairement débattu préalablement de la ques-
tion de savoir si ce DPI constitue ou non une forme de
recherche qui n’avouerait pas son nom. L’objectif médical du
DPI est louable ; il permet d’éviter des grossesses qui abouti-
raient soit à des fausses couches, soit à des ITG (interruption
thérapeutique de grossesse) ou à la naissance d’enfants por-
teurs d’un handicap très lourd. Néanmoins, ce DPI peut appa-
raître en soi comme un acte de recherche sur l’embryon, en
somme autorisé en France, alors que le concept de recheche
sur l’embryon n’y fait encore l’objet d’aucun consensus. Le
DPI, qui nécessite un prélèvement de cellules sur l’embryon,
constitue donc une exception de fait au cadre de la loi actuelle
(article L. 2131-4).
Par ailleurs, alors qu’il existe une loi en France qui encadre la
recherche biomédicale (dite “loi Huriet”, qui a fait ses preuves
depuis 1988 et qui impose le passage des protocoles de
recherche devant des comités régionaux totalement indépen-
dants, dont les membres sont nommés et renouvelés par le fait
du tirage au sort parmi des citoyens et des personnalités repré-
sentatives de la société civile, des courants de pensée et du
monde scientifique), il n’est fait nulle part mention de la possi-
bilité de recourir à ces comités. Ils sont pourtant représentatifs
de la société civile, indépendants du monde de la recherche, du
monde industriel et des influences politiques, ce que n’est pas
forcément la CNMBR (ou toute autre future agence nationale
qui pourrait être créée à sa place dans ce domaine). Pourquoi
choisirait-on le principe d’une agence ministérielle nationale
de régulation plutôt que celui de la loi Huriet et de ces comités
de protection indépendants qui encadrent déjà la recherche
biomédicale (au prix d’un léger aménagement de leurs compé-
tences) ? Cette question mérite également débat.
La révision du texte de loi de 1994 actuellement en cours de
discussion repose sur les avis des différentes instances consul-
tées. Le Comité consultatif national d’éthique (avis de juin
1998), le Conseil d’État (rapport de février 1999) et
l’Académie nationale de médecine (2000) envisagent de reve-
nir sur l’interdiction de fait de la recherche sur l’embryon et
proposent une autorisation sous conditions : recherche unique-
ment sur des embryons surnuméraires (pas de production
d’embryons à des fins de recherche), consentement des
couples concernés et absence de transfert des embryons, ce qui
revient à reconnaître implicitement l’absence de bénéfice pour
l’embryon. Les interdictions du clonage reproductif et de la
constitution d’embryons à seule fin de recherche sont rappe-
lées à diverses reprises dans ces travaux.
Le Premier ministre, Lionel Jospin, présentant son projet de
révision des lois de bioéthique en novembre 2000, a d’abord
annoncé l’autorisation de la recherche sur l’embryon et énoncé
le principe d’interdiction du clonage reproductif. Pourtant, plus
loin dans son intervention, il précise que les embryons surnu-
méraires actuellement congelés, ayant fait l’objet d’un aban-
don parental et dépourvus de couple d’accueil, “mais égale-
ment des embryons créés par transfert de cellules somatiques”
pourraient faire l’objet de recherches. Cela ne remet-il pas en
cause le principe de non-création d’embryons à des fins de
recherche et n’est-ce pas là une avancée implicite à plus ou
moins long terme vers le clonage (et quelle serait alors ici la
limite entre clonage thérapeutique et clonage reproductif) ? Si
TRIBUNE
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La Lettre du Gynécologue - n° 262 - mai 2001
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