FranceSociété
10 mardi 2 octobre 2007 1
C
PROCÈS
Le financier présumé
des attentats de 1995
comparaît pendant
un mois aux assises.
CHEMISE BLANCHE à col ouvert,
veston d’une élégante couleur
bronze, barbe soignée, yeux vifs et
profil aigu, Rachid Ramda entre
dans le box des assises de Paris, le
visage fendu par un large sourire. Il
salue ses deux avocats qui, pen-
dant les prolégomènes judiciaires
d’usage qu’ils sont les seuls à trou-
ver distrayants, pouffent comme
deux collégiens dissipés. Face à
eux, les parties civiles n’ont pas le
cœur à rire.
Rachid Ramda, Algérien de
38 ans, est accusé d’être le « finan-
cier » des attentats sanglants com-
mis à Paris en 1995. Le plus grave
d’entre eux avait fait, le 25 juillet de
cette année noire, huit morts et
quelque 200 blessés dans le RER,
à la station Saint-Michel. Pour
l’ensemble de ces crimes, deux
islamistes ont été condamnés
à perpétuité : Boualem Bensaïd,
chef du commando du GIA, et l’un
de ses comparses, Smaïn Aït Ali
Belkacem.
Rachid Ramda, lui, résidait à
Londres. C’est depuis la capitale
anglaise qu’il donnait ses instruc-
tions, selon l’enquête. De fait,
le 16 octobre 1995, soit la veille de
l’attentat du RER Musée-d’Orsay,
il effectue un virement de
38 000 francs (5 800 €) en faveur de
Boualem Bensaïd. Or, à la deman-
de des autorités françaises, rensei-
gnées par des écoutes téléphoni-
ques, il est déjà sous la surveillance
de Scotland Yard. Le bordereau est
saisi. Élément accablant, les em-
preintes digitales de Ramda y sont
relevées.
Il apparaît également que
Boualem Bensaïd et lui se télépho-
naient régulièrement. Interpellé en
novembre, peu avant une nouvelle
campagne terroriste, l’islamiste
opérationnel avait désigné Rachid
Ramda, alias « Abou Farès » ou
« Elyès », comme un « émir » du
GIA, à qui il était tenu de rendre
des comptes. Il se rétractera plus
tard, affirmant avoir subi des tortu-
res dans les locaux de la police.
Condamné en correctionnelle
Arrêté en Angleterre, l’argen-
tier présumé – chez qui plusieurs
documents pouvant attester de
son appartenance à la mouvance
fanatique islamiste sont saisis –,
nie en bloc. Il utilise tous les
recours dont il dispose, et parvient
à retarder de manière spectaculai-
re son extradition vers la France.
Celle-ci n’aura lieu qu’en décem-
bre 2005, dix ans après les crimes.
Rachid Ramda n’en est pas à
son premier procès. Il a été
condamné, en correctionnelle, à
dix ans de prison pour « associa-
tion de malfaiteurs en relation avec
une entreprise terroriste » . Lors des
débats, tantôt conciliant, tantôt se
taisant, celui qui se disait alors
« étudiant en littérature anglaise,
philosophie et journalisme » , avait
Les sourires
de Ramda face
à la douleur
des victimes
déclaré : « Je désapprouve les atten-
tats eux-mêmes. Je n’ai jamais aidé
quelqu’un (à commettre un atten-
tat) car c’est contre ma nature. Je
préfère toujours utiliser les moyens
de la paix. » À la fin de l’audience,
le prévenu, avait également fait
part de toute sa « sympathie » aux
victimes, prétendant les soutenir
« moralement et spirituellement ».
Face aux assises, où il encourt
la perpétuité, Rachid Ramda per-
sistera à nier toute implication
dans les carnages de 1995. Comme
Bensaïd et Belkacem, il tentera de
semer le doute sur l’implication
éventuelle des services secrets
algériens. Parmi les témoins qu’il a
jugé utile de faire citer, on relève
notamment les noms de Jean-
Louis Debré, président du Conseil
constitutionnel et ex-ministre de
l’Intérieur, et de Jacques Toubon,
ancien garde des Sceaux. Cela suf-
fira-t-il pour permettre à la défense
de ricaner jusqu’au verdict ?
STÉPHANE DURAND-SOUFFLAND
Vidéo Ina : les attentats de 1995
sur www.lefigaro.fr/france
Arrêté en Angleterre en novembre 1995, Rachid Ramda (ici, tête baissée)
ne sera extradé vers la France qu’en décembre 2005. François Mori/AP
RELIGION
Le chef de l’État s’est rendu
hier soir à la grande
mosquée de Paris
pour rompre le jeûne
du ramadan. Il a rendu
hommage à l’islam
de France, et a promis,
d’expulser ceux qui parlent
de haine, au nom
de la religion musulmane.
« CEUX qui parlent de haine blas-
phèment l’islam. Ils n’ont rien à fai-
re sur le sol de la République fran-
çaise ». Hier soir, devant un
parterre composé de tous les
représentants de l’islam de France,
le chef de l’État est intervenu à la
grande mosquée de Paris, à l’occa-
sion de la rupture du jeûne du
ramadan. Nicolas Sarkozy s’est
montré ferme à l’égard des extré-
mistes « qui tuent au nom de
l’islam et qui voudraient nous pré-
cipiter dans une guerre de religion
à l’échelle mondiale ». Ceux qui
n’affichent pas un message « de
paix et d’amour de l’autre », a-t-il
précisé, « seront expulsés du terri-
toire ». Il a assuré qu’il n’y aurait
«aucune faiblesse à leur égard ».
C’est la première fois, depuis
l’inauguration de cette mosquée
par Gaston Doumergue en 1926,
qu’un président en exercice vient
rompre le jeûne, un acte cultuel
qui consiste à partager le premier
repas suivant le coucher du soleil.
Rien de très étonnant pour Nicolas
Sarkozy qui fut à l’origine, comme
ministre de l’Intérieur, de la créa-
tion du Conseil français du culte
musulman (CFCM) en 2002. C’est
à l’invitation de son président, le
recteur Dalil Boubakeur, que le
chef de l’État s’est exprimé hier.
Nicolas Sarkozy a d’ailleurs vanté
les mérites du CFCM, grâce au-
quel « notre pays ne connaît aucu-
ne montée de tension dans les rap-
ports entre musulmans et non-
musulmans », et que l’islam appa-
raît « comme compatible avec les
valeurs de laïcité, de tolérance, de
respect des personnes ».
Financement et formation
«Si le respect des diversités est
bon pour la France », a-t-il en outre
souligné, il doit aussi être bon « à
travers le monde ». « La diversité ,
on ne peut la chercher quand on est
minoritaire, et la combattre quand
on est majoritaire ». Comme signe
de cette « diversité » promue en
France, Nicolas Sarkozy a cité la
secrétaire d’État à la Ville, Fadela
Amara, qui l’accompagnait. « C’est
important pour moi que Fadela
soit membre du gouvernement,
comme Rachida Dati en tant que
garde des Sceaux. »
Le président n’a pas caché son
intention de continuer à suivre
«avec attention » l’organisation de
l’islam de France, et en particulier
les élections à la tête du CFCM qui
se dérouleront en 2008 et verront
le départ de Dalil Boubakeur.
Celui-ci est attendu à la tête de la
Fondation pour les œuvres de
l’islam, destinée à permettre le
financement des lieux de culte
mais aussi la formation des
imams. « N’en déplaise à quelques-
uns que je combats , a lancé le pré-
sident de la République, l’islam,
c’est aussi la France. »
SOPHIE DE RAVINEL
Islam : Sarkozy lance
un message de fermeté
aux intégristes
SOUDÉES, unies dans le souvenir
et la douleur, les parties civiles ont
massivement répondu présentes,
hier, à l’ouverture du procès de
Rachid Ramda. L’occasion pour
certaines victimes et leurs familles
de découvrir enfin son visage, son
allure. Lucie, la soixantaine, passa-
gère rescapée du cinquième
wagon du RER B, « [s’] attendait à
ce personnage, même s’il a l’air
moins arrogant que Bensaïd » .« Le
traumatisme s’est atténué ,
confie-t-elle, les bras serrés contre
son pull en mohair. Mais dans ma
mémoire, rien n’a changé depuis le
25 juillet 1995. »
Acte d’accusation interminable
Le quotidien de Richard, un
moustachu dont la bonne mine
traduit mal la gêne permanente,
fut à jamais bouleversé. « L’autre
jour, j’ai essayé de monter dans le
RER mais n’y suis pas arrivé. J’ai
finalement pris un ticket de bus.
C’était tellement insupportable que
je suis descendu. » À ses yeux,
Rachid Ramda est « comme les
autres » (Bensaïd et Belkacem,
NDLR). « Quand on l’a vu, on a
tout vu, assure Richard. J’aimerais
lui demander “Pourquoi ? ”, avec
un grand “P”». Assommés par la
lecture de l’acte d’accusation,
offrant parfois leur bras à Françoi-
se Rudetzki, présidente de l’asso-
ciation SOS Attentats, les proches
des victimes attendent désormais
avec impatience les explications
de Ramda. En mars 2006, lorsque
l’islamiste algérien avait boycotté
une partie de son procès en cor-
rectionnelle, Jean-Claude Broche-
riou était « resté sur [sa] faim » . « Je
veux savoir pour quelles raisons cet
attentat a eu lieu » , martèle le père
de Véronique, décédée à 26 ans, il
y a douze ans, sur le quai de la sta-
tion Saint-Michel mais dont il par-
le encore au présent.
A.-C.D.L.
«Je veux savoir pour quelles raisons l’attentat a eu lieu»
DRAME.
Des plaquettes en partie
consommées de médicaments sé-
datifs ont été découvertes par la
police dans la maison où René,
Marie-Christine, Olivier et Angéli-
que Demeester ont été trouvés pen-
dus jeudi dernier à Coulogne (Pas-
de-Calais). « Ces emballages avaient
été laissés en évidence à l’extérieur de
l’armoire à pharmacie, ce qui laisse
penser qu’ils ont pu être consommés
dans les moments qui ont précédé la
quadruple pendaison » , confie une
source proche de l’enquête. Selon
les premières investigations, ces
comprimés avaient été prescrits à
certains membres de la famille afin
de traiter un « état dépressif » .
Mais seuls les résultats des analyses
toxicologiques permettront de
déterminer si les Demeester ont, ou
non, absorbé ces médicaments en
quantitéabusiveavant desedonner
la mort. Hier, les quatre autopsies
réalisées à Boulogne-sur-Mer ont
confirmé que les quatre décès sont
survenus par asphyxie de façon
quasi simultanée, tandis qu’aucune
trace de violence n’a été détectée.
« On exclut désormais l’intervention
d’un tiers », précise le procureur de
la République Gérald Lesigne, qui a
ouvert ce week-end une informa-
tion judiciaire pour « recherche des
causes de la mort » . À proximité des
corps, pendus dans la véranda, une
lettre indiquait simplement : « On a
trop déconné. » Ces prochains jours,
les enquêteurs chercheront à déter-
miner si certains membres de la
familleontjouéunrôlemoteurdans
cette pendaison collective.
CYRILLE LOUIS
Des sédatifs découverts chez les pendus de Coulogne
Les autopsies des corps retrouvés dans la véranda ont confirmé que les
décès sont survenus par asphyxie et de façon quasi simultanée. Gamma
ÉDUCATION.
Valérie Pécresse,
ministre de l’Enseignement
supérieur, a annoncé hier
qu’elle avait confié
à Jean-François Bach, secrétaire
perpétuel de l’Académie
des sciences, une « mission » sur
la première année de médecine,
dont elle veut réformer « le
déroulement et les débouchés » .
VOL.
Des cambrioleurs ont
dérobé en fin de semaine
dernière 3 762 bouteilles de
grands vins de Côtes-du-Rhône
septentrionales (Côte-Rôtie,
Condrieu, Saint-Joseph),
évaluées à 70 000 euros,
chez le principal producteur
de Chavanay (Loire).
JUSTICE.
Une information
judiciaire pour violences
avec arme, subornation
de témoin et injures
a été ouverte hier dans le cadre
de l’enquête sur l’agression
perpétrée le 22 septembre
à Hénin-Beaumont
(Pas-de-Calais)
contre Marine Le Pen.
JUSTICE.
Les hommes d’affaires
libanais Iskandar et Akram Safa,
sous le coup de mandats d’arrêt
dans deux affaires financières
mettant en cause Charles Pasqua
ou son entourage, sont en
France et ont été placés hier
sous contrôle judiciaire.
EN BREF
Prison ferme pour les agresseurs de CRS
JUSTICE.
Trois jeunes hommes de 19 à 23 ans ont été condamnés hier à
Évry à des peines de six à huit ans de prison pour l’agression de deux
CRS le 19 septembre 2006 dans la cité des Tarterêts à Corbeil-Essonnes
(Essonne). Le tribunal a également prononcé deux relaxes. Accueilli
par les protestations des proches des prévenus, le jugement a été quali-
fié de « satisfaisant » par le syndicat de gardiens de la paix Alliance.
Les victimes de Charm el-Cheikh à l’Elysée
ACCIDENT.
Nicolas Sarkozy a reçu hier matin Marc Chernet, président
de l’association des familles de victimes du crash de Charm el-Cheikh,
dans lequel avaient péri 134 Français. Le président de la République va
demander au maire de Paris de donner une sépulture décente aux res-
tes non identifiés des victimes, toujours entreposés au Caire.
Importante saisie de drogue hallucinogène
TRAFIC.
Les douaniers du tunnel sous la Manche à Calais (Pas-de-Ca-
lais) ont saisi récemment dans une voiture en provenance des Pays-
Bas quelque 80 000 cachets de m-CPP, un produit aux effets hallucino-
gènes. Les comprimés roses ont été découverts dans 55 bouteilles
d’eau. Un kilo de cannabis a également été découvert.
Cinq indépendantistes présentés aux juges
JUSTICE.
Quatre Français et un Espagnol appartenant aux milieux
indépendantistes du Pays Basque français, interpellés dans le cadre de
l’enquête sur un attentat contre un hôtel du chef Alain Ducasse en
2006, devaient être présentés hier soir devant deux juges antiterroristes
en vue de leur mise en examen.
Un ancien membre d’ETA condamné
JUSTICE.
Le tribunal correctionnel de Paris a condamné hier un ancien
membre français, aujourd’hui repenti, de l’organisation indépendan-
tiste basque ETA à quatre ans de prison, dont un ferme. Cet imprimeur
bayonnais, jugé pour association de malfaiteurs en lien avec une entre-
prise terroriste, s’occupait de la « cellule falsification ».
ÉCOLES PRIMAIRES.
En alternati-
ve au menu ordinaire, les 16 400
élèves du primaire inscrits dans les
cantines lyonnaises se verront pro-
poser à partir de la rentrée 2008 un
menu sans viande. Ils privilégie-
ront les œufs ou le poisson. La
mesure a été annoncée hier, à
l’issue d’une série de réunions qui
se sont tenues entre la mairie de
Lyon et les représentants des reli-
gions et d’associations laïques. Elle
correspond, selon l’adjoint chargé
des affaires scolaires, à une
demande de familles de confession
musulmane ou juive, préoccupées
par la façon dont la viande est cui-
sinée « c’est une recherche de
consensus respectant au mieux la
diversité », a-t-il expliqué. À l’heure
actuelle, à la cantine, près d’un
tiers des enfants choisit le menu
sans porc. Cette décision fait réagir
l’association Regard de femmes
qui lutte contre les intégrismes. Sa
présidente, Michèle Vianès, a qua-
lifié la décision « d’apartheid ali-
mentaire ». « Différenciés selon les
croyances de leurs parents, com-
ment faire vivre ensemble les élè-
ves ? », demande-t-elle.Elles’inter-
roge aussi sur la légalité d’une
décision qui modifie le cahier des
charges du marché des cantines
sans appel à la concurrence.
FRÉDÉRIC POIGNARD (à Lyon)
Repas sans viande pour les cantines lyonnaises
■La Conférence des évêques
de France a dénoncé hier « les
mesures toujours plus restricti-
ves » en matière d’immigration,
qui risquent d’apparaître « com-
me des concessions à une opi-
nion dominée par la peur plutôt
que par les chances de la mon-
dialisation ». En plein vote du pro-
jet de loi, les évêques se sont en
outre réjouis du fait « que des
élus d’appartenances politiques
variées, à l’Assemblée nationale
comme au Sénat, se soient
opposés à l’utilisation de tests
génétiques pour vérifier les liens
de parenté. Il y aurait là, disent-ils,
le risque d’une grave dérive sur
le sens de l’homme et la dignité
de la famille. » Les évêques se
sont aussi inquiétés « des condi-
tions toujours plus restrictives
mises au regroupement familial
qui est un droit à respecter ».
Même réaction du côté des asso-
ciations protestantes qui ont
pointé du doigt « les risques de
fragilisation accrue des familles
étrangères et des demandeurs
d’asile ». Concernant les tests
génétiques, elles fustigent une
«intrusion dans la vie privée et
l’intimité des familles », prohibée
«à l’égard des familles françai-
ses ». S. DE R.
Immigration : évêques et protestants réagissent