L`élargissement de la métaphysique

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L'élargissement de la métaphysique
GENCOD : 9782705682569
PASSAGE CHOISI
Extrait de l'introduction
Depuis ses origines lointaines dans la Grèce antique, la philosophie cherche à dire des
choses inaccessibles aux autres disciplines du savoir. Elle commence ses investigations
dans le monde de la nature et lentement elle s'élève vers ce qui est censé se trouver au-delà
de ce monde. Elle ne cesse de mettre les sciences à leur place, et de se mettre elle-même au
milieu, au centre, aussi bien pour éclipser les sciences que pour les fonder. Elle se veut
science centrale, science principale, science première. Or s'instaurer de cette sorte principe
et maîtresse des entreprises de la raison est un procédé aventureux qui coûtera cher à la
philosophie. La philosophie croit pouvoir élargir son emprise sur le réel, approfondir ses
visions, universaliser ses intuitions, mais périodiquement, elle se voit contrainte à réviser à la
baisse ses ambitions, restreindre ses aspirations, délimiter donc limiter son territoire. Sans
doute, la plupart des purges sont suivies par une restauration, les retranchements entraînent
des agrandissements. Cependant, tous ces enrichissements s'avèrent des conquêtes
ambiguës. La philosophie peut se féliciter d'être parvenue à pénétrer des sphères qui lui
étaient auparavant interdites, de s'être mise à penser en concept des zones du réel qui
paraissaient imperméables à l'universalisation, à la formalisation. Or malheureusement, cette
extension ne représente qu'une victoire factice car l'élargissement du pensable est payé au
prix fort d'un nivellement de sa condition. La Critique aboutit à l'Encyclopédie, mais si le
Savoir Absolu peut revendiquer la pénétration intégrale du réel, ce réel qu'il illumine n'est
qu'homogène, univoque : l'élargissement de l'intelligibilité passe par l'abandon de la
Transcendance... Qui plus est, cette victoire de la Raison est finalement très éphémère. Les
diverses mises en question de la portée du dire philosophique aboutissent à un positivisme
logique, à une philosophie analytique qui ne se contentent pas de confirmer et de compléter
la dépossession de la philosophie de ses prétentions à toucher «le fond» des choses. Ils lui
refuseront aussi le pouvoir de discourir, même à la surface, de tout ce qui a toujours le plus
importé aux hommes. La Critique a cru pouvoir et devoir interdire à la philosophie de scruter
les choses du Ciel, désormais on lui disputera encore l'aptitude à discourir sur les choses de
la Terre... La philosophie devrait coller à ce qu'on peut exprimer par «le langage naturel». Or
le langage naturel n'a guère de prise sur les réalités les plus profondes, sur l'être et la vérité,
sur le bien et le mal. Bref sur ce qui est essentiel.
La philosophie devrait se taire car ce qu'elle voudrait dire - ce qu'elle a toujours voulu dire serait indicible. Elle a une proximité native au langage quotidien, au discours «logique» qui,
précisément, la disqualifierait de pouvoir être signifiante dans ses énoncés portant sur le
transcendant, le normatif. Il vaudrait mieux qu'elle laisse la parole à la Poésie et à la Religion
qui sont à leur manière, d'après l'intelligibilité qui leur est propre, aptes à dire ce qui reste par
ailleurs «indicible» selon les critères de la langue naturelle. Or depuis Platon, on sait que le
Logos n'est pas jaloux : l'esprit de l'homme est capable de penser les choses essentielles. Et
la vocation de la Philosophie, une discipline avec ses objets intentionnels spécifiques, c'est
de formuler et d'énoncer ces pensées. La Philosophie n'est ni une logique des sciences, ni
une poétique du concept ou une mythologie des eidê, mais un discours spéculatif et
descriptif sur les structures et les potentialités, les valeurs et les promesses du réel.
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