L
e mycophénolate est un médicament immunosuppres-
seur qui inhibe la prolifération des lymphocytes Tet B
par inhibition de l’inosine 5’-monophosphate déshydro-
génase (IMPDH). En effet, la prolifération des lymphocytes
est essentiellement dépendante de la synthèse de novo des
bases puriques, contrairement à d’autres types cellulaires qui
peuvent utiliser des voies de suppléance. Le mode d’action du
MPA est donc complémentaire de celui des inhibiteurs de la
calcineurine (ciclosporine, tacrolimus) qui inhibent la trans-
cription du gène de l’interleukine 2 et l’activation des lym-
phocytes T au repos. Le mycophénolate est prescrit en trans-
plantation d’organe en association avec un inhibiteur de la
calcineurine, mais il est aussi parfois utilisé, hors AMM, après
transplantation de cellules souches ou dans des maladies auto-
immunes.
La première forme mise sur le marché en 1996 par les labora-
toires Roche est le mycophénolate mofétil ([MMF], Cellcept
®
) ,
ou morpholino-éthyl ester de MPA(figure 1) indiqué “en
association à la ciclosporine et aux corticoïdes, pour la pré-
vention des rejets aigus d’organes chez les patients ayant
bénéficié d’une allogreffe rénale, cardiaque ou hépatique” (1).
En pratique, chez une majorité de patients ayant bénéficié
d’une de ces greffes, le mycophénolate mofétil a remplacé
l’azathioprine (Imurel
®
), qui est de moins en moins souvent
prescrite. Le mycophénolate mofétil présente de fréquents
effets indésirables, en particulier digestifs : 28-37 % des
patients traités par MMF souffriraient de diarrhées, effet indé-
sirable perçu comme le plus dose-limitant (2, 3) ; dans plus de
10 % des cas, on retrouve également nausées, vomissements,
douleurs abdominales, candidose buccale et, sur le plan héma-
tologique, des leucopénies, des thrombopénies ou des anémies.
Si les effets indésirables hématologiques semblent dépendre
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
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P
H A R M A C O C I N É T I Q U E
Mycophénolate mofétil et mycophénolate sodique :
deux médicaments ou deux formes galéniques ?
Mycophenolate mofetil and mycophenolate sodium:
two drugs or two formulations of the same drug?
P. Marquet*
RÉSUMÉ.
Le mycophénolate mofétil ([MMF], CellCept
®
) est un médicament immunosuppresseur indiqué en transplantation d’organe. Il s’agit
d’un ester de l’acide mycophénolique (MPA), prodrogue absorbée à pH acide dans l’estomac. Seul le MPAest retrouvé dans le sang. Le MMF
entraînant de fréquents effets indésirables digestifs, en particulier des diarrhées, un autre laboratoire pharmaceutique a conçu une forme
sodique de mycophénolate, enrobée dans une pellicule gastrorésistante (Myfortic
®
), qui n’est délitée que dans l’intestin à pH 6,8. Les deux
principaux essais cliniques ont montré des profils thérapeutiques et de sécurité clinique équivalents, y compris pour l’incidence des effets indé -
sirables digestifs. La biodisponibilité moyenne de ces deux médicaments sous forme de MPAest équivalente chez les transplantés rénaux, mais
la variabilité individuelle d’exposition lorsque l’on substitue un produit à l’autre n’est pas connue. Par ailleurs, le mycophénolate sodique
entraîne un T
m a x
de MPA significativement allongé et une concentration résiduelle plus forte. Si tous deux peuvent probablement être pro p o s é s
indistinctement en début de greffe, ces deux médicaments ne sont donc pas bioéquivalents et, en part i c u l i e r, rien ne permet d’affirmer à l’heu -
re actuelle que la substitution de l’un à l’autre est possible et sans danger chez des patients à l’état stable.
Mots-clés :
Prodrogues - Absorption digestive - Équivalence thérapeutique - Forme galénique.
ABSTRACT.
Mycophenolate mofetil ([MMF], Cellcept
®
) is an immunosuppressive drug indicated in organ transplant patients. It is an ester
pro-drug of mycophenolic acid (MPA), well absorbed at the acidic pH of the stomach. Only MPAcan be found in blood. As MMF exhibits
frequent gastro-intestinal adverse events, particularly diarrhea, another pharmaceutical company developed enteric-coated tablets of the
sodium salt of MPA([MPS], Myfortic
®
), that is only dissolved in the intestine at pH 6.8. The two major comparative clinical trials demons -
trated equivalent efficacy and safety profiles, including a similar incidence of gastro-intestinal side effects. The average bioavailability of these
two drugs as MPAwas also equivalent in renal transplant patients, but the individual exposure variations when switching from one form to
the other is not known. On the other hand, MPS exhibits significantly higher T
max
and trough level values than MMF. If both can probably be
indistinctively prescribed in de novo renal transplant patients, these two drugs are not bio-equivalent and, in particular, there is no data to
support that switching from one to the other is safe for the patients.
Keywords:
Pro-drugs - Digestive absorption - Therapeutic equivalence.
* Service de pharmacologie–toxicologie, CHU Dupuytren, 87042 Limoges Cedex.
de l’exposition (leur fréquence est corrélée à l’ASC
0-12 h
), les
facteurs favorisant la toxicité digestive sont plus discutés :
selon les auteurs, c’est la dose administrée (4), la concentra-
tion maximale (5) ou la concentration d’acide mycophéno-
lique libre dans le plasma ( 6 ) qui sembleraient les mieux corré-
l é e s à ces effets indésirables digestifs.
Le 10 octobre 2003, le mycophénolate sous forme de sel de
sodium ([MPS] figure 1) en comprimés pelliculés gastrosistants
( M y f o r t i c
®
) des laboratoires Novartis a obtenu une autorisation
de mise sur le marché “en association avec la ciclosporine et l e s
corticoïdes, pour la prévention du rejet aigu d’organe chez les
patients adultes ayant bénéficd’une allogreffe rénale” ( 7 ) . La
raison d’être de ce nouveau dicament, initialement mise en
avant par le laboratoire et par divers auteurs ( 8 ) , était de limiter
la toxicigastro-intestinale du mycophénolate et d’augmenter
ainsi son index thérapeutique. En effet, après avoir remarq que
le mycopnolate mofétil présentait des effets indésirables gas-
tro-intestinaux similaires à ceux des anti-inflammatoires non sté-
rdiens (AINS), la stragie d’enrobage du principe actif pour
éviter sa libération dans l’estomac, qui s’était révélée relative-
ment efficace pour les AINS, a été appliquée au mycophénolate.
Cet article a pour objet de comparer les caractéristiques phar-
macocinétiques de ces deux dicaments, de faire la synthèse
des essais thérapeutiques comparatifs et de discuter leur bio-
équivalence éventuelle.
PHARMACOCINÉTIQUE
Le mycophénolate mofétil est disponible sous forme de poudre
pour solution injectable, de lules à 250 mg, de comprimés
baguette à 500 mg et de poudre pour suspension buvable à
1 , 5 g / 5 ml. Le MMF présente une bonne solubilité et une bonne
stabilité à pH acide (pH < 5), assurant une dissolution rapide et
e f ficace du CellCept
®
dans l’estomac ( 9 ). Durant ce processus
d’absorption, le MMF est totalement hydrolysé par des estérases
en acide mycophénolique (MPA), si bien qu’il n’est jamais
dosable dans le sang. Cette hydrolyse pourrait survenir dans
l’épithélium gastrique et intestinal. La biodisponibilidu MMF
est de 94 % sous forme de MPA. Le MPA lui-même n’est pas
soluble en pH acide, mais il est soluble et stable à pH 7,0 ( 9 ) .
Labsorption du MMF, en partie sous forme de MPA, se poursuit
donc vraisemblablement dans l’intestin grêle, qui est le site
majeur d’absorption de la plupart des médicaments administrés
par voie orale, du fait de sa très large surface d’absorption. Les
pics de concentration plasmatique de MPA surviennent généra-
lement entre 30 et 90 minutes. Le MPA est métabolisé principa-
lement en acide mycophélique phényl-glucuronide (MPA G ) ,
rivé inactif éliminé par la bile, déconjugué par la flore intesti-
nale et donnant lieu à un cycle enro-hépatique du MPA, qui se
traduit par un pic plasmatique secondaire. Le MPA pénètre très
peu dans les éléments figurés du sang, et il est lié à 95-97 % à
l’albumine plasmatique. Son volume de distribution est d’envi-
ron 4 l/kg. Le MPA et ses métabolites sont éliminés dans l’urine,
essentiellement par des phénomènes de transport actif. La demi-
vie d’élimination du MPA est de 11 à 18 heures. Chez des trans-
plantésnaux, la concentration maximale et l’aire sous la courbe
( A S C
0 - 1 2 h
) sont plus faibles dans la période post-greffe précoce
( 1
e r
mois) que dans la période stable (> 3 mois). Toutefois, cette
évolution dans le temps ne provient probablement pas d’une
modification de l’absorption, car les ASC sont comparables
chez des patients recevant la même dose par voie orale ou par
voie intraveineuse ( 1 0 ) .
Le mycophénolate sodique (Myfortic
®
) est disponible sous forme
de comprimés pelliculés gastrorésistants à 180 et 360 mg ( 7 ) .
Ce dicament est donc un sel d’acide mycophénolique, entouré
d’une pellicule prévue pour résister pendant deux heures à 37 ° C
au pH acide de l’estomac et se dissoudre en moins de trente
minutes à un pH intestinal de 6,8. Ainsi, en torie, l’absorption
du sel d’acide mycophénolique sera retardée jusqu’à ce que le
comprimé atteigne une zone de l’intestin grêle présentant un pH
approprié ( 11 ) . Après absorption intestinale, seul l’acide myco-
phénolique est détectable dans le sang. L’étude d’administration
répétée de 720 mg x 2/j au long cours chez 48 patients, présen-
tée dans le cadre de l’AMM (étude ERL 301), a montré que si
T
m a x
était constant à 2 heures à toutes les riodes, C
max
v a r i a i t
de 13,9 à 23,0 mg/l en moyenne entre le 14
e
jour et
le 6
e
mois post-transplantation. Dans les mêmes conditions,
l ’ A S C
0 - 1 2 h
variait de 29,1 à 55,7 mg x h/l ( 7 ). En revanche, pour
la me dose, l’étude ERLB 2302 en c ro s s o v e r contre MMF
( n = 40) montrait un T
m a x
à 2,5 heures et une C
m a x
moyenne à
7 4 , 7 m g xh / l ( 7 ). Une étude pharmacocinétique comparative du
MMF et du MPS dans laquelle les quatorze patients étaient leur
propre témoin a montdes C
m a x
et des ASC de MPA c o m p a-
r a b l e s : 20,2 contre 19,2 mg/l et 55,7 contre 56,0 m g x h/l pour
46
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
P
H A R M A C O C I N É T I Q U E
Figure 1. Structures chimiques du mycophénolate mofétil et du
mycophénolate sodique.
le MMF et le MPS, respectivement ( 1 2 ). En revanche, le T
m a x
de MPAétait significativement plus long pour le MPS et les taux
résiduels significativement plus élevés (1,57 contre 3,65 m g / l ;
p < 0,01). Par ailleurs, l’activité nycthérale moyenne de
l’IMPDH était identique (5,8 et 4,9 nmol.h
- 1
. m g
- 1
).
Il faut toutefois signaler que l’alimentation pourrait influencer
l’absorption du mycophénolate sodique. Ainsi, la Commission
de la transparence souligne que “le Myfortic
®
peut être pris au
cours ou en dehors des repas ; cependant, une fois ce choix
e ffectué, le patient doit s’y conformer afin de garantir une
absorption régulière du produit( 1 3 ). Dans le RCP du Myfortic
®
aux États-Unis, il est me indiqué que “pour éviter la variabi-
lité d’absorption du MPA d’une dose à l’autre, le Myfortic
®
d o i t
être pris quand l’estomac est vide... une ou deux heures après la
prise de nourriture” ( 1 4 ). Par ailleurs, la vitesse de vidange gas-
trique dépend largement de la nature des aliments (solides,
liquides, richesse en graisse, volume, etc.), si bien que le T
m a x
du MPA pourrait varier d’un jour à l’autre chez un me patient
ou d’un patient à l’autre, en fonction de l’alimentation.
SYNTHÈSE DES ESSAIS CLINIQUES COMPARATIFS
Deux études cliniques multicentriques comparatives ont été
mees chez des transplantés rénaux (15, 16).
La première étude (essai B301), construite pour montrer
l’équivalence thérapeutique du MMF et du MPS, a inclus
4 2 3 patients de novo suivis pendant 12 mois et recevant l’une
des deux formes médicamenteuses, en double aveugle. Un
critère mixte d’efficacité, associant le rejet aigu prouvé par biop-
sie, la perte du greffon, le cès et les perdus de vue, a démon-
tré l’équivalence thérapeutique des deux médicaments à 6 mois
(25,8 contre 26,2 %) et à 12 mois (26,3 contre 28,1 % pour le
critère mixte et 22,5 contre 24,3 % pour les seuls rejets aigus),
pour le MPS et le MMF respectivement ( t a b l e a u I ) . Parmi les
patients ayant présenté un rejet aigu, l’incidence des rejets
sévères était de 2,1 % sous MPS contre 9,8 % sous MMF (NS).
Parallèlement, l’incidence des effets indésirables était similaire
dans les deux groupes (98,1 % au total) : 80,8 % contre 80,0 %
pour les effets indésirables gastro-intestinaux, dont 53,5 %
contre 54,3 % pour le tractus digestif supérieur à 12 mois, ayant
conduit à des modifications de posologie chez 15 % des patients
sous M y f o r t i c
®
contre 19,5 % des patients sous CellCept
®
( N S ) .
Les auteurs concluaient à une efficaciet à une sécuriclinique
équivalentes ( 1 5 ).
Dans l’essai B302, 322 patients grefs rénaux stables, traités
par ciclosporine + MMF ± corticoïdes depuis au moins
4 semaines, étaient randomisés en double aveugle soit dans un
groupe recevant CellCept
®
10 0 0 m g x 2/j + un placebo du
M y f o r t i c
®
, soit dans un groupe recevant M y f o r t i c
®
7 2 0 m g x2 / j
+ un placebo du CellCept
®
. Ce protocole avait pour but de
terminer si la conversion du MMF au MPS était
possible. Le critère de jugement principal était l’incidence et
la sévérité des effets indésirables digestifs et des neutropénies
au cours des trois premiers mois. L’incidence des effets gastro-
intestinaux était alors de 26,4 contre 20,9 % (NS), et de
29,6 et 24,5 % (NS) à 12 mois pour le MPS et le MMF
respectivement. L’incidence de la neutropénie dans les
trois premiers mois était respectivement de 0,6 % et 3,7 %
(NS) et le nombre d’infections graves était significativement
plus faible dans le groupe MPS (8,8 % contre 16,0 % ;
p < 0,05). L’ e f ficacité, considée comme un objectif secondaire
dans cette étude, était évale sur un critère mixte associant rejet
aigu, perte de greffon ou décès. L’incidence de ces échecs au
traitement était de 2,5 % et 6,1 % (NS) pour le MPS et le MMF
respectivement, et les seuls rejets aigus prouvés par biopsie
étaient retrouvés chez 1,3 % et 3,1 % des patients (NS). Les
auteurs concluaient que chez les transplantés rénaux stables, le
MMF pouvait être remplacé par du MPS sans compromettre
l’efficacité et la sécurité clinique (16).
Lavis de la Commission de la transparence ( 1 3 ) est que “le
M y f o r t i c
®
comprimés, forme gastrorésistante de mycopnolate
sodique, n’apporte pas d’amélioration du service médical
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
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Critère principal d’efficacité : Myfortic
®
CellCept
®
Borne
incidence du rejet aigu prouvé par biopsie, perte du greffon, 1,44 g/j 2 g/j Différence d’équivalence
décès ou perdu de vue. ITT : n = 213 ITT : n = 210 observée – 12 %
PP : n = 201 PP : n = 202
n (%) n (%) n (%) n (%)
À 6 mois
Analyse sur population ITT 55 (25,8) 55 (26,2) – 0,4 %(– 8,7 ; 8,0)
Analyse sur population PP 50 (24,9) 52 (25,7) – 0,8 %(– 9,4 ; 7,6)
À 12 mois
Analyse sur population ITT 60 (28,2) 59 (28,1) 0,1 % (– 8,5 ; 8,6)
Analyse sur population PP 55 (27,4) 56 (27,7) – 0,4 %(– 9.1 ; 8,4)
ITT : population en intention de traitement ; PP : population en perprotocole.
Tableau I. Analyse du critère principal d’évaluation de l’efficacité à 6 et 12 mois de l’étude B301. (D’après l’avis de la Commission de
la transparence [12]).
par rapport à CellCept
®
comprimés et gélules (forme non
gastrorésistante). M y f o r t i c
®
peut : être une alternative au
C e l l C e p t
®
chez les patients transplantés de novo en association à
d’autres immunosuppresseurs ; remplacer un autre immunosup-
presseur à distance de la greffe chez des transplantés initiale-
ment traités par cette classe dimmunosuppresseur. La popula-
tion cible est celle des patients adultes ayant fic d’une
a l l o g r e ffe rénaleCependant, il est à noter qu’en l’état actuel
du dossier, M y f o r t i c
®
ne présente pas d’avantage en terme de
tolérance par rapport
au CellCept
®
et que sa place chez les patients intolérants au
C e l l C e p t
®
n’est pas démontrée”.
DISCUSSION
Les deux essais cliniques comparatifs de phase III réalisés à
l’initiative de Novartis ont démont l’équivalence du
M y f o r t i c
®
et du CellCept
®
, aussi bien pour l’efficacité thérapeu-
tique que pour la sécuriclinique, pour des doses molaires de
mycophénolate identiques (720 mg de mycophénolate sodique
étant équivalents à 1 0 0 0 mg de mycophénolate mofétil). Cette
équivalence concerne également l’incidence des effets indési-
rables digestifs, aussi bien pour le tractus digestif supérieur que
pour l’intestin grêle et le lon. En particulier, l’incidence des
diarrhées était identique, comme on pouvait s’y attendre : en
e f fet, les formes gastrorésistantes ne sont censées protéger que
la muqueuse gastrique, et non la muqueuse intestinale. Même
les effets indésirables gastriques du MMF, minoritaires
( < 1 0 %) par rapport aux diarrhées, n’ont pas été diminués. En
revanche, la dissolution des comprimés pelliculés de MPS
pourrait être affectée par des variations du pH intestinal et l’ab-
sorption du mycophénolate plus faible en cas d’augmentation
du transit. Or les diarrhées étant également fréquentes avec ce
dicament, une malabsorption éventuelle mériterait d’être
mieux étudiée. En effet, aucun suivi des concentrations n’a été
e f fectué dans les deux essais de phase III, en dehors d’une peti-
te étude pharmacocinétique ponctuelle, nichée dans l’étude
concernant les greffés rénaux précoces ( 1 5 ) . Un essai compara-
tif MMF versus MPS a été mené, avec les formes pharmaceu-
tiques humaines, chez des chiens beagle. Les critères de juge-
ment principaux étaient l’incidence et la gravité de la diarrhée
et les modifications anatomopathologiques du tractus gastro-
intestinal. Les diarrhées se sont révélées fréquentes dans les
deux groupes et les examens anatomopathologiques ont confir-
la présence d’une inflammation entérique et colique géné-
ralisée chez ces chiens, ce qui renforce l’hypothèse de diarrhées
inflammatoires plus que sécrétoires ( 1 7 ) .
La biodisponibilité relative des deux médicaments est iden-
tique, mais les profils pharmacocinétiques sont différents, avec
une absorption retardée et des concentrations résiduelles plus
élevées pour le MPS. Les outils de suivi thérapeutique phar-
macologique de l’acide mycophénolique reposant sur l’esti-
mation de l’ASC
0 - 1 2 h
, soit par régression linéaire multiple soit
par estimation bayésienne, développés jusqu’ici pour le MMF,
ne pourront donc pas être appliqués au MPS, et de nouvelles
études pharmacocinétiques ad hoc devront vraisemblablement
être menées ( 1 8 - 2 2 ). Une question reste en suspens, à laquelle
l’essai de phase III mené chez des patients greffés rénaux
stables ne répond pas : si, pour des doses équivalentes, l’ASC
moyenne de MPA est identique, en est-il de même chez un
patient donné ? En effet, les sites et les conditions d’absorption
étant différents, est-il possible de remplacer une dose adaptée
de l’un des médicaments par une dose équivalente de l’autre ?
La réponse qui a été apportée à cette question dans le RCP d u
M y f o r t i c
®
aux États-Unis est négative : “les comprimés à libé-
ration prolongée de M y f o r t i c
®
et les comprimés et gélules de
mycophénolate mofétil ne devraient pas être utilisés de manière
interchangeable sans contrôle médical car la vitesse d’absorp-
tion suivant l’administration de ces deux produits n’est pas
équivalente”. En ce sens, CellCept
®
et M y f o r t i c
®
ne sont pas
“essentiellement similaires” car, s’ils ont la même composition
qualitative et quantitative en substance active, leur forme phar-
maceutique est différente et ils ne sont pas bioéquivalents
(T
max
d i f re de plus de 20 %). Par ailleurs, l’alimentation
semble avoir un effet plus important pour le MPS que pour le
M M F, nécessitant une bonne observance du traitement.
On peut en revanche discuter de la notion de prodrogue comme
dicament original : dans la mesure , aps absorption de
mycophénolate mofétil, seul l’acide mycophénolique est retrou-
dans le sang, doit-on considérer le mycophénolate mofétil
comme la mocule médicamenteuse, ou le radical mofétil (mor-
pholino-éthyle) comme un excipient ? Mycophénolate mofétil et
mycophénolate sodique sont-ils deux médicaments diff é r e n t s ,
ou deux formes galéniques d’une me substance active ? La
question aurait pu être encore plus licate si les deux médica-
ments s’étaient rélés bioéquivalents. En effet, l’article 10.2.B
de la directive européenne 2001/83/CE stipule que “les diff é-
rents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d’isomères, com-
plexes ou dérivés d’une substance active sont considérés comme
une seule et me substance active, à moins qu’ils ne présentent
des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité
et/ou de l’efficacité” ( 2 3 ) .
CONCLUSION
L’efficacité et la sécurité clinique du mycophénolate mofétil
et du mycophénolate sodique sont équivalentes à l’échelle de
la population des transplantés rénaux et ces deux formes peu-
vent être utilisées indifféremment à l’instauration du traite-
ment, dans les heures ou les jours suivant la greffe. Des études
pharmacocinétiques sont nécessaires pour connaître l’am-
pleur des différences individuelles d’exposition lorsque l’on
substitue l’un des médicaments à l’autre chez un patient à
48
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
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l’état stable, ainsi que pour mettre au point des outils d’esti-
mation de lASC
0 - 1 2 h
pour ladaptation individuelle de posologie
du MPS. Dans le domaine de la transplantation d’organe,
l’expérience a en effet démontré qu’une simple modification
d’absorption d’un principe actif pouvait bouleverser les pra-
tiques d’adaptation individuelle de posologie.
R
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