Mycophénolate mofétil et mycophénolate sodique

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H A R M A C O C I N É T I Q U E
Mycophénolate mofétil et mycophénolate sodique :
deux médicaments ou deux formes galéniques ?
Mycophenolate mofetil and mycophenolate sodium:
two drugs or two formulations of the same drug?
● P. Marquet*
RÉSUMÉ. Le mycophénolate mofétil ([MMF], CellCept ®) est un médicament immunosuppresseur indiqué en transplantation d’organe. Il s’agit
d’un ester de l’acide mycophénolique (MPA), prodrogue absorbée à pH acide dans l’estomac. Seul le MPA est retrouvé dans le sang. Le MMF
entraînant de fréquents effets indésirables digestifs, en particulier des diarrhées, un autre laboratoire pharmaceutique a conçu une forme
sodique de mycophénolate, enrobée dans une pellicule gastrorésistante (Myfortic ®), qui n’est délitée que dans l’intestin à pH 6,8. Les deux
principaux essais cliniques ont montré des profils thérapeutiques et de sécurité clinique équivalents, y compris pour l’incidence des effets indé sirables digestifs. La biodisponibilité moyenne de ces deux médicaments sous forme de MPA est équivalente chez les transplantés rénaux, mais
la variabilité individuelle d’exposition lorsque l’on substitue un produit à l’autre n’est pas connue. Par ailleurs, le mycophénolate sodique
entraîne un Tmax de MPA significativement allongé et une concentration résiduelle plus forte. Si tous deux peuvent probablement être proposés
indistinctement en début de greffe, ces deux médicaments ne sont donc pas bioéquivalents et, en part i c u l i e r, rien ne permet d’affirmer à l’heu re actuelle que la substitution de l’un à l’autre est possible et sans danger chez des patients à l’état stable.
Mots-clés : Prodrogues - Absorption digestive - Équivalence thérapeutique - Forme galénique.
ABSTRACT. Mycophenolate mofetil ([MMF], Cellcept ®) is an immunosuppressive drug indicated in organ transplant patients. It is an ester
pro-drug of mycophenolic acid (MPA), well absorbed at the acidic pH of the stomach. Only MPA can be found in blood. As MMF exhibits
frequent gastro-intestinal adverse events, particularly diarrhea, another pharmaceutical company developed enteric-coated tablets of the
sodium salt of MPA ([MPS], Myfortic®), that is only dissolved in the intestine at pH 6.8. The two major comparative clinical trials demons trated equivalent efficacy and safety profiles, including a similar incidence of gastro-intestinal side effects. The average bioavailability of these
two drugs as MPA was also equivalent in renal transplant patients, but the individual exposure variations when switching from one form to
the other is not known. On the other hand, MPS exhibits significantly higher Tmax and trough level values than MMF. If both can probably be
indistinctively prescribed in de novo renal transplant patients, these two drugs are not bio-equivalent and, in particular, there is no data to
support that switching from one to the other is safe for the patients.
Keywords: Pro-drugs - Digestive absorption - Therapeutic equivalence.
e mycophénolate est un médicament immunosuppresseur qui inhibe la prolifération des lymphocytes T et B
par inhibition de l’inosine 5’-monophosphate déshydrogénase (IMPDH). En effet, la prolifération des lymphocytes
est essentiellement dépendante de la synthèse de novo des
bases puriques, contrairement à d’autres types cellulaires qui
peuvent utiliser des voies de suppléance. Le mode d’action du
MPA est donc complémentaire de celui des inhibiteurs de la
calcineurine (ciclosporine, tacrolimus) qui inhibent la transcription du gène de l’interleukine 2 et l’activation des lymphocytes T au repos. Le mycophénolate est prescrit en transplantation d’organe en association avec un inhibiteur de la
calcineurine, mais il est aussi parfois utilisé, hors AMM, après
transplantation de cellules souches ou dans des maladies autoimmunes.
L
* Service de pharmacologie–toxicologie, CHU Dupuytren, 87042 Limoges Cedex.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
La première forme mise sur le marché en 1996 par les laboratoires Roche est le mycophénolate mofétil ([MMF], Cellcept®),
ou morpholino-éthyl ester de MPA (figure 1) indiqué “en
association à la ciclosporine et aux corticoïdes, pour la prévention des rejets aigus d’organes chez les patients ayant
bénéficié d’une allogreffe rénale, cardiaque ou hépatique” (1).
En pratique, chez une majorité de patients ayant bénéficié
d’une de ces greffes, le mycophénolate mofétil a remplacé
l’azathioprine (Imurel®), qui est de moins en moins souvent
prescrite. Le mycophénolate mofétil présente de fréquents
effets indésirables, en particulier digestifs : 28-37 % des
patients traités par MMF souffriraient de diarrhées, effet indésirable perçu comme le plus dose-limitant (2, 3) ; dans plus de
10 % des cas, on retrouve également nausées, vomissements,
douleurs abdominales, candidose buccale et, sur le plan hématologique, des leucopénies, des thrombopénies ou des anémies.
Si les effets indésirables hématologiques semblent dépendre
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de l’exposition (leur fréquence est corrélée à l’ASC0-12 h), les
facteurs favorisant la toxicité digestive sont plus discutés :
selon les auteurs, c’est la dose administrée (4), la concentration maximale (5) ou la concentration d’acide mycophénolique libre dans le plasma (6) qui sembleraient les mieux corrélées à ces effets indésirables digestifs.
Figure 1. Structures chimiques du mycophénolate mofétil et du
mycophénolate sodique.
Le 10 octobre 2003, le mycophénolate sous forme de sel de
sodium ([MPS] figure 1) en comprimés pelliculés gastrorésistants
(Myfortic®) des laboratoires Novartis a obtenu une autorisation
de mise sur le marché “en association avec la ciclosporine et les
corticoïdes, pour la prévention du rejet aigu d’organe chez les
patients adultes ayant bénéficié d’une allogreffe rénale” (7). La
raison d’être de ce nouveau médicament, initialement mise en
avant par le laboratoire et par divers auteurs (8), était de limiter
la toxicité gastro-intestinale du mycophénolate et d’augmenter
ainsi son index thérapeutique. En effet, après avoir remarqué que
le mycophénolate mofétil présentait des effets indésirables gastro-intestinaux similaires à ceux des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la stratégie d’enrobage du principe actif pour
éviter sa libération dans l’estomac, qui s’était révélée relativement efficace pour les AINS, a été appliquée au mycophénolate.
Cet article a pour objet de comparer les caractéristiques pharmacocinétiques de ces deux médicaments, de faire la synthèse
des essais thérapeutiques comparatifs et de discuter leur bioéquivalence éventuelle.
PHARMACOCINÉTIQUE
Le mycophénolate mofétil est disponible sous forme de poudre
pour solution injectable, de gélules à 250 mg, de comprimés
baguette à 500 mg et de poudre pour suspension buvable à
1,5 g/5 ml. Le MMF présente une bonne solubilité et une bonne
stabilité à pH acide (pH < 5), assurant une dissolution rapide et
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efficace du CellCept ® dans l’estomac (9). Durant ce processus
d’absorption, le MMF est totalement hydrolysé par des estérases
en acide mycophénolique (MPA), si bien qu’il n’est jamais
dosable dans le sang. Cette hydrolyse pourrait survenir dans
l’épithélium gastrique et intestinal. La biodisponibilité du MMF
est de 94 % sous forme de MPA. Le MPA lui-même n’est pas
soluble en pH acide, mais il est soluble et stable à pH 7,0 (9).
L’absorption du MMF, en partie sous forme de MPA, se poursuit
donc vraisemblablement dans l’intestin grêle, qui est le site
majeur d’absorption de la plupart des médicaments administrés
par voie orale, du fait de sa très large surface d’absorption. Les
pics de concentration plasmatique de MPA surviennent généralement entre 30 et 90 minutes. Le MPA est métabolisé principalement en acide mycophélique phényl-glucuronide (MPAG),
dérivé inactif éliminé par la bile, déconjugué par la flore intestinale et donnant lieu à un cycle entéro-hépatique du MPA, qui se
traduit par un pic plasmatique secondaire. Le MPA pénètre très
peu dans les éléments figurés du sang, et il est lié à 95-97 % à
l’albumine plasmatique. Son volume de distribution est d’environ 4 l/kg. Le MPA et ses métabolites sont éliminés dans l’urine,
essentiellement par des phénomènes de transport actif. La demivie d’élimination du MPA est de 11 à 18 heures. Chez des transplantés rénaux, la concentration maximale et l’aire sous la courbe
(ASC0-12 h) sont plus faibles dans la période post-greffe précoce
(1er mois) que dans la période stable (> 3 mois). Toutefois, cette
évolution dans le temps ne provient probablement pas d’une
modification de l’absorption, car les ASC sont comparables
chez des patients recevant la même dose par voie orale ou par
voie intraveineuse (10).
Le mycophénolate sodique (Myfortic®) est disponible sous forme
de comprimés pelliculés gastrorésistants à 180 et 360 mg (7).
Ce médicament est donc un sel d’acide mycophénolique, entouré
d’une pellicule prévue pour résister pendant deux heures à 37 °C
au pH acide de l’estomac et se dissoudre en moins de trente
minutes à un pH intestinal de 6,8. Ainsi, en théorie, l’absorption
du sel d’acide mycophénolique sera retardée jusqu’à ce que le
comprimé atteigne une zone de l’intestin grêle présentant un pH
approprié (11). Après absorption intestinale, seul l’acide mycophénolique est détectable dans le sang. L’étude d’administration
répétée de 720 mg x 2/j au long cours chez 48 patients, présentée dans le cadre de l’AMM (étude ERL 301), a montré que si
Tmax était constant à 2 heures à toutes les périodes, Cmax variait
de 13,9 à 23,0 mg/l en moyenne entre le 14e jour et
le 6e mois post-transplantation. Dans les mêmes conditions,
l’ASC 0-12 h variait de 29,1 à 55,7 mg x h/l ( 7 ). En revanche, pour
la même dose, l’étude ERLB 2302 en crossover contre MMF
(n = 40) montrait un Tmax à 2,5 heures et une Cmax moyenne à
74,7 mg x h/l ( 7 ). Une étude pharmacocinétique comparative du
MMF et du MPS dans laquelle les quatorze patients étaient leur
propre témoin a montré des Cmax et des ASC de MPA c o m p arables : 20,2 contre 19,2 mg/l et 55,7 contre 56,0 mg x h/l pour
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le MMF et le MPS, respectivement ( 1 2 ). En revanche, le Tmax
de MPA était significativement plus long pour le MPS et les taux
résiduels significativement plus élevés (1,57 contre 3,65 mg/l ;
p < 0,01). Par ailleurs, l’activité nycthémérale moyenne de
l’IMPDH était identique (5,8 et 4,9 nmol.h-1.mg-1).
Il faut toutefois signaler que l’alimentation pourrait influencer
l’absorption du mycophénolate sodique. Ainsi, la Commission
de la transparence souligne que “le Myfortic® peut être pris au
cours ou en dehors des repas ; cependant, une fois ce choix
effectué, le patient doit s’y conformer afin de garantir une
absorption régulière du produit” (13). Dans le RCP du Myfortic®
aux États-Unis, il est même indiqué que “pour éviter la variabilité d’absorption du MPA d’une dose à l’autre, le Myfortic® doit
être pris quand l’estomac est vide... une ou deux heures après la
prise de nourriture” (14). Par ailleurs, la vitesse de vidange gastrique dépend largement de la nature des aliments (solides,
liquides, richesse en graisse, volume, etc.), si bien que le Tmax
du MPA pourrait varier d’un jour à l’autre chez un même patient
ou d’un patient à l’autre, en fonction de l’alimentation.
SYNTHÈSE DES ESSAIS CLINIQUES COMPARATIFS
Deux études cliniques multicentriques comparatives ont été
menées chez des transplantés rénaux (15, 16).
La première étude (essai B301), construite pour démontrer
l’équivalence thérapeutique du MMF et du MPS, a inclus
423 patients de novo suivis pendant 12 mois et recevant l’une
des deux formes médicamenteuses, en double aveugle. Un
critère mixte d’efficacité, associant le rejet aigu prouvé par biopsie, la perte du greffon, le décès et les perdus de vue, a démontré l’équivalence thérapeutique des deux médicaments à 6 mois
(25,8 contre 26,2 %) et à 12 mois (26,3 contre 28,1 % pour le
critère mixte et 22,5 contre 24,3 % pour les seuls rejets aigus),
pour le MPS et le MMF respectivement (tableau I). Parmi les
patients ayant présenté un rejet aigu, l’incidence des rejets
sévères était de 2,1 % sous MPS contre 9,8 % sous MMF (NS).
Parallèlement, l’incidence des effets indésirables était similaire
dans les deux groupes (98,1 % au total) : 80,8 % contre 80,0 %
pour les effets indésirables gastro-intestinaux, dont 53,5 %
contre 54,3 % pour le tractus digestif supérieur à 12 mois, ayant
conduit à des modifications de posologie chez 15 % des patients
sous Myfortic® contre 19,5 % des patients sous CellCept® (NS).
Les auteurs concluaient à une efficacité et à une sécurité clinique
équivalentes ( 1 5 ).
Dans l’essai B302, 322 patients greffés rénaux stables, traités
par ciclosporine + MMF ± corticoïdes depuis au moins
4 semaines, étaient randomisés en double aveugle soit dans un
groupe recevant CellCept® 1 000 mg x 2/j + un placebo du
Myfortic®, soit dans un groupe recevant Myfortic® 720 mg x 2/j
+ un placebo du CellCept®. Ce protocole avait pour but de
déterminer si la conversion du MMF au MPS était
possible. Le critère de jugement principal était l’incidence et
la sévérité des effets indésirables digestifs et des neutropénies
au cours des trois premiers mois. L’incidence des effets gastrointestinaux était alors de 26,4 contre 20,9 % (NS), et de
29,6 et 24,5 % (NS) à 12 mois pour le MPS et le MMF
respectivement. L’incidence de la neutropénie dans les
trois premiers mois était respectivement de 0,6 % et 3,7 %
(NS) et le nombre d’infections graves était significativement
plus faible dans le groupe MPS (8,8 % contre 16,0 % ;
p < 0,05). L’efficacité, considérée comme un objectif secondaire
dans cette étude, était évaluée sur un critère mixte associant rejet
aigu, perte de greffon ou décès. L’incidence de ces échecs au
traitement était de 2,5 % et 6,1 % (NS) pour le MPS et le MMF
respectivement, et les seuls rejets aigus prouvés par biopsie
étaient retrouvés chez 1,3 % et 3,1 % des patients (NS). Les
auteurs concluaient que chez les transplantés rénaux stables, le
MMF pouvait être remplacé par du MPS sans compromettre
l’efficacité et la sécurité clinique (16).
L’avis de la Commission de la transparence (13) est que “le
Myfortic®” comprimés, forme gastrorésistante de mycophénolate
sodique, n’apporte pas d’amélioration du service médical
Tableau I. Analyse du critère principal d’évaluation de l’efficacité à 6 et 12 mois de l’étude B301. (D’après l’avis de la Commission de
la transparence [12]).
Critère principal d’efficacité :
incidence du rejet aigu prouvé par biopsie, perte du greffon,
décès ou perdu de vue.
À 6 mois
– Analyse sur population ITT
– Analyse sur population PP
À 12 mois
– Analyse sur population ITT
– Analyse sur population PP
Myfortic®
1,44 g/j
ITT : n = 213
PP : n = 201
n (%)
CellCept®
2 g/j
ITT : n = 210
PP : n = 202
n (%)
Différence
observée
Borne
d’équivalence
– 12 %
n (%)
n (%)
55 (25,8)
50 (24,9)
55 (26,2)
52 (25,7)
– 0,4 %
– 0,8 %
(– 8,7 ; 8,0)
(– 9,4 ; 7,6)
60 (28,2)
55 (27,4)
59 (28,1)
56 (27,7)
0,1 %
– 0,4 %
(– 8,5 ; 8,6)
(– 9.1 ; 8,4)
ITT : population en intention de traitement ; PP : population en perprotocole.
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par rapport à CellCept® comprimés et gélules (forme non
gastrorésistante). Myfortic® peut : être une alternative au
CellCept® chez les patients transplantés de novo en association à
d’autres immunosuppresseurs ; remplacer un autre immunosuppresseur à distance de la greffe chez des transplantés initialement traités par cette classe d’immunosuppresseur. La population cible est celle des patients adultes ayant bénéficié d’une
allogreffe rénale… Cependant, il est à noter qu’en l’état actuel
du dossier, Myfortic® ne présente pas d’avantage en terme de
tolérance
par
rapport
au CellCept® et que sa place chez les patients intolérants au
CellCept® n’est pas démontrée”.
DISCUSSION
Les deux essais cliniques comparatifs de phase III réalisés à
l’initiative de Novartis ont démontré l’équivalence du
Myfortic® et du CellCept®, aussi bien pour l’efficacité thérapeutique que pour la sécurité clinique, pour des doses molaires de
mycophénolate identiques (720 mg de mycophénolate sodique
étant équivalents à 1 000 mg de mycophénolate mofétil). Cette
équivalence concerne également l’incidence des effets indésirables digestifs, aussi bien pour le tractus digestif supérieur que
pour l’intestin grêle et le côlon. En particulier, l’incidence des
diarrhées était identique, comme on pouvait s’y attendre : en
effet, les formes gastrorésistantes ne sont censées protéger que
la muqueuse gastrique, et non la muqueuse intestinale. Même
les effets indésirables gastriques du MMF, minoritaires
(< 10 %) par rapport aux diarrhées, n’ont pas été diminués. En
revanche, la dissolution des comprimés pelliculés de MPS
pourrait être affectée par des variations du pH intestinal et l’absorption du mycophénolate plus faible en cas d’augmentation
du transit. Or les diarrhées étant également fréquentes avec ce
médicament, une malabsorption éventuelle mériterait d’être
mieux étudiée. En effet, aucun suivi des concentrations n’a été
effectué dans les deux essais de phase III, en dehors d’une petite étude pharmacocinétique ponctuelle, nichée dans l’étude
concernant les greffés rénaux précoces (15). Un essai comparatif MMF versus MPS a été mené, avec les formes pharmaceutiques humaines, chez des chiens beagle. Les critères de jugement principaux étaient l’incidence et la gravité de la diarrhée
et les modifications anatomopathologiques du tractus gastrointestinal. Les diarrhées se sont révélées fréquentes dans les
deux groupes et les examens anatomopathologiques ont confirmé la présence d’une inflammation entérique et colique généralisée chez ces chiens, ce qui renforce l’hypothèse de diarrhées
inflammatoires plus que sécrétoires (17).
La biodisponibilité relative des deux médicaments est identique, mais les profils pharmacocinétiques sont différents, avec
une absorption retardée et des concentrations résiduelles plus
élevées pour le MPS. Les outils de suivi thérapeutique phar-
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macologique de l’acide mycophénolique reposant sur l’estimation de l’ASC0-12 h, soit par régression linéaire multiple soit
par estimation bayésienne, développés jusqu’ici pour le MMF,
ne pourront donc pas être appliqués au MPS, et de nouvelles
études pharmacocinétiques ad hoc devront vraisemblablement
être menées ( 1 8 - 2 2 ). Une question reste en suspens, à laquelle
l’essai de phase III mené chez des patients greffés rénaux
stables ne répond pas : si, pour des doses équivalentes, l’ASC
moyenne de MPA est identique, en est-il de même chez un
patient donné ? En effet, les sites et les conditions d’absorption
étant différents, est-il possible de remplacer une dose adaptée
de l’un des médicaments par une dose équivalente de l’autre ?
La réponse qui a été apportée à cette question dans le RCP du
Myfortic® aux États-Unis est négative : “les comprimés à libération prolongée de Myfortic® et les comprimés et gélules de
mycophénolate mofétil ne devraient pas être utilisés de manière
interchangeable sans contrôle médical car la vitesse d’absorption suivant l’administration de ces deux produits n’est pas
équivalente”. En ce sens, CellCept® et Myfortic® ne sont pas
“essentiellement similaires” car, s’ils ont la même composition
qualitative et quantitative en substance active, leur forme pharmaceutique est différente et ils ne sont pas bioéquivalents
(Tmax diffère de plus de 20 %). Par ailleurs, l’alimentation
semble avoir un effet plus important pour le MPS que pour le
MMF, nécessitant une bonne observance du traitement.
On peut en revanche discuter de la notion de prodrogue comme
médicament original : dans la mesure où, après absorption de
mycophénolate mofétil, seul l’acide mycophénolique est retrouvé dans le sang, doit-on considérer le mycophénolate mofétil
comme la molécule médicamenteuse, ou le radical mofétil (morpholino-éthyle) comme un excipient ? Mycophénolate mofétil et
mycophénolate sodique sont-ils deux médicaments différents,
ou deux formes galéniques d’une même substance active ? La
question aurait pu être encore plus délicate si les deux médicaments s’étaient révélés bioéquivalents. En effet, l’article 10.2.B
de la directive européenne 2001/83/CE stipule que “les diff érents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d’isomères, complexes ou dérivés d’une substance active sont considérés comme
une seule et même substance active, à moins qu’ils ne présentent
des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité
et/ou de l’efficacité” (23).
CONCLUSION
L’efficacité et la sécurité clinique du mycophénolate mofétil
et du mycophénolate sodique sont équivalentes à l’échelle de
la population des transplantés rénaux et ces deux formes peuvent être utilisées indifféremment à l’instauration du traitement, dans les heures ou les jours suivant la greffe. Des études
pharmacocinétiques sont nécessaires pour connaître l’ampleur des différences individuelles d’exposition lorsque l’on
substitue l’un des médicaments à l’autre chez un patient à
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phenolate mofetil. Clin Pharmacokin 1998;34:429-55.
l’état stable, ainsi que pour mettre au point des outils d’estimation de l’ASC0-12 h pour l’adaptation individuelle de posologie
du MPS. Dans le domaine de la transplantation d’organe,
l’expérience a en effet démontré qu’une simple modification
d’absorption d’un principe actif pouvait bouleverser les pratiques d’adaptation individuelle de posologie.
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