De l’Etat providence à l’état de confiance Participaient aux débats : Gilles VANDERPOOTEN, diplômé AUDENCIA - CCI Nantes - SaintNazaire, directeur de la rédaction de l’ONG Reporters d’Espoirs, coauteur, avec Stéphane HESSEL, du livre Engagez-vous Claire GUICHET, représentante de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) au CESE français Maxime VERNER, candidat de la jeunesse à l’élection présidentielle 2012 Jeannette BOUGRAB, ancien ministre, maître des requêtes au Conseil d’État Pascal GAYRARD, Directeur Général de METRO Cash & Carry France Jean VIARD, directeur de recherche au CNRS Yann ALGAN, professeur d’économie à Sciences Po, prix du meilleur jeune économiste de France 2009 Jean-Paul PALOMEROS, chef d’état-major de l’armée de l’air Les débats étaient animés par Marc GUIRAUD, journaliste. I Les racines de la défiance Marc GUIRAUD Pour faire suite à nos débats d’hier, nous allons maintenant aborder avec nos invités la notion de confiance. Dès 1976, Alain Peyrefitte demandait dans Le Mal français : « Pourquoi ce peuple vif, généreux, doué, fournit-il si souvent le spectacle de ses divisions et de son impuissance ? ». En effet, nous parlons de la méfiance, de l’incivisme et de l’individualisme des Français. Ces mentalités ne seraient-elles pas une des causes de notre absence de croissance actuelle ? Comment faire renaître la confiance au sein de notre société et de notre économie ? Yann Algan, votre ouvrage La Fabrique de la défiance nous apprend que les Français figurent parmi les peuples les plus méfiants, les populations les plus confiantes étant celles des pays scandinaves, suivies de celles des pays anglo-saxons. Yann ALGAN Il existe une véritable singularité française en termes de défiance, accompagnée d’un véritable mal être. Les Français sont en effet satisfaits de leur situation individuelle, mais pessimistes lorsqu’il s’agit de la société. En outre, alors que nos revenus sont convenables, nos relations sociales sont bien plus conflictuelles que d’autres pays. Les Français sont aussi, avec les Russes, les plus convaincus qu’il faut être corrompu pour réussir dans la vie. Ils sont particulièrement défiants vis-à-vis des institutions, des entreprises, des partenaires sociaux, et notamment des institutions impartiales telles que la justice. Plus Photos : copyright Vincent Colin -1- généralement, les Français sont particulièrement méfiants vis-à-vis des personnes qu’ils ne connaissent pas, et notamment plus méfiants que les habitants des pays anglo-saxons, de l’Europe méditerranéenne et continentale. Ceci a un coût économique, mis en lumière notamment par Peyrefitte et le prix Nobel d’économie Arrow, qui a retenu comme facteur premier de croissance la confiance dans les autres. Il est en effet impossible de contractualiser les relations dans les moindres détails. Cette confiance est d’autant plus nécessaire dans nos sociétés de l’innovation, qui nécessitent une organisation horizontale du travail, et se remarque dans les pays les plus innovants. Enfin, le coût psychologique généré par cette défiance crée un risque et un niveau d’anxiété accrus. « Les Français sont, avec les Russes, les plus convaincus qu’il faut être corrompu pour réussir dans la vie » Yann Algan Marc GUIRAUD Comment expliquez-vous alors le poids des juristes dans les pays anglo-saxons, qui sont extrêmement présents dans la marche des affaires ? Comment analysez-vous le recours permanent des citoyens aux avocats, notamment par le biais des class actions dans ces sociétés ? Yann ALGAN Le common law est un droit de disputes résolues, qui consiste à laisser le conflit émerger pour le régler concrètement. A l’inverse, la France est un pays de code civil et d’application des règles. Lorsque les personnes peuvent se rencontrer et dialoguer, même en situation de conflit, une discussion et une conciliation peut émerger. Dans le cas contraire, avec peu de dialogue social et un droit très encadrant, il est très difficile de réunir les intérêts antagonistes à une même table pour faire émerger le dialogue. Pascal GAYRARD Un parallèle peut être établi avec l’entreprise, où l’enjeu est de motiver les équipes. Alors qu’un responsable devait précédemment faire travailler ses équipes, il doit aujourd’hui les faire réussir et donc donner un sens à leur travail. Le salaire ne suffit pas à donner du sens, les collaborateurs doivent partager une stratégie mais aussi des valeurs. L’entreprise doit donc être citoyenne, et donner une raison d’être heureux. Cependant, elle n’existe pas si elle n’est pas performante et ne produit pas, et le pays n’existe pas sans entreprises productives. Marc GUIRAUD Comment s’explique alors cette défiance de la France envers elle-même ? Yann ALGAN Les causes sont multiples. Il existe tout d’abord de très fortes distances en France. Ainsi, si les inégalités de revenu en moyenne sont parmi les plus resserrée d’Europe, des distances sociales se retrouvent très tôt, dès l’école, et se retrouvent dans les relations du citoyen à l’entreprise et aux institutions. Ainsi, une étude a prouvé que la France est le seul pays avec le Japon ou deux-tiers des Photos : copyright Vincent Colin -2- enfants passent une heure de classe entière à prendre des notes au tableau, et deux-tiers des enfants de 14 ans n’ont jamais travaillé en groupe. Avec la Grève, nous sommes le pays qui pratique le moins la décentralisation des décisions, ce qui conduit à une distanciation des citoyens des institutions. Jeannette BOUGRAB Je pense que cette défiance est justifiée. Lorsque nous avons mis en place un système de recoupement des fichiers pour identifier le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans aucun diplôme, nous avons recensé 230 000 jeunes entre juin et octobre 2011, loin du chiffre officiel de 150 000 par an. Lorsque le système promet une ascension sociale, et que le nombre de jeunes ne maîtrisant même pas les fondamentaux du calcul, de la lecture, de l’écriture, sans possibilité de s’insérer dans la société, sont si élevés, comment ces jeunes peuvent-ils croire au système ? En outre, 4 millions de personnes prennent quotidiennement des psychotropes, et nous sommes en tête des pays européens en termes de prise d’anxiolytiques car notre société est anxiogène. Ni nos enfants, ni nos adultes ne sont bien dans leur peau. « Ni nos enfants, ni nos adultes ne sont bien dans leur peau » Jeannete BOUGRAB Marc GUIRAUD Le chiffre de 230 000 jeunes doit être ramené à une classe d’âge d’environ 600 000. Or, toutes les politiques menées depuis 30 ans, par la gauche ou par la droite, n’ont pas réussi à combler ce fossé. Jeannette BOUGRAB Le problème est bien plus ancien, et même parvenus à l’université, ces jeunes choisissent des filières qui ne mènent pas à un emploi. Jean VIARD Je ne suis pas d’accord avec ce discours. Notre société ne s’effondre pas, bien qu’il s’agisse d’une société de la méfiance. Elle est basée sur le bonheur privé, et nous n’avons en effet jamais autant parlé à nos parents, ou à nos enfants. La société ne se déstructure pas dans l’ensemble de ses liens, mais nous constatons une privatisation du bonheur social. Le malheur public a évolué, car nous ne savons plus qui nous protège. L’Etat a été ouvert, décentralisé, nous avons construit l’Europe. Nous n’avons plus confiance dans le projet politique, dans le « faire France » ensemble. Nous pensions que l’Europe serait une grande France, et nous sommes perdus dans notre identité collective. En outre, depuis trente ans, notre société est basée sur des mensonges publics tels que « la France a gagné la seconde guerre mondiale », ou l’évitement de l’histoire de la colonisation. Enfin, nous sommes une société du statut. « Bonheurs privés, malheur pulic » Jean VIARD Photos : copyright Vincent Colin -3- Marc GUIRAUD Vous dites que les Français sont moins protégés qu’avant. Qu’en est-il de la sécurité, et du rapport des Français à celle-ci, avec l’hypothèse d’envoyer l’armée mettre fin à la guerre des gangs à Marseille ? Jean-Paul PALOMEROS Je souhaite tout d’abord souligner qu’il est essentiel que notre armée soit partie prenante du débat public sur la jeunesse, car elle est l’essence même de la nation et intègre chaque année entre 15 et 20 000 jeunes. Marc GUIRAUD Fallait-il mettre fin au service militaire ? Jean-Paul PALOMEROS La question n’est plus d’actualité, mais nous n’avons pas trouvé le contrat citoyen qui devait suivre. Parmi ces 15 à 20 000 jeunes, 75 % sont du niveau CAP, BEP, voire BAC. Lorsqu’ils nous rejoignent, certains n’ont pas la vocation initiale de l’investissement pour leur pays au sein de la Défense, mais ils l’acquièrent par contact. Nous ne ressentons pas cette défiance dans cette population. Ces jeunes sont fiers de ce qu’ils font, et se trouvent dans un espace de confiance. La sécurité est avant tout une question de contrat social. L’enjeu est donc de redéfinir le contrat qui lie de manière indéfectible notre pays aux hommes et aux femmes qui investissent dans sa défense. Vous avez évoqué les effets de la judiciarisation. Comment des hommes et des femmes s’engageraient-ils sur des théâtres d’opération tels que l’Afghanistan, s’ils n’étaient pas certains d’être soutenus par leur hiérarchie, par les décideurs, par leur pays et ses institutions ? Or, la question de la légitimité des actions sur un théâtre d’opération émerge de plus en plus. Si la défiance s’insinue entre ces hommes et ces femmes prêts à donner leur vie et l’institution qui leur donne ces devoirs, le divorce peut être grave. La défiance n’a pas sa place dans le fonctionnement de nos armées. Je ne souhaite pas accuser les médias, qui ne sont que le reflet de l’information qui leur est donnée. Nous avons cependant l’obligation d’informer, de former, et la défiance doit être combattue dès le plus jeune âge. La défense est un droit régalien de notre pays, et la protection et la défense de nos biens, de nos valeurs et de la paix est un noble but. Les jeunes ne sont pas conscients que d’autres ont acquis et gagné la paix pour eux. L’Europe est un formidable moteur de paix, et j’ai été surpris que cela n’apparaisse pas dans les débats sur Maastricht. Il faut toujours songer que cette paix ne sera durable que si elle est entretenue. Les forces armées sont un facteur de cohésion, de solidarité et de confiance pour notre jeunesse. « La défiance n’a pas sa place dans le fonctionnement de nos armées » Jean-Paul PALOMEROS Claire GUICHET Nous avons créé une société basée sur la réussite individuelle et sur un principe de méritocratie. Cependant, la volonté des individus de travailler pour satisfaire leurs besoins individuels a pris le pas sur Photos : copyright Vincent Colin -4- le collectif, et une partie des systèmes de cohésion sociale a été brisée. Or, la méritocratie permettait la confiance pour les jeunes générations tant qu’elle était assise sur un pacte social permettant l’ascension et la participation au système. Il faut donc dépasser ces constats pour s’intéresser aux jeunes qui n’ont pas eu la chance de passer par le système supérieur. Ainsi, les jeunes des banlieues font face à la méfiance des employeurs et à une défiance sociale marquée. Nous ne leur assurons plus la chance d’accéder à l’ascenseur social. Le système français n’offre cependant aucune seconde chance et le bac n’est plus une garantie sans passage par une grande école ou une filière prestigieuse. « Le système français n’offre cependant aucune seconde chance » Claire GUICHET Marc GUIRAUD Maxime Verner, comment analysez-vous les racines de la défiance ? Maxime VERNER Pour la première fois, nous débattons de la souffrance de la jeunesse, au lieu de considérer celle-ci comme un âge insouciant. Nos parents n’ont peut-être pas suffisamment réfléchi dans les années 80 au capital de confiance qu’ils allaient nous laisser. La marge de croissance était alors très importante, et nous avons oublié le développement humain des jeunes générations. J’ai eu la chance de faire la campagne présidentielle, et d’aller rencontrer les élus sur le terrain. J’ai pu constater que les solidarités intergénérationnelles créent des inégalités, mais restent très fortes. J’ai vu en outre les germes d’une nouvelle confiance. Celles et ceux qui dans notre génération seront peut-être les moteurs d’une confiance et d’une nouvelle croissance ne sont peut-être pas les plus brillants scolairement, ou ceux qui s’élèveront le plus sur l’échelle sociale, mais bel et bien des entrepreneurs. De nombreux jeunes entrent dans la vie avec des difficultés, et s’en sortent. Je pense enfin que nous serons une génération responsable vis-à-vis de nos futurs enfants. « Nous serons une génération responsable visà-vis de nos futurs enfants» Maxime VERNER Gilles VANDERPOOTEN Le problème de l’exemplarité des élites et des décideurs économiques et politiques m’interpelle. L’élite politique s’empêtre dans des débats stériles, dans les décalages permanents entre les discours et les actes, et manque cruellement d’une vision d’avenir qui ne soit pas un simple développement du présent. La crise a en outre révélé des échelles de salaire indécentes et une certaine cupidité. Nous avons donc besoin d’un autre modèle, et il est à mon sens nécessaire de réhabiliter la figure de l’entrepreneur, alors que nous valorisons surtout le gestionnaire. En outre, la visibilité médiatique conditionne l’ambiance catastrophiste et négative que nous connaissons. « L’élite politique s’empêtre dans des débats stériles, dans les décalages permanents entre les discours et les actes et manque cruellement d’une vision d’avenir» Gilles VANDERPOOTEN Photos : copyright Vincent Colin -5- Jeannette BOUGRAB Si nous avons mis fin au service national, le service civique permet à des jeunes de s’engager auprès d’associations et de services publics pour l’intérêt général. Ainsi, les nouvelles formes d’engagement ne sont pas celles d’hier. Ce n’est probablement pas suffisant, car ce service civique ne concerne que 20 000 jeunes sur une classe d’âge d’environ 700 000. Je tiens par ailleurs à rappeler que les militaires tombés en Afghanistan avaient 20 ans. L’image d’une jeunesse irresponsable et peu engagée est donc fausse. Pascal GAYRARD Je m’investis tous les jours pour tenter de combattre le cliché des adultes considérant que les jeunes ne travaillent pas et n’ont pas d’ambition. Je suis très fier des jeunes, qui sont nombreux dans mon entreprise. Lors de leur arrivée, je suis toujours étonné par leur engagement immédiat, qui ne leur a pourtant pas été transmis par l’école ou leur famille. Il est donc nécessaire de leur dire qu’ils sont indispensables à l’entreprise, que cela ne sera pas facile mais qu’ils réussiront. De plus en plus, l’entreprise se substitue aux familles, et le patron doit donc être porteur d’une vision, tout comme l’ensemble des responsables. Mon travail au quotidien est de donner envie aux autres. Par ailleurs, j’ai fait mon service militaire, et je pense qu’il s’agissait d’un brassage social indispensable. Je pense enfin que les jeunes d’aujourd’hui ont un mental fort, et qu’il faut leur donner l’envie et un but. « Mon travail au quotidien est de donner envie aux autres» Pascal GAYRARD II Restaurer la confiance Yann ALGAN A court terme, l’exemplarité est essentielle. En effet, la confiance met beaucoup de temps à se construire, mais elle se détruit facilement. La France connaît ainsi un réel problème d’exemplarité des élites politiques. Par exemple, nous sommes l’un des rares pays de l’OCDE dans lequel le conflit d’intérêt n’existe pas. « La confiance met beaucoup de temps à se construire, mais elle se détruit facilement » Yann Algan Le levier essentiel, à mon sens, repose sur les politiques managériales qui peuvent être menées dans les entreprises. Les salariés ont un vrai problème de distance, et la France est le pays où les relations de travail sont les plus conflictuelles. Il convient donc de mettre l’accent sur le management participatif. En effet, la confiance passe par le partage du projet. Par ailleurs, nous devons nous pencher sur les problématiques de l’éducation. En effet, nous souffrons d’autant plus collectivement que nous ne tenons pas notre promesse d’égalité. L’école est une machine à trier dès le plus jeune âge, et elle insiste très peu sur les capacités non cognitives et les capacités sociales. La France pèche au classement PISA sur les exercices ouverts, où il est nécessaire d’être Photos : copyright Vincent Colin -6- créatif, car nous développons très peu les capacités de confiance en soi et de création. Des initiatives existent cependant, telles que les groupements des jeunes créateurs qui réunissent des jeunes en rupture scolaire afin qu’ils travaillent sur un projet de création d’entreprise sur un an. « La confiance passe le partage du projet » Yann Algan Jean VIARD Il convient de ne pas créer systématiquement de la peur, et de cesser de généraliser, car toute la jeunesse n’est pas en difficulté. Cependant, les filières industrielles qui permettaient d’intégrer les jeunes sans qualification ont disparu et sans diplôme, il est quasiment impossible de se faire une place dans la société. Nous devons donc donner une deuxième chance aux jeunes qui n’ont pas réussi. En outre, les jeunes qui ne s’intègrent pas sont souvent des jeunes de banlieue que nous avons laissés dans des ghettos, et que nous avons marginalisés car ils sont étrangers. Cependant, les écoles de la seconde chance fonctionnent bien. Toutefois, lorsqu’une partie de la société est marginalisée et réplique par des comportements d’agression, il faut comprendre ces problèmes et y apporter une réponse politique. Une société avance toujours car des désordres bousculent l’ordre. Nous faisons actuellement face à une crise, et ne savons pas répondre aux questions de l’Europe dans vingt ans, ou de la France dans l’Europe. Il faut cependant considérer que notre jeunesse est la première qui ne fera pas la guerre, que le nombre de bacheliers a doublé, et que nous avons gagné 21 ans d’espérance de vie moyenne depuis la seconde guerre mondiale. Nous devons donc arrêter le discours de déconstruction. « Nous devons arrêter le discours de déconsruction » Jean VIARD Marc GUIRAUD Jeannette Bougrab, est-il difficile pour un ministre de ne pas pouvoir tout faire ? Avez-vous des regrets ? Jeannette BOUGRAB J’ai été une ministre très heureuse, avec un petit ministère représentant le plus petit budget de l’Etat. Force est de constater que les mesures pour les jeunes sont peu nombreuses. J’ai travaillé sur la question des grossesses précoces, en proposant la contraception gratuite et anonyme pour les mineures. J’ai surtout constaté que sans les associations, la question sociale serait bien plus violente. En effet, des enfants décrochent dès l’école primaire. Nous avons également tenté de mettre en place un fonds de micro-investissement, et nous avions réussi à mobiliser des fonds privés pour aider le secteur public. Je pense ainsi qu’il est possible de faire évoluer les choses sans dépenser un euro. En effet, la méthode du scoring est utilisée aux Etats-Unis pour évaluer la capacité des jeunes à réaliser Photos : copyright Vincent Colin -7- des projets. Certaines entreprises décident donc de privilégier les jeunes n’ayant pas eu un parcours favorisé, en évaluant leur point de départ et d’arrivée. Cette manière de faire confiance à la jeunesse ne coûte pas un euro. A mon sens, la différence entre la droite et la gauche réside dans l’affirmation qu’il est possible de souffrir, de faire face à des difficultés sociales et de connaître le racisme, sans jamais brûler un bus. Je ne souhaite pas de justifications sociales pour justifier l’injustifiable. « Pas de justifications sociales pour justifier l’injustifiable » Jeannete BOUGRAB Jean-François GENDRON, président de la CCI Nantes Saint Nazaire Je trouve que nous faisons beaucoup trop l’éloge des jeunes bac+3 ou 5, mais pas assez celui des autodidactes. En tant que CCI, nous avons la responsabilité de mettre en avant des jeunes qui peuvent réussir sans avoir fait d’études, alors que ces parcours restent honteux en France. Nous, chefs d’entreprises, avons un rôle très important auprès des jeunes qui n’ont pas de formation, mais nous sommes les premiers à ne pas souhaiter les embaucher. Les CCI doivent donc faire comprendre aux chefs d’entreprises français qu’il est nécessaire de donner une chance à ces jeunes. « En tant que CCI, nous avons la responsabilité de mettre en avant des jeunes qui peuvent réussir sans avoir fait d’études » Jean-François GENDRON Jean-Paul PALOMEROS Nos armées acceptent des jeunes n’ayant parfois aucune formation, mais qui ont la volonté de progresser, et à qui nous donnons une formation. Nous essayons de déceler leurs capacités, de les aider à trouver leur voie, mais aussi de leur donner le goût de l’effort et de l’innovation. Nous voulons leur prouver qu’ils ont un rôle à jouer, et que de la volonté de chacun dépend la réussite de tous. Le rôle du chef est donc d’instaurer aux jeunes la confiance en eux-mêmes et en l’équipe. La motivation, la compétence et la solidarité sont les trois valeurs cardinales qu’il faut en permanence instiller chez les jeunes. Enfin, plus que les équipements, ce sont les hommes qui sont importants. Nous ne devons pas créer une armée à double vitesse comportant uniquement des bac+5. « Le rôle du chef est donc d’instaurer aux jeunes la confiance en eux-mêmes et en l’équipe » Jean-Paul PALOMEROS Photos : copyright Vincent Colin -8- Claire GUICHET Alors que quelques success stories remportent l’approbation générale, nous constatons que notre société reste basée sur le culte du diplôme dès lors que nous tentons de les généraliser. La plupart des responsables demandent des diplômes toujours plus pointus. Marc GUIRAUD La formation professionnelle bénéficie en outre majoritairement aux cadres, à ceux qui sont déjà embauchés. . Gilles VANDERPOOTEN J’ai réalisé un tour de France du développement durable, afin de rencontrer les entrepreneurs et associations. J’ai donc pu constater une myriade d’innovations, car des entrepreneurs créent de l’emploi, et le mouvement de l’économie solidaire représente 10 % de l’économie en France. Nous avons donc des raisons de nous réjouir, car un mouvement contribuant à l’intérêt général est en marche. « Un mouvement contribuant à l’intérêt général est en marche» Gilles VANDERPOOTEN Le représentant de la CCI de Mayotte Je suis patron d’une entreprise qui compte 4 salariés, ainsi que ma femme et moi-même. A mon sens, parmi les valeurs qui nous font avancer, nous pouvons extrapoler de la devise française celle de la liberté d’entreprendre. Je n’ai jamais ressenti de restriction à cette liberté, que ce soit à Mayotte ou en métropole. Questionnez la jeunesse du monde : une grande partie vous répondra qu’elle souhaiterait être française, non pour des raisons d’aides, mais pour nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. La Sénatrice des Yvelines Je pense que la contradiction entre la conscience d’un bonheur privé et le sentiment d’un malheur collectif il est le nœud du malaise de notre société. Or, depuis quatre décennies, nous avons fait collectivement de la réussite individuelle l’alpha et l’oméga d’une vie réussie. Nous pouvons à l’évidence sortir de cette contradiction en y travaillant dès l’école primaire, et je salue la priorité que souhaite porter le gouvernement à l’enseignement primaire, mais nous pouvons aussi tenter de la vaincre dans le monde de l’Entreprise. Il faut par ailleurs cesser de généraliser lorsque nous parlons des jeunes, mais leur donner leur chance. En outre, l’exemplarité des élites, qu’elles soient politiques ou non, est indispensable. Enfin, la résolution de nos problèmes exige que les jeunes ne soient pas traités comme une sous main-d’œuvre, alors même que la problématique de la rémunération les maintient dans une situation d’infériorité et de précarité. « La contradiction entre la conscience d’un bonheur privé et le sentiment d’un malheur collectif est le nœud du malaise de notre société » La Sénatrice des Yvelines Photos : copyright Vincent Colin -9- La Sénatrice des Yvelines Je pense que la contradiction entre la conscience d’un bonheur privé et le sentiment d’un malheur collectif il est le nœud du malaise de notre société. Or, depuis quatre décennies, nous avons fait collectivement de la réussite individuelle l’alpha et l’oméga d’une vie réussie. Nous pouvons à l’évidence sortir de cette contradiction en y travaillant dès l’école primaire, et je salue la priorité que souhaite porter le gouvernement à l’enseignement primaire, mais nous pouvons aussi tenter de la vaincre dans le monde de l’Entreprise. Il faut par ailleurs cesser de généraliser lorsque nous parlons des jeunes, mais leur donner leur chance. En outre, l’exemplarité des élites, qu’elles soient politiques ou non, est indispensable. Enfin, la résolution de nos problèmes exige que les jeunes ne soient pas traités comme une sous main-d’œuvre, alors même que la problématique de la rémunération les maintient dans une situation d’infériorité et de précarité. Photos : copyright Vincent Colin - 10 -