Rapport de stage Elaboration et caractérisation de matériaux

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Université Joseph Fourier
Département licence sciences & technologie
Rapport de stage
Elaboration et caractérisation de matériaux magnétoélectriques
ALEXANIAN Yann
Laboratoire d’accueil : Institut Néel
Directeur du laboratoire : Alain Schul
Responsables de stage : Sophie De Brion et Laurent Ranno
Licence sciences et technologies 1ere année – Physique internationale
Année universitaire : 2013 – 2014
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Remerciement
Je tiens tout d'abord à remercier Patricia Cajot ainsi que l'université Joseph Fourier
pour m'avoir offert la possibilité de réaliser ce stage.
Je remercie sincèrement mes deux responsables de stage, Sophie De Brion et Laurent
Ranno, pour m'avoir permis de réaliser stage et pour leurs réponses à mes très nombreuses
questions.
Je souhaite également remercier Virginie Simonet, Claire Colin, Florence LevyBertrand, Philippe David et Doan Nguyen pour m'avoir intégré dans leurs travaux et permis
aux miens d'avancer. Ils ont pris le temps de m'expliquer et de me réexpliquer le
fonctionnement des machines, les procédures à suivre ou encore l'objet de leurs recherches.
Je remercie aussi Rafik Ballou pour les discussions très intéressantes que j'ai pu avoir
avec lui ainsi que Franck Balestro et Stefania Pizzini pour m'avoir gentiment accepté dans
leurs bureau.
Enfin, je remercie toutes les personnes que j'ai rencontré durant ce stage et notamment
le personnel très sympathique du bâtiment K (le meilleur parait-il!) et du bâtiment D.
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Table des matières
Introduction
Autour de l'institut Néel
I. Fabrication et caractérisation d’un film magnétique ultrafin
1.1. Etude documentaire
1.1.1. Le magnétisme
1.1.2. Les propriétés magnétiques de la matière à l'échelle atomique
1.1.3. Les propriétés magnétiques de la matière à l'échelle
macroscopique
1.1.4. Aimants temporaires et aimants permanents
1.2. Elaboration du composé
1.3. Caractérisation de l'échantillon
II. Participation à l’étude de composés multiferroïques
2.1. Présentation des composés
2.2. Etude des propriétés diélectriques des langasites de fer
2.2.1. Mesures de la susceptibilité électrique
2.2.2. Mesures de la polarisation électrique
2.3. Etude de la structure cristallographique des langasites
Conclusion
Sources
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Introduction
"Si vous n'arrivez pas à expliquer un concept physique à un enfant de 6 ans, c'est que
vous ne l'avez pas vous-même compris" Einstein.
Sans prétendre pouvoir expliquer les concepts physiques à des enfants de 6 ans, j'ai
tenté au cours de ce rapport d'exposer tout ce que j'ai pu observer, comprendre et réaliser
durant mon stage. J'ai tenté d'expliquer le plus clairement possible et à partir d'un niveau
BAC les différents concepts théoriques nécessaires à la compréhension des expériences
réalisées à l'institut. J'espère que la lecture de ce rapport sera accessible au plus grand nombre
et en particulier aux futurs stagiaires d'excellence. Pour ne pas alourdir mes propos, j'ai choisi
de ne pas détailler le fonctionnement des machines utilisées pour les études expérimentales.
En fin de première année à l'UJF, j'ai donc eu la chance de bénéficier d'un stage
d'excellence. J'ai choisi l'institut Néel, d'une part que parce les thèmes de recherches me
plaisaient particulièrement, mais aussi parce j'ai eu la chance d'avoir deux enseignants
travaillant à l'institut pendant mon deuxième semestre. Cela m'a permis de préparer ce stage
de manière sereine et de discuter longuement du sujet avant le commencer.
L'objectif de ce stage était avant tout la découverte du monde de la recherche et du
travail en laboratoire, mais c'était aussi l'occasion pour moi de ma familiariser avec le
magnétisme, branche de la physique étudiée à partir de la seconde année de licence. Aussi, la
première partie du travail était simplement de comprendre les quelques notions fondamentales
nécessaires à la compréhension des phénomènes magnétiques (n'ayant encore suivi aucune
unité d'enseignement (UE) d'électromagnétisme), partie intégrante de la recherche. Par la suite
j'ai pu réaliser une étude complète sur un matériau magnétique et participer à diverses
expériences (sur les langasites, des composés multiferroïques) menées par les chercheurs à ce
moment au laboratoire. Dans ce rapport, je présenterai donc en premier le laboratoire
d'accueil, l'institut Néel, puis mes différents travaux sur les matériaux magnétiques pour enfin
terminer sur ma participation à l'étude des langasites.
Bien entendu, je vous invite à me contacter pour toute question éventuelle.
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Autour de l'institut Néel
L'institut Néel est un laboratoire récent (2007) crée à partir du regroupement de 4
laboratoires grenoblois: le centre de recherche sur les très basses températures, le laboratoire
d'étude des propriétés électroniques des solides, le laboratoire Louis Néel et le laboratoire de
Cristallographie. Il regroupe actuellement quelques 125 chercheurs, 50 enseignants
chercheurs, 130 techniciens, ingénieurs et personnel administratif et 145 non permanents.
C'est un laboratoire de recherche fondamentale en physique de la matière condensée (étude
des propriétés macroscopique de la matière dont les constituants microscopiques interagissent
fortement entre eux) avec une large composante interdisciplinaire aux interfaces de la chimie,
de l'ingénierie ou encore de la biologie. Plus précisément, l'institut couvre les domaines
suivants: magnétisme, spintronique, optique non linéaire et quantique, nano électronique
quantique, nano mécanique, supraconductivité ou encore cristallographie. Pour cela, les
chercheurs sont répartis dans 3 départements à savoir:
- MCMF (Matière Condensée et Matériaux Fonctionnels), dont les activités
principales sont l'élaboration, les études cristallographiques ou spectroscopique et la
modélisation des matériaux dans différents domaines : énergie, magnétisme,
supraconductivité, catalyse, spintronique, optique … Ce département s'appuie beaucoup sur
les couplages théorie-expérience et physique-chimie, mais aussi sur les très grands
instruments.
- NANO (nanosciences) dont les compétences sont notamment l'étude des propriétés
physiques de nanostructures : transport, magnétisme, nano mécanique ou encore optique, sur
le plan théorique et expérimental. Ces nanostructures sont réalisées à partir de divers
matériaux choisis pour leurs propriétés spécifiques (semi-conducteurs, métaux, magnétisme,
…).
- MCBT (Matière Condensée – Basses Températures) où les chercheurs étudient les
propriétés fondamentales de la matière aux très basses températures (magnétisme,
supraconductivité, etc..) et leurs applications (électrotechnique supraconductrice,
développements cryogéniques).
Ces 3 départements sont alors divisés en 20 équipes de recherches. Lors de mon stage,
j'ai intégré deux équipes différentes, signe de la très grande interaction entre les
équipes/départements du laboratoire:
- L'équipe micro et nanomagnétisme du département NANO où j'ai découvert les
matériaux magnétiques, que ce soit théoriquement ou expérimentalement.
- L'équipe magnétisme et supraconductivité du département MCBT qui m'a fait
participer aux différentes recherches en cours sur les langasites, ce qui m'a permis de mieux
cerner le métier de chercheur et d'apprendre de nombreuses choses sur ces matériaux.
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I. Elaboration et caractérisation d’un film magnétique ultrafin
Durant la première partie de mon stage, j'ai étudié les matériaux magnétiques. Pour
cela, j'ai tout d'abord effectué une étude documentaire afin de pallier mon manque de
connaissance dans le domaine. Par la suite, j'ai pu élaborer et étudier un matériau magnétique
de manière expérimental. Je présenterai successivement dans cette section l'approche
théorique nécessaire à la compréhension des phénomènes (paragraphe qui peut être lu de
manière succinct en première lecture), la fabrication du matériau magnétique et la
caractérisation de ce dernier.
1.1. Etude documentaire (sources page 19)
1.1.1. Le magnétisme
Le magnétisme est un phénomène physique par lequel se manifeste l’action d’attraction
ou de répulsion d'un objet sur un autre. Le champ magnétique B (exprimé en Tesla) est alors
la grandeur définie en tout point de l'espace permettant de modéliser et quantifier les effets
magnétiques. A l'échelle macroscopique, le champ magnétique B est crée par les charges
électriques en mouvements ainsi que par les matériaux magnétiques (aimants). De manière
mathématiques, cela se traduit par la formule suivante: B = µ0(H+M) avec:
- H l'excitation magnétique en A.m-1 (champ magnétique produit par les charges en
mouvement);
- M l'aimantation du milieu considéré également en A.m-1 (qui est simplement la densité
de moments magnétiques m par unité de volume du matériau considéré);
- µ0 la perméabilité magnétique du vide (faculté du vide à modifier un champ
magnétique) exprimée en Henry par mètre. Cela traduit le fait que le vide est pris comme
référence pour l'aimantation des milieux.
Dans le vide (et en pratique dans de nombreux matériaux dont l'air tels que M << H) on a
alors simplement B = µ0H. Il est donc fréquent de confondre B et H.
1.1.2. Les propriétés magnétique de la matière à l'échelle atomique
A l'échelle atomique, les propriétés magnétiques de la matière proviennent de deux
sources: le mouvement de rotation de l'électron autour du noyau, responsable du moment
magnétique orbital mo et le moment magnétique de spin ms que l'on peut interpréter comme
le moment magnétique dû à la rotation de l'électron sur lui même et ce pour chaque électron.
Tous ces moments magnétiques interagissent ensemble pour donner le moment magnétique
total de l'atome m. Ce phénomène est appelé couplage spin-orbite.
A l'état fondamental, la plupart des atomes possèdent donc un moment magnétique
non nul. Les seuls n'en possédant pas sont ceux dont les couches externes sont totalement ou à
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moitié remplies (les moments magnétiques des électrons se compensent dans ce cas).
Cependant, on observe que dès lors que les atomes sont dans des composés, relativement peu
d'entre eux restent porteurs de moment magnétique. Cela est dû au fait que les liaisons au sein
d'un édifice reposent sur la mise en commun sur une même orbital d'électrons provenant
d'éléments différents. Cette mise en commun donne lieu à de nouvelles orbitales,
généralement totalement remplies ("règle de l'octet") et donc non magnétiques. Dans ces
conditions, seuls les éléments dont les électrons responsables du magnétisme appartiennent à
des couches internes (donc "protégées" et qui ne forment pas de liaisons) sont capables de
préserver leur caractère magnétique au sein d'un édifice. C'est le cas des éléments dont la
couche 3d est incomplète et des éléments de la série des Terres rares (couche incomplète 4f).
1.1.3. Les propriétés magnétiques de la matière à l'échelle macroscopique
A l'échelle macroscopique, il existe différents types de matériaux d'un point de vue
magnétique: les matériaux non magnétiques (composés dont les atomes présentent un moment
magnétique nul) et les matériaux magnétiques, les aimants (composés dont au moins une
partie des atomes présentent un moment magnétique non nul). Ce dernier type de matériaux
peut en fait être découpé en deux types distincts: les aimants temporaires (l'aimantation
apparaît sous l'action d'un champ magnétique extérieur et disparaît au bout d'un certain temps)
et les aimants permanents (l'aimantation apparaît sous l'action d'un champ magnétique
extérieur mais ne disparaît pas).
En présence d'un champ magnétique, tous les matériaux ont un comportement
semblable: l'excitation magnétique H va modifier légèrement la trajectoire des électrons, ce
qui a pour conséquence de modifier le moment magnétique de chaque atome et donc, au final,
du matériau. Le champ magnétique crée par ce phénomène est en réalité très faible et opposé
à H (phénomène d'induction magnétique). Cette faculté d'un matériau à s'aimanter sous un
champ magnétique se nomme la susceptibilité magnétique et est notée χ.

Matériaux non magnétiques
Dans le cas de matériaux ne possédant pas d'atomes porteurs de moments
magnétiques, la présence d'un champ magnétique va modifier la trajectoire des électrons, ce
qui a pour conséquence de créer un moment magnétique très faible. Le champ crée par ce
moment magnétique est opposé à H. On parle alors également de matériaux diamagnétiques
(avec χ ≏ -10-5). On a, pour ces matériaux, M = χ H.

Matériaux magnétiques (aimants)
Dans le cas des aimants (matériaux possédant des atomes porteurs de moments
magnétiques non nuls), le phénomène de diamagnétisme est également présent mais d'autres
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phénomènes le masquant apparaissent. Dans ces composés, les moments magnétiques de
chaque atome peuvent s'ordonner ou non en présence d'un champ magnétique.
Dans le cas ou les moments magnétiques s'ordonnent naturellement, il se crée en
l'absence de champ magnétique des domaines dans le matériaux (domaines de Weiss) où tous
les moments magnétiques sont orientés dans le même sens. De cette manière, l'énergie due
aux interactions magnétiques est minimisé. L'aimantation totale reste tout de même nulle
(l'aimantation des nombreux domaines de Weiss se compense). En présence d'un champ
magnétique, plusieurs cas sont alors possibles:
- Les moments magnétiques s'alignent en sens opposé de manière à minimiser
l'énergie d'interaction. Dans le cas où tous les moments magnétiques ont la même norme, on
parle de matériaux antiferromagnétiques (l'aimantation reste nulle). Dans le cas contraire, on
parle de matériaux ferrimagnétique (l'aimantation n'est plus nulle, c'est donc un aimant en
présence de champ magnétique). Ce dernier phénomène se produit souvent dans le cas de
composés polyatomiques.
Figure 1: Orientation des moments magnétiques dans le cas d'un composé
antiferromagnétique (à gauche) et d'un composé ferrimagnétique (à droite). A droite, les
moments magnétiques des atomes rouges et gris n'ont pas la même norme: l'aimantation du
composé est alors non nulle.
- Les moments magnétiques s'alignent tous
dans le même sens et en direction du champ. Le matériau
est ferromagnétique. C'est alors, en présence de champ
magnétique, un aimant, comme sur la figure 2.
Figure 3: Orientation des moments magnétiques dans le
cas d'un composé ferromagnétique.
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Si, en l'absence de champ magnétique, les moments magnétiques ne s'orientent pas et
sont donc totalement désordonnées, le matériau est dit paramagnétique comme sur la figure 3
ci-dessous.
Figure 3: Orientation des moments magnétiques dans le cas d'un composé paramagnétique.
C'est le cas lorsque les atomes sont éloignés les uns des autres et donc que les
moments magnétiques atomiques n'interagissent pas entre eux. Ces matériaux sont donc des
aimants uniquement lorsqu'un champ magnétique est présent (et donc que les moments
magnétiques s'ordonnent). Leurs susceptibilité magnétique est alors de l'ordre de 10^-3.
Il convient également de noter qu'a partir d'une certaine température, l'agitation
thermique surpasse l'énergie nécessaire a l'apparition des ordres antiferromagnétique,
ferromagnétique et ferrimagnétique: les matériaux magnétiques sont alors tous dans l'état
paramagnétiques. On nomme cette température Tc (température de Curie) dans le cas de
matériaux ferromagnétiques et Tn (température de Néel) pour les matériaux
antiferromagnétiques ou ferrimagnétiques.
1.1.4: Aimants temporaires et aimants permanents
Dans certains cas (matériaux magnétiques dits "durs" ou aimants permanent),
l'aimantation est tellement forte qu'elle ne s'annule pas totalement lorsque le champ
magnétique disparait. Il y a hystérésis. Lorsque l'excitation H diminue, B diminue mais avec
un certain retard: le matériau reste aimanté. Lorsque H est ramené à 0, il subsiste donc un
champ magnétique Br dans le matériau appelé champ rémanent. C'est pour cette raison que
l'on parle d'aimant permanent. Pour annuler ce champ rémanent, il est nécessaire d'imposer
à H une valeur négative. Le champ magnétique B s'annule alors pour une valeur de
l'excitation Hc appelée excitation coercitive (voir figure). Pour les autres (matériaux
magnétiques dits "mous" ou aimants temporaires), l'aimantation tend vers 0 lorsque le champ
disparait et la configuration des moments magnétique retrouve son état initial (domaines de
Weiss).
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1.2. Elaboration du composé
Le premier objectif de mon stage a été de fabriquer un composé magnétique ultrafin de
l’ordre du nanomètre d’épaisseur afin de pouvoir l’étudier par la suite. Le choix s’est porté sur
le nickel, un matériau magnétique bien connu. Il a fallu ensuite choisir un support mécanique
n’influant pas sur les propriétés du nickel mais adapté aux études qui suivraient. Pour cela,
nous avons choisi le silicium car c'est un métal non magnétique disponible en grande quantité
et très connu.
De plus, les machines permettant la caractérisation des matériaux magnétiques
demandaient une forme d’échantillon spécifique. J'ai donc fait en sorte d’obtenir des plaques
de silicium de la bonne taille (à savoir des plaques de 3mm*3mm et des plaques de
6mm*6mm). L’opération consistait à cliver dans le sens cristallographique la structure CFC
du silicium en le prédécoupant avec une pointe de diamant (l’axe de la maille
cristallographique étant connu et indiqué sur les plaques).
Par la suite, il a été possible de déposer une couche de 20nm de Nickel sur les plaques
de silicium prédécoupée grâce à une machine présente à l’institut Néel. Au dessus de la
couche de nickel, il était également nécessaire de déposer 2nm d’aluminium de manière à ce
que le nickel ne s’oxyde pas (l'aluminium n'influe pas sur les propriétés magnétiques de
l'échantillon). Du nickel oxydé aurait rendu les mesures des propriétés magnétiques via des
méthodes électriques impossible car l'oxyde aurait rendu l'échantillon isolant. J'ai donc obtenu
au final un échantillon composé d’environ 5mm de silicium (entouré de quelques nanomètres
de silicium oxydé SiO2) surmonté de 20nm de Nickel puis de 2nm d’aluminium oxydé
Al2O2.
1.3. Caractérisation de l’échantillon
Nous avons donc mesuré l'aimantation de notre composé dans le plan, à température
ambiante (c'est à dire 300K). Pour cela, nous avons utilisé un appareil appelé SQUID qui nous
permet de mesurer le moment magnétique
m de notre matériau en fonction du champ
magnétique. Pour cela, on fait varier le
champ de 0 à 500 Oe puis de 500 Oe a
- 500 Oe pour enfin revenir à un champ
nul. Nous avons alors obtenu la courbe
suivante (figure 3):
Figure 3: moment magnétique du nickel à
300K en fonction du champ magnétique.
10
Sur cette courbe, 1 emu = 100 Am² et 1 Oe = 1mT. On remarque tout d'abord que
l'aimantation varie grandement en fonction du champ. Cela nous indique donc que le nickel
est un matériau ferromagnétique. De plus, on voit que le cycle est presque fermé (non
hystérésique). C'est donc un aimant "mou" a température ambiante. Lorsque le champ
magnétique disparait, l'aimantation redevient presque nulle.
On peut également relever que le SQUID semble avoir un petit défaut. En effet, on
observe que le point ou le champ est normalement nul est à 20 Oe. Cela est dû au fait que le
champ n'est pas mesuré directement mais calculé à partir du courant dans la bobine
supraconductrice (on crée le champ magnétique en faisant passer du courant dans une bobine
supraconductrice). Lorsque le courant est nulle dans la bobine, le champ magnétique peut ne
pas être nul à cause de la rémanence de la bobine.
Cette courbe nous permet aussi de retrouver l'aimantation du Nickel à 300K. On a le
moment magnétique à 300K, m = 6.10-5 emu = 6.10-8 Am², l'épaisseur de Nickel, e = 20nm et
la surface de l'échantillon, S = 7mm². On a alors la relation M = m/S.E ce qui nous donne M
= 429 kA/m. Pour le Nickel à 300K, la valeur théorique est de 485kA/m. On a donc une
erreur d'environ 12%. Une partie de cette erreur peut provenir du SQUID, mais notre
estimation de la surface de l'échantillon en est sans doute la principale cause.
Il était normalement prévu de réaliser une ou deux autres caractérisations de
l'échantillon de Nickel pendant mon stage. En réalisant les mêmes mesures à différentes
températures, on aurait pu, par exemple, retrouver la température de Curie du Nickel.
Cependant, ces mesures n'ont pas été possible faute de temps. J'ai préféré participer aux
expériences sur les langasites, décrites dans la seconde partie de ce rapport.
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II. Participation à l’étude de composés multiferroïques
2.1. Présentation des composés
Un composé multiferroïque est un matériau présentant simultanément deux types d’ordres
parmi : un ordre magnétique, un ordre électrique et un ordre élastique. Par la suite, nous
étudieront uniquement les matériaux multiferroïques comportant un ordre électrique et un
ordre magnétique.
Par analogie avec la notion d’ordre magnétique, la notion d’ordre électrique correspond
aux différents ordres des dipôles électriques dans les matériaux. Ainsi, un matériau
antiferroélectrique est caractérisé à l’échelle microscopique par la présence de dipôles
électriques de deux mailles voisines alignées en sens opposés alors qu’un matériau
ferroélectrique est un matériau dont les dipôles électriques de deux mailles voisines sont
alignés dans le même sens. Macroscopiquement, un ferroélectrique est tout simplement un
composé naturellement polarisé, la polarisation P d’un composé étant en fait l’analogue de
l’aimantation dans le domaine de l’électricité (c’est à dire la somme par unité de volume des
moments dipolaires présents dans le matériau, exprimé en C/m²). Pour poursuivre l’analogie
avec les ordres magnétiques, il est aussi important de noter que cette polarisation spontanée
n’apparait souvent qu’en dessous d’une température donnée, que l’on nomme également
température de Curie ou température de Néel suivant le cas (bien que celle-ci puisse être
différente de la température de Curie/Néel pour l’ordre magnétique).
Pendant mon stage, j'ai pu participer à une étude en cours qui portait sur un type de
composé particulier comportant un ordre magnétique et potentiellement un ordre électrique:
les langasites de fer (de formule brute Ba3AFe3Si2O14 avec A = {Nb, Ta}). L'étude des
propriétés magnétiques des langasites ayant déjà été faîte auparavant au laboratoire, je n'ai pas
participé à celle-ci. Cependant, le principe aurait été dans les grandes lignes le même que pour
l'étude des propriétés magnétique de l'échantillon de nickel vu précédemment.
La connaissance des matériaux multiferroïques étant relativement récente et ceux-ci
encore peu connus, le choix d’étudier les langasites à l’institut Néel a été fait car ce sont des
matériaux possédants un ordre magnétique et dont la structure cristalline (figure 4) autorise
l'apparition d'un ordre ferroélectrique, ce que nous détaillerons plus loin.
Figure 4: Structure cristalline des
langasites de fer à haute température.
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Comme on peut le voir sur la figure 4 ci dessus, la structure des langasites présente 3
axes a, b et c. D'après les études antérieures, il semblerait que l'ordre électrique se manifeste
principalement suivant l'axe a. Deux lames de langasites avaient alors été réalisées à
l’institut il y a quelques années: une lame Y avec les axes a et c dans le plan de la lame et une
lame Z avec les axes a et b dans le plan. L’intérêt d’avoir préparé ces deux lames était de
pouvoir étudier toutes les propriétés des langasites de la même manière. Par exemple, s'il est
nécessaire d'appliquer un champ électrique perpendiculaire à l'axe a pour différentes études, il
fallait une lame avec l'axe a dans le plan de la lame et une autre avec l'axe a perpendiculaire à
la lame, certaines machines émettant un champ perpendiculaire et d’autres un champ parallèle
à la lame.
2.2. Etude des propriétés diélectriques des langasites de fer
2.2.1 Mesures de la susceptibilité électrique
Dans le cadre d'une thèse antérieure, les propriétés diélectriques des langasites de fer
avaient déjà été étudiées, en particulier leurs susceptibilités électriques (analogie de la
susceptibilité magnétique). Cependant, la mesure de la polarisation électrique n'avait pas été
possible. Aujourd'hui, la mesure de la polarisation électrique est possible mais il parait
intéressant de mesurer à nouveau la susceptibilité électrique de nos échantillons. C'était tout
d'abord un moyen de vérifier si nos échantillons ont la même réponse que ceux étudiées
auparavant. De plus, la susceptibilité électrique χ étant une grandeur physique reliée à la
polarisation électrique P, son étude est intéressante à faire en amont de celle de la
polarisation. En effet, si le champ électrique E est suffisamment faible, on a en première
approximation la relation suivante: P = ε0χE avec ε0 la permittivité du vide. Cette relation est
linéaire. Ainsi, s'il y a de plus une polarisation spontanée à partir de la température de Curie
(d'environ 28K pour les langasites de fer), on devrait voir que la courbe de la susceptibilité
électrique en fonction de la température n'est plus réellement linéaire à partir de 28K.
Pour étudier à proprement parlé la susceptibilité de nos langasites, nous avons en
réalité mesuré sa capacité électrique. L'échantillon étant un matériau diélectrique, on peut, en
le mettant sous forme d'un disque plat et en métallisant les faces au regards de l'échantillon,
réaliser un condensateur comme sur la figure 5.
Figure 5: schéma de notre échantillon mis en forme
pour l'expérience.
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Dans l'approximation du condensateur plan infini, on a alors la relation: C = (ε0εrS)/e
avec εr la permittivité diélectrique relative de l'échantillon, S sa surface et e son épaisseur. La
permittivité diélectrique relative du composé étant relié à sa susceptibilité électrique par la
relation χ = εr - 1, on a directement la relation: eC/ε0S - 1 = χ. On note que cette
approximation est valide seulement si S >> e et c'est la raison pour laquelle nos échantillons
étaient des lames les plus fines possibles. Le dispositif expérimental est détaillé dans l'annexe
1.
Nous avons donc tracé la capacité électrique de notre échantillon en fonction de la
température comme sur le graphique (figure 6) ci dessous.
Figure 6: Lame
Ba3NbFe3Si2O14)
Z
de
On voit assez nettement un changement de pente aux alentours de 32K. Cela amène
bien évidemment à penser qu'un ordre électrique se met en place à partir de cette température.
D'un autre coté, il y a également un changement de pente aussi marqué vers 130K ce qui
n'était absolument pas prévu par les résultats théoriques ou expérimentaux précédents. On
peut penser que cela dû au fait que la capacité des fils coaxiaux présents dans l'expérience est
du même ordre de grandeur que celle de l'échantillon (ce qui pourrait également fausser la
pente aux alentours de 32K). De plus, les capacités mesurées sont extrêmement faibles, de
l'ordre du picofarad. On ne peut donc pas conclure nettement avec ces données.
2.2.2 Mesures de la polarisation électrique
La polarisation électrique dépendant d'une multitude de paramètres comme la
température, le champ électrique, le champ magnétique ou encore les contraintes mécaniques,
une mesure précise de celle-ci est assez difficile. De plus, on ne peut mesurer qu'une variation
de polarisation et non la polarisation en elle-même. C'est pour ces raisons que l'étude de la
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polarisation électrique des langasites de fer n'avait pas été concluante lors des travaux
précédents. Une nouvelle expérience a été mise au point à l'institut Néel pour mesurer le
courant pyroélectrique pi. La pyroélectricité est la propriété d'un matériau dans lequel un
changement de température entraine une variation de polarisation électrique. On peut prendre
un exemple simplifié pour illustrer cela: soit deux dipôles électriques chargés +q et -q situés à
une distance l l'un de l'autre et le moment dipolaire associé p =ql. A haute température, les
deux charges étant en mouvement continu à cause de l'agitation thermique, on comprend
aisément que <p> ≏ 0. Cependant, à basse température, les charges sont quasiment statique et
on a donc <p> ≠ 0. Cette variation de moment dipolaire génère à l'intérieur du composé un
courant électrique nommé courant pyroélectrique. La polarisation étant la somme des
moments dipolaires par unité de volume, on a alors, à la constante près, le relation
.
∫
Nous avons donc mesuré le courant pyroélectrique grâce au même dispositif
expérimental que précédemment. Nous avons également fait varier le champ électrique et le
champ magnétique dans les mesures de manière à observer la contribution de ces paramètres.
Voici les résultats obtenus (figure 7):
Figure 7: à gauche: courant pyroélectrique en fonction de la température; à droite:
polarisation électrique en fonction de la température.
On remarque sur ces deux courbes deux changements nets à la température de Néel Tn
= 28K. Cela semble donc confirmer l'apparition d'un ordre électrique à cette température.
Cependant, on remarque quelques anomalies sur ces graphiques. Tout d'abord, le courant
pyroélectrique devrait être inversé dans les cas ou la tension est de +200V et -200V. On voit
que ce n'est pas tout à fait le cas. On ne voit pas non plus la polarisation apparaître dans le cas
où la tension est de -200V. Ces mesures sont tout de même encourageantes et continuent
d'être faîtes a l'institut Néel et je n'ai donc pas pu, dans le cadre de mon stage, finir cette
étude.
15
2.3. Etude de la structure cristallographique des langasites
Comme énoncé précédemment, la structure cristallographique des langasites semblait
propice à l'apparition d'un ordre ferroélectrique. En particulier, un composé ne peut pas être
ferroélectrique s'il possède un centre de symétrie (une structure ne possédant pas de centre de
symétrie ne possède par contre pas forcément d'ordre électrique). Dans le cas des langasites,
le composé est centrosymétrique à haute température et par conséquent un ordre
ferroélectrique est interdit. Cependant il semblerait qu'au moment où l'ordre magnétique se
met en place, il y ait une brisure de symétrie: la haute symétrie présente deviendrait instable et
le cristal passerait dans une phase de plus basse symétrie. Ainsi, la première étape de cette
expérience était tout d'abord de valider la structure cristallographique des langasites à haute
température de manière à tester l'expérience sur un échantillon connu. Par la suite, l'objectif
était de réaliser la même expérience à basse température de manière à déterminer la structure
cristallographique à basse température du composé pour en déduire s'il est possible que la
variation de polarisation électrique soit réellement la mise en place d'un ordre ferroélectrique.
Pour cela, nous avons utilisé une méthode spectroscopique permettant d’identifier les
phonons du composé, ces derniers nous permettant de retrouver la structure cristallographique
de notre composé (leurs nombres et leurs fréquences étant caractéristique de la structure du
matériau). De manière simple, les phonons sont les particules associés aux modes normaux du
réseau cristallin. Un mode normal (ou mode propre) d'oscillation est une des fréquences
naturelles de vibration du solide. Pour expliquer ce que sont les modes normaux, on peut
prendre un exemple mécanique simple. On modélise trois atomes alignés par trois masses et
les deux liaisons chimiques par deux ressorts. On peut alors étudier le mouvement de ces
masses suite à une mise en mouvement. Cette étude met en évidence dans ce cas simple deux
types de mouvements harmoniques "purs", associés chacun à deux fréquences particulières,
obtenus pour des conditions initiales précises: ceux-ci correspondent aux deux modes propres
du système. Une analyse plus poussée des résultats expérimentaux permettrait de montrer que
le mouvement obtenu pour des conditions initiales quelconques est une superposition des
mouvements harmoniques correspondants aux deux modes normaux mis en évidences,
affectées chacun d'amplitudes et de phases à l'origine différente. On peut alors étudier les
phonons en cherchant les fréquences de résonnance du réseau cristallin, chacune associée à un
mode normal. On note également que dans un réseau cristallin, il existe deux types de
phonons: les phonons acoustiques (les ions vibrent en phase et une vibration de ce type peutêtre engendré par une onde acoustique) par opposition aux phonons optiques (les ions vibrent
en opposition de phase et les vibrations peuvent être engendrés par des ondes
électromagnétiques). Dans cette expérience, nous étudions les phonons optiques.
Grâce à certains calculs de théorie des groupes, les chercheurs de l’institut Néel ont pu
calculer le nombre théorique de phonons optiques que nous devrions trouver à haute et basse
température. Théoriquement, nous devrions observer à haute température 23 modes E et 13
modes A. Les modes E sont des modes "dédoublés", c'est à dire des modes qui, à basse
température, se scinderait en deux modes a cause de la plus basse symétrie. Ce sont en réalité
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les modes suivant l'axe a ou b. A haute température, les axes a et b sont équivalents, on ne
peut pas les distinguer . A basse température, du fait de la brisure de symétrie, les axes a et b
ne seront plus équivalents et on pourra alors observer un "doublement" des modes E.
Pour distinguer les modes E et A, nous avons alors utilisé les deux lames différentes
du même échantillon. En utilisant la lame Z, le champ électrique appliqué sur l’échantillon
était dans le plan (a,b). Ainsi, les modes distingués étaient uniquement les modes E. En
utilisant la lame Y, le champ électrique appliqué sur l’échantillon était dans le plan (a,c): on
distinguait alors les modes dans l'axe a ainsi que ceux dans l'axe c c'est à dire tous les modes
sachant que les modes dans l'axe a sont les mêmes que ceux dans l'axe b à haute température.
Nous avons donc mesuré la réflexion de l'échantillon ainsi que celle d'une référence
(un miroir) et diviser la courbe de la réflexion par celle du miroir. Cela nous donne alors le
graphique suivant (figure 8):
Figure
8:
Les modes calculés
surlignés en jaune
sont ceux que l'on
ne retrouve pas
expérimentalement.
Le
mode
A
expérimentale
en
violet est un mode
que l'on ne trouve
pas dans les calculs.
A première vue, on remarque que nos données correspondent globalement bien aux
calculs. On voit que la plupart des modes calculés se retrouvent expérimentalement.
Cependant, ce n'est pas le cas pour tous les modes. Cela est tout à fait possible, les calculs ne
donnent aucune indication sur l'amplitude des modes. On peut alors penser que les amplitudes
de certains modes sont tellement petites qu'on ne les retrouvent pas. On observe également
quelques anomalies sur le spectre. Jusqu'a 400 cm-1 environ, un voit un petit décalage en
énergie entre la théorie et la pratique mais aussi entre les deux courbes. Ici, on peut mettre en
cause les appareils de mesures et à l'expérimentation en elle même. En effet, la réflectivité
doit normalement être de plus en plus faible lorsque le nombre d'ondes diminue ce qui n'est
absolument pas le cas ici. Ainsi, lorsque l'on divise la courbe de l'échantillon par celle du
miroir, cela à pour effet de décaler légèrement les courbes. On remarque une autre anomalie
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en dessous de 400cm-1. Le bruit est très élevé dans cette partie du spectre. Cela pourrait peutêtre expliquer le mode A que l'on trouve dans la pratique mais pas dans la théorie, ce qui est
par contre beaucoup plus problématique. En dessous de 150 cm-1, le bruit est bien trop élevée
et on ne peut plus rien tirer des courbes.
Il semble donc que les résultats collent plutôt bien avec la théorie et donc la structure
cristallographique prédite. Cependant, on remarque qu'en dessous de 400cm-1, les données
sont de moins bonne qualité. Il faudrait donc faire les mêmes expériences avec un
interféromètre peut-être plus adapté pour conclure précisément.
La suite de cela consisterait en l'étude de la structure cristallographique de l'échantillon
à basse température de manière à mettre en évidence cette brisure de symétrie et d'apporter
une nouvelle preuve à la ferroélectricité des langasites.
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Conclusion
Pour conclure, je dirai simplement que ce stage m'a réellement fait découvrir le monde
de la recherche. Cela m'a permis d'avoir un aperçu d'expériences concrètes, de faire des liens
entre théorie et pratique et plus généralement de découvrir le fonctionnement d'un laboratoire.
Les recherches auxquels j'ai pu participer, m'ont demandé de me pencher sur des
domaines de la physique (magnétisme, etc..) abordés seulement a partir de la 2nd année de
licence (L2). Même si je n'ai appréhendé que les principes élémentaires, cela m'a permis de
comprendre beaucoup de nouvelles choses. D'un autre coté, j'ai pu toucher du doigts
différents thèmes actuels de recherche, ce qui est une très bonne expérience, bien que je n'ai
pas pu observer les résultats finaux.
J'ai également apprécié l'ambiance, les rencontres riches ainsi que les nombreuses
discussions intéressantes que j'ai eu avec le personnel du laboratoire. Aussi, je conseille ceux
qui en ont la possibilité de participer à l'opération "stage d'excellence" de l'université Joseph
Fourier.
Sources
L. RANNO, Introduction to magnetism, 2013.
M. AMARA, Cours d'introduction au magnétisme.
M. LOIRE, Etude de composés multiferroïques, 2008.
L. CHAIX, S. DE BRION, Terahertz magneto-electric excitations in a chiral compound. Physical Review
Letters 110, 2013.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Magn%C3%A9tisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Susceptibilit%C3%A9_magn%C3%A9tique
http://www.garmanage.com/atelier/index.cgi?path=public/Teaching/EPFL/3_Magnetisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Perm%C3%A9abilit%C3%A9_magn%C3%A9tique
http://www.ief.u-psud.fr/~bournel/PDF_enseignement/Phonons.pdf
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