voudrais que tu vibres comme moi. Il n’y a pas d’exclu-
sivité de la résonance. Et pourtant elle m’est plus propre,
cette résonance, que toute différence qui me distingue de
toi. Mais de ce qui m’est le plus propre, tu n’es pas exclu.
Nous sommes tous formés d’une résonance qui a su ou
a pu s’entretenir. Le lm de Marcel Trillat, 300 jours de
colère, raconte l’occupation de leur lieu de travail par les
123 salariés d’une usine textile du groupe Mossley, en liqui-
dation judiciaire. Ils s’accrochent désespérément à leur tra-
vail. Ils s’accrochent aussi passionnément à un lieu. Un lieu
de bruits assourdissants qui se sont brusquement tus, de
machines infernales qui ne tournent plus. On y voit une
ouvrière qui revient à son poste de travail. Elle reproduit le
geste qu’elle devait faire des milliers de fois en une journée.
On imagine les cadences et le vacarme d’enfer. Elle évoque
les allergies, la poussière qui attaquait les yeux. Mais elle
ajoute : « J’ai commencé là-dedans… J’avais dix-sept ans…
J’ai trouvé ça fascinant… C’était beau… » Elle ne veut pas
dire qu’elle trouvait ce travail « intéressant ». Elle veut dire
que ce travail, c’était son lieu, son point de joie et d’ivresse,
son vertige inme à elle. Il pouvait être harassant, ininté-
ressant, dangereux peut-être, mais elle y trouvait sa réso-
nance, son énigme. Elle avait mis sa vie à l’unisson d’une
impression première de beauté qui était sa découverte à
elle. Qui aurait imaginé qu’il y eût là de la beauté, en tout
cas cette beauté dont elle parle avec émotion ?
Comme cette ouvrière, nous nous sommes mis un jour
à vibrer. La source de cette vibration pouvait être une idée,
un lieu, une rencontre, une lecture, une musique. À cette