aménagement forestier, importance de l`écologie, prise en compte

AMÉNAGEMENT FORESTIER,
IMPORTANCE DE LÉCOLOGIE,
PRISE EN COMPTE DE LA BIODIVERSITÉ
J.-C.RAMEAU
Rev.For.Fr.LI -nuro scial1999
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La réalisation d’unaménagement forestier ou sa révision est unactefondamentalquipermet de
définir les objectifs de gestion et d’organiser cettegestion dans l’espaceet dans le temps.
Dans cettedémarche,l’écologie joue un rôle de premier plan ,mais l’écologueest conscient que
beaucoupdautres éléments sont cessaires,apportés par d’autres domaines de la recherche
(historien mettant en évidenceles pratiques anciennes quipeuvent expliquer certains caractères
actuels de laforêt,généticien,écophysiologiste, scialistedelacroissance,de laqualitédu bois,
économiste…).
Quels sontles domaines de l’écologie quiconcernent plus particulièrement le praticien ?Il sagit
avant tout des travaux portant sur les écosystèmes(avecleurs constituants :climat, sol,esces;
avecleur fonctionnement: relations entreles esces,entreles esces et le milieu,cycles de
matreet d’énergie,productivité,potentialités, régénération) et sur ladiversité(analysedes
éléments,de leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes,évaluation,exigences écologiques,
stratégies de conservation…).
LES ENJEUX
Ànotreavis,le premier enjeu d’une approche écologique se situe sur le planéconomiquede la
rentabilitéàmoyen et long terme de laforêt.La conduitedepeuplements possédant une bonne
diversité(avecpar exemple des mélanges d’essences et des structures variées),bien adaptés aux
conditionsécologiques propres àchaque station,intégrant les éventuels risques futurs (perturba-
tions naturelles…),n’est-elle pas le gage de revenus conséquents et réguliers,limitant l’impact
d’aas divers ?
Nous rappellerons quelÉtat français s’est enga,àRio de Janeiro,en faveur d’une meilleureprise
en comptedelabiodiversitédans lagestion des ressources,celle des milieux naturels et l’aména-
gement du territoire. Leprocessus d’Helsinki auquel nous avons également adhéréconduit peu à
peu àfairelapreuvequelagestion forestreest durable (par l’intermédiairedun système d’in-
dicateurs).
La révision d’unaménagement sedoit d’intégrer ces éléments.
L’enjeu essentiel d’une révision d’aménagement est l’occasion de mener une réflexion approfondie
sur les moyens d’améliorer , tous azimuts,laqualitédelagestion.Pour nous,écologue,montrer
quelagestion forestreest durable,c’est avant tout mettreevidence,par les indicateurs de
suivi,l’amélioration de laqualitédelagestion.
Encequiconcerne labiodiversité,le gestionnairedoit continuer à sapproprier totalement la
fonction patrimoniale et àlaconduire réellement et pleinement;il assumeraainsi toutes les respon-
sabilités sur le territoirequ’il gère(autreenjeu important).
Leforestier revendiquejuste titre,d’être tenu au courant et de participer aux inventaires,aux
projets en matredeconservation (cf. conseils scientifiques régionaux des patrimoines naturels,
Natura 2000…) quipeuvent concerner son espace. Dans le même esprit,il nous semble logique
quune communication s’établissel’occasion d’unaménagement,avecles naturalistes,les
scientifiques locaux,quipeuvent apporter des éléments intéressants aux gestionnaires et mieux
comprendreles raisons de tel ou tel choix sylvicole. L’enjeu communication”,concertation” nous
paraît fondamentalpour le début du troisième millénaire,dans le domaine de lagestion des espaces
et de l’aménagement du territoire,et dans tous les projets concernant ces deux échelles.
LÉCOLOGIE AU SERVICE DE LAMÉNAGEMENT FORESTIER
La préparation d’unaménagement doit obligatoirement comporter undiagnosticécologiqueinitial
afin d’asseoir lagestion intégrée couranteet de travailler à son amélioration.
Nous nous plons d’aborddans les conditions idéales:le gestionnairedisposedune typologie
opérationnelle des stations forestres,il sait et veut s’en servir.Nous nous livrons ensuiteà une
analysecritiquedes problèmes divers qui sont apparus dans l’utilisation de ces outils et nous
suggérons des solutions possibles pour résoudreau moins en partie ces problèmes.Nous réflé-
chissons au cas des régions où ces outils manquent encore. Nous présentons enfin d’autres
éléments de diagnosticet les principaux critères d’évaluation des objectifs orientant l’aménage-
ment.
La démarche optimale (cf. figure1)
Lepremier travail du gestionnaireconsisteàidentifier et àcartographier les types d’écosys-
tèmes présents,en utilisant latypologie régionale des stations forestres .
Cedocument,quiest une syntse régionale des connaissances écologiques,fournit,pour chaque
type de station :
—les caractères des compartiments stationnels,avecles facteurs limitants éventuels,laqualité
potentielle du fonctionnement des écosystèmes (fertilitégénérale…) ;
—les essences conseillées,possibleséviterproscrire(autochtones ou exotiques sides
plantations se révèlent cessaires,listes établies après croisement des exigences autécologiques
connues de ces esces avecles facteurs favorables ou limitants stationnels,leur capacitéde
régénération naturelle (et les précautions àprendrepour obtenir cette régénération),éventuellement
laqualitédes bois et une idée plus ou moins précisedelaproduction) ;
—les précautions àprendredu fait de lafragilité(risquede tassement lors de l’exploitation,
risquede remontée de lanappe et de développement d’esces sociales gênantes pour les régé-
rations en cas de coupes trop importantes),des risques de dysfonctionnement (nappes perchées,
risques d’acidification…),des stress (sensibilitéparticulièreàdes sécheresses excessivesdes
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gelées fortes…),des perturbations (fragilitéintrinsèqueàdes tempêtes: situation topographique
exposée,faible profondeur de sol,fortepierrosité,présencefréquentedune nappe proche de la
surface,cohésion faible des matériaux…).
La cartlaborée par le gestionnairepeut représenter uninvestissement important en temps,mais
cedocument est réalisé une fois pour toutes et servirapour les futurs aménagements.Encas de
manquedemoyens,l’effort peut ne porter que sur les parcelles quiauront besoin d’undiagnostic
écologique(parcelles à régénérer). Mais,il nous semble important de disposer des logiques écolo-
giques et des potentialités des essences sur l’ensemble du massif (bilalémentairepour lacohé-
renceglobale de l’aménagement…) ; nous recommandons doncde cartographier l’ensemble de
l’unitédegestion (des perturbations imprévisibles peuvent de plus intervenir entredeux aménage-
ments et cessiter des réactions rapides sappuyant sur laconnaissancedes stations).
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Leconcept d’aménagement forestier
Figure1 LA DÉMARCHE THÉORIQUE INTÉGRANT LÉCOLOGIE
DANS LÉLABORATION DUN AMÉNAGEMENT
Massif àaménager
Typologie régionale Cadrcologique
élémentaire
Typologie régionale despeuplements
outypologie élaborée avantaménagement
Carte
desstations
forestres
Carte
desgrandesunités
forestres
Carte
despeuplements
existants
Carte
deszonesàproblèmes,
deszonesàfacteurs limitants,
deszonesàfacteurs favorables
données
historiques
explicatives
Série de cartesparessence,
avecleur airepotentielle
sur laforêt
Adéquation
desessences,desmélanges
aux conditionsécologiques
Bilandeladaptabilité
desessences,desmélanges,
despeuplements aux stress,
aux perturbations
–intégration desdonnéesfournies
pard'autresdisciplines,
réalitésde lafilière-boislocale,
–possibilitésfinancres,
volontédune gestion durable...
Cartedesmélangessouhaitablescomptetenu
despotentialitésintrinsèquesdesstations,
de l’adaptabilitéaux stress,aux perturbations
=forêt“optimale”
comptetenudesconditionsécologiques
Définition desobjectifs
Ajustementdesmélanges,desstructures,
de lagestion sylvicole,
amélioration progressivedurantladurée
de l’aménagementde laqualitédelagestion
Àpartir de lacartedes stations (figure1,p. 89),il est possible d’établir une série de cartes théma-
tiques:
—lacartedes stations sans problèmes,des stations àproblèmes (en détaillant sinécessaire
les facteurs favorables et les facteurs limitants),des stations àhautefertilité(où des investisse-
ments se révèleront particulièrement rentables),des stations àfaible fertilité(où il est conseillé de
limiter les travaux),etc.;
—les cartes par essence,mettant en évidencelairepotentielle où l’essencepeut être utilisée
(avecde très bons résultats,bons résultats, résultats moyens…) ;
—lacartedes mélanges d’essences qu’il serait souhaitable d’installer compte tenu des carac-
tères écologiques intrinsèques.
Certains praticiens resteront sceptiques devant une telle approche théorique. Ils n’ont pas tout à
fait tortcar la réalitéest loin d’êtreaussi simple et aussiidyllique…
Les problèmes divers posés par l’utilisation des typologies régionales
Que remarque-t-on dans les régions où les catalogues existent?L’excellent bilandes typologies
forestres en France, réalisé récemment par B.Boisseau (2000),est plutôt sastreux sion
comparel’effort financier consentiet le degrédutilisation de ces outils.
Unbon indicateur pour évaluer ceniveau d’utilisation peut êtrela surfacecartographiée :infime en
forêtprivée,moyenne àbonne en forêts soumises (où on peut regretter cependant l’absence,en
général,d’évaluationl’échelle régionale,par des scialistes,des cartes réalisées et de leur
degrédutilisation dans ladéfinition des objectifs).
Les raisons de cedemi-échec sont multiples; très honnêtement,des défauts peuvent êtredétectés
à tous les maillons de lachaîne…
Certains catalogues sont rédigés trop scientifiquement par leurs auteurs et apparaissent rébarbatifs
du fait de leur présentation,de leur style,de leur complexitéet de leur volume… Ilest cessaire
de continuer àpublier des Guides pour le choix des essences”pour tous les catalogues dispo-
nibles,document simplifiant le vocabulaire, réduisant le nombredunités stationnelles,avec une
présentation plus conviviale (ces guides sont plus utilisés queles catalogues et surtout peuvent
donner envie de lirelecatalogueinitial).
Parfois,lathode utilisée pour l’élaboration du cataloguene répond pas aux objectifs visés et
définis pour ce type d’outil. Ilexistepar ailleurs une assez grande hétérogénéitédans laprésenta-
tion,dans les logiques adoptées,cequidésarçonne le forestier, souvent “migrateurau cours de
sacarrre.
Mais,le plus gros manquenotreavis, se situeau niveau de laformation. Souvent, une fois le
catalogue terminé,les typologues n’ont pu assurer “le serviceaprès vente” et promouvoir le travail
auprès des gestionnaires locaux.Uneffort conséquent aété réaliséaveclamise sur pied d’un
certificat de scialisation “typologie de stations”. Des certifiés souvent passionnés ont étémis à
ladisposition des services…pour qu’ils exercent leurs talents,au moins sur une partie de leur
temps.L’idée au départ était de sappuyer sur eux pour démultiplier laformation… Leconstat est
en général très cevant…onnapas su tirer partideleurs compétences (parfois du fait d’une
insuffisante sensibilisation àl’enjeu:l’importancedes données écologiques pour lagestion sylvi-
cole,pour lagestiondurable).
Mentionnons cependant quelques exriences très intéressantes menées avecdes certifiés,au
sein de sections d’appui techniqueou de bureaux d’étude de l’Officenationaldes Forêts (ONF)
(réalisation de typologies,élaboration de modèles sylvicoles par groupes de types de station,aide
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techniqueàlacartographie),au sein de Centres régionaux de laProprtéforestre(CRPF)ou de
Directionsdépartementales de l’Agricultureet de laForêt (DDAF)(pour guider les aides aux reboi-
sements). Mais ces cas exemplaires sont trop rares pour initier un véritable élanenfaveur d’une
utilisation généralisée des catalogues.
Des propositions?Ilfaut continuer laformation en typologie en intégrant les utilisations multiples
en matre sylvicole (turn-over rapide des forestiers àl’échelle d’une région,arrivée de jeunes géné-
rations…). Les organismes doivent créer des conditions favorables àl’expression des compétences
acquises par les certifiés; laDirection de l’Espace ruralet de laForêt (DERF) vaœuvrer dans ce
sens.
Àl’échelle régionale,les orientations forestres sont àétablir par grand type de station (unités des
guides),comme celaest réalisé,en général,au niveau des DILAM-ORLAM pour les forêts publiques.
Unchangement de mentalitéest peuttrenécessaire… Les orientations régionales forestres
(ORF)nedoivent pas êtreconsidérées comme une sortede réglementation supplémentaire,mais
comme un véritable outil mis àladisposition du gestionnairepour améliorer sagestion,la rentabi-
litéde saforêt
Il traîne encoreparfois unaprioridéfavorable vis-à-vis de lacartedes stations dans unplan simple
de gestion par exemple… Ilfaut admettre une bonne fois l’intérêt de ce type de document.La
gestion durable commenceaveclaconnaissancedeladiversité stationnelle de saforêt!
Ilest vraiquecelacoûtecher de faire réaliser une cartedes stations par son expert !Effectivement
et nous pensons quuneffort financier est cessaireàl’échelle nationale en faveur de lacartogra-
phie en plein de régions forestres.Les cartes ainstablies seraient àmettreàladisposition des
organismes de conseil (CRPF)et de développement,des proprtaires,des experts afin qu’ils
étudient ensemble les moyens de les valoriser au niveau des nouveaux plans simples de gestion.
Et puisl’échelle nationale,il faut reprendrelefinancement des catalogues pour terminer la
couverturede toutes les régions forestres en réfléchissant aux modifications àapporter pour que
ces documents soient plus directement opérationnels:
avec unorganisme (Inventaireforestier national-IFN ?) et ungroupe d’experts supervisant
l’homogénéitédes outils restant àfabriquer ;
avec une préétude intégrant une cartographie préalable des éléments structurants du cadre
écologique,qui se retrouvent dans lalogiquede structuration des types de stations définis ulté-
rieurement (ces cartes mises àdisposition,avecleurs polygones recouvrant des surfaces encore
écologiquement térogènes,pourraient inciter le gestionnaireàpoursuivre une cartographie plus
fine utilisant le catalogueou le guide simplifié ; le travail de cartographie serait ainsi rendu plus
aisé) ;
avecdes logiques de structuration les plus accessibles possibles pour les utilisateurs ;
avecle maximumdedonnées sur les potentialités (élaborées sipossible en concertation
avecles praticiens);
avecles données sur ladynamiquedes peuplements ; sur celle aussides espaces soumis
àladéprise;
avecles données patrimoniales indispensables aujourd’hui(cf. plus loin) ;
avecla rédaction de guides simplifiés suivant immédiatement lapublication d’uncatalogue;
avec uneffort accru en matredeformation…
Et pour les régions non encoreconcernées par uncatalogue?
Nous reconnaissons bien volontiers l’ampleur des difficultés dans cecas.Nous nous permettrons
quelques conseilsIlest peuttrepossible,en unissant les forces vives disponibles:forêt privée,
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