CONFÉRENCE À VENIR 26 Dental Tribune Édition Française | Novembre 2016 SPÉCIAL ADF Les maladies auto-immunes : quand les chirurgiens-dentistes s’en mêlent Responsable scientifique : Pr Jacques-Olivier Pers (UFR d’Odontologie UBO Brest) Intervenants: Sylvie Boisramé,Sophie-Myriam Dridi, Hervé Boutigny, Vincent Blasco-Baque, Hubert Marotte UN POINT – E128 | SAMEDI 26 NOVEMBRE | 9H–12H Encore mal connues du grand public, les maladies auto-immunes touchent pourtant près de 5 % de la population et sont à l’origine de manifestations cliniques variées n’épargnant pas la sphère orofaciale. Par exemple, dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, qui est caractérisé par une atteinte des glandes exocrines et en particulier des glandes salivaires, les manifestations buccales sont au premier plan avec l’existence d’une xérostomie impactant souvent fortement la qualité de vie des patients. Dans le groupe des dermatoses bulleuses auto-immunes, l’atteinte de la muqueuse buccale peut être inaugurale et rester longtemps isolée, menant parfois à un retard de diagnostic. De plus, plusieurs études suggèrent que la présence de Porphyromonas gingivalis, une des principales bactéries parodontopathogènes, pourrait être impliquée dans le développement de la polyarthrite rhumatoïde. Le lien entre diabète et santé bucco-dentaire est également très important car le traitement parodontal peut avoir le même effet qu’un médicament sur le diabète. Ces quelques éléments mettent bien en évidence le rôle clé du chirurgien-dentiste dans la prise en charge pluridisciplinaire de ces patients mais également dans la stabilisation voire la prévention de certaines de ces pathologies. Quel est le dénominateur commun entre la polyarthrite rhumatoïde (PR), le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS), le diabète ou certaines dermatoses bulleuses ? Il s’agit de maladies auto-immunes ayant des répercussions sur la sphère oro-faciale. Le rôle du chirurgien-dentiste sera donc déterminant dans le diagnostic et la prise en charge pluridisciplinaire des patients atteints par ces maladies auto-immunes. Pour cela, il doit connaître les différentes pathologies auto-immunes d’intérêt en médecine bucco-dentaire, il doit savoir les identifier, être en mesure d’accompagner les patients par une prise en charge adaptée et considérer les risques et les effets indésirables de leurs traitements. 2 Quel lien entre Porphyromonas gingivalis et polyarthrite rhumatoïde ? L’association entre la PR et la parodontite a été suspectée depuis plus d’un siècle avec comme conséquence « l’édentation thérapeutique » des patients. Depuis plusieurs décennies, cette association a été confirmée par des études épidémiologiques avec d’un point de vue physiopathologique des facteurs génétiques et environnementaux communs (tabagisme, excès de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α...) [1]. Récemment, une bactérie de la flore dentaire a été identifiée comme étant le chaînon manquant entre ces deux maladies. Il s’agit de Porphyromonas gingivalis (Pg) [2], une bactérie gram négatif anaérobie détectable notamment chez les patients atteints de parodontites agressives. Elle a deux caractéristiques expliquant son implication dans la physiopathologie de la PR. La première est l’expression d’une peptidylarginine déiminase (PAD) qui est une enzyme intervenant dans la modification post-traductionnelle de l’arginine en citrulline. La seconde est l’expression d’une gingipaïne qui dégrade les protéines en peptides libérant ainsi des arginines qui pourront être citrullinées. Ces deux mécanismes entraînent un excès de protéines citrullinées dans la gencive et favorisent la production d’anticorps anti-protéines citrullinées (ACPA). Ces fameux ACPA peuvent être détectés plusieurs années avant les signes cliniques de la PR. Un des enjeux serait l’amélioration de la PR par le traitement de la maladie parodontale et inversement. Ainsi, quelques données suggèrent un effet bénéfique d’un traitement parodontal sur la l’évolution de la PR [3, 4] mais des études complémentaires sont nécessaires. Quoiqu’il en soit, l’instauration de mesures d’hygiène dentaire et un suivi parodontal sont particulièrement importants chez ces patients susceptibles d’être traités par immunothérapies, qui sont à l’origine d’un état d’immunodépression, mais également par biphosphonates. 3 Le syndrome de Gougerot Sjögren : Heureusement que l’odontologie s’en mêle ! Le SGS est une maladie sournoise car progressive qui se caractérise par l’accumulation d’infiltrats lymphocytaires au niveau des glandes exocrines aboutissant à leur destruction et donc à une diminution de leur sécré- Une étude prospective récente, comparant des patients atteints de SGS et des patients atteints d’hyposialie, a montré une augmentation de l’indice CAO et une plus grande sévérité de la maladie parodontale chez les patients atteints de SGS, en lien avec une diminution significative du pH salivaire [7]. La connaissance de cette maladie permet de la dépister précocement, de proposer des Syndrome inflammatoire local et systémique Infection à Porphyromonas gingivalis (PG) Maladie parodontale Production enzyme PAD et protéases (gingipains) Rupture de tolérance: production Ac anti-protéines citrullinées (ACPA) Fig. 1 : Interrelations entre maladie parodontale et polyarthrite rhumatoïde. tion [5]. Au niveau de la cavité orale, ce SGS est caractérisé par une diminution salivaire significative aboutissant à des manifestations bucco-dentaires liées à la modification de l’écologie microbienne de la cavité orale. La perte de la lubrification, du pouvoir tampon salivaire, des effets antimicrobiens entraînent une altération de la qualité de vie et engendrent des lésions carieuses, des pathologies parodontales, des candidoses mais aussi une fragilité de la muqueuse buccale. Déjà en 2009, Antoniazzi et al. ont rapporté dans leur étude comparative SGS versus témoins des indices parodontaux aggravés (indice de plaque, indice gingival, indice de saignement) et de plus grandes profondeurs de poche [6]. thérapeutiques comme la stimulation salivaire, de surveiller de façon rapprochée ces patients et de pouvoir les adresser vers un centre compétent pour une prise en charge pluridisciplinaire et optimale. Quand le traitement parodontal améliore le contrôle glycémique d’un patient diabétique… Le diabète est une affection chronique métabolique fréquente caractérisée par une hyperglycémie (taux de sucre dans le sang trop élevé). Cette pathologie est liée à une destruction auto-immune des cellules pancréa- 4 Fig. 2 : Perlèches (atteinte candidosique des commissures labiales) liées à l’hyposyalie chez un patient souffrant d’un syndrome de Gougerot Sjögren. | Fig. 3 : Patient diabétique atteint de parodontite chronique généralisée. | Fig. 4 : Manifestations gingivales d’une dermatose bulleuse auto-immune. Avec plus de 300 couleurs au choix, ET TT RA NSTHOR A C LE ORDONS PEN D O LE ORTHODO DU N E TI Hubert Marotte Départment de Rhumatologie, CHU de SaintÉtienne, Inserm 1059/LBTO, Université Jean-Monet, Université de Lyon, 42270 Saint-Étienne, France LE FAUTEUIL MONOCOQUE TS AN Références : 1 Marotte H, Farge P,Gaudin P, Alexandre C,Mougin B, Miossec P. The association between periodontal disease and joint destruction in rheumatoid arthritis extends the link between the HLA-DR shared epi- Sophie Jung Pôle de Médecine et de Chirurgie Bucco-Dentaires, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Faculté de Chirurgie Dentaire, Université de Strasbourg, France Le nouveau PACIFIC est maintenant en version ambidextre, E QU CI Les dermatoses bulleuses auto-immunes constituent un groupe hétérogène de maladies à expression cutanéo-muqueuse, peu répandu et de pronostic variable [10]. Pour un grand nombre de ces maladies, l’atteinte des muqueuses buccales est fréquente, particulière et s’accompagne d’importants signes fonctionnels (saignements spontanés, douleurs intenses) avec des répercussions néfastes sur la qualité de vie et la santé générale (dénutrition, amaigrissement, dépression). Lorsque l’atteinte des muqueuses buccales est inaugurale ou prédominante, les patients consultent généralement leur chirurgiendentiste. Malheureusement ces derniers semblent mal connaître ces dermatoses et n’ont pas toujours une stratégie thérapeutique bien définie. L’atteinte gingivale exclusive est par ailleurs souvent confondue avec les formes cliniques sévères des gingivites induites par la plaque dentaire. Par conséquent, afin d’optimiser leur prise en charge, le chirurgien-dentiste devra connaître la sémiologie des manifestations buccales des dermatoses bulleuses auto-immunes, comprendre son rôle dans la démarche diagnostique afin d’éviter les retards de diagnostic et les actes iatrogènes, s’adapter au stade évolutif de la dermatose et à sa sévérité et connaître les récentes recommandations professionnelles. Ainsi, ces différentes pathologies auto-immunes et l’implication du chirurgien-dentiste dans leur prise en charge buccodentaire seront explicitées par 4 conférenciers spécialistes au travers d’exemples concrets et de nombreux cas cliniques. la nouvelle vision du confort pour votre quotidien et vos patients. M Dermatoses bulleuses auto-immunes : les odontologistes aussi sont concernés ! tope and severity of bone destruction. Ann Rheum Dis 2006;65:905-9. 2 Salemi S, Biondo MI, Fiorentino C et al. Could early rheumatoid arthritis resolve after periodontitis treatment only?: case report and review of the literature. Medicine (Baltimore) 2014;93:e195. 3 Mikuls TR, Payne JB, Yu F et al. Periodontitis and Porphyromonas gingivalis in patients with rheumatoid arthritis. Arthritis Rheumatol 2014;66:1090-100. 4 Kaur S, Bright R, Proudman SM, Bartold PM. Does periodontal treatment influence clinical and biochemical measures for rheumatoid arthritis? A systematic review and meta-analysis. Semin Arthritis Rheum 2014;44:113-22. 5 Youinou P, Pers JO. Primary Sjögren’s syndrome at a glance today. Joint Bone Spine. 2015 Mar;82(2):75-6. 6 Antoniazzi, R. P., L. A. Miranda, et al. (2009). "Periodontal conditions of individuals with Sjogren’s syndrome." J Periodontol 80(3): 429-435. 7 Le Gall M, Cornec D, Pers JO, Saraux A; Jousse-Joulin S, Cochener B, RoguedasContios AM, Devauchelle-Pensec V, Boisramé S. A prospective evaluation of dental and periodontal status in patients with suspected Sjögren’s syndrome. Joint Bone Spine. 2016; 83 (2) : 235-236. 8 Teeuw WJ, Gerdes VE, Loos BG. Effect of periodontal treatment on glycemic control of diabetic patients: a systematic review and meta-analysis. Diabetes Care. 2010 Feb;33(2):421-7 9 Simpson TC, Weldon JC, Worthington HV, Needleman I, Wild SH, Moles DR, Stevenson B, Furness S, Iheozor-Ejiofor Z. Treatment of periodontal disease for glycaemic control in people with diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev. 2015 Nov 6;(11):CD004714. 10 Ramos-e-Silva M, Ferreira A, Jacques Cd. Oral involvement in autoimmune bullous diseases. Clin Dermatol. 2011 JulAug;29(4):443-54. MO DU tiques chargées de la production de l’insuline. En France, le nombre de diabétiques est d’environ 2,9 millions de personnes soit environ 4,4 % de la population. Le patient diabétique est caractérisé par de nombreuses complications comme les maladies cardio-vasculaires, néphropathies, neuropathies et rétinopathies mais également les infections buccales. La maladie parodontale est même considérée comme la sixième complication du diabète. En effet, les personnes diabétiques sont plus fréquemment atteintes de maladies parodontales, et de plus elles sont plus sévères que chez les autres patients. De nombreuses études suggèrent un rôle important des infections buccales dans le contrôle glycémique des patients. L’effet du détartrage/surfaçage radiculaire et de l’enseignement à l’hygiène diminuerait de 0,40 % le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c), qui est un paramètre de suivi du diabète, après 3 à 4 mois chez les patients diabétiques [8]. Il existe des preuves en faveur d’une amélioration du contrôle glycémique chez les patients diabétiques après un traitement de la parodontite [9]. De ce fait, le chirurgien-dentiste devient un acteur médical majeur de la prise en charge spécifique des patients diabétiques. Nous discuterons comment le chirurgien-dentiste pourra optimiser le diagnostic et le traitement de ces patients. CONFÉRENCE À VENIR TAB LE Dental Tribune Édition Française | Novembre 2016 Sylvie Boisramé Laboratoire Universitaire de Biodiversité et d’Ecologie Microbienne (LUBEM-EA 3882), Université de Bretagne Occidentale, UBL, CHRU de Brest, Faculté de Chirurgie Dentaire, Brest, France Vincent Blasco-Baque INSERM, UMR 1048, Institut de Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires, L.U. 51 « Parodontites et Maladies Générales », Université Paul Sabatier, Faculté de Chirurgie Dentaire, Toulouse, France Sophie-Myriam Dridi Service d’Odontologie, Hôpital Albert ChenevierHenri Mondor, Université Paris 5 René Descartes, Paris, France une ergonomie de travail optimale, et pour vos patients, un confort inégalé. Hervé Boutigny Centre Abel Caumartin - Service d’Odontologie CHRU de Lille Faculté de chirurgie dentaire,Lille, France Jacques-Olivier Pers CHRU Morvan, Université de Brest, Labex « immunotherapy, graft, oncology », laboratoire d’immunothérapies et pathologies lymphocytaires B, EA2216, Inserm ESPRI ERI29, Brest, France Plus dinformations sur www.airel-quetin.com Airel Quetin 917, Rue Marcel Paul 94500 Champigny-sur-Marne Tél : 01 48 82 22 22 [email protected] Dispositif médical : Classe IIa# !$"! Pour toute information complémentaire, se référer à la notice dutilisation