Mardis de la Philo 2015 - Les Mardis de la Philo

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Les Mardis de la
Philosophie
Philosophieetneurosciencesendialogue
II.Epistémologiedesneurosciences
PrémériteMarcCrommelinck
Philosophieetneurosciencesendialogue2
1
PLAN
I.Laques>ondesrela>onscorps–esprit:
dimensionsmétaphysiques&épistémologiques
II.Brefsurvoldequelquesprisesdeposi>ondansl’histoiredelaphilosophie
•  lesdualismes(Socrate/Platon–Descartes)
•  lesmonismes(Lucrèce–Spinoza)
III.Lesneurosciencesetlaper>nenced’unephilosophieimplicite:
•  L’approchedeImreLakatos:lano>onde«programmederecherche»
•  Monismematérialistenonréduc>onniste
•  EmergenceetPlas>cité/Causalitésascendanteetdescendante
Philosophieetneurosciencesendialogue2
2
The brain's default network. The default network was discovered
serendipitously when experimenters using neuroimaging began examining
brain regions active in the passive control conditions of their experiments.
The image shows brain regions more active in passive tasks as contrast to
a wide range of simple, active task conditions.
I.Laques>ondesrela>onscorps–esprit:
dimensionsmétaphysiques&épistémologiques
ac>vitédelaglande
pinéale
danslecerveau
«pendantletemps
delaveilleetle
sommeil»
Descartes,
«Traitédel’Homme»,
1633ou1634
Édi>onClerselier,1664
BnF
Philosophieetneurosciencesendialogue2
Thebrain'sdefaultnetwork:originsandimplica?onsforthestudyofpsychosis
RandyL.Buckner,PhD
DialoguesClinNeurosci.2013;15:351-358.
3
« … il est impossible de séparer la réflexion a priori sur les concepts et formes de raisonnement
(jugementsanaly>ques),d’unepart,delarecherchescien>fiqueetempiriquesurlesfaits(jugements
synthé>ques),d’autrepart.Celaconduitàredonnerunrôlelégi+meetnécessaireàlamétaphysique:
celle-ci a pour voca>on d’accueillir toute réflexion sur le réel menée dans des catégories plus
généralesquecellesu?liséesparlesdifférentessciences.
A >tre d‘exemples, les réflexions sur le rapport entre une substance et ses propriétés, sur la
persistancedessubstancesetdespropriétésdansletemps,surl’espaceetletempseux-mêmes,surla
causalité, sur les rapports de détermina+on entre les par+es microscopiques d’un objet et ses
propriétés macroscopiques, sont de nature plus conceptuelle et plus générale que des recherches
scien>fiquessurteletteldomainedelaréalité.
Cependant, ces catégories sont indispensables, dans la mesure où elles sont cons>tu>ves du cadre
conceptuel à l’intérieur duquel nous construisons une concep+on scien+fique du monde, dont le
contenuprovientdesdifférentessciences.
…ilestclairquelaréflexionmétaphysiqueestcondi>onnéeparlacompa>bilitédesesrésultatsavec
lesconnaissancesscien>fiques.»
M.Kistler:Introduc>onàJ.Kim«L’espritdansunmondephysique»(Ithaque,2014,p.VII)
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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•  Neurosciencesàl’interfaceentrelesméthodes/objetsdessciencesnaturellesetlesméthodes/
objetsdesscienceshumaines:
•  expliqueretcomprendre(WilhelmDilthey,PaulRicœur)
•  Intelligibilitéopératoire(sciencesnaturelles)vsherméneu>que(scienceshumaines)(JeanLadrière)
•  Explica?onenneurosciences:
•  réduc>oninterthéorique:lemacro-niveauest-ilexplicable(réduc>ble)par(au)lemicro-niveau?
•  lescauses(entermesphysicalistes)etlesraisons(entermesinten>onnels)
•  lestatutdesthéoriesetdesmodèles(formels)
•  Causalitédescendante(dumacro-niveauverslemicro-niveau)
•  Emergenceetdeplas>cité(systèmescomplexes)
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II.Brefsurvoldequelquesprisesdeposi>ondansl’histoiredela
philosophie
•  lesdualismes(Socrate/Platon–Descartes)
•  lesmonismes(Lucrèce–Spinoza)
Platon,428-348avJC
R.Descartes,1596-1650
Lucrèce,circa.98-55avJC
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B.Spinoza,1632-1677
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SOCRATE
Philosophieetneurosciencesendialogue2
PLATON
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Ledualismedessubstances(ontologique)
Socrate–Platon
•  « Platon nomme Forme ou Idée (traduc>on contemporaine de εἶδος) l’hypothèse de réalités
intelligibles,archétypesoumodèlesdetouteschoses.Ces”formes”sontlevéritableobjetdela
défini>onetdelaconnaissancevraie(επιστηµη),paropposi>onauxréalitéssensibles,objetde
l’opinion(δοξα).
•  De l’échec d’une connaissance sensible et des exigences de la connaissance vraie (qui vise la
vérité),PlatondéduitlespropriétésdecesFormes(Idées):ellessontdesréalitésimmatérielleset
immuables, demeurant éternellement iden>ques à elles-mêmes, universelles et intelligibles,
indépendantes de la pensée, elles possèdent l’être de façon pleine et absolue, et de toute
éternité.»(voirnotammentdanslePhédon,leTimée)
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•  Dans le Phédon, Socrate (Platon) développe la concep>on suivant laquelle des Formes
éternelles(lesIdées)sontdessubstancesdis>nctesetimmatérielles(principesderéalitéet
principesdeconnaissance)dontlesobjetsetautresphénomènesquenouspercevonsdans
lemondenesontquedesombres.Leschosesprennentleurconsistancedeleurpar>cipa>on
àl’Idéecorrespondante(μέθεξις):unechoseestbelleparsapar>cipa>onàl’IdéeduBeau.»
d’après«Dualisme(philosophiedel’esprit)»,Wikipédia
Parconséquent,pourquel’âmeoulapensée(l’espritνοῦς)aitaccèsàlafacultédeconnaître
en vérité, il est nécessaire qu’elle soit elle-même une en?té immatérielle. ”L’âme est de la
naturedesIdées.”
L'âme a connu les Idées, les Formes, avant d'entrer dans le corps humain (Phédon, 72-77 ;
Phèdre,247c).Ellepeuts'enressouvenir.C'estlathéoriedelaréminiscence(Phédon,72e-77a).
«(…)laconséquencedetoutceciestquel’âmeexisteavantnotreappariMondanscemonde,
ainsiquelesessencesdonttuviensdeparler.»
VoiraussileMythedelaCavernedanslaRépublique.
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9
Phédon
(“s’ilestunouvragequiportebienlamarque
dePlaton,c’estlePhédon.Onpeutmêmedire
quetoutleplatonismeyestcondensé”)
«Aprèsavoirbulepoison,jeneresteraipluslongtempsparmivous,
maisjem’eniraiverscertainesfélicitésquisontcellesdesBienheureux»
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LaMortdeSocrate
J-LDavid(1787)
Metropolitan,NY
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•  L’âmeetlecorps,lephilosopheetlavérité
Eh bien! y a-t-il rien de plus rigoureux que de penser avec la pensée toute seule, dégagé de tout élément
étranger et sensible, [66a] d'appliquer immédiatement la pure essence de la pensée en elle-même à la
recherchedelapureessencedechaquechoseensoi,sansleministèredesyeuxetdesoreilles,sansaucune
interven?onducorpsquinefaitquetroublerl'âmeetl'empêcherdetrouverlasagesseetlavérité,pourpeu
qu'elleaitavecluilemoindrecommerce?Sil'onpeutjamaisparveniràconnaîtrel'essencedeschoses,n'est-ce
pasparcemoyen?
Simmias:Amerveille,Socrate,onnepeutmieuxparler.
Ilnousestdoncdémontréquesinousvoulonssavoirvéritablementquelquechose,[66e]ilfautquenousnous
séparionsducorps,etquel'âmeelle-mêmeexamineleschosesenelles-mêmes.C'estalorsseulementquenous
jouironsdelasagessedontnousnousdisionsamoureux.
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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•  Avantdenaître,l’âmeestencontactaveclesformesintelligibles
Or,Simmias,avantquenousayonscommencéàvoir,àentendreetàfaireusagedenosautressens,ilfautquenousayonseu
connaissance de l'égalité intelligible, pour lui rapporter comme nous faisons, les choses égales sensibles ; et voir qu'elles
aspirenttoutesàce€eégalitésanspouvoirl'a€eindre(…)
Sinousl'avonseueavantnotrenaissance[laconnaissancedel’égalité],noussavonsdoncavant
quedenaître,etaprèsnotrenaissancenousavonsconnunonseulementcequiestégal,cequi
estplusgrand,cequiestpluspe?t,maisbeaucoupd'autreschosesdece^enature:carceque
nousdisonsicin'estpasplussurl'égalitéquesurlebeauenlui-même,surlebien,[75d]surle
juste,surlesaint,et,pourledireenunmot,surtoutesleschosesque,danstousnosdiscours,
nousmarquonsducaractèredel’essence,desortequ'ilfautnécessairementquenousenayons
euconnaissanceavantquedenaître.
Et par conséquent, Simmias, nos âmes existaient auparavant, avant qu'elles parussent sous ce€e forme humaine; elles
existaientsansenveloppecorporelle:danscetétat,ellessavaient.
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•  LesFormesintelligiblessontéternelles,immuablesetimmatérielles
Allonstoutd'uncoupàceschosesdontnousparlions[78d]toutàl'heure.Toutceque,dansnos
demandesetdansnosréponses,nouscaractérisonsendisantqu'ilexiste,toutcelaest-iltoujours
lemême,ouchange-t-ilquelquefois?L'égalitéabsolue,lebeauabsolu,lebienabsolu,toutesles
existencesessen?ellesreçoivent-ellesquelquefoisquelquechangement,sipe?tqu'ilpuisseêtre,
ou chacune d'elles, étant pure et simple, demeure-t-elle ainsi toujours la même en elle-même,
sansjamaisrecevoirlamoindrealtéra?onnilemoindrechangement?
Il faut nécessairement, répondit Cébès, qu'elles demeurent toujours les mêmes, sans jamais
changer.
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•  L’âmedemêmenaturequeledivin(immortel,intelligible,indissoluble,idenMqueàlui-même)
Vois donc, mon cher Cébès, si, de tout ce que nous venons de dire, [80b] il ne s'ensuit pas
nécessairementquenotreâmeesttrèssemblableàcequiestdivin,immortel,intelligible,simple,
indissoluble,toujourslemême,ettoujourssemblableàlui-même;etquenotrecorpsressemble
parfaitement à ce qui est humain, mortel, sensible, composé, dissoluble, toujours changeant et
jamaissemblableàlui-même.
L'âmedonc,encetétat,serendverscequiestsemblableàelle,immatériel,divin,immortelet
sage;etlàelleestheureuse,délivréedel'erreur,delafolie,descraintes,desamoursdérégléset
detouslesautresmauxdeshumains:et,commeonleditdesini?és,ellepassevéritablement
l'éternitéaveclesdieux.
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DESCARTES
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Ledualismedessubstances(ontologique)
Descartes
Lesdeuxsubstances
Il faut considérer l’esprit (res cogitans) comme une substance dis?ncte de celle du corps (res
extensa).
•  «…etremarquantquece€evérité:jepensedoncjesuis,étaitsifermeetsiassuréequetoutes
les plus extravagantes supposi>ons des scep>ques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai
que pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie, que je
cherchais.»
•  « … je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de
penser,etquipourêtren’abesoind’aucunlieuninedépendd’aucunechosematérielle;ensorte
que ce moi, c’est-à-dire l’âme, par laquelle je suis ce que je suis, est en?èrement dis?ncte du
corps,etmêmequ’elleestplusaiséeàconnaîtrequeluietqu’encorequ’ilnefûtpoint,ellene
laisseraitpasd‘êtretoutcequ’elleest.»DiscoursdelaMéthode,1637,IVepar>e
Deuxsubstancesréellementdis>nctes:l’âmen’apasbesoinducorpspourexister,nilecorpsdel’âme.
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•  L’esprit(lachosepensante)estindépendantdelama>èreducorps(lachoseétendue).
Larescogitans:consciented’elle-mêmedanslemomentréflexifduCogito,indivisibleetnon
étendue(dis>nctedelaresextensa),incorrup>bleetimmortelle…
•  Leschosesmatérielles(etlecorpsdel’homme)sontétendues(resextensa):ellesoccupentun
certain espace, elles sont divisibles et mesurables. Ce€e étendue peut se traduire par la
profondeur,lafigure,ladurée,lemouvement…
(voiraussilesVeetVIeMéditaMonsmétaphysiques,1641:
“Del’essencedeschosesmatérielles”
“Del’existencedeschosesmatérielles,etdelaréelledis>nc>onentrel’âmeetlecorpsdel’homme”
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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2.Lecorpshumain(ainsiquel’ensembledescorpsvivantsetdescorpsinanimés),inclusdansla
“resextensa”,estpenséparDescartescommeuncorps-machine.
“Je suppose que le corps n’est autre chose qu’une statue ou machine de terre que Dieu forme tout
exprèspourlarendrelaplussemblableànousqu’ilestpossible,ensortequenonseulementilluidonne
au-dehorslacouleuretlafiguredetousnosmembres,maisaussiqu’ilmetau-dedanstouteslespièces
quisontrequisespourfairequ’ellemarche,qu’ellemange,qu’ellerespire,etenfinqu’elleimitetoutes
celles de nos fonc?ons qui peuvent être imaginées procéder de la ma?ère, et ne dépendre que de la
disposi?ondesorganes.(§2)
“(…)jedésirequevousconsidériezquecesfonc?onssuiventtoutnaturellementence^emachinedela
seule disposi?on de ses organes, ni plus ni moins que font les mouvements d’une horloge, ou autre
automate, de celle de ses contre-poids et de ses roues; en sorte qu’il ne faut point, à leur occasion,
concevoirenelleaucuneautreâmevégéta?venisensi?ve,niaucunautreprincipedemouvementetde
vie,quesonsangetsesesprits(animaux)agitésparlachaleurdufeuquibrûlecon>nuellementdansson
cœur,etquin’estpointd’autrenaturequetouslesfeuxquisontdanslescorpsinanimés”.(§38)
In“Traitédel’Homme”(probablement1633ou1634,jamaispubliéduvivantdel’auteur)
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Iln’yadanslevivantriendeplusquedansl’automate!
«Aquoil’exempledeplusieurscorps,composésparl’ar>ficedes
hommes, m’a beaucoup servi, car je ne reconnais aucune
différenceentrelesmachinesquefontlesar?sansetlesdivers
corps que la nature seule compose, sinon que les effets des
machinesnedépendentquedel’agencementdecertainstuyaux,
ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque
propor>on avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si
grandsqueleursfiguresetmouvementssepeuventvoir,aulieu
que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des corps
naturelssontordinairementtroppe>tspourêtreaperçusdenos
sens.»
In«Lesprincipesdelaphilosophie”,IVepar>e(§203),1644,
adresséàlaprincesseElisabeth
Joueusedetympanon,1784
MuséedesArtsetmé>ers
Ce^econcep?onducorps–machine,àl’aubedelamodernité,vaperme^rel’éclosiond’unescienceexpérimentaledescorpsvivants
(biologie)… et sera reprise notamment par le médecin et philosophe matérialiste J. Offray de la Me^rie (1709-1751) dans “L’homme
Machine”.Celui-cireje^eraledualismeauprofitd’unmonismematérialiste.
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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3.Laglandepinéale:lieud’unionoud’interacMonentrel’âmeet
lecorps
“ilnesuffitpasqu’elle(l’âmeraisonnable)soitlogéedanslecorps
humain,ainsiqu’unpiloteensonnavire,sinonpeut-êtrepour
mouvoirsesmembres,maisqu’ilestbesoinqu’ellesoitjointeet
unieplusétroitementavecluipouravoir,outrecela,des
sen>mentsetdesappé>tssemblablesauxnôtres,etainsi
composerunvraihomme”(“DiscoursdelaMéthode“,VeparMe)
“OrjevousdiraiquequandDieuunirauneâmeraisonnableàce€e
machine, (…) il lui donnera son siège principal dans le cerveau
(dans la glande pinéale), et la fera de telle nature que, selon les
diversesfaçonsquelesentréesdesporesquisontenlasuperficie
intérieuredececerveauserontouvertesparl’entremisedesnerfs,
elleauraaussidiverssen>ments”(“Traitédel’Homme”§7)
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Dans le cerveau, la gande pinéale (notée H) est très
mobile, elle réagit aux ordres de l’âme ra>onnelle en
s’orientant dans une certaine posi>on; elle distribue
alors, par les nerfs-tuyaux, les esprits-animaux selon un
trajet bien déterminé, ce qui induit une réac>on
musculairetrèslocalisée.
“desespritsanimauxquisontcommeunventtrèssubMl,
ouplutôtcommeuneflammetrèspureettrèsvive,qui,
montantconMnuellementengrandeabondanceducœur
danslecerveausevarendredelàparlesnerfsdansles
musclesetdonnelemouvementàtouslesmembres.”
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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4.L’aporiedumodèled’interacMoncorps-espritdanslecadredudualismecartésien:commentest-il
possiblequedeuxsubstances,ontologiquementdis>nctes,puissententrereninterac>on(dansMéditaMons
métaphysiquesVIe,Descartesparlemêmede“mélangedel’espritaveclecorps”)?
Nombreusesobjec>onsàcedualismeontologique“interac>onniste”(lecorpsagitsurl’âmeetl’âmesurlecorps).
• PierreGassendi(in«Cinquièmesobjec>ons»auxMéditaMonsmétaphysiques,1644)
«(…)ilresteàexpliquercommentce€econjonc>on,etce€eespècedemélangeetdeconfusionpeutserencontrerenvous,si
vousêtesincorporel,inétenduetindivisible.Carsivousn’êtespasplusgrandqu’unpoint,commentêtes-vousjointaucorps
touten>erquiestd’unenotablegrandeur?Commentdumoinsêtes-vousjointaucerveauouàquelquesunesdesesmoindres
par>es, laquelle, si pe>te qu’elle soit, a pourtant quelque grandeur et étendue ? (…) Et si vous êtes en>èrement dis>nct,
commentêtes-vousconfonduaveclama>èreetformez-vousuntoutavecelle?”(citédansnotesdeM.Kistler,dansJ.Kim,op.
cit.)
• LaprincesseElisabeth(correspondavecDescartesàpar>rde1643)
Posedesques>ons«embarrassantes»:«elleneparvientpasàconcevoirl’uniondel’âmeetducorps.Commentcomprendre
qu’une volonté puisse mouvoir la ma>ère, ou qu’un mouvement de ma>ère puisse produire une douleur? Comment réunir
l’hommequiaétédiviséendeuxsubstances?”
PourF.Alquié,lesréponsesdeDescartesàsesques>onsreviennentà“direqueleproblèmedel’unionsesitueendehorsdela
philosophie,etmêmequ’onnepeutconcevoirce€eunionqu’encessantdephilosopher”(EncyclopaediaUniversalis,Descartes,
§9L’hommeconcret).
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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LUCRECE
« le sublime poétique d'un René Char, la pensée
foisonnante et baroque d'un Gilles Deleuze et le savoir
scientifique d'un Einstein réunis dans un même ouvrage »
Michel Onfray, préface de « La Naissance des Choses »,
nouvelle traduction par Bernard Combeaud, Mollat Ed.
(2015)
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Lemonismematérialiste
Lucrèce
•  Poète d’une seule œuvre « De natura rerum », philosophe-scien?fique d’un système
matérialistedumonde
•  DanslalignéedeDémocrite(ac?fvers430avJC)etd’Epicure(circa341-270avJC)
•  Vision anthropologique assez pessimiste : « l’homme, issu du néant, est condamné à y retourner corps et
âme, et son état n’est qu’une modalité de ce perpétuel anéan>ssement qu’est l’univers, dont la loi est de
s’acheminer, à travers un cycle alterné de morts et de résurgences successives, vers sa destruc>on totale
»(Lucrèce,EncyclopaediaUniversalis)
•  Face à ce€e “terreur” : il va se référer à une doctrine philosophique (à la fois raison et mode de vie), le
système d’Epicure. “Recours ‘aristocra>que’ à une sorte de contempla>on scien>fique, immobile,
impassible,sereine,seulecapabled’assurerlapaixdel’âme”(id.)
•  En con>nuité avec l’atomisme de Démocrite (“le dernier des physiciens matérialistes”) : “atomes,
corpusculesindivisiblesquisontlespremiersprincipesdeschosesetquemetenmouvementunenécessité
aveugle”(id.)
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Quelquesidéesmarquantes
•  Tout est cons?tué de par?cules indivisibles, immuables et innombrables, immortelles : les
atomes (« corps premiers », « commencements », « corps de ma?ère » , « semences des
choses»)
•  Lesatomesenmouvement,secombinentpourcons?tuerdenouvellesformes,seséparent,se
recombinentetdemeurent
•  L’universestcons?tuédema?ère(chosesforméesparlespar?cules)etdevide…Iln’existerien
d’autre
•  L’universn’anicréateurniconcepteur
•  Les choses se créent grâce à la dévia?on (clinamen ou inclina+o). Si toutes les par?cules
individuelles,ennombreinfini,tombaientdanslevideenlignedroitea|réesverslebaspar
leurpoids(commelesgou^esdepluie),rienn’existerait.Maislespar?culespeuventsubirune
dévia?on, mouvement infime qui suffit à déclencher un enchaînement sans fin de collisions.
Tout ce qui existe dans l’univers n’existe qu’à cause de ces collisions fortuites de minuscules
par?cules
In«Qua€rocento»
S.Greenbla€,p.224etsuiv.
Flammarion«Champs»,2015
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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•  Ce€edévia>on(clinamen)estàl’originedulibrearbitreetdel’émergencedelanouveauté
“Enfin, si toujours les mouvements sont solidaires, si toujours un mouvement naît d’un plus ancien suivant un ordre
inflexible,siparleurdéclinaisonlesatomesneprenaientpasl’ini>a>ved’unmouvementquirompelesloisdudes>n,
d’oùvientce€elibertéaccordéesurterreàtoutcequirespire…?”
•  Leshumainsnesontpasuniques:ilsfontpar?ed’unprocessusmatérielbeaucoupplusvastequilesrelie
nonseulementàd’autresformesdevie,maisàlama?èreinorganique
•  L’âmehumaineestcomposéedumêmematériauquelecorpshumain.Lefaitquenousnepuissionspasla
situerdansunorganepar?culiersignifiequ’elleestcons?tuéedespar?culesinfimesmêléesauxveines,à
lachair,auxtendons…
•  Aumomentdelamort,l’âmesedissout“ainsiduvinquandsonbouquets’estévanoui/duparfumdont
l’esprit suave s’est envolé” (III, v. 221-222). Quand le corps meurt – c’est à dire quand la ma?ère se
disperse–l’âme,quiestunepar?educorps,meurtaussi.
•  Pasdevieaprèslamort…maislamortn’estrienpournous.
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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ActualitédeLucrèce
•  VoirnotammentlesnombreusesréférencesàLucrècedans“LaNouvelleAlliance–Métamorphose
delaScience”,I.Prigogine&I.Stengers,EdGallimard,1979,p.282-284-285
•  Voirl’ouvragedeM.Serres“LaNaissancedelaphysiquedansletextedeLucrèce–Fleuveset
turbulences”,EddeMinuit,1977
•  VideodeBernardCombeaud,surlesitedesEdi>onsMollatparu>ondelanouvelletraduc>on,
juin2015)
Philosophieetneurosciencesendialogue2
27
Retiens ce point encor : par le poids qui le guide
Tout corps en droite ligne est porté dans le vide ;
Mais, sans qu’on puisse dire en quel temps, en quel lieu,
Chaque atome en tombant décline un peu, si peu
Que sa pente invisible est à peine réelle.
S’ils ne déclinaient point, si, d’un jet parallèle,
Comme les gouttes d’eau tombaient les éléments,
D’où seraient nés les chocs et les enchaînements ?
Est-ce que la Nature eût pu créer les choses ?
LucrèceDeNaturaRerum
LivreII,v.225etsuiv.
Traduc>onA.Lefèvre(1876)
Ed.LesEchosduMaquis,2013
Philosophieetneurosciencesendialogue2
28
SPINOZA
Unecarteconceptuellespinozienne:«moregeometrico»
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Lemonisme(naturaliste-matérialiste)
Spinoza
1.ConsidéraMonsgénérales
DanssonIntroduc?onàl’«Ethique»,RolandCailloisécrit:
«Horslesalut,lephilosophenetrouverienaumondequivaillelapeined’êtrerecherché.Ilveutréalisersa
naturehumaine,ilveutêtreheureuxetlibre.Ilnepeutl’êtrequ’ens’unissantàDieu.Telleestlacer>tudede
Spinoza.
Pourtantce€eœuvrearideetrigoureusen’estnullementlaquêted’unDieucachéaucœurdesténèbres;ony
chercherait en vain un seul accent tragique.(…) L’i>néraire de salut est philosophique et la philosophie est
œuvrederaison.Mieux,laphilosophieestlavieraisonnableelle-même.
Lesalutdel’hommeestdansl’unionàDieu.Maisquefaut-ilentendreparunion?Etqu’est-cequeDieu?
L’union est la vraie science, c’est-à-dire la compréhension – ou la connaissance - claire et dis>ncte de ce qui
est:desoi-même,deDieuetdumonde,telsqu’ilssontensoi,lavuedel’Êtrequiserévèleauregardpurde
l’esprit.
Dieuestlaréalitémême,etrienquelaréalité:cequiestenvérité.
Ouencore:DieuestDeussiveNatura,DieuautrementditlaNature.(…)
LephilosophepenseDieuenvérité,alorsDieuserévèlel’Être,latotalitédecequiestenvérité,etensomme,
cequetouslesphilosophesonttoujoursappeléNature.»
Philosophieetneurosciencesendialogue2
SpinozaL’éhique
Traduc>onetIntroduc>ondeRolandCaillois
30
Gallimard,1954
2.Dieu,Être,Substanceetinfinitédesesalributs,Réalitédetoutesleschoses,Nature...sontuneseule
etmêmechose(dansla1epar>e:DeDieu)
•  Dieu : Être qui a sa cause en?èrement en lui-même (causa sui) et non en autre chose. C’est en tant qu’il est
substancequeDieupossèdeenproprel’existencenécessaireetl’indivisibilité.
•  Ce^esubstanceestcaractériséeparuneinfinitéd’a^ributs,chacund’euxétantinfini(«lanaturedivineaune
infinitéabsolued’a^ributsdontchacunexprimeuneessenceinfinieensongenre»,dém.delaprop.16).
•  Dansla2epar?e,Spinozafaitréférenceàdeuxa^ributsdesubstancepar?culiers«quisontceuxquel’êtrefini
peutconnaîtredirectementpuisquenoussommescons?tuésàpar?rd’eux:lapenséeetl’étendue.(...)L’Être
absolumentinfiniestcons?tuéd’uneinfinitéd’a^ributs,parmilesquelspenséeetétenduenedisposentd’aucun
privilègepar?culier.»
•  «Iln’yad’autresubstancequeDieu(prop.14:«endehorsdeDieu,nullesubstancenepeutêtreconçue»):
celui-cirassembledemanièreexhaus>vetouslescaractèresdéfinissantlasubstance.(...)Lasubstancedepartsa
défini>on ini>ale (défini>on 3) épuise d’emblée, par son caractère d’être en soi (in se), le contenu de toute la
réalité.
D’aprèsPierreMacherey,IntroducMonàl’EhiquedeSpinoza
LapremièreparMe:Lanaturedeschoses
PUF,2015
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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•  « L’Être premier et parfait sur lequel doit d’abord réfléchir le philosophe n’est pas un autre être que le
monde même, c’est-à-dire la Nature; et cet Être est premier non pas au sens chronologique mais au sens
logiqueetontologique;ilfautconsidérercequidansl’Être,faitqu’ilestlefondementetlacondi>ondetoute
essence et de toute existence. Ce fait fondamental n’est pas la transcendance de Dieu, ni son pouvoir
créateur. Il n’y a chez Spinoza ni dualisme métaphysique ni causalité divine transcendante, et c’est cet
immanen?smeradicalquiseral’undesplusimportantspiliersdel’éthiquedelaliberté.(...)
•  CommeleDieuclassique,laNaturespinozisteestpremièreetparfaiteparcequ’elleestinfinie,c’est-à-dire
nonpastotalitéferméeetfigée,maistotalitéac?ve.
•  Notons(...)queSpinozau?liseparcommoditélemot«Dieu»pourdésignerlaNatureinfinie,maisquele
vrai nom de celle-ci est Substance. C’est comme Substance que la nature est non seulement unique et
infinie,maisac?veaupointd’êtreeffec?vementlesubstrat,lacondi?onetl’originepermanentedetoutce
quiexiste,c’est-à-diredetoutcequiestdonnédanslaNature.»
D’aprèsRobertMisrahi,Spinozaetlespinozisme
EncyclopaediaUniversalis
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3.DeussiveNatura
« Avant de poursuivre, je veux expliquer ici ou plutôt faire remarquer ce qu'il faut entendre par Nature
NaturanteetparNatureNaturée.Carjesupposequ'onasuffisammentreconnuparcequiprécède,quepar
Nature Naturante, on doit entendre ce qui est en soi et est conçu par soi, autrement dit les a€ributs de la
substancequiexprimentuneessenceéternelleetinfinie,c'est-à-direDieu(parleCoroll.1delaPropos.14etle
Coroll.2delaPropos.16),entantqu'onleconsidèrecommecauselibre.
Par Nature Naturée, j’entends tout ce qui suit de la nécessité de la nature de Dieu, autrement dit de la
nécessitédechacundesa€ributsdeDieu;c’est-à-diretouslesmodesdesa€ributsdeDieu,entantqu'onles
considèrecommedeschosesquisontenDieuetnepeuventniêtreniêtreconçuessansDieu.»
ScoliedelaProposi>onXXIX(1ePar>eDeDeo)
Il convient avec P. Macherey (p. 164 et suiv.) de noter que « la nature naturée ne succède pas à la nature
naturante,delamanièredontl’effetsuccéderaitàsacauseaupointdevued’uneconcep>on«transi>ve»de
lacausalitéquilesdétachel’undel’autre,(...)maiselleluiestsimultanéeetnepeutenêtreséparée.(...)C’est
pourquoinaturenaturanteetnaturenaturéesontuneseuleetmêmenature,considéréeàdespointsdevue
différents. (...) Il y a donc, dans la nature des choses, coprésence réciproque et complète appartenance du
naturéaunaturant.
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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4.L’esprit(l’âme)etlecorpssontuneseuleetmêmechose
2epar>e:Delanatureetdel’originedel’esprit
Scoliedelaprop.7:“toutcequipeutêtreperçuparunentendementinfinicommecons>tuantl’essencedela
substance n’appar>ent qu’à une substance unique, et par conséquent substance pensante et substance
étenduesontuneseuleetmêmesubstancequiestcomprisetantôtsousceta^ribut,tantôtsousl’autre”
Scoliedelaprop.21:“là(scoliedelapropositon7)eneffet,nousavonsmontré(…)quel’espritetlecorpssont
unseuletmêmeindividu,quiestconçutantôtsousl’a^ributdelapensée,tantôtsousceluidel’étendue.”
3epar>e:Delanatureetdel’originedessen>ments
scoliedelaproposi>on2(quiseréfèreauscoliedelaproposi>on7dela2epar>e)
«L’âmeetlecorpssontuneseuleetmêmechose,quiestconçuetantôtsousl’a^ributdelaPensée,tantôt
sousceluidel’Etendue.D’oùilprovientquel’ordre,autrementditl’enchaînementdeschoses,estun,quela
Naturesoitconçuesousl’unoul’autredescesatributs”
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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5.ActualitésdeSpinozaenSciences★
•  EinsteinA.
«JecroisauDieudeSpinoza,quiserévèledansl’ordreharmonieuxdecequiexiste,etnonenunDieuquisepréoccupedusortetdesacMonsdes
êtreshumains”,EinsteindansuntélégrammeaurabbinGoldsteindeNewYork
«JesuisfascinéparlepanthéismedeSpinoza,maisj’admireplusencoresacontribu+onàlapenséemoderne,parcequ’ilestlepremier
traitel’espritetlecorpscommeunité,etnoncommedeuxchosesséparées.»(dansuneinterviewpubliéeen1930)
philosophequi
•  ChangeuxJ-PetP.Ricœur,Cequinousfaitpenser.LaNatureetlaRègle.O.Jacob,1998
Changeux souligne la parenté de sa démarche avec celle de Spinoza : « En écrivant L’Homme neuronal, je découvris l’Ethique
de
Spinozaettoutelarigueurdesapensée.‘J’analyserailesac+onsetlesappé+tsdeshommescommes’ilétaitques+ondelignes,
de plans et de solides’ : y a-t-il projet plus enthousiasmant que d’entreprendre une reconstruc+on de la vie humaine en se
débarrassantdetouteconcep+onfinalistedumondeetdetoutanthropocentrisme,àl’abridel’imagina+onetdela‘supers++on
religieuse’,‘cetasiled’ignorance’selonSpinoza?»(p.16).
•  DamasioA.,Spinozaavaitraison.Joieettristesse,lecerveaudesémo+ons.O.Jacob,2003
EnquêtedeSpinoza...
•  AtlanH.,Lascienceest-ellehumaine?,Bayard,2002
(voirC.Jaquet,L’unitéducorpsetdel’esprit–affectsetpassionschezSpinoza.PUF,2015)
★
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III.Delaper>nenced’unephilosophieimpliciteen
Neurosciences:
•  ProgrammederecherchechezI.Lakatos
•  Monismematérialistenonréduc>onniste
•  EmergenceetPlas>cité/Causalitésascendanteetdescendante
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1.  LanoMonde«programmederecherche»chezImreLakatos
•  Théories,hypothèses,méthodologies,techniques…s’adressantàundomainedelaréalité:
cadrederéférenceconven>onnelautravailderecherche(lesneurosciencescomme
programmederecherche)
•  «noyaudur»et«ceinturedeprotec>on»
•  «noyaudur»:
•  hypothèsesthéoriquestrèsgénéralesformantuneaxioma>que
1922-1974
•  ellesnedoiventpasêtresoumisesàvérifica>on(tenta>vedeconfirma>on/falsifica>on).
•  tantqueleprogrammederecherchefonc>onne,acceptéesdemanièreconven>onnelle(“lenoyaudur
d’unprogrammederechercheestrenduinfalsifiablepardécisionméthodologiquedeses
protagonistes”).Vouloirchangerlenoyaudurc’estchoisirdesor>rduprogrammederecherche.
•  Exemples
•  “ceinturedeprotec?on”
•  hypothèsesauxiliairesquicomplètentlenoyaudur,
•  hypothèsessous-jacentesàladéfinitondescondi>onsini>ales,ainsiquecertainsénoncés
d’observa>on.
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•  PourLakatos,lenoyaudurd’unprogrammederecherches’élaboreégalementàpar>rd’un«contexte
théoriquetrèsgénéral,systèmedereprésenta?ondumondeoumêmeàpar?rdeconcep?ons
métaphysiquesquipar?cipentàl’histoiredessciences.»Voiraussicequinousavonsditendébut.
Exemples:référencessouventimplicitesauxconceptsouno>onscomme«causalité»,déterminisme,espaceet
temps,rela>onsentresubstancesetpropriétés,entreletout(macroniveau)etlespar>es(microniveau),
rela>onsgénéralesentrelemodèleetlescondi>onsexpérimentales,lesno>onsdevariablesindépendanteset
dépendantes,explica>on,réalismeouformalisme…
•  EnNeurosciences,auseindunoyaudur:prisedeposi?onimpliciteouexplicitederejetdudualismedes
substancesenfaveurd’unmonismematérialiste...D’unmot,lapensée(mind)estunepropriété
émergentedecesformeshypercomplexesdela“ma?ère”vivantequesontlescerveaux,point
d’abou?ssementd’unelongueévolu?on…
•  “Monismematérialistenonréduc?onniste”!
CommechezSpinoza,uneseuleetmêmesubstance,connuesousledoubleaspect“pensée-étendue”
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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2.«UnmonismematérialistenonréducMonniste»donc…
Commentconcilieruneapprochemonisteetuneopposi>onauréduc>onnisme?
Afindejus>fierl’associa>on«monisme»et«nonréduc>onniste»,ilfautaborderleconcept
d’«émergencedansunmondestra+fié».
Construc>onduconcept:
•  Soitlemonismematérialiste,commeélémentdunoyaudurdenotreprogrammede
recherche:lemondeestfaitd’uneseulesubstancematérielle(con>nuité)
•  Adme€onsquelesphénomènes(c’estàdirecequinousapparaîtoucequidécoulede
notreexpérience–communeouscien>fique–aveclemonde)etlesobjetsauxquelsilsse
rapportentsedistribuenten“plans”ou“niveaux”ouencore“domaines”hiérarchisésau
seindece€eréalitéune(par>culesélémentaires,atomes,molécules,agrégatsdemolécules
dansdescorpsinanimés,cellulesvivantes,organismesvivantsmul>cellulaires,humains,
sociétéshumaines…)
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Quellessontlesrela>onsd’emboîtementdecesniveaux,plansoudomaines,peut-oniden>fier
desrela>onsde“causalité”?
•  Pourles“réduc?onnistes”:lespropriétésd’unniveaudonné(lescellulesvivantesetles
organismes)sont“réduc>bles”aux(oupeuventêtredéduitesdes)propriétésduniveau
inférieur(moléculaire).Labiologie(vivant)estàtermeréduc>bleàlaphysico-chimie
(inanimé).Demêmelespropriétésdesfonc>onscogni>vessupérieures(conscience)chez
l’humainpeuventêtredéduitesdespropriétésduniveauinférieur(explica>onentermesde
neurophysiologiedesorganismesvivants).Lapsychologie(macroniveauducomportementet
desétatsmentaux)estàtermeréduc>bleàlaphysiologiedusystèmenerveux(microniveau
desétatscérébraux).
•  Pourles“théoriciensdel’émergence”:dunouveauapparaîtdanslemonde.Ainsiprésence
aucoursdel’évolu>ondepaliers,desautsqualita>fs,appari>ondenouvellesformes…
(“évolu>oncréatrice”,genèsedenouveautésetpaliersdecomplexité).Silesphénomènes
d’unniveausupérieursontenpar>eexpliquablesparlespropriétésduniveauinférieur,s’ils
endépendent(causalitéascendante),ilsnes’endéduisentpascomplètement:ilya
discon>nuité,etnon-prédic>bilitéd’unpalieràl’autre(entrelevivantetl’inanimé,par
exemple).Lesformesnouvellesd’organisa>onsontirréduc>blesauxanciennes.
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Résumons:
•  Postulatd’uneunitéfondamentale(substan>elle)danslacomposi>ondela
nature(ma>èreinerte,organisa>onsvivantes,psychisme),maisrefusd’une
possibilitéd’explica>onintégraledesphénomènesparlaseuleconnaissancedes
composantsfondamentaux.
•  Doncposi>ond’unmonismeontologiquemaisd’unpluralismeépistémologique
quiviselespropriétésémergentes
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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3.L’émergence«forte»etlacausalitédescendante
•  L’émergence«forte»faitl’hypothèsedepouvoirscausauxinfluençantnonseulementles
processusdemêmeniveau,maiségalementlesprocessusduniveauinférieur.
•  Les“émergents”auraientunpouvoircausalsurlescondi>onsdeleur“survenance”.SiMest
unémergentquisurvientsurP(MestreliéàPparunedétermina>onascendante),Mpeut
agirenretoursurP(causalitédescendantediachronique).
•  Labiologieetlapsychologieoffrentlapossibilitéd’émergencesfortes:“ainsitout
phénomènebiologiquecollec>f(desinsectessociauxaumétabolismecellulaire)nepeutêtre
expliquéqu’àlafaveurd’unenvironnementintégra>fetdelasélec>onnaturelle(concepts
spécifiquesàlabiologieetabsentsdelamodélisa>onphysico-chimiquedesprocessus
naturels).”(Wikipédia,Emergence)
•  Demêmeenpsychologie,laculture(émergent)donneformeàl’espritetpeutêtreunfacteur
detransforma>ondescircuitscérébrauxgrâceauxmécanismesdelaplas>citécérébrale
(causalitédescendante).
Philosophieetneurosciencesendialogue2
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Enneurosciences
«Onpenseraavoirsa>sfaitauxvertusépistémologiquesenramenantteltypedecomportementàtelle
structure neurologique ou à tel équilibre du système neuro-endocrinien. Le scalpel ou l’analyse
biochimique semblent normalement prendre le pas sur l’observa>on banale des comportements. On
>entainsilecomportementlui-mêmepourunesimpleprojec>on,etpresquepourunépiphénomène,
dufaitneuro-physiologique.
Or ce n’est certes pas dans la structure ou la physiologie du système nerveux qu’on peut lire les
modalitésconcrètesdescomportements:celles-cinesontobservablesqu’auniveaudescomportemnts
eux-mêmes,révélantalorslesgrandeursd’étatquilesdéfinissentcommestructuresd’organisa>ondu
champ.
Sans doute est-il significa>f de savoir que ces structures ont elles-mêmes comme condi>on (et
seulementcommecondi>ons)desstructuresiden>fiablesàuntoutautreniveaud’observa>on,c’est-àdiredanslamicrostructuredusystèmenerveux.Maisonnesauraitpourautantfairel’économied’une
phénoménologieposi>veetexpliciteauniveaud’inves>ga>onoùlesphénomènesdecomportement
s’offrentprécisémentcommetels.(…)
Ilseraitvaindepenserquelabiologiepuissefairel’économie,ens’alignantsimplementsurlessciences
cons>tuées en dehors d’elle, d’un effort autonome de mise en oeuvre des phénomènes qui se
présententincontestablementcommesignifica>fsdesonchampd’inves>ga>on.(…)Partoutoùunsaut
méthodologiqueestpossible,ilconvientdetransposerdélibérémentlarechercheauniveaucapablede
faireapparaîtrelesphénomènesd’intégra>onetleursstructurespropres.Ilsemblequel’onsoitassuré
defranchiralorscequ’onpourraitappelerunseuild’observabilitéetd’intelligibilité”.
“SituaMonépistémologiquedelabiologie”,FrançoisMeyer(p.789),
inLogiqueetconnaissancescienMfique,EdLaPléïade,sousladirecMondeJeanPiaget,1967
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Conclusions
Laphilosophie(souventimplicite)d’unegrandemajoritéde
neuroscien>fiquescontemporainsseréfèreàunethéoriematérialiste
dudoubleaspect.Unemêmeen>té“esprit-cerveau”estabordéeàla
faveurd’unpluralismeépistémique.
Demanièreplusprécise,lesneurosciencescogni>vesdéveloppentleur
“programmederecherche”(leurparadigme)grâceàunnoyaudurdela
théorie,énonçablesous4principes:
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•  Principedecausalité:ilexistedesrela>onscausales(réciproqueset
complexes:ascendanteetdescendante)entrelastructurenerveuse(S),
sonfonc>onnement(f)(Sf=le«matériel»),etlesFonc>ons(F)(les
programmescogni>fsquiparhypothèsesontdesopéra>ons
téléologiques).Mestlemilieuextérieur
(S⇔f⇔F)⇔M
•  Principed’émergence:lesfonc>onscogni>ves(F)sontdespropriétés
émergentesdesstructuresetdeleurfonc>onnement(Sf)
•  Principedemodularité:lesstructuresetlesfonc>onssont
décomposables
•  Principedeplas+cité/stabilité:SfetFsontdesen>tésdéformables
(changement),jusqu’àuncertainpoint(permanence)
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Merci pour votre attention!
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