Les Mardis de la Philosophie Philosophieetneurosciencesendialogue II.Epistémologiedesneurosciences PrémériteMarcCrommelinck Philosophieetneurosciencesendialogue2 1 PLAN I.Laques>ondesrela>onscorps–esprit: dimensionsmétaphysiques&épistémologiques II.Brefsurvoldequelquesprisesdeposi>ondansl’histoiredelaphilosophie • lesdualismes(Socrate/Platon–Descartes) • lesmonismes(Lucrèce–Spinoza) III.Lesneurosciencesetlaper>nenced’unephilosophieimplicite: • L’approchedeImreLakatos:lano>onde«programmederecherche» • Monismematérialistenonréduc>onniste • EmergenceetPlas>cité/Causalitésascendanteetdescendante Philosophieetneurosciencesendialogue2 2 The brain's default network. The default network was discovered serendipitously when experimenters using neuroimaging began examining brain regions active in the passive control conditions of their experiments. The image shows brain regions more active in passive tasks as contrast to a wide range of simple, active task conditions. I.Laques>ondesrela>onscorps–esprit: dimensionsmétaphysiques&épistémologiques ac>vitédelaglande pinéale danslecerveau «pendantletemps delaveilleetle sommeil» Descartes, «Traitédel’Homme», 1633ou1634 Édi>onClerselier,1664 BnF Philosophieetneurosciencesendialogue2 Thebrain'sdefaultnetwork:originsandimplica?onsforthestudyofpsychosis RandyL.Buckner,PhD DialoguesClinNeurosci.2013;15:351-358. 3 « … il est impossible de séparer la réflexion a priori sur les concepts et formes de raisonnement (jugementsanaly>ques),d’unepart,delarecherchescien>fiqueetempiriquesurlesfaits(jugements synthé>ques),d’autrepart.Celaconduitàredonnerunrôlelégi+meetnécessaireàlamétaphysique: celle-ci a pour voca>on d’accueillir toute réflexion sur le réel menée dans des catégories plus généralesquecellesu?liséesparlesdifférentessciences. A >tre d‘exemples, les réflexions sur le rapport entre une substance et ses propriétés, sur la persistancedessubstancesetdespropriétésdansletemps,surl’espaceetletempseux-mêmes,surla causalité, sur les rapports de détermina+on entre les par+es microscopiques d’un objet et ses propriétés macroscopiques, sont de nature plus conceptuelle et plus générale que des recherches scien>fiquessurteletteldomainedelaréalité. Cependant, ces catégories sont indispensables, dans la mesure où elles sont cons>tu>ves du cadre conceptuel à l’intérieur duquel nous construisons une concep+on scien+fique du monde, dont le contenuprovientdesdifférentessciences. …ilestclairquelaréflexionmétaphysiqueestcondi>onnéeparlacompa>bilitédesesrésultatsavec lesconnaissancesscien>fiques.» M.Kistler:Introduc>onàJ.Kim«L’espritdansunmondephysique»(Ithaque,2014,p.VII) Philosophieetneurosciencesendialogue2 4 • Neurosciencesàl’interfaceentrelesméthodes/objetsdessciencesnaturellesetlesméthodes/ objetsdesscienceshumaines: • expliqueretcomprendre(WilhelmDilthey,PaulRicœur) • Intelligibilitéopératoire(sciencesnaturelles)vsherméneu>que(scienceshumaines)(JeanLadrière) • Explica?onenneurosciences: • réduc>oninterthéorique:lemacro-niveauest-ilexplicable(réduc>ble)par(au)lemicro-niveau? • lescauses(entermesphysicalistes)etlesraisons(entermesinten>onnels) • lestatutdesthéoriesetdesmodèles(formels) • Causalitédescendante(dumacro-niveauverslemicro-niveau) • Emergenceetdeplas>cité(systèmescomplexes) Philosophieetneurosciencesendialogue2 5 II.Brefsurvoldequelquesprisesdeposi>ondansl’histoiredela philosophie • lesdualismes(Socrate/Platon–Descartes) • lesmonismes(Lucrèce–Spinoza) Platon,428-348avJC R.Descartes,1596-1650 Lucrèce,circa.98-55avJC Philosophieetneurosciencesendialogue2 B.Spinoza,1632-1677 6 SOCRATE Philosophieetneurosciencesendialogue2 PLATON 7 Ledualismedessubstances(ontologique) Socrate–Platon • « Platon nomme Forme ou Idée (traduc>on contemporaine de εἶδος) l’hypothèse de réalités intelligibles,archétypesoumodèlesdetouteschoses.Ces”formes”sontlevéritableobjetdela défini>onetdelaconnaissancevraie(επιστηµη),paropposi>onauxréalitéssensibles,objetde l’opinion(δοξα). • De l’échec d’une connaissance sensible et des exigences de la connaissance vraie (qui vise la vérité),PlatondéduitlespropriétésdecesFormes(Idées):ellessontdesréalitésimmatérielleset immuables, demeurant éternellement iden>ques à elles-mêmes, universelles et intelligibles, indépendantes de la pensée, elles possèdent l’être de façon pleine et absolue, et de toute éternité.»(voirnotammentdanslePhédon,leTimée) Philosophieetneurosciencesendialogue2 8 • Dans le Phédon, Socrate (Platon) développe la concep>on suivant laquelle des Formes éternelles(lesIdées)sontdessubstancesdis>nctesetimmatérielles(principesderéalitéet principesdeconnaissance)dontlesobjetsetautresphénomènesquenouspercevonsdans lemondenesontquedesombres.Leschosesprennentleurconsistancedeleurpar>cipa>on àl’Idéecorrespondante(μέθεξις):unechoseestbelleparsapar>cipa>onàl’IdéeduBeau.» d’après«Dualisme(philosophiedel’esprit)»,Wikipédia Parconséquent,pourquel’âmeoulapensée(l’espritνοῦς)aitaccèsàlafacultédeconnaître en vérité, il est nécessaire qu’elle soit elle-même une en?té immatérielle. ”L’âme est de la naturedesIdées.” L'âme a connu les Idées, les Formes, avant d'entrer dans le corps humain (Phédon, 72-77 ; Phèdre,247c).Ellepeuts'enressouvenir.C'estlathéoriedelaréminiscence(Phédon,72e-77a). «(…)laconséquencedetoutceciestquel’âmeexisteavantnotreappariMondanscemonde, ainsiquelesessencesdonttuviensdeparler.» VoiraussileMythedelaCavernedanslaRépublique. Philosophieetneurosciencesendialogue2 9 Phédon (“s’ilestunouvragequiportebienlamarque dePlaton,c’estlePhédon.Onpeutmêmedire quetoutleplatonismeyestcondensé”) «Aprèsavoirbulepoison,jeneresteraipluslongtempsparmivous, maisjem’eniraiverscertainesfélicitésquisontcellesdesBienheureux» Philosophieetneurosciencesendialogue2 LaMortdeSocrate J-LDavid(1787) Metropolitan,NY 10 • L’âmeetlecorps,lephilosopheetlavérité Eh bien! y a-t-il rien de plus rigoureux que de penser avec la pensée toute seule, dégagé de tout élément étranger et sensible, [66a] d'appliquer immédiatement la pure essence de la pensée en elle-même à la recherchedelapureessencedechaquechoseensoi,sansleministèredesyeuxetdesoreilles,sansaucune interven?onducorpsquinefaitquetroublerl'âmeetl'empêcherdetrouverlasagesseetlavérité,pourpeu qu'elleaitavecluilemoindrecommerce?Sil'onpeutjamaisparveniràconnaîtrel'essencedeschoses,n'est-ce pasparcemoyen? Simmias:Amerveille,Socrate,onnepeutmieuxparler. Ilnousestdoncdémontréquesinousvoulonssavoirvéritablementquelquechose,[66e]ilfautquenousnous séparionsducorps,etquel'âmeelle-mêmeexamineleschosesenelles-mêmes.C'estalorsseulementquenous jouironsdelasagessedontnousnousdisionsamoureux. Philosophieetneurosciencesendialogue2 11 • Avantdenaître,l’âmeestencontactaveclesformesintelligibles Or,Simmias,avantquenousayonscommencéàvoir,àentendreetàfaireusagedenosautressens,ilfautquenousayonseu connaissance de l'égalité intelligible, pour lui rapporter comme nous faisons, les choses égales sensibles ; et voir qu'elles aspirenttoutesàce€eégalitésanspouvoirl'a€eindre(…) Sinousl'avonseueavantnotrenaissance[laconnaissancedel’égalité],noussavonsdoncavant quedenaître,etaprèsnotrenaissancenousavonsconnunonseulementcequiestégal,cequi estplusgrand,cequiestpluspe?t,maisbeaucoupd'autreschosesdece^enature:carceque nousdisonsicin'estpasplussurl'égalitéquesurlebeauenlui-même,surlebien,[75d]surle juste,surlesaint,et,pourledireenunmot,surtoutesleschosesque,danstousnosdiscours, nousmarquonsducaractèredel’essence,desortequ'ilfautnécessairementquenousenayons euconnaissanceavantquedenaître. Et par conséquent, Simmias, nos âmes existaient auparavant, avant qu'elles parussent sous ce€e forme humaine; elles existaientsansenveloppecorporelle:danscetétat,ellessavaient. Philosophieetneurosciencesendialogue2 12 • LesFormesintelligiblessontéternelles,immuablesetimmatérielles Allonstoutd'uncoupàceschosesdontnousparlions[78d]toutàl'heure.Toutceque,dansnos demandesetdansnosréponses,nouscaractérisonsendisantqu'ilexiste,toutcelaest-iltoujours lemême,ouchange-t-ilquelquefois?L'égalitéabsolue,lebeauabsolu,lebienabsolu,toutesles existencesessen?ellesreçoivent-ellesquelquefoisquelquechangement,sipe?tqu'ilpuisseêtre, ou chacune d'elles, étant pure et simple, demeure-t-elle ainsi toujours la même en elle-même, sansjamaisrecevoirlamoindrealtéra?onnilemoindrechangement? Il faut nécessairement, répondit Cébès, qu'elles demeurent toujours les mêmes, sans jamais changer. Philosophieetneurosciencesendialogue2 13 • L’âmedemêmenaturequeledivin(immortel,intelligible,indissoluble,idenMqueàlui-même) Vois donc, mon cher Cébès, si, de tout ce que nous venons de dire, [80b] il ne s'ensuit pas nécessairementquenotreâmeesttrèssemblableàcequiestdivin,immortel,intelligible,simple, indissoluble,toujourslemême,ettoujourssemblableàlui-même;etquenotrecorpsressemble parfaitement à ce qui est humain, mortel, sensible, composé, dissoluble, toujours changeant et jamaissemblableàlui-même. L'âmedonc,encetétat,serendverscequiestsemblableàelle,immatériel,divin,immortelet sage;etlàelleestheureuse,délivréedel'erreur,delafolie,descraintes,desamoursdérégléset detouslesautresmauxdeshumains:et,commeonleditdesini?és,ellepassevéritablement l'éternitéaveclesdieux. Philosophieetneurosciencesendialogue2 14 DESCARTES Philosophieetneurosciencesendialogue2 15 Ledualismedessubstances(ontologique) Descartes Lesdeuxsubstances Il faut considérer l’esprit (res cogitans) comme une substance dis?ncte de celle du corps (res extensa). • «…etremarquantquece€evérité:jepensedoncjesuis,étaitsifermeetsiassuréequetoutes les plus extravagantes supposi>ons des scep>ques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie, que je cherchais.» • « … je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser,etquipourêtren’abesoind’aucunlieuninedépendd’aucunechosematérielle;ensorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme, par laquelle je suis ce que je suis, est en?èrement dis?ncte du corps,etmêmequ’elleestplusaiséeàconnaîtrequeluietqu’encorequ’ilnefûtpoint,ellene laisseraitpasd‘êtretoutcequ’elleest.»DiscoursdelaMéthode,1637,IVepar>e Deuxsubstancesréellementdis>nctes:l’âmen’apasbesoinducorpspourexister,nilecorpsdel’âme. Philosophieetneurosciencesendialogue2 16 • L’esprit(lachosepensante)estindépendantdelama>èreducorps(lachoseétendue). Larescogitans:consciented’elle-mêmedanslemomentréflexifduCogito,indivisibleetnon étendue(dis>nctedelaresextensa),incorrup>bleetimmortelle… • Leschosesmatérielles(etlecorpsdel’homme)sontétendues(resextensa):ellesoccupentun certain espace, elles sont divisibles et mesurables. Ce€e étendue peut se traduire par la profondeur,lafigure,ladurée,lemouvement… (voiraussilesVeetVIeMéditaMonsmétaphysiques,1641: “Del’essencedeschosesmatérielles” “Del’existencedeschosesmatérielles,etdelaréelledis>nc>onentrel’âmeetlecorpsdel’homme” Philosophieetneurosciencesendialogue2 17 2.Lecorpshumain(ainsiquel’ensembledescorpsvivantsetdescorpsinanimés),inclusdansla “resextensa”,estpenséparDescartescommeuncorps-machine. “Je suppose que le corps n’est autre chose qu’une statue ou machine de terre que Dieu forme tout exprèspourlarendrelaplussemblableànousqu’ilestpossible,ensortequenonseulementilluidonne au-dehorslacouleuretlafiguredetousnosmembres,maisaussiqu’ilmetau-dedanstouteslespièces quisontrequisespourfairequ’ellemarche,qu’ellemange,qu’ellerespire,etenfinqu’elleimitetoutes celles de nos fonc?ons qui peuvent être imaginées procéder de la ma?ère, et ne dépendre que de la disposi?ondesorganes.(§2) “(…)jedésirequevousconsidériezquecesfonc?onssuiventtoutnaturellementence^emachinedela seule disposi?on de ses organes, ni plus ni moins que font les mouvements d’une horloge, ou autre automate, de celle de ses contre-poids et de ses roues; en sorte qu’il ne faut point, à leur occasion, concevoirenelleaucuneautreâmevégéta?venisensi?ve,niaucunautreprincipedemouvementetde vie,quesonsangetsesesprits(animaux)agitésparlachaleurdufeuquibrûlecon>nuellementdansson cœur,etquin’estpointd’autrenaturequetouslesfeuxquisontdanslescorpsinanimés”.(§38) In“Traitédel’Homme”(probablement1633ou1634,jamaispubliéduvivantdel’auteur) Philosophieetneurosciencesendialogue2 18 Iln’yadanslevivantriendeplusquedansl’automate! «Aquoil’exempledeplusieurscorps,composésparl’ar>ficedes hommes, m’a beaucoup servi, car je ne reconnais aucune différenceentrelesmachinesquefontlesar?sansetlesdivers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machinesnedépendentquedel’agencementdecertainstuyaux, ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque propor>on avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grandsqueleursfiguresetmouvementssepeuventvoir,aulieu que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des corps naturelssontordinairementtroppe>tspourêtreaperçusdenos sens.» In«Lesprincipesdelaphilosophie”,IVepar>e(§203),1644, adresséàlaprincesseElisabeth Joueusedetympanon,1784 MuséedesArtsetmé>ers Ce^econcep?onducorps–machine,àl’aubedelamodernité,vaperme^rel’éclosiond’unescienceexpérimentaledescorpsvivants (biologie)… et sera reprise notamment par le médecin et philosophe matérialiste J. Offray de la Me^rie (1709-1751) dans “L’homme Machine”.Celui-cireje^eraledualismeauprofitd’unmonismematérialiste. Philosophieetneurosciencesendialogue2 19 3.Laglandepinéale:lieud’unionoud’interacMonentrel’âmeet lecorps “ilnesuffitpasqu’elle(l’âmeraisonnable)soitlogéedanslecorps humain,ainsiqu’unpiloteensonnavire,sinonpeut-êtrepour mouvoirsesmembres,maisqu’ilestbesoinqu’ellesoitjointeet unieplusétroitementavecluipouravoir,outrecela,des sen>mentsetdesappé>tssemblablesauxnôtres,etainsi composerunvraihomme”(“DiscoursdelaMéthode“,VeparMe) “OrjevousdiraiquequandDieuunirauneâmeraisonnableàce€e machine, (…) il lui donnera son siège principal dans le cerveau (dans la glande pinéale), et la fera de telle nature que, selon les diversesfaçonsquelesentréesdesporesquisontenlasuperficie intérieuredececerveauserontouvertesparl’entremisedesnerfs, elleauraaussidiverssen>ments”(“Traitédel’Homme”§7) Philosophieetneurosciencesendialogue2 20 Dans le cerveau, la gande pinéale (notée H) est très mobile, elle réagit aux ordres de l’âme ra>onnelle en s’orientant dans une certaine posi>on; elle distribue alors, par les nerfs-tuyaux, les esprits-animaux selon un trajet bien déterminé, ce qui induit une réac>on musculairetrèslocalisée. “desespritsanimauxquisontcommeunventtrèssubMl, ouplutôtcommeuneflammetrèspureettrèsvive,qui, montantconMnuellementengrandeabondanceducœur danslecerveausevarendredelàparlesnerfsdansles musclesetdonnelemouvementàtouslesmembres.” Philosophieetneurosciencesendialogue2 21 4.L’aporiedumodèled’interacMoncorps-espritdanslecadredudualismecartésien:commentest-il possiblequedeuxsubstances,ontologiquementdis>nctes,puissententrereninterac>on(dansMéditaMons métaphysiquesVIe,Descartesparlemêmede“mélangedel’espritaveclecorps”)? Nombreusesobjec>onsàcedualismeontologique“interac>onniste”(lecorpsagitsurl’âmeetl’âmesurlecorps). • PierreGassendi(in«Cinquièmesobjec>ons»auxMéditaMonsmétaphysiques,1644) «(…)ilresteàexpliquercommentce€econjonc>on,etce€eespècedemélangeetdeconfusionpeutserencontrerenvous,si vousêtesincorporel,inétenduetindivisible.Carsivousn’êtespasplusgrandqu’unpoint,commentêtes-vousjointaucorps touten>erquiestd’unenotablegrandeur?Commentdumoinsêtes-vousjointaucerveauouàquelquesunesdesesmoindres par>es, laquelle, si pe>te qu’elle soit, a pourtant quelque grandeur et étendue ? (…) Et si vous êtes en>èrement dis>nct, commentêtes-vousconfonduaveclama>èreetformez-vousuntoutavecelle?”(citédansnotesdeM.Kistler,dansJ.Kim,op. cit.) • LaprincesseElisabeth(correspondavecDescartesàpar>rde1643) Posedesques>ons«embarrassantes»:«elleneparvientpasàconcevoirl’uniondel’âmeetducorps.Commentcomprendre qu’une volonté puisse mouvoir la ma>ère, ou qu’un mouvement de ma>ère puisse produire une douleur? Comment réunir l’hommequiaétédiviséendeuxsubstances?” PourF.Alquié,lesréponsesdeDescartesàsesques>onsreviennentà“direqueleproblèmedel’unionsesitueendehorsdela philosophie,etmêmequ’onnepeutconcevoirce€eunionqu’encessantdephilosopher”(EncyclopaediaUniversalis,Descartes, §9L’hommeconcret). Philosophieetneurosciencesendialogue2 22 LUCRECE « le sublime poétique d'un René Char, la pensée foisonnante et baroque d'un Gilles Deleuze et le savoir scientifique d'un Einstein réunis dans un même ouvrage » Michel Onfray, préface de « La Naissance des Choses », nouvelle traduction par Bernard Combeaud, Mollat Ed. (2015) Philosophieetneurosciencesendialogue2 23 Lemonismematérialiste Lucrèce • Poète d’une seule œuvre « De natura rerum », philosophe-scien?fique d’un système matérialistedumonde • DanslalignéedeDémocrite(ac?fvers430avJC)etd’Epicure(circa341-270avJC) • Vision anthropologique assez pessimiste : « l’homme, issu du néant, est condamné à y retourner corps et âme, et son état n’est qu’une modalité de ce perpétuel anéan>ssement qu’est l’univers, dont la loi est de s’acheminer, à travers un cycle alterné de morts et de résurgences successives, vers sa destruc>on totale »(Lucrèce,EncyclopaediaUniversalis) • Face à ce€e “terreur” : il va se référer à une doctrine philosophique (à la fois raison et mode de vie), le système d’Epicure. “Recours ‘aristocra>que’ à une sorte de contempla>on scien>fique, immobile, impassible,sereine,seulecapabled’assurerlapaixdel’âme”(id.) • En con>nuité avec l’atomisme de Démocrite (“le dernier des physiciens matérialistes”) : “atomes, corpusculesindivisiblesquisontlespremiersprincipesdeschosesetquemetenmouvementunenécessité aveugle”(id.) Philosophieetneurosciencesendialogue2 24 Quelquesidéesmarquantes • Tout est cons?tué de par?cules indivisibles, immuables et innombrables, immortelles : les atomes (« corps premiers », « commencements », « corps de ma?ère » , « semences des choses») • Lesatomesenmouvement,secombinentpourcons?tuerdenouvellesformes,seséparent,se recombinentetdemeurent • L’universestcons?tuédema?ère(chosesforméesparlespar?cules)etdevide…Iln’existerien d’autre • L’universn’anicréateurniconcepteur • Les choses se créent grâce à la dévia?on (clinamen ou inclina+o). Si toutes les par?cules individuelles,ennombreinfini,tombaientdanslevideenlignedroitea|réesverslebaspar leurpoids(commelesgou^esdepluie),rienn’existerait.Maislespar?culespeuventsubirune dévia?on, mouvement infime qui suffit à déclencher un enchaînement sans fin de collisions. Tout ce qui existe dans l’univers n’existe qu’à cause de ces collisions fortuites de minuscules par?cules In«Qua€rocento» S.Greenbla€,p.224etsuiv. Flammarion«Champs»,2015 Philosophieetneurosciencesendialogue2 25 • Ce€edévia>on(clinamen)estàl’originedulibrearbitreetdel’émergencedelanouveauté “Enfin, si toujours les mouvements sont solidaires, si toujours un mouvement naît d’un plus ancien suivant un ordre inflexible,siparleurdéclinaisonlesatomesneprenaientpasl’ini>a>ved’unmouvementquirompelesloisdudes>n, d’oùvientce€elibertéaccordéesurterreàtoutcequirespire…?” • Leshumainsnesontpasuniques:ilsfontpar?ed’unprocessusmatérielbeaucoupplusvastequilesrelie nonseulementàd’autresformesdevie,maisàlama?èreinorganique • L’âmehumaineestcomposéedumêmematériauquelecorpshumain.Lefaitquenousnepuissionspasla situerdansunorganepar?culiersignifiequ’elleestcons?tuéedespar?culesinfimesmêléesauxveines,à lachair,auxtendons… • Aumomentdelamort,l’âmesedissout“ainsiduvinquandsonbouquets’estévanoui/duparfumdont l’esprit suave s’est envolé” (III, v. 221-222). Quand le corps meurt – c’est à dire quand la ma?ère se disperse–l’âme,quiestunepar?educorps,meurtaussi. • Pasdevieaprèslamort…maislamortn’estrienpournous. Philosophieetneurosciencesendialogue2 26 ActualitédeLucrèce • VoirnotammentlesnombreusesréférencesàLucrècedans“LaNouvelleAlliance–Métamorphose delaScience”,I.Prigogine&I.Stengers,EdGallimard,1979,p.282-284-285 • Voirl’ouvragedeM.Serres“LaNaissancedelaphysiquedansletextedeLucrèce–Fleuveset turbulences”,EddeMinuit,1977 • VideodeBernardCombeaud,surlesitedesEdi>onsMollatparu>ondelanouvelletraduc>on, juin2015) Philosophieetneurosciencesendialogue2 27 Retiens ce point encor : par le poids qui le guide Tout corps en droite ligne est porté dans le vide ; Mais, sans qu’on puisse dire en quel temps, en quel lieu, Chaque atome en tombant décline un peu, si peu Que sa pente invisible est à peine réelle. S’ils ne déclinaient point, si, d’un jet parallèle, Comme les gouttes d’eau tombaient les éléments, D’où seraient nés les chocs et les enchaînements ? Est-ce que la Nature eût pu créer les choses ? LucrèceDeNaturaRerum LivreII,v.225etsuiv. Traduc>onA.Lefèvre(1876) Ed.LesEchosduMaquis,2013 Philosophieetneurosciencesendialogue2 28 SPINOZA Unecarteconceptuellespinozienne:«moregeometrico» Philosophieetneurosciencesendialogue2 29 Lemonisme(naturaliste-matérialiste) Spinoza 1.ConsidéraMonsgénérales DanssonIntroduc?onàl’«Ethique»,RolandCailloisécrit: «Horslesalut,lephilosophenetrouverienaumondequivaillelapeined’êtrerecherché.Ilveutréalisersa naturehumaine,ilveutêtreheureuxetlibre.Ilnepeutl’êtrequ’ens’unissantàDieu.Telleestlacer>tudede Spinoza. Pourtantce€eœuvrearideetrigoureusen’estnullementlaquêted’unDieucachéaucœurdesténèbres;ony chercherait en vain un seul accent tragique.(…) L’i>néraire de salut est philosophique et la philosophie est œuvrederaison.Mieux,laphilosophieestlavieraisonnableelle-même. Lesalutdel’hommeestdansl’unionàDieu.Maisquefaut-ilentendreparunion?Etqu’est-cequeDieu? L’union est la vraie science, c’est-à-dire la compréhension – ou la connaissance - claire et dis>ncte de ce qui est:desoi-même,deDieuetdumonde,telsqu’ilssontensoi,lavuedel’Êtrequiserévèleauregardpurde l’esprit. Dieuestlaréalitémême,etrienquelaréalité:cequiestenvérité. Ouencore:DieuestDeussiveNatura,DieuautrementditlaNature.(…) LephilosophepenseDieuenvérité,alorsDieuserévèlel’Être,latotalitédecequiestenvérité,etensomme, cequetouslesphilosophesonttoujoursappeléNature.» Philosophieetneurosciencesendialogue2 SpinozaL’éhique Traduc>onetIntroduc>ondeRolandCaillois 30 Gallimard,1954 2.Dieu,Être,Substanceetinfinitédesesalributs,Réalitédetoutesleschoses,Nature...sontuneseule etmêmechose(dansla1epar>e:DeDieu) • Dieu : Être qui a sa cause en?èrement en lui-même (causa sui) et non en autre chose. C’est en tant qu’il est substancequeDieupossèdeenproprel’existencenécessaireetl’indivisibilité. • Ce^esubstanceestcaractériséeparuneinfinitéd’a^ributs,chacund’euxétantinfini(«lanaturedivineaune infinitéabsolued’a^ributsdontchacunexprimeuneessenceinfinieensongenre»,dém.delaprop.16). • Dansla2epar?e,Spinozafaitréférenceàdeuxa^ributsdesubstancepar?culiers«quisontceuxquel’êtrefini peutconnaîtredirectementpuisquenoussommescons?tuésàpar?rd’eux:lapenséeetl’étendue.(...)L’Être absolumentinfiniestcons?tuéd’uneinfinitéd’a^ributs,parmilesquelspenséeetétenduenedisposentd’aucun privilègepar?culier.» • «Iln’yad’autresubstancequeDieu(prop.14:«endehorsdeDieu,nullesubstancenepeutêtreconçue»): celui-cirassembledemanièreexhaus>vetouslescaractèresdéfinissantlasubstance.(...)Lasubstancedepartsa défini>on ini>ale (défini>on 3) épuise d’emblée, par son caractère d’être en soi (in se), le contenu de toute la réalité. D’aprèsPierreMacherey,IntroducMonàl’EhiquedeSpinoza LapremièreparMe:Lanaturedeschoses PUF,2015 Philosophieetneurosciencesendialogue2 31 • « L’Être premier et parfait sur lequel doit d’abord réfléchir le philosophe n’est pas un autre être que le monde même, c’est-à-dire la Nature; et cet Être est premier non pas au sens chronologique mais au sens logiqueetontologique;ilfautconsidérercequidansl’Être,faitqu’ilestlefondementetlacondi>ondetoute essence et de toute existence. Ce fait fondamental n’est pas la transcendance de Dieu, ni son pouvoir créateur. Il n’y a chez Spinoza ni dualisme métaphysique ni causalité divine transcendante, et c’est cet immanen?smeradicalquiseral’undesplusimportantspiliersdel’éthiquedelaliberté.(...) • CommeleDieuclassique,laNaturespinozisteestpremièreetparfaiteparcequ’elleestinfinie,c’est-à-dire nonpastotalitéferméeetfigée,maistotalitéac?ve. • Notons(...)queSpinozau?liseparcommoditélemot«Dieu»pourdésignerlaNatureinfinie,maisquele vrai nom de celle-ci est Substance. C’est comme Substance que la nature est non seulement unique et infinie,maisac?veaupointd’êtreeffec?vementlesubstrat,lacondi?onetl’originepermanentedetoutce quiexiste,c’est-à-diredetoutcequiestdonnédanslaNature.» D’aprèsRobertMisrahi,Spinozaetlespinozisme EncyclopaediaUniversalis Philosophieetneurosciencesendialogue2 32 3.DeussiveNatura « Avant de poursuivre, je veux expliquer ici ou plutôt faire remarquer ce qu'il faut entendre par Nature NaturanteetparNatureNaturée.Carjesupposequ'onasuffisammentreconnuparcequiprécède,quepar Nature Naturante, on doit entendre ce qui est en soi et est conçu par soi, autrement dit les a€ributs de la substancequiexprimentuneessenceéternelleetinfinie,c'est-à-direDieu(parleCoroll.1delaPropos.14etle Coroll.2delaPropos.16),entantqu'onleconsidèrecommecauselibre. Par Nature Naturée, j’entends tout ce qui suit de la nécessité de la nature de Dieu, autrement dit de la nécessitédechacundesa€ributsdeDieu;c’est-à-diretouslesmodesdesa€ributsdeDieu,entantqu'onles considèrecommedeschosesquisontenDieuetnepeuventniêtreniêtreconçuessansDieu.» ScoliedelaProposi>onXXIX(1ePar>eDeDeo) Il convient avec P. Macherey (p. 164 et suiv.) de noter que « la nature naturée ne succède pas à la nature naturante,delamanièredontl’effetsuccéderaitàsacauseaupointdevued’uneconcep>on«transi>ve»de lacausalitéquilesdétachel’undel’autre,(...)maiselleluiestsimultanéeetnepeutenêtreséparée.(...)C’est pourquoinaturenaturanteetnaturenaturéesontuneseuleetmêmenature,considéréeàdespointsdevue différents. (...) Il y a donc, dans la nature des choses, coprésence réciproque et complète appartenance du naturéaunaturant. Philosophieetneurosciencesendialogue2 33 4.L’esprit(l’âme)etlecorpssontuneseuleetmêmechose 2epar>e:Delanatureetdel’originedel’esprit Scoliedelaprop.7:“toutcequipeutêtreperçuparunentendementinfinicommecons>tuantl’essencedela substance n’appar>ent qu’à une substance unique, et par conséquent substance pensante et substance étenduesontuneseuleetmêmesubstancequiestcomprisetantôtsousceta^ribut,tantôtsousl’autre” Scoliedelaprop.21:“là(scoliedelapropositon7)eneffet,nousavonsmontré(…)quel’espritetlecorpssont unseuletmêmeindividu,quiestconçutantôtsousl’a^ributdelapensée,tantôtsousceluidel’étendue.” 3epar>e:Delanatureetdel’originedessen>ments scoliedelaproposi>on2(quiseréfèreauscoliedelaproposi>on7dela2epar>e) «L’âmeetlecorpssontuneseuleetmêmechose,quiestconçuetantôtsousl’a^ributdelaPensée,tantôt sousceluidel’Etendue.D’oùilprovientquel’ordre,autrementditl’enchaînementdeschoses,estun,quela Naturesoitconçuesousl’unoul’autredescesatributs” Philosophieetneurosciencesendialogue2 34 5.ActualitésdeSpinozaenSciences★ • EinsteinA. «JecroisauDieudeSpinoza,quiserévèledansl’ordreharmonieuxdecequiexiste,etnonenunDieuquisepréoccupedusortetdesacMonsdes êtreshumains”,EinsteindansuntélégrammeaurabbinGoldsteindeNewYork «JesuisfascinéparlepanthéismedeSpinoza,maisj’admireplusencoresacontribu+onàlapenséemoderne,parcequ’ilestlepremier traitel’espritetlecorpscommeunité,etnoncommedeuxchosesséparées.»(dansuneinterviewpubliéeen1930) philosophequi • ChangeuxJ-PetP.Ricœur,Cequinousfaitpenser.LaNatureetlaRègle.O.Jacob,1998 Changeux souligne la parenté de sa démarche avec celle de Spinoza : « En écrivant L’Homme neuronal, je découvris l’Ethique de Spinozaettoutelarigueurdesapensée.‘J’analyserailesac+onsetlesappé+tsdeshommescommes’ilétaitques+ondelignes, de plans et de solides’ : y a-t-il projet plus enthousiasmant que d’entreprendre une reconstruc+on de la vie humaine en se débarrassantdetouteconcep+onfinalistedumondeetdetoutanthropocentrisme,àl’abridel’imagina+onetdela‘supers++on religieuse’,‘cetasiled’ignorance’selonSpinoza?»(p.16). • DamasioA.,Spinozaavaitraison.Joieettristesse,lecerveaudesémo+ons.O.Jacob,2003 EnquêtedeSpinoza... • AtlanH.,Lascienceest-ellehumaine?,Bayard,2002 (voirC.Jaquet,L’unitéducorpsetdel’esprit–affectsetpassionschezSpinoza.PUF,2015) ★ Philosophieetneurosciencesendialogue2 35 III.Delaper>nenced’unephilosophieimpliciteen Neurosciences: • ProgrammederecherchechezI.Lakatos • Monismematérialistenonréduc>onniste • EmergenceetPlas>cité/Causalitésascendanteetdescendante Philosophieetneurosciencesendialogue2 36 1. LanoMonde«programmederecherche»chezImreLakatos • Théories,hypothèses,méthodologies,techniques…s’adressantàundomainedelaréalité: cadrederéférenceconven>onnelautravailderecherche(lesneurosciencescomme programmederecherche) • «noyaudur»et«ceinturedeprotec>on» • «noyaudur»: • hypothèsesthéoriquestrèsgénéralesformantuneaxioma>que 1922-1974 • ellesnedoiventpasêtresoumisesàvérifica>on(tenta>vedeconfirma>on/falsifica>on). • tantqueleprogrammederecherchefonc>onne,acceptéesdemanièreconven>onnelle(“lenoyaudur d’unprogrammederechercheestrenduinfalsifiablepardécisionméthodologiquedeses protagonistes”).Vouloirchangerlenoyaudurc’estchoisirdesor>rduprogrammederecherche. • Exemples • “ceinturedeprotec?on” • hypothèsesauxiliairesquicomplètentlenoyaudur, • hypothèsessous-jacentesàladéfinitondescondi>onsini>ales,ainsiquecertainsénoncés d’observa>on. Philosophieetneurosciencesendialogue2 37 • PourLakatos,lenoyaudurd’unprogrammederecherches’élaboreégalementàpar>rd’un«contexte théoriquetrèsgénéral,systèmedereprésenta?ondumondeoumêmeàpar?rdeconcep?ons métaphysiquesquipar?cipentàl’histoiredessciences.»Voiraussicequinousavonsditendébut. Exemples:référencessouventimplicitesauxconceptsouno>onscomme«causalité»,déterminisme,espaceet temps,rela>onsentresubstancesetpropriétés,entreletout(macroniveau)etlespar>es(microniveau), rela>onsgénéralesentrelemodèleetlescondi>onsexpérimentales,lesno>onsdevariablesindépendanteset dépendantes,explica>on,réalismeouformalisme… • EnNeurosciences,auseindunoyaudur:prisedeposi?onimpliciteouexplicitederejetdudualismedes substancesenfaveurd’unmonismematérialiste...D’unmot,lapensée(mind)estunepropriété émergentedecesformeshypercomplexesdela“ma?ère”vivantequesontlescerveaux,point d’abou?ssementd’unelongueévolu?on… • “Monismematérialistenonréduc?onniste”! CommechezSpinoza,uneseuleetmêmesubstance,connuesousledoubleaspect“pensée-étendue” Philosophieetneurosciencesendialogue2 38 2.«UnmonismematérialistenonréducMonniste»donc… Commentconcilieruneapprochemonisteetuneopposi>onauréduc>onnisme? Afindejus>fierl’associa>on«monisme»et«nonréduc>onniste»,ilfautaborderleconcept d’«émergencedansunmondestra+fié». Construc>onduconcept: • Soitlemonismematérialiste,commeélémentdunoyaudurdenotreprogrammede recherche:lemondeestfaitd’uneseulesubstancematérielle(con>nuité) • Adme€onsquelesphénomènes(c’estàdirecequinousapparaîtoucequidécoulede notreexpérience–communeouscien>fique–aveclemonde)etlesobjetsauxquelsilsse rapportentsedistribuenten“plans”ou“niveaux”ouencore“domaines”hiérarchisésau seindece€eréalitéune(par>culesélémentaires,atomes,molécules,agrégatsdemolécules dansdescorpsinanimés,cellulesvivantes,organismesvivantsmul>cellulaires,humains, sociétéshumaines…) Philosophieetneurosciencesendialogue2 39 Quellessontlesrela>onsd’emboîtementdecesniveaux,plansoudomaines,peut-oniden>fier desrela>onsde“causalité”? • Pourles“réduc?onnistes”:lespropriétésd’unniveaudonné(lescellulesvivantesetles organismes)sont“réduc>bles”aux(oupeuventêtredéduitesdes)propriétésduniveau inférieur(moléculaire).Labiologie(vivant)estàtermeréduc>bleàlaphysico-chimie (inanimé).Demêmelespropriétésdesfonc>onscogni>vessupérieures(conscience)chez l’humainpeuventêtredéduitesdespropriétésduniveauinférieur(explica>onentermesde neurophysiologiedesorganismesvivants).Lapsychologie(macroniveauducomportementet desétatsmentaux)estàtermeréduc>bleàlaphysiologiedusystèmenerveux(microniveau desétatscérébraux). • Pourles“théoriciensdel’émergence”:dunouveauapparaîtdanslemonde.Ainsiprésence aucoursdel’évolu>ondepaliers,desautsqualita>fs,appari>ondenouvellesformes… (“évolu>oncréatrice”,genèsedenouveautésetpaliersdecomplexité).Silesphénomènes d’unniveausupérieursontenpar>eexpliquablesparlespropriétésduniveauinférieur,s’ils endépendent(causalitéascendante),ilsnes’endéduisentpascomplètement:ilya discon>nuité,etnon-prédic>bilitéd’unpalieràl’autre(entrelevivantetl’inanimé,par exemple).Lesformesnouvellesd’organisa>onsontirréduc>blesauxanciennes. Philosophieetneurosciencesendialogue2 40 Résumons: • Postulatd’uneunitéfondamentale(substan>elle)danslacomposi>ondela nature(ma>èreinerte,organisa>onsvivantes,psychisme),maisrefusd’une possibilitéd’explica>onintégraledesphénomènesparlaseuleconnaissancedes composantsfondamentaux. • Doncposi>ond’unmonismeontologiquemaisd’unpluralismeépistémologique quiviselespropriétésémergentes Philosophieetneurosciencesendialogue2 41 3.L’émergence«forte»etlacausalitédescendante • L’émergence«forte»faitl’hypothèsedepouvoirscausauxinfluençantnonseulementles processusdemêmeniveau,maiségalementlesprocessusduniveauinférieur. • Les“émergents”auraientunpouvoircausalsurlescondi>onsdeleur“survenance”.SiMest unémergentquisurvientsurP(MestreliéàPparunedétermina>onascendante),Mpeut agirenretoursurP(causalitédescendantediachronique). • Labiologieetlapsychologieoffrentlapossibilitéd’émergencesfortes:“ainsitout phénomènebiologiquecollec>f(desinsectessociauxaumétabolismecellulaire)nepeutêtre expliquéqu’àlafaveurd’unenvironnementintégra>fetdelasélec>onnaturelle(concepts spécifiquesàlabiologieetabsentsdelamodélisa>onphysico-chimiquedesprocessus naturels).”(Wikipédia,Emergence) • Demêmeenpsychologie,laculture(émergent)donneformeàl’espritetpeutêtreunfacteur detransforma>ondescircuitscérébrauxgrâceauxmécanismesdelaplas>citécérébrale (causalitédescendante). Philosophieetneurosciencesendialogue2 42 Enneurosciences «Onpenseraavoirsa>sfaitauxvertusépistémologiquesenramenantteltypedecomportementàtelle structure neurologique ou à tel équilibre du système neuro-endocrinien. Le scalpel ou l’analyse biochimique semblent normalement prendre le pas sur l’observa>on banale des comportements. On >entainsilecomportementlui-mêmepourunesimpleprojec>on,etpresquepourunépiphénomène, dufaitneuro-physiologique. Or ce n’est certes pas dans la structure ou la physiologie du système nerveux qu’on peut lire les modalitésconcrètesdescomportements:celles-cinesontobservablesqu’auniveaudescomportemnts eux-mêmes,révélantalorslesgrandeursd’étatquilesdéfinissentcommestructuresd’organisa>ondu champ. Sans doute est-il significa>f de savoir que ces structures ont elles-mêmes comme condi>on (et seulementcommecondi>ons)desstructuresiden>fiablesàuntoutautreniveaud’observa>on,c’est-àdiredanslamicrostructuredusystèmenerveux.Maisonnesauraitpourautantfairel’économied’une phénoménologieposi>veetexpliciteauniveaud’inves>ga>onoùlesphénomènesdecomportement s’offrentprécisémentcommetels.(…) Ilseraitvaindepenserquelabiologiepuissefairel’économie,ens’alignantsimplementsurlessciences cons>tuées en dehors d’elle, d’un effort autonome de mise en oeuvre des phénomènes qui se présententincontestablementcommesignifica>fsdesonchampd’inves>ga>on.(…)Partoutoùunsaut méthodologiqueestpossible,ilconvientdetransposerdélibérémentlarechercheauniveaucapablede faireapparaîtrelesphénomènesd’intégra>onetleursstructurespropres.Ilsemblequel’onsoitassuré defranchiralorscequ’onpourraitappelerunseuild’observabilitéetd’intelligibilité”. “SituaMonépistémologiquedelabiologie”,FrançoisMeyer(p.789), inLogiqueetconnaissancescienMfique,EdLaPléïade,sousladirecMondeJeanPiaget,1967 Philosophieetneurosciencesendialogue2 43 Conclusions Laphilosophie(souventimplicite)d’unegrandemajoritéde neuroscien>fiquescontemporainsseréfèreàunethéoriematérialiste dudoubleaspect.Unemêmeen>té“esprit-cerveau”estabordéeàla faveurd’unpluralismeépistémique. Demanièreplusprécise,lesneurosciencescogni>vesdéveloppentleur “programmederecherche”(leurparadigme)grâceàunnoyaudurdela théorie,énonçablesous4principes: Philosophieetneurosciencesendialogue2 44 • Principedecausalité:ilexistedesrela>onscausales(réciproqueset complexes:ascendanteetdescendante)entrelastructurenerveuse(S), sonfonc>onnement(f)(Sf=le«matériel»),etlesFonc>ons(F)(les programmescogni>fsquiparhypothèsesontdesopéra>ons téléologiques).Mestlemilieuextérieur (S⇔f⇔F)⇔M • Principed’émergence:lesfonc>onscogni>ves(F)sontdespropriétés émergentesdesstructuresetdeleurfonc>onnement(Sf) • Principedemodularité:lesstructuresetlesfonc>onssont décomposables • Principedeplas+cité/stabilité:SfetFsontdesen>tésdéformables (changement),jusqu’àuncertainpoint(permanence) Philosophieetneurosciencesendialogue2 45 Merci pour votre attention!