Sommaire
no 33 | mars-avril 2014
Moi, Auguste, empereur de Rome
4 Moi, Auguste, empereur de Rome, Entretien
avec Cécile Giroire et Daniel Roger, commissaires de
lexposition
12 Chronologie d’Auguste, par Michel Tarpin
16 D’Octave à Auguste. Petit manuel de la prise de
pouvoir, par Michel Tarpin
25 Le triumvirat, par Michel Tarpin
26 La face obscure d’Actium, par Marie-Claire Ferrières
32 Guerre civile et guerre des images. La mise
en scène de la légitimité politique sur les monnaies,
par Pierre Assenmaker
36 César dans les Géorgiques de Virgile
par Damien Nelis
39 Les noms d’Auguste, par Michel Tarpin
40 L’omniprésence statuaire du prince. Les
espaces de la célébration impériale, par Emmanuelle Rosso
46 Auguste ou comment manipuler les femmes,
par Sabine Lefebvre
52 Habiller et déshabiller Auguste, par Matteo Cadario
60 Une ville de marbre : la Rome d’Auguste,
par Manuel Royo
64 L’architecture romaine en Gaule au début
de l’époque impériale. Un modèle d’intégration,
par Djamila Fellague
70 Auguste et larmée, par François Gilbert et Lucas Guillaud
72 Lempereur est mort ? Vive lempereur : 14-814 ap. J.-C.
Inventer et réinventer l’Empire, par Michel Tarpin
Archéothéma vous propose aussi...
78 Histoire en bouche. Le pain perdu, par Sylvie Campech
et Amélie Rullier
80 Voyages. Szczecin en Pologne, par Agata Poirot
82 Fort-Bayard : un confetti d’empire sur la
terre chinoise, par Pierre Rossion
88 Actualités et découvertes récentes
94 Expo. L éclat retrouvé de la Dame à la licorne
par Eva Bensard
96 Expo. Fragments du Proche-Orient
par Patrick Maxime Michel
98 Livres
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DOSSIER Auguste, empereur de Rome
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archéothéma no 33 | mars-avril 2014
Guerre civile et guerre
des images
La mise en scène de la légitimité politique
sur les monnaies
Durant les quatorze années
de guerre civile qui suivirent
les Ides de Mars (44-30
av. J.-C.), les images et les
inscriptions (les « types »)
ornant les monnaies frap-
pées par les chefs des
différentes « factions »
furent un des nombreux
vecteurs de communica-
tion qu’ils exploitèrent pour
clamer la légitimité de leur
cause. Ces motifs de taille
réduite nétaient pas le
moyen d’expression le plus
spectaculaire, mais pour les
historiens, ils présentent un
intérêt particulier puisque
toutes les émissions moné-
taires de cette époque sont
connues, à la différence des
autres documents, qui ont
très largement disparu.
Par Pierre Assenmaker, Chargé de
recherches du F.R.S.-FNRS à l’Université
catholique de Louvain, Maître de confé-
rences à l’Université de Namur
La multiplication des portraits
monétaires
Le premier portrait d’un personnage
vivant gurant sur une monnaie frap-
pée à l’atelier de Rome est celui de Jules
César. Cet honneur lui avait été octroyé
par le Sénat au début de l’année 44 av.
J.-C. Après sa mort, les protagonistes
de la scène politique ne tardèrent pas à
reprendre à leur compte ce nouvel usage
monétaire. Le premier à franchir le pas
fut Marc Antoine, avant la n de l’année.
Il fut bientôt suivi par le jeune César,
dont le portrait apparaît dans le mon-
nayage de 43 av. J.-C. Sur certaines des
premières émissions gure leur e-
gie, le nom des deux personnages n’est
pas indiqué : cherchait-on à atténuer
ainsi l’audace du portrait monétaire ?
Par la suite, en tout cas, les portraits
seront systématiquement accompagnés
du nom et de la titulature de la personne
représentée. Ceux de Marc Antoine et de
C. Caesar sont les plus fréquents, surtout
à partir de l’instauration du Triumvirat
(27 novembre 43 av. J.-C.), mais Lépide,
le troisième membre de ce collège, béné-
cia aussi de cet honneur. Jusqu’à la n
des guerres civiles, les chefs de parti
rivaux se rent désormais représenter
dans les monnayages destinés à payer
leurs armées.
On aurait pu croire que l’usage initié
par Jules César, si contraire aux tradi-
tions républicaines, aurait été repoussé
avec horreur par ceux qui l’avaient assas-
siné pour libérer la Res publica. Il n’en fut
rien : dès 43 av. J.-C., le portrait du plus
célèbre des césaricides, Marcus Brutus,
est aché sur des monnaies de l’atelier
de Rome, mais sans que son nom n’y
soit inscrit, comme sur les premières
représentations monétaires de Marc
Antoine et du jeune César. L’egie de
Brutus apparaît ensuite, accompagnée
de son nom, dans le monnayage frappé
par les chefs du parti des « Libérateurs »
dans la partie orientale de l’empire. Sur
une émission, elle est associée à une
tête masculine identiée par la légende
« Lucius Brutus, premier consul » :
l’action de Marcus Brutus est ainsi rap-
prochée du haut fait de son mythique
Droit d’un denier émis par
le magistrat monétaire
L. Aemilius Buca avec le
portrait de César couronné
de laurier (44 av. J.-C.).
© Auktionshaus H. D. Rauch
GmbH. Auction 92, n° 1194.
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archéoThéma no 33 | mars-avril 2014
Guerre civile et guerre des images
ancêtre qui, selon la tradition, avait
déposé le roi Tarquin le Superbe et ins-
tauré la République. Le message d’une
autre série de monnaies est encore plus
direct : le portrait du césaricide au droit
est accompagné au revers d’un bonnet
d’aranchi – symbole de la liberté – enca-
dré par deux poignards et accompagné
des mots « Ides de Mars ».
Les démonstrations de piété envers
les grands défunts
La vie politique des années 40 av. J.-C.
fut marquée par deux assassinats : celui
de Pompée le Grand, le 28 septembre 48,
et, moins de quatre ans plus tard, celui de
Jules César. Les héritiers, les proches et
les partisans de ces deux grandes gures
étaient tenus de les venger en vertu d’un
principe religieux essentiel aux yeux
des Romains : la pietas. C’est au nom de
leur père défunt que les ls de Pompée,
Cnaeus et Sextus, prirent les armes
contre César. Sur les monnaies frappées
en Espagne sous le commandement de
Cnaeus (46-45), le portrait de Pompée
au droit rappelle ce devoir lial de ven-
geance. À Munda, où le dictateur inigea
une défaite décisive à ses adversaires
(17 mars 45), c’est le mot pietas qui avait
été choisi comme signal de reconnais-
sance pour les troupes pompéiennes. À
la suite de la mort de son frère aîné, peu
après cette bataille, Sextus prit la tête du
mouvement de résistance. Pratiquement
toutes les monnaies qu’il frappa jusqu’à
sa défaite en 36 av. J.-C. présentent les
portraits de son père et de son frère,
auxquels il joignit le sien dans un second
temps. Ses premières émissions gurent
aussi une représentation allégorique
de Pietas. Le dernier héritier de la cause
pompéienne alla jusqu’à adopter le
surnom Pius : Sextus Pompeius Magnus
devenait ainsi Sextus Magnus Pius, « le
Pieux » par excellence.
Après les Ides de Mars, les césariens
brandirent à leur tour l’étendard de la
pietas. La plupart des portraits moné-
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Denier émis par M. Barbatus
aux noms, titres et effigies
des triumvirs Marc Antoine
et C. Caesar (41 av. J.-C.).
© American Numismatic
Society, n° inv. 1896.7.132.
Denier émis par L. Plaetorius
Cestianus et Brutus (43-42 av.
J.-C.). Le portrait de Brutus
au droit est barbu : il porte le
deuil de la Res publica libera.
Au revers, les poignards des
Ides de Mars encadrent le
bonnet de laffranchissement :
la fin justifie les moyens.
© American Numismatic
Society, n° inv. 1944.100.4554.
Aureus émis par Magnus Pius,
nom que se donne Sextus
Pompée (43/42-40 ou 37-36
av. J.-C.). La couronne de
chêne bordant le type du
droit est la couronne civique,
qui rappelle que Sextus a
sauvé les citoyens romains
menacés par la proscription
des Triumvirs. Sextus, barbu,
porte le deuil de son père
et de son frère, représentés
au revers. © American
Numismatic Society, n° inv.
1967.153.34.
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taires de Marc Antoine gravés avant
la bataille de Philippe le représentent
barbu, en signe de deuil. Les egies du
jeune César conserveront généralement
la barbe jusqu’à la victoire sur Sextus
Pompée : bien que ce dernier n’eût pas
pris part à la conjuration, le Triumvir
l’avait en eet mis au rang des césari-
cides. La vengeance du père adoptif fut
ainsi huit années durant le thème central
de son discours politique, d’autant plus
que depuis 42 av. J.-C., il était ocielle-
ment le ls d’un dieu. De nombreuses
monnaies de cette période associent les
portraits du diui lius et du diuus Iulius.
Le temple de la nouvelle divinité, qui
était alors en construction, fut aussi
représenté sur une émission frappée à la
veille de la bataille nale contre Sextus
Pompée.
Magnus Pius vs. Imperator Caesar
Lors du partage de l’empire entre les
Triumvirs après la victoire de Philippes,
le jeune César se vit coner la lutte contre
Sextus Pompée, qui occupait la Sicile d’où,
grâce à une puissante otte, il perturbait
gravement l’approvisionnement en blé
de Rome. Durant les années qui suivirent,
Sextus remporta une série de victoires
navales. Grisé par ces succès, il se pro-
clamait ls de Neptune, assimilant ainsi
son père – vainqueur des pirates – au dieu
marin. Cette « propagande neptunienne »
trouva un écho dans le monnayage : au
droit d’une émission frappée par un lieu-
tenant de Sextus figure le portrait du
Grand Pompée accompagné du trident,
d’un dauphin et de la légende NEPTVNI
(« de Neptune »). Sur les monnaies émises
par Sextus – signées Magnus Pius –, Nep-
tune est représenté à plusieurs reprises,
et l’une de ses effigies semble même
emprunter les traits du grand amiral
défunt.
Durant la guerre de Sicile, le jeune
César se serait écrié, après qu’une tem-
pête eut mis à mal une partie impor-
tante de sa otte, qu’il remporterait la
victoire même contre le gré de Neptune.
La « réconciliation » entre le diui lius et
le dieu n’eut lieu qu’à la bataille de Nau-
loque, le 3 septembre 36 av. J.-C., quand la
faveur du maître de la mer sembla enn
passer du ls de Pompée au Triumvir.
Une monnaie émise dans les années qui
suivent cette victoire montrera d’ail-
leurs le jeune homme en héros neptu-
nien : vêtu d’une chlamyde, comme les
statues divines et héroïques, il tient dans
la main un ornement de poupe de navire
(un « aplustre »), symbole de la maîtrise
des mers. Cette image est une réponse
directe à l’un des types du monnayage de
Sextus, où Neptune – ou un autre héros
neptunien – était représenté dans une
attitude identique, qui dérive sans doute
du célèbre Poséidon de Lysippe. Chez
Magnus Pius, toutefois, le dieu posait le
pied sur une proue, tandis qu’Imperator
Caesar prend appui sur un globe, symbole
de la domination universelle.
Nauloque, la grande victoire
« oubliée »
La bataille remportée au large de Nau-
loque fournit à Imperator Caesar la
grande victoire dont il avait besoin pour
être en mesure de rivaliser avec le pres-
tige militaire de Marc Antoine. Ce succès
valut, à Rome, des honneurs extrêmes
au jeune homme, qui annonça au Sénat
et au peuple que la paix était désormais
rétablie et qu’il entendait restaurer la
Droit d’un denier émis par
le magistrat monétaire
C. Vibius Varus avec le
portrait de Marc Antoine
barbu (42 av. J.-C.).
© American Numismatic
Society, n° inv. 1937.158.315.
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Monnaie de bronze émise
par Caesar diui f. (41-40 ou
38 av. J.-C.). Son portrait
figure au droit, celui de son
père divinisé (diuos Iulius)
au revers. © American
Numismatic Society, n° inv.
1944.100.6017.
Revers d’un denier de Caesar
diui f. (36-27 av. J.-C.). Le jeune
César y est représenté en
héros neptunien (il est figuré
dans lattitude typique de
Neptune, et tient un aplustre
dans la main droite) et do
des symboles de la domination
universelle : le sceptre et le
globe. © American Numismatic
Society, n° inv. 1937.158.439.
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