Lorsque les institutions colonisent. L`offensive missionnaire des

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Socio-anthropologie
17-18 | 2006
Religions et modernités
Lorsque les institutions colonisent
L’offensive missionnaire des Jésuites sur le Chaco au XVIII e siècle
Nicolas Richard
Éditeur
Publications de la Sorbonne
Édition électronique
URL : http://socioanthropologie.revues.org/464
ISSN : 1773-018X
Édition imprimée
Date de publication : 15 avril 2006
ISSN : 1276-8707
Référence électronique
Nicolas Richard, « Lorsque les institutions colonisent », Socio-anthropologie [En ligne], 17-18 | 2006, mis
en ligne le 16 janvier 2007, consulté le 02 octobre 2016. URL : http://socioanthropologie.revues.org/464
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© Tous droits réservés
Lorsque les institutions colonisent
Lorsque les institutions colonisent
L’offensive missionnaire des Jésuites sur le Chaco au XVIII e siècle
Nicolas Richard
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Les champs du religieux et des identités ethniques connaissent, en Amérique Latine, une
profonde recomposition. La transformation de ces phénomènes rend leur compréhension
difficile à la lumière des catégories conceptuelles qui ont traditionnellement servi à
analyser le fait religieux et les identités indiennes dans le continent. Cette différence tient
moins au contenu des discours qu’à leur sociologie, c’est-à-dire, à la nature des
institutions sur lesquelles elles se fondent et aux articulations sociologiques qu’ils
mobilisent. Elle concerne moins leurs champs internes de représentation que celui de la
morphologie des institutions qui assurent localement leur inscription sociale. Ce sont les
institutions, en tant que lieux d’agencement local de ces dynamiques, qui ont modifié
leurs logiques et leurs modes d’organisation. Le contournement des dispositifs étatiques,
la prééminence relative de l’organisation en réseaux, la salarisation des agents locaux ou
le dépassement du cadre d’action national bouleversent, dans les deux cas, la
physionomie du paysage institutionnel sur lequel s’agençaient localement les discours du
religieux et des identités indiennes. En ce sens, comprendre ces transformations nous
oblige à dépasser le cadre traditionnel d’une analyse des « représentations » (religieuses
ou indiennes, théologiques ou cosmovisionnelles) et à avancer dans le sens d’une
anthropologie des institutions capable d’identifier et d’analyser les mutations à l’œuvre
dans l’organisation locale des champs institutionnels1.
2
Dans le monde indien du Chaco, cette transformation est flagrante2. Le retrait progressif
des dispositifs de médiation étatique et le redéploiement massif des Organisations NonGouvernemen-tales (ONG) ainsi que des projets de financement international redessinent
localement les logiques de médiation qui articulaient traditionnellement la relation entre
les sociétés indiennes et la société globale. Ce bouleversement n’est pas sans
conséquences sociologiques. Ici comme ailleurs, des nouvelles classes dirigeantes
émergent et déplacent, non sans conflits, celles qui assuraient auparavant la médiation et
le relais avec les institutions religieuses ou étatiques, militaires ou civiles. Des nouvelles
élites, des nouveaux discours, des nouvelles conditions salariales, une nouvelle relation à
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l’État et aux agents de l’État, des nouvelles expectatives pour les jeunes générations, des
nouveaux parcours biographiques, des nouvelles compétences linguistiques et sociales
jalonnent l’accès au pouvoir local et redessinent les sociétés indiennes en les travaillant
de l’intérieur. Une analyse à la fois historique et comparative est alors nécessaire pour
comprendre la façon dont ces logiques institutionnelles se succèdent et se transforment
dans le temps. Une analyse comparée de la façon dont se sont agencés localement, au sein
des sociétés indiennes, à des moments différents, les missions catholiques ou les partis
politiques, les avant-postes militaires ou les églises évangéliques, l’école nationale ou les
ONG internationales. Car dans chaque cas, selon des modalités distinctes, des nouvelles
élites et des nouveaux agents ont vu le jour et ont assuré la médiation entre leur contexte
local et la scène globale que ces institutions dessinaient.
3
Or, s’il y eût un dispositif qui marqua de façon paradigma-tique l’espace de ces
médiations, ce fut celui qu’ont déployé les Jésuites au XVIIIe siècle. Non seulement parce
que ces missions ont été les premières à pénétrer l’espace indien et à instituer une
médiation effective entre la scène locale des sociétés indiennes et un espace global de
circulations économiques, symboliques et culturelles. Non seulement parce que ces
missions, distinctes sous plusieurs angles de celles que les Jésuites ont établies dans le
Paraguay colonial ou dans la Bolivie orientale, ont constitué l’avant-garde d’un dispositif
missionnaire qui se trouvait alors en pleine évolution. Mais aussi, parce qu’il s’agit là en
quelque sorte d’un dispositif matriciel dans l’analyse duquel s’illuminent les futures
logiques d’agencement institutionnel. L’échec relatif de l’avancée jésuite sur le Chaco
permet de mieux comprendre les conditions de possibilité – ou d’impossibilité – qui
président à l’agencement local durable d’une nouvelle strate de médiations
institutionnelles. En ce sens, l’expérience jésuite contient déjà les clés pour une analyse
des procédés de « colonisation institutionnelle » actuellement en œuvre dans le Chaco.
Nous voudrions identifier les principales caractéristiques des missions du Chaco et les
distinguer de celles que la Compagnie de Jésus avait fondé un siècle auparavant au
Paraguay oriental. Nous tirerons ensuite les conséquences que cette différence suppose
pour la structuration locale des dynamiques de médiation sociale.
4
Les missions jésuites du Grand Chaco constituent un dispositif institutionnel précis et à
maints égards, distinct de ceux qui ont caractérisé l’action de la Compagnie de Jésus dans
les basses-terres américaines lors des siècles précédents. Dans la généalogie du fait
missionnaire, elles participent d’une nouvelle strate, propre au XVIIIe siècle, dont la
spécificité tient fondamentalement au caractère non agricole et non sédentaire des
populations indiennes concernées. Un paysage linguistique émietté, des groupes à très
basse densité démographique, des relations interethniques instables et dynamiques, des
économies non-excédentaires et des populations mobiles caractérisent un espace
sociologique et culturel qui obligera la Compagnie à redéfinir l’architecture économique,
politique et symbolique de son dispositif missionnaire. En effet, dès leur arrivée en
Amérique et jusqu’à la fin du XVIIe siècle, l’action missionnaire des Jésuites s’est
développée sur les marches de l’espace colonial au sein de populations à forte densité
démographique, articulées dans des vastes espaces linguistiques et aux économies
agricoles excédentaires. Les missions du Grand Chaco participent ainsi d’une nouvelle
génération dans l’évolution du fait missionnaire en Amérique espagnole où s’annoncent
de nouvelles stratégies, de nouvelles méthodologies et une nouvelle conceptualisation du
monde indien.
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On peut distinguer trois moments dans l’évolution du dispositif missionnaire jésuite. Le
premier, qui va de 1600 à 1650, correspond aux premières fondations du pôle
missionnaire paraguayen3, à celles de Chiloé et de la Frontera au sud du Chili 4 et aux
efforts missionnaires entrepris par la Compagnie à partir de Bogotá et de Cartagena de
Indias5. Les grands traits de l’institution missionnaire sont alors définis : excentrement
des missions par rapport aux foyers de colonisation espagnole (vocation frontalière du
dispositif), orientation productive des missions (manufactures, yerba mate, bétail), plan et
architecture de l’espace missionnaire (hiérarchisation du plan de la mission,
reconnaissance de l’autorité médiatrice des caciques, séparation des jeunes célibataires,
etc.), stratégies linguistiques (élaboration de vocabulaires et de grammaires indiennes,
traduction des textes évangéliques, utilisations de langues véhiculaires) et technologies
d’évangélisation (emphase sur la dimension rituelle, favorisation des processus
syncrétiques). À ce premier moment fondateur, dont la réussite des missions du Paraguay
assure une renommée mondiale, se succède un deuxième moment, dans la deuxième
moitié du XVIIe siècle, qui se caractérise par l’avancement du front missionnaire sur les
plaines qui s’étendent au-delà des derniers contreforts andins. Le front missionnaire
s’avance alors sur les plaines de l’Orénoque (1630), sur celles de Maynas (1637) à l’Est des
Andes équatoriens, à Mojos (1682) au nord des plateaux boliviens et sur celles de
Chiquitos (1692) à l’Est de Santa Cruz de la Sierra. En s’éloignant des centres coloniaux,
l’écoulement des excédents agricoles ou artisanaux devient plus difficile. L’isolement
géographique des nouvelles positions renforce l’autarchie économique des dispositifs
missionnaires. En ce sens aussi, le passage des forêts du Chili méridional ou du Paraguay
oriental vers les plaines de Moxos ou de Chiquitos infléchit l’orientation économique des
missions. L’élevage devient une activité primordiale au détriment de l’orientation
fondamen-talement agricole des premiers établissements. C’est un point important
puisque le bétail constituera un argument décisif lors des efforts missionnaires du XVIII e
siècle parmi les populations non agricoles du Chaco ou parmi celles des steppes
méridionales de l’argentine. Ces derniers, entrepris à partir des premières années du
XVIIIe siècle, dessinent le troisième moment d’une généalogie que nous ne retraçons ici
que de façon très générale.
6
Au début du XVIIIe siècle, les implantations missionnaires jésuites dans le grand bassin du
Río de La Plata constituent sans doute le centre de gravité du dispositif missionnaire de la
Compagnie en Amérique espagnole. Trois foyers missionnaires s’y trouvent fortement
implantés. 1) À l’est du Chaco, le complexe des missions guaranis, installé sur les rives des
fleuves Paraná et Uruguay. Véritable fleuron de l’action jésuite en Amérique, le complexe
missionnaire guarani compte en 1702 trente missions regroupant une population de
90 000 Indiens réduits. Dans les décennies suivantes, en dépit des épidémies (16 000
Indiens y sont morts en 1695), la population des missions Guarani atteindra 138 934
Indiens6. 2) Au nord du Chaco, le complexe des missions de Chiquitos sur les plaines
orientales de la Bolivie compte au début du siècle cinq missions fortes de 3 000 Indiens
réduits. Les premières fondations datant de 1692, ce complexe se trouve à l’aube du
nouveau siècle en plein essor et dans les décennies suivantes le nombre de missions
doublera et leur population atteindra les 15 000 Indiens7. 3) A l’ouest du Chaco, les
installations jésuites de l’axe Tarija-Tucumán, sur les contreforts andins du nord-ouest
argentin. L’action missionnaire dans la zone est difficile et les Jésuites n’avancent que
timidement sur les vallées de Calchaqui et sur celles, plus septentrionales, menant à
Tarija8.
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Les positions jésuites dans la région sont solidement établies en raison de l’indépendance
économique, militaire et politique dont jouit la Compagnie9. Indépendance économique
d’abord, puisque les Jésuites détiennent dans les missions une masse démographique
productive considérable qui est exempte du régime d’encomienda, c’est-à-dire du travail
forcé dans les établissements espagnols. Indépendance militaire, ensuite, puisque pour
assurer la défense de leurs positions face aux attaques des Paulistas portugais et à celles
des troupes d’« indios enemigos » qui assaillent fréquemment leurs établissements, la
Couronne a accordé aux Jésuites le droit de former des milices indiennes qui doivent en
outre prêter secours aux positions espagnoles menacées. Indépendance politique, enfin,
puisque sous contrôle de la hiérarchie vaticane, et jouissant d’un accès direct aux
principales cours européennes, les établissements jésuites disposent d’importantes
marges de manœuvre face aux autorités coloniales.
8
Le Grand Chaco constitue le principal obstacle à l’intégration des différents foyers
jésuitiques. Flanqué à l’Ouest par les fronts missionnaires de Tucumán et de Tarija, au
Nord par le noyau missionnaire de Chiquitos et à l’Est par celui du Paraguay, le Chaco
empêche toute communication directe entre les puissantes missions guaranis fortes de
ses 100 000 indiens et l’axe Chiquitos–Moxos qui compte pour sa part quelque 10 000
indiens. Or, les efforts des missionnaires pour pénétrer le Chaco se sont avérés jusqu’ici
stériles car isolés et sans continuité dans le temps. Une stratégie d’ensemble s’impose qui
puisse faire converger de façon cohérente les ressources humaines et économiques
disponibles sur les trois fronts. Les commentateurs jésuites insistent sur l’importance
décisive que l’« ouverture » du Chaco présente pour le dispositif régional de la Compagnie
10. Au début du siècle, le Supérieur provincial de l’ordre, Juan de Andreu, écrit « une
circulaire à toutes les réductions qui entourent le Chaco, pour que les missionnaires
entrent par les frontières respectives pour solliciter la conversion des indiens infidèles
parents ou amis de leurs néophytes»11. Entre 1700 et 1768, dates de l’expulsion de la
Compagnie des territoires espagnols, quelque vingt-cinq missions furent fondées sur le
Chaco. L’anneau missionnaire devait se resserrer progressivement jusqu’à ce que la
communication entre les différents fronts missionnaires puisse être définitivement
établie. Le projet d’évangélisation du Chaco se vit interrompu par le décret d’expulsion
des jésuites et la plupart des missions, reprises occasionnellement par les Franciscains,
furent désertées12.
9
On l’a dit, la spécificité de la stratégie missionnaire des Jésuites dans le Chaco tient
fondamentalement aux caractéristiques de l’espace indien sur lequel il intervient, et
notamment à sa situation historique13. Car si on comprend aisément les raisons qui ont
poussé les populations guaranis à gagner les réductions jésuites du Paraguay oriental, la
question est autrement difficile dans le cas du Chaco. Tout le long du XVII e siècle, le
dispositif missionnaire jésuite profite de la pression que le front de colonisation européen
exerce sur les populations indiennes. Au Paraguay, menacées à la fois par les raids
esclavagistes des Portugais et par ceux des encomenderos espagnols, les populations
guaranis voient dans l’espace réductionnel jésuite une opportunité pour échapper à
l’emprise des rouages coloniaux. L’agencement des institutions jésuites profite de la force
de déstructuration qu’exerce l’avancée des frontières coloniales. La situation est
formellement équivalente dans le front missionnaire du Chili méridional ou dans celui
des piémonts andins de Maynas, Moxos ou Chiquitos. Or au Chaco la question se pose
autrement. Les armées coloniales ont échoué à asseoir leur supériorité militaire face à des
troupes d’indiens extrêmement mobiles ayant adopté l’utilisation du cheval14. Ces
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populations jouissent en outre d’une profondeur stratégique considérable qui les
maintient en marge des pressions coloniales. Les termes de la relation sont ici inversés et
ce sont les colons des positions les plus avancées qui subissent les assauts des troupes de
chevaliers ou des canotiers indiens qui apparaissent aussi vite qu’ils disparaissent pour se
perdre dans l’infinité du Chaco. Rien ne pousse donc ces populations indiennes à gagner
l’espace de la mission. Tout l’intérêt de l’avancée missionnaire jésuite dans le Chaco tient
à ce problème. Car la question se pose alors de savoir pourquoi et comment ces
populations se sont impliquées dans le projet missionnaire jésuite, ou comment ces
missions se sont agencées localement, et ceci en l’absence apparente de toute contrainte
les poussant à le faire.
10
Deux stratégies complémentaires agissant sur des niveaux différents seront mises en
œuvre. La première, plus globale, vise à exploiter les contradictions qui traversent les
sociétés indiennes du Chaco au XVIIIe siècle. Le paysage ethnique du Chaco était alors en
pleine transformation et de nouvelles formations sociologiques voyaient le jour sur ses
frontières. L’adoption du cheval et la stabilisation des fronts militaires européens ont
introduit d’importants bouleversements dans les dynamiques indiennes. La montée en
puissance des groupes montés – comme les mbayás, les abipón ou les mocoví – a produit, ici
comme ailleurs, un déséqui-libre dans la relation de force entre les différents
regroupements ethniques. L’accroissement substantiel des marges de mobilité des
troupes indiennes montées permit le développement de réseaux de commerce et de
contrebande, de pillage et d’échange qui traversaient en longueur et largeur le Grand
Chaco en le communiquant avec les plaines du Matto Grosso, du Paraguay septentrional
et avec celles, méridionales, de la pampa argentine. Ceci facilita des processus de
concentration du pouvoir et des grandes unités politiques sous l’autorité de puissants
caciques virent le jour. Des réseaux esclavagistes se sont développés à l’intérieur du
monde indien et nombre de ces populations ont été soumises par les puissances indiennes
émergentes. Sur les marges du Chaco s’organi-saient progressivement des formations
sociologiques complexes, à caractère multiethnique et multilingue, composites et
hiérarchisées, avec une division sociale croissante des tâches productives et militaires 15.
La situation sur la frange nord-orientale du Chaco est à ce titre exemplaire. Les troupes de
cavaliers mbayá avaient renforcé leur emprise militaire sur les populations du Chaco et
élargit considérablement leur champ d’action. Elles menaient des assauts permanents aux
positions coloniales espagnoles ou portugaises, mais aussi aux pôles missionnaires
jésuites de Chiquitos et de l’Itatin. L’espace sous contrôle Mbayá constituait le principal
obstacle pour la communication des foyers missionnaires de Chiquitos avec ceux du
Paraguay. Les efforts missionnaires des jésuites sur l’espace mbayá ont été entrepris dès
les premières décennies du XVIIe siècle mais sans résultats. On a déjà montré ailleurs
l’infléchissement de la stratégie de pénétration jésuite sur l’espace mbayá au cours du
XVIIIe siècle16. En effet, la machine guerrière des Mbayá était soutenue par les économies
agricoles excédentaires des populations arawaks soumises. Les efforts missionnaires
visent alors à casser le système de relations parentales, économiques et politiques reliant
les agriculteurs guaná aux cavaliers mbayá. Non seulement l’activité guerrière des Mbayá
aurait perdu une importante base démographique et économique, mais leur réputation
militaire aurait été fortement entamée en affaiblissant ainsi leur emprise régionale. Les
missionnaires cherchent de façon insistante à nouer une relation de confiance avec les
groupes guana et à les convaincre d’abandonner leurs « seigneurs » mbayá. Les
chroniqueurs jésuites de l’époque insistent sur la différence « de nature » opposant les
paisibles et pieux agriculteurs guaná aux dénaturés et barbares cavaliers mbayá. Ils
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préconisent une stratégie différentielle – l’évangélisation, la guerre – selon qu’ils
s’agissent des uns ou des autres17.
11
Seule une compétence linguistique poussée et une activité ethnographique permanente
pouvaient permettre d’identifier et d’exploiter les contradictions qui traversaient
l’espace sociologique indien : la Compagnie excellait dans ces deux domaines. Les travaux
du Jésuite Sanchez Labrador sont en ce sens exemplaires et ils constituent encore de nos
jours une source incontournable pour l’ethnologie régionale18. Jusqu’au moment de leur
expulsion de l’Amérique espagnole, et il s’agit là d’une stratégie qui sera reprise plus tard
par le front militaire brésilien au XIXe siècle, les efforts d’avancement missionnaire
jésuite sur cet espace rivalisent avec ceux des caciques mbayá pour maintenir le contrôle
des économies agricoles arawak. Cette même stratégie, toujours en partant d’une
connaissance fine des langues et des dynamiques indiennes, fut appliquée ailleurs dans le
Chaco, en exploitant successivement les antagonismes entre Mocobis et Abipon, entre
Chiriguanos et Tapiétés ou entre Noctenes et Mataguayos.
12
Une deuxième stratégie précise la première en la renforçant sur le plan local. À
l’exception des populations chané et guaná, toutes deux de filiation amazonienne, qui
vivaient dans les marges nord occidentale et nord orientale du Chaco, les sociétés en
question avaient des économies non agricoles privilégiant une forte mobilité territoriale
pour l’utilisation des ressources alimentaires disponibles. À Chiquitos, au Paraguay ou à
Moxos, les Jésuites avaient pu mettre à profit les économies agricoles indiennes pour
assurer la prospérité et l’autosuffisance économique des foyers missionnaires. Or parmi
des populations non agricoles, les missions jésuites sont vouées à être structurellement
déficitaires. Elles ne peuvent donc se maintenir qu’à condition d’un ravitaillement
extérieur permanent. Il s’agit là peut-être d’une des principales raisons ayant empêché
l’avancé jésuite sur le Chaco tout au long du XVIIe siècle. Car ce n’est qu’une fois que les
grands pôles excédentaires du Paraguay ou de Chiquitos sont en conditions de financer
durablement un vaste réseau de missions déficitaires que cette avancée a pu être
envisagée. L’offensive jésuite sur le Chaco avait pour condition celle de s’inscrire dans un
dispositif plus vaste, opérant à échelle régionale. Ces conditions n’étaient pas réunies au
XVIIe siècle.
13
L’injection permanente de ressources alimentaires et économiques dans les économies
indiennes concernées ne pouvait ne pas produire une transformation d’ampleur dans la
structuration institutionnelle de ces sociétés. Les textes des Jésuites insistent sur
l’importance du problème19. Les missions dans le Chaco, tout comme celles de la pampa,
requièrent une quantité significative de ressources économiques pour s’établir et se
maintenir parmi ces « gens incultes ». Le personnel pour la construction de la mission
devait être convoyé à partir des grands pôles paraguayens ou boliviens et seule
l’abondance en vaches et en métaux permettait d’attirer une quantité toujours fluctuante
d’indiens à la mission. Or, nous disent les sources, des gens commencent progressivement
à s’y installer, en abandonnant leurs unités sociales d’origine pour vivre sous la tutelle
des faveurs évangéliques. Ce processus n’est pas sans provoquer d’importants conflits
avec les caciques locaux et les populations environnantes. Ces conflits finiront la plupart
de cas par le pillage de la mission, la mise à mort des missionnaires, et l’esclavage des
néophytes. Car l’injection permanente de ressources alimentaires permettait de libérer
économiquement des strates de populations auparavant intégrées aux rouages
traditionnels des économies indiennes. Ces strates de population, que la mission
« libérait » économiquement de leurs attaches politiques ou parentales, sociologiques ou
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territoriales, constituaient la masse critique de base sur laquelle le missionnaire pouvait
compter. Les ressources injectées corrodaient progressivement l’autorité locale des
caciques dont la principale fonction était justement celle d’assurer la reproduction
physique et économique de ces sociétés. Corrélativement, ces ressources n’étaient
disponibles qu’à travers la médiation d’une nouvelle classe de dirigeants qui jouissaient
du contact direct avec les Jésuites chargés de la mission. Seule leur médiation permettait
aux nouveaux venus d’accéder aux bienfaits missionnaires. Cette classe de médiateurs
que la mission faisait émerger était en conflit avec les autorités indiennes traditionnelles
et le conflit adoptait souvent un caractère générationnel. Ces nouveaux acteurs, souvent
bilingues, maniaient le discours religieux et servaient aussi d’« informateurs » aux
travaux linguistiques et ethnographiques des Jésuites. Tout l’art de l’évangélisation
jésuite est ici à l’œuvre : c’est en multipliant les médiations et les médiateurs – génie
baroque – que l’institution réussit à s’agencer localement un soutient sociologique
capable de l’insérer durablement dans la scène locale. Art baroque de la médiation qui se
démultiplie sur les domaines symbolique, cultuel, sociologique et économique.
14
Une analyse plus détaillée de ces deux stratégies (exacerbation des contradictions
internes, favorisation de l’émergence de nouvelles classes médiatrices) est intéressante
en ceci qu’elle permet d’identifier une typologie précise de « colonisation
institutionnelle » du champ sociologique indien. En effet, on l’a vu, à la différence de la
situation des populations guaranis, la pénétration jésuite du Chaco doit se faire en
l’absence apparente de toute contrainte poussant ces populations vers l’enceinte
missionnaire. Cette absence a permis aux apologistes du programme jésuite d’expliquer la
réussite – provisoire, mais effective – de l’avancement missionnaire sur le Chaco en ne
faisant recours qu’à des arguments « positifs » : méthodologies linguistiques spécialement
adaptées, sensibilité particulière aux formes de la spiritualité indienne, qualités synthé
tiques de l’approche baroque au fait rituel20, etc. Or on peut poser l’hypothèse, que, pour
qu’il y ait restructuration de l’espace de médiations institutionnelles, c’est-à-dire, pour
que des nouveaux dispositifs de médiation puissent s’agencer sur la scène locale, il faut
préalablement – et ce serait là une condition de possibilité – qu’il y ait déstructuration de
l’espace sociologique sur lequel ils interviennent. Le processus suppose donc une
dimension positive ou productive (émergence de nouvelles élites, nouveaux discours,
nouvelles articulations) et une dimension négative par laquelle d’autres dispositifs seront
socialement désinvestis. C’est la forme qu’adopte cette « négativité déstructurante » qui
est tout à fait différente lorsqu’on analyse les missions jésuites du Chaco. Car la spécificité
du dispositif missionnaire dans le Chaco ne repose pas sur l’absence d’une force
déstructurante agissant à la faveur du projet jésuitique mais sur le fait, particulier aux
missions du Chaco, et c’est là leur nouveauté, que celle-ci est introduite par la mission
elle-même et non par un agent tiers. Le programme missionnaire ne restructure pas, ici,
un espace sociologique que d’autres – le front de colonisation, le commerce esclavagiste,
la faim du colonisateur – ont déstructuré, mais il doit opérer lui-même la déstructuration
de l’espace social où il cherche à s’agencer.
15
Cet élément est de la plus grande importance du point de vue d’une anthropologie
politique car il suppose une nouvelle organisation de la relation entre l’agent
missionnaire et les autorités indiennes traditionnelles. Il établit une nouvelle
structuration du système de médiations et de médiateurs qui s’agence localement. En
effet, dans le cas des missions paraguayennes, le missionnaire peut apparaître comme
l’allié objectif d’une population indienne en détresse. Le cacique négocie avec le
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missionnaire l’entrée de ses sujets dans la mission et celui-ci, de par cette négociation
elle-même, confirme dans sa position médiatrice l’autorité indienne. Les commentateurs
sont unanimes21 pour souligner l’habileté avec laquelle les Jésuites ont reconnu et
conforté le système d’autorité traditionnel des groupes guaranis réduit dans les missions
du Paraguay. Les maisons des caciques occupaient une position prépondérante dans le
plan des missions, entre le bâtiment central (qui hébergeait l’église, les ateliers, la
résidence des jeunes filles et des veuves, l’école, et les habitations des curés) et les
maisons indiennes qui s’étalaient concentriquement derrière celles des Caciques. Ceux-ci
étaient par ailleurs enterrés dans un cimetière spécifique, à l’intérieur du bâtiment
principal, ce qui constituait une reconnaissance tout aussi symbolique qu’effective de leur
proximité médiatrice avec l’autorité jésuite. Le plan hiérarchisé des missions renforçait
l’autorité des caciques. Elle mettait à profit de l’agencement missionnaire les structures
traditionnelles d’autorité indienne. Le projet missionnaire agissait en effet dans le sens
des intérêts objectifs d’un système d’autorités indiennes qui était sous la pression
déstructurante du front colonial. Toute la question était de montrer et de démontrer face
à ces populations la différence et l’indépendance effective du projet missionnaire vis-à-vis
des intérêts du front colonisateur. Ce qui fut fait et qui aboutira plus tard à l’expulsion de
la Compagnie de Jésus des domaines espagnols en Amérique coloniale.
16
Dans le cas du Chaco, en l’absence d’une force déstructurante externe, l’agent
missionnaire devait opérer de lui-même un travail d’affaiblissement des structures
sociales locales. La mission ne devait pas ici confirmer ou renforcer les structures
d’autorité traditionnelles mais elle devait les subvertir. Le missionnaire doit agir à
l’encontre des intérêts objectifs des autorités locales indiennes puisque la dynamique
missionnaire ne peut s’agencer que sous condition de déstructurer un système d’autorités
auquel elle doit se substituer. Dans le contexte local, l’institution missionnaire doit alors
promouvoir l’émergence de nouveaux dirigeants indiens et de nouveaux agents
médiateurs, antagonistes des premiers, et ralliés au programme missionnaire dont
dépend leur autorité. On a déjà vu, en ce sens, comment les deux stratégies décrites
permettent de corroder à la base l’autorité des caciques et de favoriser l’émergence de
nouvelles structurations du pouvoir local.
17
L’analyse des dynamiques d’agencement du dispositif missionnaire jésuite dans le Chaco
n’est pas sans conséquences pour la compréhension des transformations que d’autres
institutions, dans d’autres moments, introduiront de façon plus ou moins durable dans
l’espace indien. S’il est des types de « colonisation institutionnelle » qui s’agencent
localement sur le champ en crise d’une société en détresse22, il en est d’autres qui doivent
articuler en eux-mêmes le double travail d’affaiblissement des structures existantes et de
promotion de celles, émergentes, sur lesquelles elles pourront s’agencer. L’analyse
comparée de la situation indienne sur le front guarani et au Chaco – mais il serait en ce
sens intéressant d’élargir l’analyse au front missionnaire du Chili méridional ou du
Mexique septentrional – permet de comprendre comment ces deux types d’action
missionnaire se sont organisés au sein du même projet institutionnel au XVIII e siècle. Au
Chaco, ces dynamiques ne sont pas étrangères à celles qui, en d’autres moments, ont
caractérisé l’action du parti d’État sous l’ère Stroessner, celle de l’avant-garde évangéliste
des églises de la New Tribes Mission ou celle, en cours, des nouveaux réseaux d’action
internationale. Il ne s’agit pas, en tout état de cause, de juger la pertinence des discours
que chacune de ces institutions mobilise, mais de mener l’analyse, à la fois historique et
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Lorsque les institutions colonisent
comparative, des mécanismes et des dynamiques qui permettent, ou non, dans chaque
cas, qu’il y ait « agencement » local d’une nouvelle strate institutionnelle de médiations.
NOTES
1. Jesús García-Ruiz, « Por una etnología del Estado », El Cadejo, 9, 2003, pp. 5-16 ; Ricardo
Calla, Indígenas, política y reformas en Bolivia : hacia una etnología del estado en América Latina,
Guatemala, Instituto Centroamericano de Prospectiva e Investigación (ICAPI), 2003.
2. C’est peut-être au niveau des ethnonymes que cette transformation est le plus
immédiatement visible : dans les dernières décennies, toutes les ethnies du Chaco boréal
ont changé leurs noms, de façon qu’aux yeux d’un explorateur des débuts du XXe siècle,
l’actuelle carte ethnographique du Chaco serait incompréhensible. Nous avons essayé de
montrer, ailleurs, le caractère institutionnel de ce bouleversement qu’une analyse
purement nominaliste ne permet pas de saisir dans toute sa densité historique.
3. Magnus Mörner, Actividades politicas y economicas de los jesuitas en el Rio de la Plata.
Buenos Aires, Hyspamerica Ediciones Argentinas, 1953 [1985].
4. Walter Hanisch, Historia de la Compañía de Jesús en Chile. Buenos Aires - Santiago de Chile,
Ed. Francisco de Aguirre, 1974.
5. José Manuel Pacheco S.J., « Historia de la Compañía de Jesús en Colombia hasta 1977 »,
<http://www.jesuitas.org.co/documentos/Att00661.html. 2003.> [revisé le 14 oct. 2005]
6. Voir Maxime Haubert, La vie quotidienne au Paraguay sous les Jésuites. Paris, Hachette,
1967 ; Miguel Chase-Sardi and Branislava Susnik, Los indios del Paraguay, Madrid, MAPFRE,
1995 ; Cayetano Bruno, La Evangelización del aborígen americano con especial referencia a la
Argentina, Buenos Aires, El Derecho, Pontifica Universidad Católica argentina Santa María
de los Buenos Aires, 1988.
7. José Aguirre Achá, La antígua provincia de Chiquitos limítrofe de la Provincia del Paraguay,
La Paz, 1933 ; Antonio Menacho, Por tierras de Chiquitos, los jesuitas en Santa Cruz y en las
misiones de Chiquitos en los siglos 16 a 18, San Javier, Vicariato apostólico de Nuflo de Chávez,
1991.
8. Cayetano Bruno, Historia de la Iglesia en Argentina. Tomo IV : 1686-1740, Buenos Aires, Don
Bosco, 1968.
9. Magnus Mörner, Actividades políticas y económicas de los jesuitas en el Rio de la Plata,
Buenos Aires, Hyspamerica Ediciones Argentinas, 1953 [1985].
10. Le Jésuite José Fernández, missionnaire à Chiquitos, insiste sur le besoin d’ouvrir cette
voie à travers le Chaco « a fin de que fuesen más fácilmente proveídas estas reducciones
de los Chiquitos (…) y recibir los socorros más oportunos a su necesidad ». En effet,
« cuando ahora es necesario caminar 2 500 leguas » pour communiquer entre Chiquitos et
Paraguay, « descubierto este camino, sólo se andarán 1 500 leguas en visitar misiones y
provincia ». Voir, Juan Patricio Fernández, Relación historial de las misiones de los Indios, que
llaman Chiquitos, que están á cargo de los Padres de la Compañía de Jesus de la Provincia el
Paraguay, Jujuy, Centro de Estudios Indígenas y Coloniales de la Universidad Nacional de
Jujuy, 1726 [1994].
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Lorsque les institutions colonisent
11. Archivo Biblioteca Nacional, Santiago de Chile, Jesuitas-Argentina, cité par Cayetano
Bruno, Historia de la Iglesia en Argentina. Op. cit..
12. Une caractérisation d’ensemble sur l’avancée missionnaire jésuite dans le Chaco dans
James Schofield Saeger, The Chaco Mission Frontier. The Guaycuruan Experience, Tucson, The
University of Arizona Press, 2000.
13. Pour une vision globale des dynamiques indiennes du Chaco au XVIIIe siècle, voir
Branislava Susnik, Aborígenes del Paraguay. Etnohistoria de los Chaquenios 1650-1910,
Asunción, Museo Etnográfico Andrés Barbero, 1981.
14. Voir l’étude incontournable de Helmut Schindler, Die Reiterstämme des Gran Chaco,
Berlin, Dietrich Reimer Verlag, 1983 et son article « Equestrian and Non-equestrian
Indians of the Gran Chaco during the Colonial Period », Indiana, 10, s.d., pp. 451-64.
15. Pour une analyse ethnohistorique de la frontière occidentale du Chaco voir Thierry
Saignes, Ava y karai : ensayos sobre la frontera chiriguano, siglos XVI-XX, La Paz, Hisbol, 1990 ;
Isabelle Combès, Thierry Saignes, Alter ego : naissance de l’identité Chiriguano, Paris, EHESS,
1991.
16. Nicolas Richard, « Étude préliminaire : productions et circulations d’une géographie
post-jésuitique », in Félix de Azara, Voyages dans l’Amérique méridionale : 1781-1801, VIILXXXI, Paris, CoLibris. 1809 [2006].
17. Notamment Giuseppe Jolis, Ensayo sobre la historia natural del Gran Chaco, Resistencia,
Universidad Nacional del Nordeste de Argentina, 1789 [1972].
18. José Sánchez Labrador, El Paraguay Católico, Buenos Aires, Imprenta de Coni Hermanos,
1770 [1910] ; José Sánchez Labrador and Guillermo Fúrlong Cárdiff, Los indios Pampas,
Puelches, Patagones, según Joseph Sánchez Labrador, S.J. ; monografía inédita, Buenos Aires,
Viau y Zona, 1936.
19. Voir en particulier le « sixième doute » du jésuite José Cardiel, Las misiones del
Paraguay, Madrid, Dastín, 1771 [1989].
20. Cet argument n’est pas exclusif au Chaco et il traverse l’analyse du fait missionnaire
jésuitique en Amérique coloniale. Voir, par exemple, au Chili et au Paraguay
respectivement, Rolf Foerster, Jesuitas y mapuches : 1593-1767, Santiago de Chile,
Universitaria, 1996 ; Bartolomeu Melià, El guaraní conquistado y reducido, Asunción del
Paraguay, CEADUC - CEPAG, 1986.
21. Cf. Magnus Mörner, Actividades políticas y económicas de los jesuitas en el Río de la Plata ;
Bartolomeu Melià, El guaraní conquistado y reducido ; Ernesto J. A. Maeder and Alfredo S. C.
Bolsi, La población guaraní de las misiones jesuíticas : evolución y características, 1671-1767,
Corrientes, Instituto de Investigaciones Geohistóricas, CONICET, FUNDANORD, 1980.
22. C’est le cas, par exemple, mais on échappe au cadre de notre analyse, des églises ou
des ONG qui s’agencent sur le champ en ruine qui succède à une guerre, à une catastrophe
naturelle ou à une crise sociale.
RÉSUMÉS
Dans cet article, l’auteur propose une description et une analyse de la progression de la mission
jésuite Amérique latine, au Chaco indien, au cours du XVIII e siècle. Celle-ci doit son succès
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Lorsque les institutions colonisent
(relatif) à des circonstances locales qui ont favorisé son implantation (géologiques,
géographiques, économiques et politiques), et à sa capacité à générer par elle-même (en
transformant les formes sociales locales) des conditions propices à son action.
AUTEUR
NICOLAS RICHARD
École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris
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