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ui n’a pas réchauffé ou cuit un aliment
dans un four à micro-ondes ? Ce mode
de chauffage est devenu banal, et par-
fois surexploité par les restaurateurs. Mais
il n’est pas certain que Monsieur Tout–le–
monde en connaisse bien le principe.
Dommage ! Cela lui permettrait de savoir,
par exemple, s’il faut ou non placer son
bol au centre du plateau tournant...
Pour chauffer un aliment, il faut lui céder de l’énergie. Le
procédé le plus immédiat est de mettre en contact le matériau
avec une source de chaleur à température plus élevée (des
flammes ou le fond de la poêle !) et de laisser la chaleur se pro-
pager depuis la surface de contact jusqu’au cœur de l’aliment.
Mais le chauffage qui en résulte est inégal et relativement lent.
Un procédé plus subtil ? Utiliser des ondes électromagné-
tiques, c'est-à-dire un champ électrique et un champ magné-
tique qui oscillent de conserve tout en se propageant. Ces ondes,
qu’il s’agisse d’ondes radio, de lumière visible ou invisible comme
les infrarouges et les ultraviolets, transportent de l’énergie. Et
lorsque la matière les absorbe, elle encaisse du même coup
leur énergie, qui se transforme en chaleur.
Le transfert d’énergie dépend à la fois de la nature du
matériau et de la longueur d’onde du rayonnement utilisé, ou
encore de sa fréquence (le quotient de la vitesse de la lumière
par la longueur d’onde). Pour la cuisson des aliments, compo-
sés à 90 pour cent d’eau, il faut considérer l’interaction des ondes
électromagnétiques avec ce liquide.Or on constate que le coef-
ficient d’absorption de l’eau, à part une courte fenêtre corres-
pondant à la lumière visible où il s’effondre (l’eau nous
apparaît bien transparente), croît avec la fréquence.
Quelle fréquence choisir ? Si l’onde est très bien absor-
bée, elle ne pénètre que sur une mince couche de l’aliment,
en surface, et la poursuite de la cuisson s’effectue par conduc-
tion thermique. C’est le principe du grill, où la cuisson est assu-
rée par les ondes infrarouges émises par une résistance. Au
contraire, si l’absorption est faible, le rayonnement pénètre
en profondeur, mais il ne cède pas beaucoup d’énergie.
C’est le cas des ondes radio. Pour avoir un chauffage effi-
cace dans ce domaine de fréquences, il faudrait des puis-
sances très importantes.Cela impliquerait une amplitude élevée
de l’onde et de son champ électrique, à l’origine de cla-
quages électriques (étincelles ou éclairs).
Choisir les bonnes ondes
Le meilleur compromis, entre ondes radio et infrarouges, cor-
respond à des fréquences de l’ordre du gigahertz, soit une
longueur d’onde de quelques dizaines de centimètres, com-
parable à la taille des aliments à cuire. En 1947, l’autorité
américaine d’attribution des fréquences avait alloué, pour
les applications industrielles, médicales et scientifiques des
micro-ondes, les fréquences 0,915 et 2,45 gigahertz. En
France, les fours utilisent la seconde, de longueur d’onde
égale à 12,24 centimètres.
Comment les micro-ondes interagissent-elles avec l’eau ?
La molécule d’eau (un atome d’oxygène et deux d’hydrogène)
est polaire, c’est-à-dire que ses charges électriques sont inéga-
lement réparties : l’oxygène tire à lui le nuage d’électrons qu’il
partage avec les atomes d’hydrogène. Il en résulte un excès
de charges négatives sur l’oxygène, compensé par des charges
positives sur les atomes d’hydrogène.
Soumise à un champ électrique uniforme et constant, une
molécule d’eau isolée pivote pour aligner son axe de symé-
trie dans la direction du champ. En phase liquide et avec un
champ oscillant, la molécule doit sans cesse se réaligner avec
le champ alors qu’elle interagit, par l’intermédiaire de colli-
sions ou de « liaisons hydrogène », avec ses voisines. Ces
dernières agissent en moyenne comme une force de frotte-
ment qui empêche la molécule de tourner avec le champ,
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Idées
dephysique
À la chaleur des micro-ondes
Les micro-ondes permettent de réchauffer, voire de cuire des aliments.
Oui, mais pas n’importe quelles micro-ondes, et pas n’importe comment.
1. L’intensité des micro-ondes à l’intérieur du four n’est pas uni-
forme: en raison notamment des réflexions sur les parois, l’intensi(en
rose) se répartit de façon périodique et laisse des endroits peu irradiés.
Le plateau tournant pallie l’hétérogénéité du chauffage qui s’ensuit.
Dessins de Bruno Vacaro
Guide d’ondes
Magnétron
Bloc d’alimentation électrique
Ventilateur
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© POUR LA SCIENCE -Idées de physique 99
force d’autant plus intense que la rotation est rapide. Ce
frottement moléculaire dissipe l’énergie en chaleur.
Lorsque la rotation des molécules d’eau est entravée, cas
de la glace où l’orientation d’une molécule est fixée par les liai-
sons hydrogène avec ses voisines, le chauffage par micro-ondes
est beaucoup moins efficace. C’est pourquoi la décongélation
est bien plus longue que la cuisson.
La glace chauffe moins que leau
Le cuisinier y remédie en réglant son four à faible puissance.
Le four émet alors par périodes des micro-ondes qui chauffent
l’eau déjà fondue, alors que dans les périodes sans émission,
la chaleur diffuse et fait fondre un peu plus de glace.
A contra-
rio
, la présence de sel facilite la montée en température de l’eau:
les ions, de chlore et de sodium pour le sel de cuisine, vont et
viennent selon la direction du champ, ce qui crée de multiples
collisions favorables au transfert d’énergie thermique.
Notons que le mécanisme physique sous-jacent ne cor-
respond à aucune transformation moléculaire, l’énergie trans-
portée par l’onde étant beaucoup plus faible que celle des liaisons
chimiques.
A priori
, avec des micro-ondes, il n’y a donc pas
dégradation des aliments autre que par effet thermique.
En pratique, les micro-ondes sont produites par un appa-
reil dénommé magnétron et injectées dans la cavité formée
par l’intérieur du four. Les parois de la cavité sont en métal
(une grille métallique au niveau de la porte), qui réfléchit très
efficacement les micro-ondes et les confine : seuls quelques
dizaines de milliwatts s’échappent effectivement, pour une puis-
sance initiale de 800 watts. Cet écran suffit à nous protéger,
mais il laisse passer assez d’ondes pour qu’un téléphone por-
table, appareil qui fonctionne à des fréquences proches, placé
à l’intérieur et porte fermée (le four éteint!), sonne s’il est appelé.
La réflexion sur les parois métalliques a une autre consé-
quence : l’intérieur est une cavité résonnante, qui n’est exci-
tée efficacement que par certaines fréquences.C’est l’analogue,
en trois dimensions, de la résonance d’une corde tendue que
l’on fait vibrer par l’une de ses extrémités (la longueur de la
corde est alors un multiple entier de la demi-longueur d’onde).
Pour un four commun mesurant 19 ×29 ×29 centi-
mètres cubes, on trouve des résonances à des longueurs
d’onde de 12,274 et 12,277 centimètres, très proches de la
longueur d’onde du four (12,24 centimètres).Dans ces condi-
tions, la cavité est le siège d’une onde stationnaire, dont l’am-
plitude varie comme sur une corde : il y a des endroits où
elle est presque nulle et d’autres maximale.
La cuisson des aliments et la température n’y sont donc pas
homogènes! On a ainsi relevé plus de 20 degrés d’écart au sein
d’un biberon d’eau chauffée. D’où l’intérêt du plateau tour-
nant : les aliments, déplacés, sont soumis à des champs d’am-
plitudes variées et chauffent de façon plus homogène. Par
conséquent, pour chauffer un petit plat ou un biberon, mieux
vaut ne pas le placer au centre, où il serait immobile et la rota-
tion du plateau inutile. Ce qui ne dispense pas d’agiter ou de
mélanger tout aliment cuit aux micro-ondes, afin d’éviter la
pénible alternance en bouche de l’à peine tiède et du brûlant.
M. V
OLLMER
, Physics of the microwave oven, in Physics Education,
vol. 39, pp. 74-81, 2004.
J. M. O
SEPCHUK
, A history of microwave heating applications, in IEEE
Trans. MTT, vol. 32, n° 9, pp. 1200-1224, 1984.
2. Plus les micro-ondes ont une fréquence élevée, plus
l’eau les absorbe. À 200 mégahertz par exemple, elles pénètrent très bien
dans un aliment et le cuisent uniformément, mais très lentement (a)
20 gigahertz, elles pénètrent très peu en profondeur, et la cuisson est
trop violente en surface (c). Une fréquence de 2 gigahertz offre un com-
promis (b): les ondes pénètrent bien et sont assez bien absorbées, d’
une cuisson plus réussie (mais pas encore idéale pour un rôti de bœuf).
Jean-Michel Courty Édouard Kierlik
3. Les micro-ondes chauffent l’eaudes aliments en faisant pivo-
ter alternativement les molécules d’eau. En effet, la partie négativement
chargée de la molécule est attirée par le champ électrique positif (flèches
bleues), et sa partie positive est repoussée. Comme le champ électrique
de la micro-onde change de sens à la fréquence de l’onde, la molécule change
aussi de sens de rotation à cette fréquence. Par « frottement» avec les
molécules voisines, l’énergie de ces rotations se transforme en chaleur.
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b
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