Evry: 30 millions pour la mosquée

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qui a fourni, toujours par l'intermédiaire de la
LIM, une partie des fonds destinés aux Algériens
du FIS et aux Tunisiens du MTI...
Plus mystérieuse encore que la BID, la DMI
est aujourd'hui considérée comme la première
société d'investissement de la nébuleuse islamique. Créée en 1981 à l'initiative d'une douzaine de
princes saoudiens et de chefs d'Etat ou de gouvernement arabes, elle est officielement enregistrée
à Nassau, aux Bahamas, mais elle est dirigée à
partir de Genève, où ses bureaux sont installés
près de l'aéroport de Cointrin. A son conseil
d'administration siègent les personnalités les plus
prestigieuses du monde des affaires saoudien et
arabe. La DMI agit par l'intermédiaire de trois
sociétés sœurs : la Masraf Faysal al-Islarni, basée
à Bahreïn, l'Islamic Investment Company of the
Gulf, dont le siège est également à Bahreïn, et
l'Islamic Takafol Company, enregistrée au
Luxembourg. Grâce à leurs innombrables filiales, la DIM et ses sociétés sœurs étendent leur
réseau sur une bonne partie du monde musulman
et de l'Europe. Du Pakistan au Sénégal, de
l'Angleterre au Soudan. « La DMI s'intéresse
surtout à l'Afrique, explique un expert. Elle
n'hésite pas à investir dans n'importe quel projet
pour peu qu'il tienne techniquement et financièrement debout. Disons qu'elle accorde un intérêt
tout particulier aux projets susceptibles de renforcer l'influence de l'islam. »
Le seul vrai problème, pour les princes saoudiens, a été celui des hommes. Car l'Arabie
Saoudite a du pétrole elle a aussi une certaine idée
de l'islam, mais elle manque de bras. Selon
l'Institut international d'Etudes stratégiques de
Londres, sur les 13 millions d'habitants que
compte aujourd'hui le royaume, il y a 5 millions
de travailleurs immigrés coréens, palestiniens,
thaïlandais, indonésiens, philippins et pakistanais. L'armée saoudienne elle-même est en
grande partie composée de mercenaires marocains, égyptiens, jordaniens et pakistanais. Une
unité entière, la 12e brigade blindée, était l'année
dernière formée de 5.000 soldats pakistanais.
Pakistanais sur les bulldozers, Pakistanais dans
les chars, Pakistanais aussi dans le « corps expéditionnaire » islamique. C'est naturellement vers
Islamabad, capitale d'un Etat islamiste bon teint,
que se sont tournés les princes saoudiens pour
trouver les imams et les professeurs chargés
d'aller répandre la bonne parole. C'est aussi au
Pakistan qu'ont été formés, depuis une dizaine
d'années, grâce à des crédits saoudiens, les
contingents de jeunes volontaires islamiques
recrutés pendant le pèlerinage de La Mecque, et
envoyés se battre en Afghanistan, aux côtés des
moudjahidin. Plusieurs dizaines d'entre eux
étaient algériens. La plupart sont rentrés chez
eux, où ils constituent désormais la force de frappe
du FIS.
Aujourd'hui, le dispositif saoudien apparent et
secret, est bien iodé. Riyad et Islamaba
d contrôlent, grâce à l'argent saoudien et aux cadres
pakistanais, la quasi-totalité des organisations
islamiques internationales : le Congrès du Monde
musulman, la Ligue arabe, la Ligue islamique
mondiale, l'Organisation de la Conférence islamique, la Fédération mondiale des Missions
islamiques, l'Organisation islamique pour l'Education, les Sciences et la Culture (Isesco), le
â"ear
ECOLE CORANIQUE, BIBLIOTHEQUE, GALERIE COMMERCIALE...
Evry: 30 millions pour la mosquée
Un petit ajusteur a prouvé que lafoi,
mêlée d'un zeste de politique arabe, peut déplacer des montagnes... d'argent
Khalil Merroun, originaire du Maroc, est venu
en France il y a vingt ans. Il est naturalisé
depuis 1986. Père de cinq enfants, il habite un
petit pavillon et travaille à la SNECMA comme
ajusteur. Une barbe bien taillée orne son visage,
comme le veut la sunna, la tradition. Car il est
aussi président de l'ACMIF, l'Association
culturelle des Musulmans d'Ile-de-France.
Fondamentaliste, mais pas intégriste »,
précise-t-il, il est partisan de l'intégration des
musulmans en France. Et c'est à son action
obstinée que la ville nouvelle d'Evry, dans
l'Essonne, doit le superbe centre islamique qui
va ouvrir ses portes en janvier 1991.
Le coût de l'opération, entièrement financée
par les Saoudiens, s'élève à 30 millions de KhaleMerroun
francs. Destinée aux 70 000 musulmans du Sud
parisien, la maison de Dieu abritera aussi une Paris. Ellé est contrôlée par l'Algérie, un « réécole coranique, une bibliothèque, une salle gime mécréant » aux yeux des islamistes saoupolyvalente, une galerie commerciale, etc. Par diens. Ceux qui veulent contrer l'influence de
sa dimension, par sa richesse, la mosquée la Mosquée de Paris vont soutenir le projet de
d'Evry pourra sans peine rivaliser avec la mosquée d'Evry.
Grande Mosquée de Paris, dont le contrôle a Quelques placards publicitaires dans des jourtoujours échappé à l'Arabie Saoudite. « Tout a naux du Moyen-Orient vont rapporter
commencé avec une pétition, raconte Khalil 620 000 francs dans un premier temps. En
Merroun, le petit ajusteur devenu l'un des
1982, à la suite d'un voyage en Arabie Saoudite,
hommes influents de l'islam en France. C'était Abderrahrnan Amman, directeur du bureau
en 1978. Nous demandions une salle de prière parisien de la Ligue islamique, ramène dans son
à Evry. Des centaines de personnes ont signé. attaché-case 800 000 francs qu'il doit aux
Et voilà le résultat », ajoute-t-il en pointant son recommandations du Dar Iftaa as-Sa'oud, une
doigt vers le minaret de la nouvelle mosquée.
association islamique influente à Riyad. Assez
A la suite de la pétition, l'Etablissement public pour acheter un terrain valant 2 millions de
d'Aménagement de la Ville nouvelle d'Evry francs dont le solde sera réglé en 1987.
donne son accord et propose un terrain.
Il faut trouver les fonds pour construire. Là
Merroun entreprend alors un long tour de table encore, l'intervention de deux personnalités
parmi les sommités islamiques susceptibles de saoudiennes, cheikh Yamani, ancien ministre
participer au financement.
de l'Information, et Omar Nassif, secrétaire
Il s'adresse d'abord à cheikh Hammami, de
général de la Ligue islamique mondiale, sera
l'association Jarna'at al-Tabligh. Pas de ré- décisive. La Banque islamique de Développeponse. Si Harnza Boubakeur, alors recteur de la ment dont le siège est à Djedda accorde un
Grande Mosquée de Paris, paraît mieux dis- pret de 1 250 000 dollars. En contrepartie, le
posé mais il veut contrôler toute l'opération.
centre islamique d'Evry devra abriter Al jaKhalil Merroun essaie alors le Maroc. Mer- m'iyat al-bar wal taqwa, une association de
roun rencontre Hachemi Filali, ministre des
piété et de dévotion fondée par les deux
Affaires étrangères, et Ahmed Bensouda,
Saoudiens. L'ambassadeur d'Arabie Saoudite
conseiller du roi Hassan II. Mais ses démarches
versera lui aussi 500 000 francs. Le ministère
n'auront pas de suite.
des Affaires religieuses du Koweit fera un
Reste la Ligue islamique mondiale, qui dispose
chèque de 240 000 francs, et le célèbre homme
d'un bureau à Paris. C'est la bonne adresse. Le
d'affaires saoudien Akram Odj eh donnera
directeur, Abderrahman Amman, lui aussi
3 millions de francs. Mission accomplie.
marocain, est d'emblée séduit par le projet II
«Moi, dit Merroun, je suis toujours ajusteur et
fera bénéficier Khalil Merroun et l'ACMIF de mon pavillon, je l'ai acheté à crédit comme tout
ses contacts en France et, surtout, en Arabie
le monde. Le centre qui va s'ouvrir à Evry est
Saoudite. A partir de là, très vite le projet
la propriété de la Ligue islamique, et personne
change de dimension. Ce n'est plus une
ne peut lui reprocher son manque d'intégrité en
mosquée qui est envisagée mais un véritable
matière de religion. D'ailleurs, ajoute-il, nous
centre islamique. La politique s'en mêle. Il y a
avons recruté un imam de l'université d'aldepuis longtemps, dans l'islam français, une Azhar, en Egypte, qui officiera ici pendant trois
lutte d'influence autour de la Mosquée de
ans. » Fadd Aïchoune
19-25JUILLET199019
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