Ismaël dans la tradition biblique
Désespérant d’avoir un fils pour donner une
descendance à Abraham, Sarah (la princesse),
sa femme, lui demande de prendre pour
concubine sa propre servante égyptienne,
Hagar (la délaissée, l’abandonnée). C’est de
celle-ci que naîtra Ismaël.
Une double tradition, que reflète le texte de
la Genèse, légitime le choix du nom d’Ismaël
(Dieu entend). L’une et l’autre mettent en va-
leur la sollicitude pleine d’attention de Dieu
pour Abraham de la part de Dieu. Fuyant au
désert, alors qu’elle portait en son sein son en-
fant, le messager céleste adresse la parole à la
malheureuse Hagar : « Yahvé a entendu le cri
de ta détresse » (2) Une seconde allusion ap-
paraît dans la ponse divine à la prière d’Abra-
ham en faveur d’Ismaël, au moment où lui est
annoncée la naissance prochaine d’Isaac : « Je
t’ai entendu… » dit Dieu en précisant les bé-
nédictions dont il fera bénéficier le fils de la
servante (3). Pourtant, ce n’est pas à lui qu’est
réservé le bénéfice de l’Alliance, mais à Isaac.
L’exclusion d’Ismaël est relatée par un récit
issu, semble-t-il, de la tradition élohiste, il
est narré que Sarah, redoutant que, selon le
droit coutumier, le fils de la concubine ait prise
sur l’héritage, Sarah exige le renvoi de la ser-
vante et de son enfant, sous prétexte que celui-
ci joue ou plaisante avec Isaac. (6) Saint Paul
précise que « l’enfant né sous la chair persécu-
tait l’enfant né selon l’esprit ».
t nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous -
Encyclopédie de l’honnête homme
Référence : 2Da17 ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/2012
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Ismaël - Israël 1/2
Alliance, promesse et choix préférentiel
par Antoine Moussali
Entre “peuple élu et peuple de l’Alliance et de la promesse” qui caractérise Israël, et “Peuple et
choix préférentiel” qui caractérise l’islam, il y a, plus qu’une nuance, une différence ontologique.
L’élection n’est jamais pour soi mais pour autrui, comme toute vocation. Le choix préférentiel (içtifa’)
est une mise à part pour soi, en vue de constituer le parti de Dieu (Hizbullâh) qui fait des appelés
des privilégiés. Dans la mesure Israël fait de l’élection un privilège pour lui, il est infidèle à sa vo-
cation qui est ouverture à l’altérité. Dans la mesure l’islam fait du choix préférentiel un choix
pour lui, chargé de la cause de Dieu, il est fidèle à lui-même.
___________
Antoine Moussali nous a quittés à l’âge de 82 ans le 1er avril 2003. Ce grand spécialiste de l’islam nous
a gratifiés de plusieurs études importantes que l’on peut trouver dans le chapitre consacré à l’islam
I-
ISMÂ’ÎL (ISMAËL)
Sarah ayant obtenu gain de cause, nous
voyons Ismaël errer sur l’épaule d’Hagar dans
le désert de Bersabée (8). Sur le point de mourir
de soif, Dieu intervient qui le sauve et le pro-
tège. (9) Poursuivant leur route, Sarah et son fils
arrivent au désert de Parân ils s’installent.
Devenu homme, sa mère le donne en mariage
à une Égyptienne, comme elle.
La tradition sacerdotale montre Ismaël aux
côtés d’Isaac pour ensevelir leur père dans la
grotte de Makpéla (10). Elle précise aussi com-
ment naquit d’Ismaël « la grande nation », à
l’image « d’un onagre d’homme » (11).
Comme à Nahor et à Jacob-Israël, douze fils
« princes » de douze tribus, lui sont attribués
(12). À cette descendance d’Ismaël est attri-
buée toute la région occupée par les Arabes en
direction d’Achchour, auxquels se mêleront les
Édomites.
Ismâ’îl dans la tradition islamique
Dans le Coran il est dit de lui : « Il fut sincère
en sa promesse et fut apôtre et prophète. Il or-
donnait à sa famille la prière et l’aumône et il
fut agréé devant son Seigneur » (19, 54ss.). À
trois autres reprises il est fait mention de lui
mais en compagnie d’autres saints de l’anti-
quité. Ainsi, en 38, 48 II est mentionné avec
Élisée (al-Yasa') et Dhu 1-Kifi comme « un
parmi les meilleurs » et, dans la sourate 21, 85
avec Idrîs et Dhu 1-Kifi comme « un parmi les
constants que Dieu fit entrer dans sa miséri-
corde ». Et dans la sourate 6,86, il est dit
d’Ismâ’îl, d’Élisée, de Jonas et de Loth que
«Dieu a placé chacun d’eux au-dessus du
monde ».
Il est notoire que nulle part dans le Coran il
n’existe de lien direct entre Ismâ’îl et Ibrâhîm
(Abraham). Bien plus, le Coran indique que
c’est Jacob et non Ismâ’îl qui est cité comme
fils d’Abraham à côté d’Isaac (19,49 ; 21,72 ;
29,27 ; 6,84 ; 11,71).
Le lien qui est établi entre Abraham et
Ismâ’îl se situe au niveau de la Ka’ba, lorsqu’il
s’est agi de faire de celle-ci un lieu de pèleri-
nage et le centre de la pure foi monothéiste (2,
125 et 127,9). Un autre fait attire l’attention,
c’est que, dans la mesure où Isaac est nommé,
c’est à Ismâ’îI que la priorité est donnée
comme fils d’Abraham (14,39 ; 2,132 ss ;
2,136 ; 3,84 ; 2,140 ; 4,163). À remarquer ce-
pendant que, en ce qui concerne le sacrifice
projeté sur la montagne, il n’est pas précisé,
dans le Coran, s’il s’agit d’Isaac ou d’Ismâ’îl.
Dans la sourate 14, 35-41, qui est de la pé-
riode médinoise, Abraham se fait le défenseur
de la sécurité du territoire sacré de la Mecque
et loue Dieu de lui avoir donné Ismâ’îl et Ishâq
en dépit de son âge avancé. Ce qui montre que
Ismâ’îl avait un rôle secondaire dans la légende
coranique ayant trait à la fondation et à la pu-
rification du culte de la Ka’ba.
Il est frappant aussi de constater qu’il
n’existe pas pour Ismâ’îl de lien entre les Israé-
lites et les Arabes. Ismâ’il n’est considéré que
comme le fils d’Abraham. Dans 2, 133, il est
cité avec Abraham et Isaac comme l’un des
« pères » de Jacob.
Si le Coran est avare de détails, les commen-
taires du Coran, les « histoires des prophètes »
(qiçaç l-anbiyâ') de Tha’labi (13), donnent par
contre des détails sur le rôle joué par Ismâ’îl
dans la construction de la Ka’ba et dans l’or-
ganisation des cérémonies du pèlerinage.
Selon la tradition islamique, Abraham accom-
pagne Hagar et son fils dans le désert jusqu’à
la Mecque. C’est qu’il les abandonne pour
retrouver sa femme Sarah.
Référence : 2Da17 ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/2012
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Pleine de pitié pour son enfant qui a soif,
Hagar va et vient entre les deux collines de
Safa et Marwa, ce qui est à l’origine de la cé-
rémonie du Sa’y du pèlerinage. Ismâ’îl gratte
le sable d’où jaillit une source, l’eau du Zam-
zam. (14)
Sarah et Ismâ’îl établissent des relations avec
la tribu arabe des Jurhum. Devenu homme,
Ismâ’îl prend pour femme une fille des Jurhum.
C’est sur ces entrefaites qu’Abraham, avec la
permission de Sarah, vient rendre visite à
Ismâ’îl. Il profite de l’absence de celui-ci pour
rencontrer la femme d’Ismâ’îl. Mais celle-ci le
traite avec une certaine désinvolture. Ce qui in-
commoda le patriarche. Abraham la quitte,
mais laisse à Ismâ’îl, sous une forme assez
mystérieuse, l’ordre de répudier sa femme. Ce
qu’il fit et prit en mariage une deuxième
femme.
Venu une seconde fois rendre visite à son fils,
la femme d’Ismâ’îl traite Abraham avec beaucoup
d’égards. Aussi, à son départ, laisse-t-il à son fils
la recommandation de demeurer avec elle. C’est
au cours d’une troisième visite qu’Abraham de-
mande à son fils de l’aider à reconstruire la Ka’ba.
À sa mort il fut enterré à côté de sa mère dans al
Hijr, à l’intérieur du Harâm. (15)
C’est par l’intermédiaire de la tribu arabe de
Jurhum que les liens sont établis avec les
Arabes. Ismâ’îl doit à cette même tribu d’avoir
appris l’arabe et d’être considéré comme l’an-
cêtre des Arabes du Nord qui remontent à
'Adnân. (16)
Il existe un ensemble de tribus qui se récla-
ment de Isma’îl qui portent le nom d’Ismaé-
lites, qu’il ne faut pas confondre avec les
Ismaéliens qui sont une secte habituellement
considérée comme un rameau shi’ite de l’is-
lam. Nomadisant dans le Nord de l’Arabie, aux
confins orientaux du delta du Nil (17), ils vi-
vent non seulement de leurs troupeaux et, à
l’occasion, du commerce des esclaves, mais
aussi de leurs rapines au détriment des carava-
niers ou des peuples sédentaires qu’ils raz-
zient, à l’instar des Madianites avec qui ils sont
facilement confondus. Ainsi en va-t-il, par
exemple, dans l’épisode qui rapporte comment
Joseph fut vendu par ses frères. (18)
Conclusion
Comme on peut aisément s’en rendre
compte si, en ce qui concerne Ismaël, les récits
bibliques et les récits coraniques concordent
par endroits, ils en diffèrent essentiellement,
car les buts recherchés ne sont pas les mêmes.
Il s’agit, pour la Bible, de montrer que les
promesses de Dieu faites à Abraham et l’Al-
liance qu’il veut établir avec lui et qui visent
aussi sa postérité, ne se réaliseront pas avec Is-
maêl, ni ensuite avec Esaü, mais avec Isaac et
Jacob. C’est pourquoi, lorsque les descendants
d’Abraham sont opprimés en Égypte, Dieu
« entend » leur gémissement, car « il se sou-
vient de son alliance avec Abraham, Isaac et
Jacob » (19).
Autre est la perspective du Coran et des
« histoires des prophètes ». Il s’agit, en l’occur-
rence, de faire remonter la généalogie des
Arabes et, par suite, de l’islam, à Ismâ’îl consi-
déré comme « le père » des Arabes. Ainsi, l’is-
lam conforte-t-il son statut théologique de
religion révélée qui se situe dans la lignée de
la religion abrahamique, non pas par le biais
d’Isaac mais d’Ismâ’îl.
Rien d’étonnant à cela, l’islam ne se réclame
pas d’une alliance, qui est propre à la Bible, ni
non plus des promesses, puisque dans la vision
islamique il n’existe pas d’histoire du salut, ni
Référence : 2Da17 ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/2012
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d’élection, mais de “choix préférentiel” qui met
à part, pour faire des croyants, les membres du
parti de Dieu (Hisbullah). Aussi bien n’est-il pas
exagéré de dire que si l’islam a une histoire, il
n’est pas une Histoire. Dieu, dans l’islam, est tout-
puissant. C’est un législateur. Il ne saurait établir
des relations d’amour entre lui et ses serviteurs,
bien qu’il soit capable, à l’instar des monarques
tout-puissants, avoir de la bienveillance vis-à-vis
de ses sujets. Dieu est un Dieu pour lui et non pas
pour l’homme. Et s’il a créé les djinns et les
hommes, c’est pour lui et non pas pour eux
(51,56). Il est en droit, parce que leur créateur,
d’exiger d’eux pardessus tout obéissance et sou-
mission.
Bible et Coran participent de deux traditions
essentiellement différentes, aussi bien dans
leurs visées respectives que dans la conception
qu’ils ont l’une et l’autre de la Révélation et de
l’être même de Dieu.
Quant aux récits et autres « histoires »
(qaçaç) concernant Ismâ’îl et les rites du pèle-
rinage, il est notoire, selon l’avis des islamo-
logues les plus avertis (20), qu’ils remontent
aux légendologues et historiographes du IX° et
du X° siècle qui en sont les auteurs et dont les
récits ont été projetés au VII° siècle, pour bien
asseoir l’authenticité et la valeur prophétique
des messages de Mahomet, ainsi que des pra-
tiques dont l’initiateur n’est autre qu’Abraham
«qui n’était ni juif ni chrétien » (3, 67). Ce qui
se situe bien dans la logique de l’islam qui se
présente comme étant la religion du retour à la
foi du monothéisme abrahamique dont la pu-
reté avait été pervertie par les juifs et les chré-
tiens.
Antoine Moussali CM
Notes
1 Gn 16, l5 et I Ch 1,28 ; cf. Gn 16,3-4
2 Gn 16.11
3 Gn 17,20
4 Gn 17. 19 et 21 ; cf. Ga 4.22-23
5 Gn21. 10-11
6 Gn 21. 9
7 Ga 4. 29
8 Gn 21, 14
9 Gn21, 15-19, 20 T
10 Gn25,9
11 Gn 16. 10 ; 17,20 ; 21, 13 et 18. 1
12 Gn 25. 13-16 ; cf. f I Ch 1. 29-31
13 Tha’labî, Qiçaç l-anbiyâ, Caire 1339, 57-62, 64-
66, 70.
14 Zamzam, est le nom du puits situé près de la
Ka’ba, à 20 mètres de l’angle de celle-ci se
trouve la pierre noire, près de la station d’Abra-
ham (maqâm Ibrâhîm). Lorsque l’eau s’est mise
à sourdre sous les doigts d’lsmâ’îl, elle émit le
son zam, zam, d’où le nom de Zamzam. Boire
l’eau de Zamzam constitue un rite inclus tant
dans le pèlerinage majeur que dans le pèlerinage
mineur. Le puits, aujourd’hui, n’est pas ouvert en
surface son eau est canalisée vers des galeries
souterraines de multiples robinets permettent
à un grand nombre de gens de s’y abreuver en
même temps. Cette eau est rapportée par les pè-
lerins aux quatre coins du monde islamique.
15 Bukhârî, Anbiyâ', bâb 9 ; Tabarî, I, 270,274-
309.351 ss., 1112-1123.
16 D. Sidersky, Les origines des légendes musulmanes dans
le Coran et dans les vies des prophètes, Paris. 1933.
50-53
17 Gn 25
18 Gn 37, 12-36
19 Ex 2, 23ss. ; cf. Dt 1.8
20 A.-L. de Prémare, Les fondations de l’islam, Le
Seuil, 2002, pp. 281, 286, 306.
Référence : 2Da17 ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/2012
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(À SUIVRE : ISRAËL)
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