En cy cl o p é d ie d e l’h o n n ê te h o mme t nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - l’Islam et nous - Ismaël - Israël 1/2 All ia nc e, pr o m es se e t cho ix pré fé re nti el p ar Ant o i n e M ous sa l i Entre “peuple élu et peuple de l’Alliance et de la promesse” qui caractérise Israël, et “Peuple et choix préférentiel” qui caractérise l’islam, il y a, plus qu’une nuance, une différence ontologique. L’élection n’est jamais pour soi mais pour autrui, comme toute vocation. Le choix préférentiel (içtifa’) est une mise à part pour soi, en vue de constituer le parti de Dieu (Hizbullâh) qui fait des appelés des privilégiés. Dans la mesure où Israël fait de l’élection un privilège pour lui, il est infidèle à sa vocation qui est ouverture à l’altérité. Dans la mesure où l’islam fait du choix préférentiel un choix pour lui, chargé de la cause de Dieu, il est fidèle à lui-même. ___________ Antoine Moussali nous a quittés à l’âge de 82 ans le 1er avril 2003. Ce grand spécialiste de l’islam nous a gratifiés de plusieurs études importantes que l’on peut trouver dans le chapitre consacré à l’islam I- ISMÂ’ÎL (ISMAËL) Ismaël dans la tradition biblique Désespérant d’avoir un fils pour donner une descendance à Abraham, Sarah (la princesse), sa femme, lui demande de prendre pour concubine sa propre servante égyptienne, Hagar (la délaissée, l’abandonnée). C’est de celle-ci que naîtra Ismaël. Une double tradition, que reflète le texte de la Genèse, légitime le choix du nom d’Ismaël (Dieu entend). L’une et l’autre mettent en valeur la sollicitude pleine d’attention de Dieu pour Abraham de la part de Dieu. Fuyant au désert, alors qu’elle portait en son sein son enfant, le messager céleste adresse la parole à la malheureuse Hagar : « Yahvé a entendu le cri de ta détresse » (2) Une seconde allusion ap- Référence : 2Da17 paraît dans la réponse divine à la prière d’Abraham en faveur d’Ismaël, au moment où lui est annoncée la naissance prochaine d’Isaac : « Je t’ai entendu… » dit Dieu en précisant les bénédictions dont il fera bénéficier le fils de la servante (3). Pourtant, ce n’est pas à lui qu’est réservé le bénéfice de l’Alliance, mais à Isaac. L’exclusion d’Ismaël est relatée par un récit issu, semble-t-il, de la tradition élohiste, où il est narré que Sarah, redoutant que, selon le droit coutumier, le fils de la concubine ait prise sur l’héritage, Sarah exige le renvoi de la servante et de son enfant, sous prétexte que celuici joue ou plaisante avec Isaac. (6) Saint Paul précise que « l’enfant né sous la chair persécutait l’enfant né selon l’esprit ». ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/ 2012 Aller au dossier d’origine de ce texte - Aller à l’accueil du Réseau-Regain 1/4 Sarah ayant obtenu gain de cause, nous voyons Ismaël errer sur l’épaule d’Hagar dans le désert de Bersabée (8). Sur le point de mourir de soif, Dieu intervient qui le sauve et le protège. (9) Poursuivant leur route, Sarah et son fils arrivent au désert de Parân où ils s’installent. Devenu homme, sa mère le donne en mariage à une Égyptienne, comme elle. La tradition sacerdotale montre Ismaël aux côtés d’Isaac pour ensevelir leur père dans la grotte de Makpéla (10). Elle précise aussi comment naquit d’Ismaël « la grande nation », à l’image « d’un onagre d’homme » (11). Comme à Nahor et à Jacob-Israël, douze fils « princes » de douze tribus, lui sont attribués (12). À cette descendance d’Ismaël est attribuée toute la région occupée par les Arabes en direction d’Achchour, auxquels se mêleront les Édomites. Ismâ’îl dans la tradition islamique Dans le Coran il est dit de lui : « Il fut sincère en sa promesse et fut apôtre et prophète. Il ordonnait à sa famille la prière et l’aumône et il fut agréé devant son Seigneur » (19, 54ss.). À trois autres reprises il est fait mention de lui mais en compagnie d’autres saints de l’antiquité. Ainsi, en 38, 48 II est mentionné avec Élisée (al-Yasa') et Dhu 1-Kifi comme « un parmi les meilleurs » et, dans la sourate 21, 85 avec Idrîs et Dhu 1-Kifi comme « un parmi les constants que Dieu fit entrer dans sa miséricorde ». Et dans la sourate 6,86, il est dit d’Ismâ’îl, d’Élisée, de Jonas et de Loth que « Dieu a placé chacun d’eux au-dessus du monde ». Il est notoire que nulle part dans le Coran il n’existe de lien direct entre Ismâ’îl et Ibrâhîm (Abraham). Bien plus, le Coran indique que Référence : 2Da17 c’est Jacob et non Ismâ’îl qui est cité comme fils d’Abraham à côté d’Isaac (19,49 ; 21,72 ; 29,27 ; 6,84 ; 11,71). Le lien qui est établi entre Abraham et Ismâ’îl se situe au niveau de la Ka’ba, lorsqu’il s’est agi de faire de celle-ci un lieu de pèlerinage et le centre de la pure foi monothéiste (2, 125 et 127,9). Un autre fait attire l’attention, c’est que, dans la mesure où Isaac est nommé, c’est à Ismâ’îI que la priorité est donnée comme fils d’Abraham (14,39 ; 2,132 ss ; 2,136 ; 3,84 ; 2,140 ; 4,163). À remarquer cependant que, en ce qui concerne le sacrifice projeté sur la montagne, il n’est pas précisé, dans le Coran, s’il s’agit d’Isaac ou d’Ismâ’îl. Dans la sourate 14, 35-41, qui est de la période médinoise, Abraham se fait le défenseur de la sécurité du territoire sacré de la Mecque et loue Dieu de lui avoir donné Ismâ’îl et Ishâq en dépit de son âge avancé. Ce qui montre que Ismâ’îl avait un rôle secondaire dans la légende coranique ayant trait à la fondation et à la purification du culte de la Ka’ba. Il est frappant aussi de constater qu’il n’existe pas pour Ismâ’îl de lien entre les Israélites et les Arabes. Ismâ’il n’est considéré que comme le fils d’Abraham. Dans 2, 133, il est cité avec Abraham et Isaac comme l’un des « pères » de Jacob. Si le Coran est avare de détails, les commentaires du Coran, les « histoires des prophètes » (qiçaç l-anbiyâ') de Tha’labi (13), donnent par contre des détails sur le rôle joué par Ismâ’îl dans la construction de la Ka’ba et dans l’organisation des cérémonies du pèlerinage. Selon la tradition islamique, Abraham accompagne Hagar et son fils dans le désert jusqu’à la Mecque. C’est là qu’il les abandonne pour retrouver sa femme Sarah. ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/ 2012 Aller au dossier d’origine de ce texte - Aller à l’accueil du Réseau-Regain 2/4 Pleine de pitié pour son enfant qui a soif, Hagar va et vient entre les deux collines de Safa et Marwa, ce qui est à l’origine de la cérémonie du Sa’y du pèlerinage. Ismâ’îl gratte le sable d’où jaillit une source, l’eau du Zamzam. (14) Sarah et Ismâ’îl établissent des relations avec la tribu arabe des Jurhum. Devenu homme, Ismâ’îl prend pour femme une fille des Jurhum. C’est sur ces entrefaites qu’Abraham, avec la permission de Sarah, vient rendre visite à Ismâ’îl. Il profite de l’absence de celui-ci pour rencontrer la femme d’Ismâ’îl. Mais celle-ci le traite avec une certaine désinvolture. Ce qui incommoda le patriarche. Abraham la quitte, mais laisse à Ismâ’îl, sous une forme assez mystérieuse, l’ordre de répudier sa femme. Ce qu’il fit et prit en mariage une deuxième femme. Venu une seconde fois rendre visite à son fils, la femme d’Ismâ’îl traite Abraham avec beaucoup d’égards. Aussi, à son départ, laisse-t-il à son fils la recommandation de demeurer avec elle. C’est au cours d’une troisième visite qu’Abraham demande à son fils de l’aider à reconstruire la Ka’ba. À sa mort il fut enterré à côté de sa mère dans al Hijr, à l’intérieur du Harâm. (15) C’est par l’intermédiaire de la tribu arabe de Jurhum que les liens sont établis avec les Arabes. Ismâ’îl doit à cette même tribu d’avoir appris l’arabe et d’être considéré comme l’ancêtre des Arabes du Nord qui remontent à 'Adnân. (16) Il existe un ensemble de tribus qui se réclament de Isma’îl qui portent le nom d’Ismaélites, qu’il ne faut pas confondre avec les Ismaéliens qui sont une secte habituellement considérée comme un rameau shi’ite de l’islam. Nomadisant dans le Nord de l’Arabie, aux Référence : 2Da17 confins orientaux du delta du Nil (17), ils vivent non seulement de leurs troupeaux et, à l’occasion, du commerce des esclaves, mais aussi de leurs rapines au détriment des caravaniers ou des peuples sédentaires qu’ils razzient, à l’instar des Madianites avec qui ils sont facilement confondus. Ainsi en va-t-il, par exemple, dans l’épisode qui rapporte comment Joseph fut vendu par ses frères. (18) Conclusion Comme on peut aisément s’en rendre compte si, en ce qui concerne Ismaël, les récits bibliques et les récits coraniques concordent par endroits, ils en diffèrent essentiellement, car les buts recherchés ne sont pas les mêmes. Il s’agit, pour la Bible, de montrer que les promesses de Dieu faites à Abraham et l’Alliance qu’il veut établir avec lui et qui visent aussi sa postérité, ne se réaliseront pas avec Ismaêl, ni ensuite avec Esaü, mais avec Isaac et Jacob. C’est pourquoi, lorsque les descendants d’Abraham sont opprimés en Égypte, Dieu « entend » leur gémissement, car « il se souvient de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob » (19). Autre est la perspective du Coran et des « histoires des prophètes ». Il s’agit, en l’occurrence, de faire remonter la généalogie des Arabes et, par suite, de l’islam, à Ismâ’îl considéré comme « le père » des Arabes. Ainsi, l’islam conforte-t-il son statut théologique de religion révélée qui se situe dans la lignée de la religion abrahamique, non pas par le biais d’Isaac mais d’Ismâ’îl. Rien d’étonnant à cela, l’islam ne se réclame pas d’une alliance, qui est propre à la Bible, ni non plus des promesses, puisque dans la vision islamique il n’existe pas d’histoire du salut, ni ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/ 2012 Aller au dossier d’origine de ce texte - Aller à l’accueil du Réseau-Regain 3/4 d’élection, mais de “choix préférentiel” qui met à part, pour faire des croyants, les membres du parti de Dieu (Hisbullah). Aussi bien n’est-il pas exagéré de dire que si l’islam a une histoire, il n’est pas une Histoire. Dieu, dans l’islam, est toutpuissant. C’est un législateur. Il ne saurait établir des relations d’amour entre lui et ses serviteurs, bien qu’il soit capable, à l’instar des monarques tout-puissants, avoir de la bienveillance vis-à-vis de ses sujets. Dieu est un Dieu pour lui et non pas pour l’homme. Et s’il a créé les djinns et les hommes, c’est pour lui et non pas pour eux (51,56). Il est en droit, parce que leur créateur, d’exiger d’eux pardessus tout obéissance et soumission. Bible et Coran participent de deux traditions essentiellement différentes, aussi bien dans leurs visées respectives que dans la conception qu’ils ont l’une et l’autre de la Révélation et de l’être même de Dieu. Quant aux récits et autres « histoires » (qaçaç) concernant Ismâ’îl et les rites du pèlerinage, il est notoire, selon l’avis des islamologues les plus avertis (20), qu’ils remontent aux légendologues et historiographes du IX° et du X° siècle qui en sont les auteurs et dont les récits ont été projetés au VII° siècle, pour bien asseoir l’authenticité et la valeur prophétique des messages de Mahomet, ainsi que des pratiques dont l’initiateur n’est autre qu’Abraham « qui n’était ni juif ni chrétien » (3, 67). Ce qui se situe bien dans la logique de l’islam qui se présente comme étant la religion du retour à la foi du monothéisme abrahamique dont la pureté avait été pervertie par les juifs et les chrétiens. Antoine Moussali (À Référence : 2Da17 CM SUIVRE Notes 1 Gn 16, l5 et I Ch 1,28 ; cf. Gn 16,3-4 2 Gn 16.11 3 Gn 17,20 4 Gn 17. 19 et 21 ; cf. Ga 4.22-23 5 Gn21. 10-11 6 Gn 21. 9 7 Ga 4. 29 8 Gn 21, 14 9 Gn21, 15-19, 20 T 10 Gn25,9 11 Gn 16. 10 ; 17,20 ; 21, 13 et 18. 1 12 Gn 25. 13-16 ; cf. f I Ch 1. 29-31 13 Tha’labî, Qiçaç l-anbiyâ, Caire 1339, 57-62, 6466, 70. 14 Zamzam, est le nom du puits situé près de la Ka’ba, à 20 mètres de l’angle de celle-ci où se trouve la pierre noire, près de la station d’Abraham (maqâm Ibrâhîm). Lorsque l’eau s’est mise à sourdre sous les doigts d’lsmâ’îl, elle émit le son zam, zam, d’où le nom de Zamzam. Boire l’eau de Zamzam constitue un rite inclus tant dans le pèlerinage majeur que dans le pèlerinage mineur. Le puits, aujourd’hui, n’est pas ouvert en surface son eau est canalisée vers des galeries souterraines où de multiples robinets permettent à un grand nombre de gens de s’y abreuver en même temps. Cette eau est rapportée par les pèlerins aux quatre coins du monde islamique. 15 Bukhârî, Anbiyâ', bâb 9 ; Tabarî, I, 270,274309.351 ss., 1112-1123. 16 D. Sidersky, Les origines des légendes musulmanes dans le Coran et dans les vies des prophètes, Paris. 1933. 50-53 17 Gn 25 18 Gn 37, 12-36 19 Ex 2, 23ss. ; cf. Dt 1.8 20 A.-L. de Prémare, Les fondations de l’islam, Le Seuil, 2002, pp. 281, 286, 306. : I SRAËL ) ** cf. le glossaire PaTer version 1.1 - mis en ligne : 05/ 2012 Aller au dossier d’origine de ce texte - Aller à l’accueil du Réseau-Regain 4/4