Sur les 6236 versets coraniques, 214 contiennent des lois reli-
gieuses. Comme elles ne pouvaient pas à elles seules constituer une
législation ordonnancée, il a fallu procéder à la codification des prin-
cipes juridiques de l’islam, en fixant des règles d’interprétation, en
élevant le Hadith («récit», «tradition» : recueil des actes et paroles
du Prophète) au rang de seconde source de la Loi religieuse et en
introduisant, en plus du Coran et du Hadith, deux sources complé-
mentaires, l’avis unanime des savants (ijmâ) et le raisonnement par
analogie (qiyâs)6.
Il n’y a pas trace du deuxième commandement du Décalogue
(«Tu ne te feras pas d’image…» : Ex 20,4 et Dt 5,6) parmi les lois
religieuses coraniques (pas plus, d’ailleurs, qu’il n’en est explicite-
ment question dans les évangiles)7. À la différence de la Bible, le
Coran ne porte pas d’interdiction explicite des images de Dieu8– un
indice indirect de ce silence est l’absence d’article «image» dans le
récent Dictionnaire du Coran : il y a en revanche un article «Idoles,
idolâtrie», ce qui n’autorise pas à mettre les deux notions sur le même
plan. Le Livre est muet à ce sujet, et les spécialistes de l’islam se plai-
sent à souligner que si «le Coran ne contient aucun passage qui
prohibe expressément les images», à telle enseigne que l’on pourrait
parler avec pertinence d’aniconisme à son propos9, « l’islam n’en est
pas moins fondamentalement hostile aux images10 ». Et par « image »,
lorsqu’on en parle en rapport avec l’islam, il faut entendre spécifique-
ment «celles représentant des êtres vivants ayant un souffle vital
(rûh), donc les êtres humains et les animaux, les végétaux et les objets
inanimés ne rentrant généralement pas dans cette catégorie11 », ce qui
met à l’abri les arbres et les fleurs, d’une part, et les édifices d’autre
6. M.REEBER, L’Islam, « Les Essentiels Milan», Paris, 2005, p.16 (très claire
double page sur l’élaboration du droit islamique, p.16-17).
7. C’est redit avec toute la clarté souhaitable par S.BASALAMAH, «Le paradoxe
de la représentation du prophète Muhammad entre éducation spirituelle et mono-
théisme radical», dans O.HAZAN, J.-J.LAVOIE, p.19-42 (23).
8. R. PARET, « Textbelege zum islamischen Bildverbot », dans Das Werk des
Künstlers, Mélanges Hubert Schrade, Stuttgart, 1960, p. 36-48 ; «Das islamische
Bildverbot und die Schia», dans E. GRÄF (éd.), Festschrift Werne Caskel zum
70. Geburtstag, Leyde, 1968, p. 224-232; « Die Entstehungszeit des islamischen
Bildverbots», Kunst des Orients, 2, 1977, p. 155-181; «Bildverbot, III. Islam»,
Lexikon des Mittelalters, 1981, t.II, col.152. Je n’ai pas pu consulter Mazhar Sevket
IPSIROGLU, Das Bild im Islam : ein Verbot [?] und seine Folgen, Munich, 1971.
9. P.LORY, «L’aniconisme en Islam», Le discours psychanalytique – Revue de
l’Association Freudienne, n°2 (octobre 1989), «aniconisme », dans J.et D.SOURDEL,
Dictionnaire historique de l’Islam, Paris, PUF, 1996.
10. P.HEINE, «Images», Dictionnaire de l’Islam, Turnhout, 1995.
11. S.NAEF, Y a-t-il une « question de l’image» en islam ?, Genève, 2003, p.13.
141LE PROPHÈTE DE L’ISLAM SERAIT-IL IRREPRÉSENTABLE ?
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