Revue des sciences religieuses
85/4 | 2011
Sœur d’écoles en Alsace
Huns KÜNG, l’Islam
Paris, Cerf, 2010, 956 p.
Piotr Kuberski
Édition électronique
URL : http://rsr.revues.org/1814
ISSN : 2259-0285
Éditeur
Faculté de théologie catholique de
Strasbourg
Édition imprimée
Date de publication : 1 octobre 2011
Pagination : 624-626
ISSN : 0035-2217
Référence électronique
Piotr Kuberski, « Huns KÜNG, l’Islam », Revue des sciences religieuses [En ligne], 85/4 | 2011, mis en ligne
le 01 octobre 2011, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://rsr.revues.org/1814
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Huns NG, l’Islam
Paris, Cerf, 2010, 956 p.
Piotr Kuberski
FÉRENCE
Huns KÜNG, l’Islam, Paris, Cerf, 2010, 956 p.
1 Ce n’est pas un livre sur l’islam à proprement dit ; il se place plutôt dans une perspective
comparée et dans celle du dialogue interreligieux. Il s’agit du troisième volume de la
trilogie de Hans Küng consacrée aux trois monothéismes abrahamiques (judaïsme,
christianisme, islam). L’auteur, qu’il est inutile de présenter, reprend dans ce livre sa
conviction profonde qui anime son travail depuis des années : « pas de paix mondiale sans
paix religieuse ».
2Sur plus de 900 pages, l’auteur se force à présenter les multiples facettes de l’islam. Sa
marche est à la fois synchronique et diachronique. L’islam est vu comme religion,
civilisation, culture et éthique. Cet ensemble est présenà travers les cinq paradigmes :
1/Communauté primitive ; 2/Empire arabe ; 3/Islam classique ; 4/Paradigme des oulémas
et des soufis ; 5/Paradigme de modernisation. L’auteur évoque aussi bien l’origine de la
vélation, la vie de Muhammad que l’essentiel de la pratique musulmane. Avec brio il se
penche sur la longue histoire de la civilisation et de la théologie islamiques. Il aborde
enfin les questions actuelles comme la place de la sharî’a, la confrontation avec la
Modernité et la démocratie dans les pays arabes. Il n’hésite pas à reprendre des questions
difficiles dans tout dialogue avec l’islam : l’exégèse critique des passages coraniques
relatifs au voile, une éventuelle application des méthodes historico-critiques dans les
études coraniques, la terminologie non-arabe dans le Coran, comme les influences extra-
coraniques sur la formation de ce livre.
3 La trame du livre est simple, Küng prend comme point de départ « l’image d’un islam
hostile » d’une « religion contestée », (p. 23) en Occident. En passant par l’« image
idéalisée de l’islam » des orientalistes, le livre se termine sur une « vision d’espérance »
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(p. 906). L’auteur souhaite que l’islam s’ouvre à la démocratie moderne, à la liberté de
croyances et des consciences en s’éloignant d’une vision rigide de la gouvernance
politique et de la perception religieuse théocratique. Il faut que cet islam du futur
abandonne la lecture coranique littéraliste et pourvue de sa dimension historique. Il
s’agit en somme d’« un islam, non pas fondamentaliste, mais en prise sur notre temps »
(p. 910).
4 Ce parcours est jalonné par la présentation d’éléments comparatifs entre les trois
monothéismes. Ainsi, à plusieurs reprises, le théologien allemand relève ce qui est
commun et différent dans les trois traditions abrahamiques. « Ce qui est
fondamentalement commun entre juifs, chrétiens et musulmans, c’est la foi en un Dieu
unique qui donne sens et vie à tout » (p. 149). Il en est de même avec « la foi dans
l’intervention de Dieu dans l’histoire » « qui, me de façon invisible, englobe tout et
conduit tout, en un Dieu à qui on peut parler comme à un vis-à-vis ». C’est « la foi en Dieu
clément et miséricordieux ». Les trois monothéismes partagent la me éthique
fondamentale (p. 151), le fait de penser historiquement la Révélation.
5 Des énoncés et des questions théologiques formulées par le théologien de bingen ne
feront pas l’unanimité et elles seront certainement critiquées. Est-il exact que « d’un
point de vue chrétien, l’islam peut être chemin de salut » (p. 100) ? C’est la lecture de
Lumen Gentium 16 qui mène l’auteur à ce constat. Mahomet peut-il être aussi un prophète
pour les chrétiens ? (p. 196). Est-ce un « pur préjugé dogmatique que les chrétiens
reconnaissent comme Prophètes Amos et Osée, Isaïe et Jérémie, mais non Mahomet ! » (p.
194) ? Certaines idées pourront être considérées comme simplistes par leur manque de
pertinence théologique et historique. La christologie du Coran, constate ng, est une
christologie judéo-chrétienne « teintée du christianisme originel poussé sur le sol arabe »
(p. 710). Elle est opposée à la christologie des conciles hellénistiques », qui est une
« spéculation grecque, qui s’était si audacieusement éloignée du sol biblique » en ce qui
concerne le dogme trinitaire (p. 716). Il prône le retour à la pureté originelle, à la
théologie judéo-chrétienne, proche de la conception coranique. Le changement de cette
vision pourrait faciliter le dialogue avec les musulmans mais aussi avec les juifs. Une telle
modification a du sens car elle « constitue un défi théologique » contrairement aux
« discours répétitifs des théologiens sur la Trinité » avec leurs rebondissements « devenus
parfaitement stériles et ennuyeux » (p. 727). Récemment Bernard Sesboüé a répondu à ce
type de critiques en écrivant « qu’on ne peut dialoguer en vérité que sur la base de ce que
l’on est vraiment » (Christ Seigneur et Fils de Dieu, p. 185).
6 ng critique une certaine « autosuffisance de l’islam » (p. 692), enfermé sur lui-même et
prétendant que « toutes les rités sont déjà contenues dans le Coran ». L’auteur déplore
le développement d’une « doctrine fort claire », mais fondée sur « un verset coranique
peu clair », de la « falsification » de la Bible par les juifs et les chrétiens (p. 691). Il
stigmatise aussi les chrétiens qui, tout en affirmant leur volonté de dialoguer avec l’islam,
« n’ont en fait qu’une piètre connaissance de l’autre ».
7 Un certain nombre d’erreurs ou de coquilles s’est glis dans le livre. La re du
Muhammad ne s’appelait pas « Arnina » (p. 158) mais Amina. On peut se demander s’« il
n’existe pas [dans le Coran] d’état intermédiaire » après la mort (p. 142). Pour les
théologiens musulmans, les notions comme Barzakh ou A’râf renvoient à cet entre-deux en
attendant le Jugement dernier. Il n’est pas exact que « quarante ans séparent la mort de
Jésus de Nazareth des premières lettres de l’apôtre Paul » (p. 117). La première croisade
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n’a pas eu lieu en 1142 (p. 31) mais en 1099. L’épouse préférée du Prophète, la fille d’Abû
Bakr, n’était pas Wiga (p. 184) mais ‘A’isha.
8 L’ouvrage de Hans Küng a le grand rite de poursuivre le débat entre l’islam et le
christianisme. À la suite des célèbres islamologues catholiques français comme Denise
Masson ou Jacques Jomier, le théologien allemand tente, dans un esprit de dialogue, de
redessiner l’héritage commun et de souligner les divergences entre les traditions
abrahamiques, effort plus que nécessaire aujourd’hui.
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