(p. 906). L’auteur souhaite que l’islam s’ouvre à la démocratie moderne, à la liberté de
croyances et des consciences en s’éloignant d’une vision rigide de la gouvernance
politique et de la perception religieuse théocratique. Il faut que cet islam du futur
abandonne la lecture coranique littéraliste et dépourvue de sa dimension historique. Il
s’agit en somme d’« un islam, non pas fondamentaliste, mais en prise sur notre temps »
(p. 910).
4 Ce parcours est jalonné par la présentation d’éléments comparatifs entre les trois
monothéismes. Ainsi, à plusieurs reprises, le théologien allemand relève ce qui est
commun et différent dans les trois traditions abrahamiques. « Ce qui est
fondamentalement commun entre juifs, chrétiens et musulmans, c’est la foi en un Dieu
unique qui donne sens et vie à tout » (p. 149). Il en est de même avec « la foi dans
l’intervention de Dieu dans l’histoire » « qui, même de façon invisible, englobe tout et
conduit tout, en un Dieu à qui on peut parler comme à un vis-à-vis ». C’est « la foi en Dieu
clément et miséricordieux ». Les trois monothéismes partagent la même éthique
fondamentale (p. 151), le fait de penser historiquement la Révélation.
5 Des énoncés et des questions théologiques formulées par le théologien de Tübingen ne
feront pas l’unanimité et elles seront certainement critiquées. Est-il exact que « d’un
point de vue chrétien, l’islam peut être chemin de salut » (p. 100) ? C’est la lecture de
Lumen Gentium 16 qui mène l’auteur à ce constat. Mahomet peut-il être aussi un prophète
pour les chrétiens ? (p. 196). Est-ce un « pur préjugé dogmatique que les chrétiens
reconnaissent comme Prophètes Amos et Osée, Isaïe et Jérémie, mais non Mahomet ! » (p.
194) ? Certaines idées pourront être considérées comme simplistes par leur manque de
pertinence théologique et historique. La christologie du Coran, constate Küng, est une
christologie judéo-chrétienne « teintée du christianisme originel poussé sur le sol arabe »
(p. 710). Elle est opposée à la christologie des conciles hellénistiques », qui est une
« spéculation grecque, qui s’était si audacieusement éloignée du sol biblique » en ce qui
concerne le dogme trinitaire (p. 716). Il prône le retour à la pureté originelle, à la
théologie judéo-chrétienne, proche de la conception coranique. Le changement de cette
vision pourrait faciliter le dialogue avec les musulmans mais aussi avec les juifs. Une telle
modification a du sens car elle « constitue un défi théologique » contrairement aux
« discours répétitifs des théologiens sur la Trinité » avec leurs rebondissements « devenus
parfaitement stériles et ennuyeux » (p. 727). Récemment Bernard Sesboüé a répondu à ce
type de critiques en écrivant « qu’on ne peut dialoguer en vérité que sur la base de ce que
l’on est vraiment » (Christ Seigneur et Fils de Dieu, p. 185).
6 Küng critique une certaine « autosuffisance de l’islam » (p. 692), enfermé sur lui-même et
prétendant que « toutes les vérités sont déjà contenues dans le Coran ». L’auteur déplore
le développement d’une « doctrine fort claire », mais fondée sur « un verset coranique
peu clair », de la « falsification » de la Bible par les juifs et les chrétiens (p. 691). Il
stigmatise aussi les chrétiens qui, tout en affirmant leur volonté de dialoguer avec l’islam,
« n’ont en fait qu’une piètre connaissance de l’autre ».
7 Un certain nombre d’erreurs ou de coquilles s’est glissé dans le livre. La mère du
Muhammad ne s’appelait pas « Arnina » (p. 158) mais Amina. On peut se demander s’« il
n’existe pas [dans le Coran] d’état intermédiaire » après la mort (p. 142). Pour les
théologiens musulmans, les notions comme Barzakh ou A’râf renvoient à cet entre-deux en
attendant le Jugement dernier. Il n’est pas exact que « quarante ans séparent la mort de
Jésus de Nazareth des premières lettres de l’apôtre Paul » (p. 117). La première croisade
Huns Küng, l’Islam
Revue des sciences religieuses, 85/4 | 2013
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