François Grin, 2011 – Le multilinguisme dans les organisations internationales
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1. Le sens d’un regard économique
Il est bien naturel qu’à l’heure où, pour diverses raisons, les budgets des collectivités
publiques sont sous pression, les autorités de divers niveaux – local, régional, national
ou international – se demandent comment réduire leurs coûts de fonctionnement.
De fait, le poids du secteur public dans l’économie (mesuré en pourcentage du Produit
National Brut, ou PIB) a considérablement augmenté au cours du dernier demi-siècle,
sauf dans les pays où il était déjà fort élevé ; ainsi, par exemple, de 1960 à 2009, la part
de l’État est passée de 36% à 52% en Autriche, de 34% à 50% aux Pays-Bas, de 17% à
37% en Suisse et de 27% à 42% aux États-Unis.2 Il s’agit là de chiffres concernant des
pays membres de l’OCDE. Les données statistiques sont moins abondantes dans les
pays en voie de développement, et dans ces derniers, la part de l’État dans le PIB
présente souvent sur le court terme des fluctuations considérables ; cependant, une
même tendance à la hausse domine dans les régions « Afrique » et « Amérique latine »,
avec par exemple, entre 1980 et 2002, une croissance de 11% à 26% au Ghana, de 19%
à 28% au Mali, de 18% à 31% en Argentine, ou de 16% à 21% au Mexique. Même dans
des pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, où la tendance à la hausse n’est pas
systématique (notamment du fait des forts taux de croissance du PIB que ces pays
connaissent, qui font que la part de l’État peut, sur certaines années, diminuer), le
montant absolu des dépenses publiques augmente.3
La rationalisation de l’action de l’État, souvent abordée à l’aide de la philosophie du
new public management (ou « nouvelle gestion publique ») à partir des années 1980,
amène donc à reconsidérer (i) les ressources engagées par les collectivités publiques ;
(ii) les objectifs de leur action ; (iii) les processus qui relient les ressources aux objectifs.
Si l’exercice est bien fait, on ne peut que l’applaudir : en effet, il est difficile de ne pas
souscrire à l’idée qu’il faut tendre à faire « le mieux possible avec ce que l’on a » ou, ce
qui en fin de compte revient au même, à « atteindre tel ou tel objectif au moindre coût
possible ». Mais derrière cette apparente évidence se cachent de nombreuses
difficultés. Et elles renvoient toutes aux mêmes écueils : si l’on sait à peu près quelles
sont les ressources, en nature et en quantité, qu’on engage dans un processus, est-on
réellement au clair sur les objectifs que l’on poursuit ? Et comprend-on bien tous les
tenants et aboutissants des processus qui relient cet engagement de ressources, ou
« d’inputs », et ses conséquences ? Face à ces questions, les occasions de se fourvoyer
ne manquent pas.
Quand il s’agit d’un dossier étroitement technique, ces occasions sont en général moins
nombreuses ; mais quand il s’agit de questions complexes, dont les ramifications
2 The Economist, “Special Report on the Future of the State”, 19 mars 2011, p. 4.
3 Fan, S. et Saurkar, A., n.d.: Public spending in developing countries: trends, determination, and impact.
Washington: Banque Mondiale.
http://siteresources.worldbank.org/EXTRESPUBEXPANAAGR/Resources/ifpri2.pdf.