16e Congrès de la Society for Healthcare Epidemiology of

J
usqu’à maintenant, à chaque congrès de la SHEA cor-
respondait un sujet nouveau : épidémies de Clostridium
difficile hypervirulent et public reporting en 2005,
contrôle du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline
(SARM) hospitalier en 2004, SARM communautaire en 2003,
hygiène des mains et solutions hydro-alcooliques (SHA) en
2002. Pas de nouveauté ou de sujet “chaud” en 2006, mais la
moisson habituelle de travaux originaux et de précisions dans
cette réunion toujours aussi animée. Le message fort et constant
d’une année sur l’autre est que l’amélioration de l’observance
des recommandations a un impact prouvé sur la diminution des
infections associées aux soins (IAS).
SARM COMMUNAUTAIRE : LAVENIR EST SOMBRE
L’épidémie de SARM communautaire (SARM Co) prend une
ampleur impressionnante. Ainsi, environ 70 % des staphylo-
coques dorés responsables d’infections vues aux urgences de
pédiatrie du Sud-Ouest des États-Unis sont résistants à la méti-
cilline, avec la souche de SARM Co, USA 300 ou USA 400
(Kaplan SL et al. Clin Infect Dis 2005;40:1785-91). D’autre
pays européens sont touchés, mais rappelons que, en France,
les SARM Co ne représentent encore que moins de 1 % des
SARM isolés à l’hôpital. Une mise au point récente (Grund-
mann H et al. Lancet, 2006;368:874-85) sur le SARM dresse
un tableau inquiétant. En termes de santé publique, des mesures
de prévention doivent être mises en place.
Une étude nationale menée aux États-Unis en 2001 et 2002 a
précisé la prévalence du portage de Staphylococcus aureus sen-
sible à la méticilline (SASM) et de SARM et les facteurs asso-
ciés au portage dans la communauté chez plus de 10 000 per-
sonnes (Graham PL, New York, États-Unis, abstract 6). La
prévalence du portage de SASM était de 32 %, et les facteurs
associés étaient un âge inférieur à 65 ans, le sexe masculin, un
faible niveau d’éducation et la présence d’un asthme. En
revanche, la race noire et l’origine hispanique apparaissaient
comme des facteurs de protection. Pour chacune de ces
variables, la force de l’association était faible, ne permettant
pas d’identifier une population plus à risque. La prévalence du
portage de SARM n’était que de 0,8 % (mais ces taux ont pu
évoluer depuis 2002), avec une répartition semblant pour moi-
tié d’origine hospitalière, pour l’autre moitié d’origine com-
munautaire, sur la base des SCCmec. Les facteurs associés au
portage de SARM étaient opposés au portage de SASM : âge
de plus de 65 ans, sexe féminin, présence d’un diabète et hos-
pitalisation dans un secteur de SSR-SLD dans les 12 mois pré-
cédents. Ce travail a été publié entre-temps (Graham PL et al.
Ann Intern Med 2006;144:318-25).
Sans surprise, des épidémies hospitalières de SARM Co sont
maintenant rapportées dans les secteurs de maternité ou de
pédiatrie, puisque les populations jeunes sont les plus touchées.
Dans une réanimation néonatale d’Atlanta (Seybold U, abs-
tract 2) où le SARM est présent (10 à 20 cas par an), 60 % de
ces souches étaient des SARM Co en 2004 et 2005. Les auteurs
indiquent que la transmission verticale de la mère à l’enfant
pourrait être un facteur de risque complémentaire d’une trans-
mission croisée en réanimation.
La forte prévalence du SARM dans les infections cutanées vues
aux urgences amène bien sûr à proposer des précautions parti-
culières. Sept cent un patients sont passés aux urgences en un
an pour une infection cutanée (Talbot TR, Nashville, États-
Unis, abstract 50). Chez les adultes, un SARM a été isolé dans
53 % des infections et 68 % des infections faisant l’objet d’une
culture. Chez l’enfant, ces proportions étaient de 66 % et 78 %.
Compte tenu d’un délai de rendu des résultats de plus de deux
jours, les auteurs recommandent un isolement de contact, de
façon probabiliste, pour tous les patients hospitalisés par les
urgences pour une infection cutanée.
La présence de la leucocidine de Panton et Valentine (LPV)
dans les souches de SARM Co est responsable d’une plus
grande virulence, et notamment d’infections cutanées sévères.
L. Herwaldt (Iowa City, États-Unis, abstract 321) a rapporté
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179
RÉUNIONS
16eCongrès de la Society for Healthcare
Epidemiology of America (SHEA)* [1
re
partie]
* Chicago, États-Unis, 18-21 mars 2006.
© digital stock
quatre cas groupés de “miliaire” cutanée dans une réanimation
de brûlés. Les souches étaient des SARM Co (USA 300, LPV
positive et SCCmec IV) mais sans certitude de transmission
croisée entre les patients. La difficulté du contrôle de cette épi-
démie tient bien sûr à l’importation possible de ces cas (ici à
au moins deux reprises chez des patients réadmis).
HYGIÈNE DES MAINS
Comme chaque année, l’hygiène des mains a été largement
abordée, avec une vingtaine de présentations. Il est maintenant
bien établi que les SHA avec des concentrations en alcool de
plus de 70 ou 75 % doivent être utilisées pour une efficacité
rapide (respect de la norme européenne en moins de
30 secondes). Ce fait est également confirmé pour la désin-
fection chirurgicale des mains, où l’utilisation d’éthanol à 80 %
était aussi efficace que le produit de référence (propanol 60 %)
et plus efficace que l’éthanol à 60 % (Kampf G, Hambourg,
Allemagne, abstract 74). La même équipe (abstract 75) a
confirmé l’excellente efficacité des SHA contenant plus de
75 % d’alcool sur l’ensemble des virus enveloppés. Plus nova-
trice : la notion selon laquelle les SHA utilisées pour la fric-
tion chirurgicale des mains ont un effet rémanent, persistant
jusqu’à 3 heures (réduction de 2 log
10
) et même 6 heures
(réduction supérieure à 1 log
10
) sous les gants (Rotter M,
Vienne, Autriche, abstract 76).
Un réseau de dix-neuf services de réanimation s’intéressant à
l’observance de l’hygiène des mains a établi des taux d’obser-
vance de base (14 600 occasions d’hygiène des mains !) avant
intervention, selon une méthodologie identique (Huskins WC,
Rochester, États-Unis, abstract 72). Elle était, avant et après
contact, de respectivement 33 % et 47 %. Comme dans les
études antérieures (Pittet D et al. Ann Intern Med 1999;130:
126-30), l’observance avant le soin était moins bonne pour un
geste à haut risque infectieux (28 %) que dans des gestes à plus
faible risque, comme le contact potentiel avec du sang ou des
liquides biologiques (44 %). En conclusion, le respect de l’en-
semble des mesures d’hygiène des mains, avant et après le
geste, et du port de gants était de 25 %.
Il est possible d’obtenir une observance de l’hygiène des mains
supérieure à 90 % ! (Shadowen RD, Bowling Green, États-
Unis, abstract 15). Pour améliorer une observance insuffisante,
les audits d’hygiène des mains ont été couplés avec une inci-
tation graduée, comportant d’abord des recommandations ver-
bales, puis la participation obligatoire à des modules de for-
mation informatiques si l’observance ne s’améliorait pas, des
avertissements oraux puis écrits, enfin des actions discipli-
naires, ou le renvoi en dernière extrémité. Les médecins dont
l’observance était insuffisante étaient signalés aux chefs de
département, entraînant l’obligation de suivre un programme
de formation, avec au maximum l’absence d’accréditation.
Avant intervention, l’observance variait entre 2 et 20 % selon
les unités, malgré des actions de formation et la surveillance
des consommations comme un indicateur d’observance. Durant
les deux années suivantes, l’observance a dépassé 90 %. Cette
approche punitive est très surprenante et s’oppose à la dyna-
mique actuelle d’utilisation de stratégies motivationnelles et
comportementales. Elle pourrait même être contre-productive,
avec la disparition de l’hygiène des mains dès que l’auditeur
n’est plus présent. Les auteurs n’indiquent pas si les volumes
de savon et de SHA ont augmenté, considérant que ce n’était
pas une mesure précise de l’observance de l’hygiène des mains.
Plusieurs études récentes ont montré que les méthodes d’in-
tervention multimodales permettaient d’améliorer l’observance
de l’hygiène des mains de 75 à 80 %.
Nos autorités sanitaires ont choisi le volume de SHA com-
mandées pour 1 000 jours d’hospitalisation comme un indica-
teur approchant l’observance de l’hygiène des mains, avec l’ob-
jectif que tous les établissements de santé dépassent la
consommation de 20 ml/j et par patient (soit environ 7 frictions
des mains). Cependant, il existe encore peu de travaux dans
lesquels les volumes consommés sont corrélés à l’observance
de l’hygiène des mains (Eckmans T et al. J Hosp Infect
2006;63:406-11). Les consommations de SHA ont été confron-
tées à l’observance de l’hygiène des mains (Sohn-Tuma S,
New York, États-Unis, abstract 17). L’audit a objectivé une
observance de 24 %, alors que les volumes consommés éta-
blissaient une observance de 74 % sur la base d’un coup de
pompe par hygiène des mains et de 37 % sur la base de deux
coups de pompe. Ces données montrent assez clairement qu’il
ne faut pas utiliser les données brutes pour en déduire une obser-
vance d’hygiène des mains, mais plutôt se fonder sur l’évolu-
tion des consommations d’une période à l’autre. Il est clair
aussi que les variations d’activité de soins d’un hôpital à l’autre
rendent les comparaisons interhospitalières incertaines, y com-
pris dans les mêmes groupes d’établissements de santé. Si notre
approche réglementaire de l’utilisation des consommations de
SHA paraît originale et intéressante pour les pays étrangers,
nous avons encore besoin de données comparatives pour asseoir
cet indicateur.
Peut-on remplacer l’hygiène des mains par le port de gants uni-
versel ? (Bearman G, Richmond, États-Unis, abstract 13).
Durant deux périodes successives de trois mois dans un ser-
vice de réanimation médicale, les précautions de contact ont
été utilisées durant la première période et le port de gants uni-
versel durant la seconde, en abandonnant les précautions de
contact pour les patients porteurs de bactéries multirésistantes
(BMR). Les deux groupes de patients étaient comparables ;
l’observance d’hygiène des mains a diminué de 58 à 52 % entre
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RÉUNIONS
la première et la seconde période (p = 0,01), alors que l’ob-
servance avec les précautions de contact était de 76 % durant
la première période et celle du port de gants universel de 87 %
durant la seconde (p < 0,001). Il n’y avait pas de différence
pour l’acquisition d’entérocoques résistants à la vancomycine
(ERV, 20 et 14 %), ni pour l’acquisition de SARM (5,7 et 5 %).
En revanche, le taux d’IAS a augmenté durant la seconde
période pour les septicémies (6,2 à 14,1 pour 1 000 jours/cathé-
ter), les infections urinaires (4,3 à 7,4) et les pneumopathies
(0 à 2,3). Ces données plaident donc en faveur de l’hygiène
des mains et de précautions ciblées sur les porteurs de BMR,
plutôt que du port de gants.
Deux méthodes d’hygiène des mains ont été comparées dans
deux services de réanimation néonatale, avec tirage au sort de
la méthode durant 22 mois : lavage des mains avec un savon
à la chlorhexidine ou SHA (Larson E, New York, États-Unis,
abstract 14). Après ajustement sur la durée de surveillance, le
poids à la naissance et le service, il n’y avait pas de différence
de taux d’IAS entre les deux périodes. En revanche, l’état des
mains des infirmières était significativement amélioré durant
l’utilisation des SHA, mais l’hygiène des mains rapportée par
les soignants restait très faible, inférieure à trois fois par heure.
Cette étude montre a contrario que l’important est moins le
choix du produit que l’augmentation d’observance obtenue
avec les SHA : il n’est pas surprenant qu’aucune réduction des
taux d’IAS n’ait été obtenue avec une observance aussi faible.
SARM HOSPITALIER
Le portage de SARM par le personnel de soins est encore mal
connu. Dans des services en situation d’épidémie prolongée,
environ 5 % du personnel de soin est trouvé porteur de SARM
un jour donné. Cette prévalence peut être plus élevée, allant
jusqu’à 20 ou 30 %, chez les soignants prenant en charge des
patients très colonisés, par exemple dans les unités de brûlés.
La prévalence chez le personnel semble associée à celle consta-
tée chez les malades, comme l’a récemment suggéré une publi-
cation française (Eveillard M et al. Infect Control Hosp Epi-
demiol 2004;25:114-20). Enfin, ce portage semble transitoire
à partir d’une seule étude déjà ancienne (Cookson B et al.
J Clin Microbiol 1989;27:1471-6). L’équipe du Johns Hopkins
Hospital (Johnston CP, Baltimore, États-Unis, abstract 54) a
surveillé les acquisitions de SARM tous les mois durant 6 mois
chez 200 soignants travaillant dans des services dont les
patients étaient prélevés pour le SARM à l’admission, puis une
fois par semaine. La prévalence à l’admission était impres-
sionnante : 33 % dans l’unité prenant en charge les patients
VIH positifs et entre 21 et 28 % en réanimation médicale. Mal-
gré ce taux très élevé, la prévalence chez les soignants était de
2 %, et seules 5 acquisitions ont été observées. Les auteurs ont
conclu à un faible risque d’acquisition de SARM, qu’il soit
communautaire ou hospitalier chez les soignants dans des hôpi-
taux en situation endémique, à la condition de respecter les pré-
cautions standard. Voici une étude supplémentaire qui montre
que le portage de SARM par le personnel et son impact sur
l’épidémie hospitalière doivent faire l’objet d’évaluations com-
plémentaires, mais elle est sans doute d’un faible poids épidé-
miologique.
Plusieurs techniques de dépistage rapide du SARM sont main-
tenant utilisées, qu’elles soient non commercialisées (Fran-
çois P et al. J Clin Microbiol 2003;41;254-60) ou déjà dispo-
nibles sur le marché (Huletsky A et al. Clin Infect Dis 2005;40:
976-81). Cependant, une seule a, à ce jour, testé ces méthodes
rapides par PCR en situation clinique, avec des résultats incer-
tains : pas d’efficacité dans le service de réanimation chirurgi-
cale et possible efficacité associée à l’isolement préventif dans
le service de réanimation médicale de l’hôpital de Genève
(Harbarth S et al. Crit Care Med 2006;10:R25). La méthode
commercialisée IDI a été évaluée à l’hôpital d’Ottawa
(Conterno LO, Ottawa, Canada, abstract 56) pendant deux
périodes de six mois durant lesquelles 8 à 10 000 dépistages
ont été réalisés. Avec la méthode PCR, les coûts ont augmenté
de 43 %, en même temps que le nombre de nouveaux cas de
SARM dépistés à l’admission passait de 5 à 6,3 pour
1 000 admissions. L’incidence des cas de SARM est restée
stable durant les deux périodes, mais le nombre de journées en
précautions de contact a quasiment doublé. Les auteurs ont
conclu que l’augmentation des coûts durant la période avec
PCR pourrait être bénéfique du point de vue financier si cette
méthode permettait de se passer de celle par culture classique,
et si l’observance du dépistage à l’admission passait au-dessus
des 61 % observés. Une étude qui s’ajoute à d’autres dans le
domaine de l’hygiène hospitalière et qui montre que la tech-
nologie n’est éventuellement utile que comme mesure d’ap-
point du respect des mesures d’hygiène.
À l’hôpital de Hanovre (Chaberny IF, Hanovre, Allemagne,
abstract 55), le doublement du nombre de cas de SARM en
deux ans a conduit à la mise en place d’un dépistage à l’ad-
mission dans les unités de réanimation. La comparaison des
six premiers mois de 2004 et de 2005 montrait que la propor-
tion de cas importés parmi l’ensemble de SARM passait de 59
à 78 %, et qu’une réduction de 50 % des cas d’infections
acquises était obtenue (0,19 à 0,09 cas pour 100 patients) dans
l’ensemble de l’hôpital.
L’hôpital de Pittsburgh (Muto CA, Pittsburgh, États-Unis,
abstract 67) a mis en place un programme de contrôle du
SARM en réanimation médicale en 2002, puis des infections
liées au cathéter dans l’ensemble des réanimations 18 mois
plus tard. Pour juger de l’impact éventuel du programme
cathéter sur les taux de SARM, les auteurs ont comparé la
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.../...
réduction de ces taux en réanimation médicale à celle des
sept autres services de réanimation. Les taux de septicémies
sur cathéter ont diminué de la même façon en réanimation
médicale et dans les autres réanimations (84 %, avec des taux
finaux de l’ordre d’une bactériémie pour 1 000 jours de
CVC), alors que les taux de SARM ont été réduits de 90 %
en réanimation médicale et de 46 % dans les autres services
de réanimation. Il n’est pas surprenant que les taux n’évo-
luent pas parallèlement, dans la mesure où la prévention de
l’infection de cathéter se joue à l’échelle d’un patient, alors
que celle du SARM se joue à l’échelle d’un service (mesures
collectives).
Deux présentations de la même équipe ont évalué le risque d’in-
fection à SARM chez un patient nouvellement découvert por-
teur dans un réseau coordonné de soins à Boston (Huang SS,
Boston, États-Unis, abstracts 157 et 158). Cinq cent quatre-
vingt-onze patients ont été trouvés porteurs de SARM en
13 ans, et 196 (33 %) ont développé au moins une infection à
SARM : 26 % étaient des bactériémies, et 17 % ont conduit à
un décès attribuable au SARM. Ces infections pouvaient sur-
venir tardivement après la sortie, par exemple plus de six mois
plus tard pour 24 % des infections. L’analyse moléculaire
confirmait que plus de 70 % des épisodes consécutifs étaient
dus à une souche identique de SARM, suggérant que la déco-
lonisation pourrait prévenir un nombre important des infec-
tions tardives.
Nous savions que l’environnement immédiat d’un patient diar-
rhéique porteur d’une bactérie hospitalière était fréquemment
contaminé, qu’il s’agisse d’Enterococcus résistant à la vanco-
mycine (ERV) ou de C. difficile. Le même type de travail a été
conduit autour de patients présentant une diarrhée, dont les
selles contenaient une grande quantité de SARM (cas) ou dans
lesquelles le SARM était absent (témoins). Le taux de conta-
mination de l’environnement était de 59 % pour les cas et de
12 % pour les témoins, avec un inoculum plus important (pré-
sence avant enrichissement) pour les cas que pour les témoins.
Les auteurs ont conclu que la contamination de l’environne-
ment autour de patients diarrhéiques porteurs de SARM pour-
rait servir de réservoir pour une transmission (Otter JA, Saint
Raphael, États-Unis, abstract 159).
Le cinquième cas de SARM résistant à la vancomycine (VRSA)
a été rapporté par D. Sievert (Lansing, États-Unis, abs-
tract 162). L’histoire a débuté par une infection du site opéra-
toire deux semaines après une chirurgie de l’obésité pratiquée
chez une patiente aux lourds antécédents. Une surinfection à
SARM a conduit à un traitement de quatre semaines par van-
comycine, à la suite duquel un VRSA a été identifié. La
recherche de la souche chez 26 patients contacts est restée néga-
tive. Ce nouveau cas ressemble trait pour trait aux quatre cas
précédents : survenue chez des patients à haut risque infectieux,
exposition préalable à la vancomycine et absence de dissémi-
nation dans l’entourage malgré une recherche active. Dans ce
cas, une double colonisation par SARM et ERV a pu faciliter
les transferts de gènes de la résistance de l’un à l’autre.
Le pronostic des infections à SARM en comparaison de celles
à SASM fait toujours l’objet de nombreuses publications. Un
travail rétrospectif sur 7 ans a mesuré le taux d’échec après
infection sur prothèse de hanche ou de genou : 45 à SASM et
12 à SARM (Salgado CD, Charleston, États-Unis, abs-
tract 144). Alors que les caractéristiques des patients et des
infections ne semblaient pas différentes entre les deux groupes,
les patients avec prothèse infectée à SARM sont restés plus
longtemps hospitalisés (22 versus 10,5 jours). Le taux d’échec
global a été de 38 %. L’analyse par modèle de Cox identifiait
trois facteurs indépendants de cause d’échec : l’infection à
SARM (hazard-ratio [HR] = 9,2) une localisation au genou
(HR = 5,8) et un facteur protecteur, l’ablation de la prothèse
infectée (HR = 0,24). Comme souvent dans ce type d’étude,
on doute que les infections à SARM surviennent chez les
mêmes patients que celles à SASM, raison principale des dis-
cordances entre les études.
AUTRES BACTÉRIES MULTIRÉSISTANTES
L’approche méthodologique la plus classique pour établir la
relation entre antibiothérapie et résistance est l’étude cas-
témoin : l’équipe autour de A.D. Harris avait bien montré l’im-
portance du choix des populations témoins (Harris AD et al.
Clin Infect Dis 2001;32:1055-61; 2002;34:340-5). L’équipe
de E. Lautenbach (Hyle EP, Philadelphie, États-Unis, abs-
tract 89) s’est intéressée au seuil minimal de durée d’antibio-
thérapie pour qu’elle soit prise en compte. L’odds-ratio de l’as-
sociation de l’administration de fluroquinolone (FQ) avec
Pseudomonas aeruginosa résistant aux FQ augmente en même
temps que le seuil de durée minimale de FQ : 3,4, 4,7, 4,8 et
5,7 pour des seuils croissants de durée, d’une dose à plus de
3 jours. La même différence est trouvée pour les entérobacté-
ries BLSE, où le poids des céphalosporines est plus important
si la durée de l’antibiothérapie est prise en compte comme
variable continue plutôt que catégorielle (Lautenbach E, Phi-
ladelphie, États-Unis, abstract 301).
Avec l’apparition d’épidémies d’ERV en France depuis deux
ans, il faut maintenant s’intéresser aux spécificités de cette
BMR. Cinq présentations étaient à retenir cette année. Deux
travaux nous viennent d’Allemagne. Le premier (Wendt C,
Heidelberg, Allemagne, abstract 299) a comparé la dissémi-
nation du SARM et de l’ERV autour de patients porteurs grâce
à un dépistage des patients “contact” en s’assurant de l’iden-
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tité moléculaire des souches entre les cas index et les cas secon-
daires. Le taux de transmission était de respectivement 8 et 32
pour 100 patients contacts pour le SARM et l’ERV. Les auteurs
ont conclu à la possibilité d’une contamination environne-
mentale plus importante et d’une viabilité dans l’environne-
ment supérieure de l’ERV pour expliquer ces différences. Une
épidémie d’ERV touchant 34 patients a été contrôlée de façon
radicale au CHU de Mayence (Kohnen W, Allemagne, abs-
tract 307). Les mesures étaient l’amélioration des précautions
d’hygiène, le dépistage de tous les patients du département une
fois par semaine, le placement en chambre individuelle, le
regroupement des patients porteurs dans une unité réservée, la
réduction des admissions et la réduction de l’utilisation des
glycopeptides et des céphalosporines. Dix-huit cas ont été iden-
tifiés après le cas index dans les quatre premières semaines, et
13 durant les quatre mois suivants. Aucun cas identique en bio-
logie moléculaire n’a été identifié par la suite. Ces données
suggèrent qu’une politique très active, associant dépistage, limi-
tation des admissions, regroupement des patients porteurs et
encadrement des antibiotiques permet le contrôle des épidé-
mies à ERV à leur tout début. Cette expérience est à rappro-
cher de celle, impressionnante, rapportée par les Australiens
(Christiansen KJ et al. Infect Control Hosp Epidemiol 2004;
25:384-90). Nous sommes actuellement confrontés en France
à la même situation émergente, et l’expérience acquise dans
ces épidémies montre que le succès dépend de la rapidité de
mise en place de mesures agressives.
Le traitement des infections à ERV repose essentiellement sur
le linézolide, mais des résistances sont de plus en plus souvent
décrites. Une étude a rapporté 15 cas de patients avec prélè-
vements à entérocoques résistants au linézolide (ERL), dont
7ERV (Kainer MA, Nashville, États-Unis, abstract 265). Ces
patients étaient hospitalisés depuis en moyenne 35 jours (ver-
sus 11 jours pour les patients avec entérocoques sensibles au
linézolide [ESL]). Ils avaient séjourné plus souvent en réani-
mation, étaient plus souvent porteurs de SARM et avaient plus
souvent reçu du linézolide (53 % versus 15 % durant l’année
précédant l’infection à ERL). Les consommations de linézo-
lide étaient tellement élevées dans cet hôpital (531 doses défi-
nies journalières [DDJ] pour 1 000 jours/patient) que l’on a du
mal à croire ces chiffres. L’émergence de la résistance des enté-
rocoques et de Staphylococcus aureus au linézolide a été rap-
portée dès l’introduction de cette molécule, et doit clairement
faire garder cette dernière en “réserve”.
Un impact de la décontamination de l’environnement pour le
contrôle de l’épidémie à ERV a fait l’objet d’un travail dans un
service de réanimation médicale (Hayden MK, Chicago, États-
Unis, abstract 308). Il s’agit d’une étude avec contrôle histo-
rique exercé pour beaucoup de facteurs : score de gravité à l’ad-
mission, durée de séjour, utilisation d’antibiotiques, ratio
patient-infirmière, observance de l’hygiène des mains. Les
patients étaient prélevés à l’admission puis une fois par jour
durant neuf mois, et l’environnement et les mains des soignants
étaient relevés deux fois par semaine. Le taux d’acquisition
d’ERV, très élevé durant la première période (33 pour
1 000 journées à risque), a diminué de plus de 50 % durant la
période d’intervention sur l’entretien de l’environnement, taux
bas qui s’est maintenu par la suite. L’observance de l’hygiène
des mains, initialement de 40 %, est montée jusqu’à 57 % pour
revenir aux alentours de 40 % dans les deux périodes suivantes.
La seule variable associée à une acquisition élevée d’ERV était
l’admission durant la période initiale. Ce travail a été publié
entre-temps (Hayden MK et al. Clin Infect Dis 2006;42:1552-
60). Cette publication est à rapprocher d’une autre de la même
équipe (Vernon MO et al. Arch Intern Med 2006;166:306-12),
où la mise en place d’une toilette avec un savon antiseptique à
la chlorhexidine pour l’ensemble des patients avait permis de
réduire les comptes d’ERV sur la peau des patients, la conta-
mination des mains des soignants et celle de l’environnement.
L’incidence des acquisitions d’ERV était passée de 26 à 9 pour
1 000 journées. Ces deux études sont intéressantes parce
qu’elles évaluent des mesures pour l’ensemble des patients,
qu’ils soient ou non porteurs d’ERV. Les deux travaux se sont
succédé, avec des situations de départ et des résultats super-
posables, d’environ 30 à 10 acquisitions pour 1 000 journées.
Nous devrions prochainement savoir si les deux mesures com-
binées permettent d’interrompre les acquisitions d’ERV en
réanimation.
J.C. Lucet, J.P. Sollet
La suite de cet article paraîtra dans le numéro suivant.
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