TIL and breast cancers in practice: have them or not, know it or not? PT Commentaire sur l’article de Luis Teixeira et al. intitulé Les lymphocytes infiltrant les tumeurs dans le cancer du sein. RÉSUMÉ La meilleure compréhension des mécanismes entraînant une réponse immune anti-tumorale fait émerger un intérêt particulier pour la détection et la caractérisation de cette réponse au sein de la tumeur avant tout traitement. L’existence de lymphocytes infiltrant la tumeur (TIL) est un des paramètres pronostiques et peut-être prédictifs. Toutefois, même si ce paramètre semble important, il n’impacte pas à ce jour les stratégies de prise en charge des cancers du sein, en dehors de certains essais thérapeutiques. Joseph Gligorov AP-HP Hôpital Tenon Inserm U938 IUC-UPMC Sorbonne Université 4, rue de la Chine 75020 Paris France <[email protected]> Mots clés : cancer du sein ; immunogénicité ; lymphocytes ; PD1 ; PDL-1 ; CTLA4 ; TIL. l ABSTRACT Remerciements et autres mentions : Financement : aucun. Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec l’article. A better understanding of the mechanisms which lead to an anti-tumour immune response highlights the particular value of detecting and characterising this response within the tumour prior to treatment. The presence of tumour-infiltrating lymphocytes (TILs) is one of the prognostic parameters and may be predictive. However, although this parameter appears to be important, it has not yet had an impact on management strategies for breast cancers, with the exception of some clinical trials. l Key words: breast cancer; immunogenicity; lymphocytes; PD1; PDL-1; CTLA4; TIL. Les TIL en routine : le savoir ou non ? Tirés à part : J. Gligorov L’article de Texeira et al. [1] permet de revenir sur trois notions fondamentales concernant nos critères de stratégie thérapeutique dans le cancer du sein. Le premier de ces critères est l’hétérogénéité des cancers du sein et l’existence de différents types qui en résulte. En effet, les cancers du sein, comme de nombreuses tumeurs solides, sont des tissus complexes comportant plusieurs types cellulaires différents. Cherchant à caractériser ces sous-types en tenant compte de l’expression de divers gènes, la classification moléculaire initiale a été « présentée » de manière à se rapprocher de nos critères anatomopathologiques classiques [2]. Toutefois, la publication princeps sur les profils d’expression génique [3] mettait déjà en évidence que, parmi les huit familles de gènes permettant de distinguer les soustypes moléculaires de cancers du sein, trois concernaient des gènes associés respectivement aux lymphocytes B, aux lymphocytes T et aux macrophages ; donc potentiellement impliqués dans la réponse immune. La plupart des différences évolutives des sous-types de cancers du sein ainsi définies étaient toutefois fortement corrélées à leur capacité de prolifération, d’une part, et, d’autre part, à la présence de cibles thérapeutiques particulières Pour citer cet article : Gligorov J. TIL et cancers du sein en pratique : en avoir ou pas, le savoir ou non ? Innov Ther Oncol 2015 ; 1 : 73-75. doi : 10.1684/ito.2015.0015 Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 1 – n8 2, nov-déc 2015 73 doi: 10.1684/ito.2015.0015 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Passerelle translationnelle TIL et cancers du sein en pratique : en avoir ou pas, le savoir ou non ? PT Passerelle translationnelle Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. J. Gligorov que sont leur hormonodépendance et/ou l’activation de la voie HER2. Une seconde génération de signatures de cancers du sein a mis l’accent de façon plus importante sur l’environnement tumoral et la capacité de réponse immune de l’organisme vis-à-vis des cellules tumorales mammaires [4]. Ainsi, il apparaît que cette capacité de réaction ou de « défense » de l’hôte vis-à-vis de la cellule cancéreuse constitue un facteur pronostique important, non seulement quant à l’émergence d’un phénotype tumoral invasif, mais également en ce qui concerne son devenir évolutif. Il est aujourd’hui admis que la présence de lymphocytes au sein de la tumeur (TIL) est un reflet de cette capacité de réponse immune. La présence de TIL est globalement associée, dans le cancer du sein, à un meilleur pronostic (ce qui n’est pas le cas pour tous les types de cancers ayant des TIL). Les paramètres pronostiques sont un second critère que nous utilisons afin de définir nos stratégies thérapeutiques. Toutefois, les facteurs de bon pronostic sont en général utilisés comme critère de désescalade thérapeutique, donc les TIL, en tant que facteurs pronostiques, n’ont que peu d’intérêt à ce jour car non validés comme outil de désescalade. Le troisième type de critères utilisés pour nos stratégies thérapeutiques est l’information prédictive apportée par un paramètre quant à l’efficacité ou non d’une stratégie utilisée. Les TIL sont également liés en général à une meilleure réponse à la chimiothérapie et plus particulièrement aux anthracyclines. Toutefois, l’intérêt d’un type de chimiothérapie en fonction de la présence de TIL n’a pas non plus été validé dans de grandes cohortes. Si certaines équipes recommandent de caractériser les cancers du sein en recherchant la présence de TIL [5], si même cette caractérisation semble assez bien standardisée – contrairement à des paramètres pronostiques et prédictifs utilisés depuis plus longtemps comme le Ki67 [6] – il reste aujourd’hui difficile de retenir comme essentiel pour la définition d’une stratégie thérapeutique un paramètre qui ne modifie ni les indications, ni le choix des traitements administrés en dehors des essais thérapeutiques. Donc, en routine, même si l’existence de TIL « rassure », elle n’entraîne pas de changement de prise en charge des patientes atteintes de cancers du sein. Les TIL en recherche : en avoir ou pas ? Alors pourquoi tenir compte des TIL ? Parce qu’au-delà de la connaissance fondamentale des processus de défense de l’organisme vis-à-vis des cellules cancéreuses, l’émergence de nombreuses thérapeutiques sollicitant une réponse immune (comme les anticorps monoclonaux), ou permettant de moduler cette réponse immune (comme des thérapeutiques ciblant des récepteurs 74 activant ou inhibant la réponse immune), fait aujourd’hui parti d’un nouvel arsenal thérapeutique. Il devient donc important de définir au mieux les stratégies permettant d’exploiter l’impact thérapeutique de ces traitements. L’article de Texeira et al. [1] nous donne des indices importants quant à l’utilisation des TIL comme critère de décision pour ces essais. Tout d’abord, il est important de rappeler que la présence de TIL n’est pas toujours associée à une réponse immune antitumorale efficace et, par ailleurs, il est également intéressant de constater, dans le cas des cancers du sein, que l’absence de TIL est plutôt lié à une absence de chimiosensibilité : leur présence correspond possiblement à un moindre intérêt du trastuzumab en situation adjuvante dans les cancers HER2 positifs. De ce fait, il est probablement intéressant d’explorer des stratégies de traitements immunomodulateurs en cas de présence de TIL et une absence de sensibilité aux traitements classiques. Par ailleurs, des stratégies permettant d’induire la présence de TIL visant à rendre les cancers plus sensibles aux traitements classiques semblent également intéressantes. Dans le premier cas, le rapport cellules effectrices sur inhibitrices de la réponse immune au sein des TIL est probablement aussi importante que la présence en nombre de TIL au sein de la tumeur. Une étude récente [7] montre que, dans le cas de mélanomes, la radiosensibilité de lignées résistantes à la radiothérapie est restaurée en y adjoignant un traitement anti-PDL1 et anti-CTLA4. Les anti-PDL1 vont augmenter la présence de lymphocytes T CD8+, et les anti-CTLA4 vont diminuer la présence de lymphocytes Treg au sein des TIL. Les lymphocytes T CD8+ sont effecteurs de la réponse immune antitumorale et les Treg inhibiteurs de cette réponse. Améliorer la capacité de réponse immune des TIL semble donc à notre portée, encore faut-il le valider dans différentes situations, et le modèle néo-adjuvant pourrait être intéressant pour cela. Dans le cas d’une absence de TIL, il sera important de comprendre le mécanisme qui induit la présence de TIL. La présence de TIL est un facteur pronostique pour les cancers du sein triple-négatifs et HER2 positifs. Cette présence est probablement liée à une réponse immune initiée par la présence d’antigènes tumoraux en nombre suffisant. Comparés aux cancers luminaux, les cancers du sein triple-négatifs et HER2 positifs comportent plus fréquemment des TIL. Cela est peut-être lié au fait qu’au sein de ces phénotypes, il existe plus souvent des anomalies génétiques entraînant l’expression d’antigènes tumoraux. Par ailleurs, l’apparition de nouvelles mutations au cours de l’évolution de la maladie métastatique mammaire pourrait être un élément important à prendre en compte pour la stratégie de prescription des traitements immunomodulateurs à différentes étapes de cette maladie [8]. Peut-être y a-t-il un temps et/ou une séquence de traitements permettant d’induire au mieux une réponse immune avec les nouveaux médicaments que nous pourrions utiliser ? Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 1 – n8 2, nov-déc 2015 Pour conclure, la présence de TIL est certainement une information importante pour définir de futures stratégies thérapeutiques et la sélection de patients dans des essais thérapeutiques, mais leur utilisation au quotidien dans des organigrammes de décision de traitements de routine n’apparaît pas indispensable aujourd’hui. 3. Perou CM, Sørlie T, Eisen MB, et al. Molecular portraits of human breast tumours. Nature 2000 ; 406 : 747-52. 4. Kristensen VN, Vaske CJ, Ursini-Siegel J, et al. Integrated molecular profiles of invasive breast tumors and ductal carcinoma in situ (DCIS) reveal differential vascular and interleukin signaling. Proc Natl Acad Sci U S A 2012 ; 109 : 2802-7. 5. Salgado R, Denkert C, Demaria S, et al. The evaluation of tumor-infiltrating lymphocytes (TILs) in breast cancer: recommendations by an International TILs Working Group 2014. Ann Oncol 2015 ; 26 : 259-71. 6. Polley MY, Leung SC, Gao D, et al. An international study to increase concordance in Ki67 scoring. Mod Pathol 2015 ; 28 : 778-86. 1. Texeira L, Ledoux F, Frank S, et al. Les lymphocytes infiltrant les tumeurs dans le cancer du sein. Innov Ther Oncol 2015 ; 1 : 64-72. doi: 10.1684/ito.2015.0016 7. Twyman-Saint Victor C, Rech AJ, Maity A, et al. Radiation and dual checkpoint blockade activate non-redundant immune mechanisms in cancer. Nature 2015 ; 520 : 373-7. 2. Sotiriou C1, Pusztai L. Gene-expression signatures in breast cancer. N Engl J Med 2009 ; 360 : 790-800. 8. Wang Y, Waters J, Leung ML, et al. Clonal evolution in breast cancer revealed by single nucleus genome sequencing. Nature 2014 ; 512 : 155-60. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. RÉFÉRENCES Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 1 – n8 2, nov-déc 2015 75 PT Passerelle translationnelle TIL et cancers du sein en pratique : en avoir ou pas, le savoir ou non ?