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L’hypothèse de l’hygiène: y croyonsnous encore?
Bengt Björkstén
De nombreuses études épidémiologiques suggèrent l’existence
d’une corrélation négative entre les maladies allergiques et les infections au cours de la petite enfance, mais plusieurs autres études bien
conduites semblent contredire cette relation. Cette situation est en
partie due aux critères diagnostiques employés dans ces études, et à
un malentendu quant aux facteurs régissant le développement de la
régulation immunitaire après la naissance.
Le nouveau-né est immunologiquement naïf et son système immunitaire immature n’a pas totalement établi des réponses et une régulation immunitaires équilibrées. En période postnatale, les réponses
précoces des lymphocytes T sont sujettes à des mécanismes régulateurs très divers, régis par l’exposition du système immunitaire du
nourrisson aux antigènes environnementaux. Chez l’enfant atopique,
la consolidation de l’immunité polarisée vers Th2 contre les pneumallergènes s’instaure dans la petite enfance et peut être achevée vers
la fin de l’âge préscolaire chez l’enfant qui n’a pas présenté d’allergie
clinique manifeste. En revanche, des réponses Th1 de faible niveau
s’établissent chez les nourrissons ayant présenté des manifestations
allergiques. Des études prospectives menées en Estonie et en Suède, où
la prévalence des allergies et du diabète de type 1 est respectivement
faible et forte, indiquent que les mécanismes régulateurs s’établissent
plus rapidement en Estonie. Un mode de vie traditionnel pourrait être
associé à l’induction précoce d’une régulation générale de l’immunité
reposant sur les lymphocytes T. Cette notion est confortée par l’étroite
corrélation globale entre la prévalence des râles sibilants et le diabète
de type 1. Ainsi, le dénominateur commun entre l’augmentation de
l’incidence des maladies auto-immunes dépendantes de Th1 et des
allergies atopiques liées à Th2 serait une perturbation de la régulation
immunitaire faisant intervenir les lymphocytes T régulateurs (Treg) et
non un simple passage vers l’immunité Th2, initialement considéré
comme sous-tendant l’hypothèse de l’hygiène.
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La maturation de la régulation immunitaire est largement régie
par l’exposition à des micro-organismes. Les animaux axéniques
présentent des réponses immunitaires excessives à une immunisation,
alors qu’une régulation immunitaire normale ou une tolérance orale
n’apparaît pas chez eux. Ce phénomène n’est pas nécessairement associé à une infection, car les microbes auxquels nous sommes exposés
sont généralement des micro-organismes commensaux et non des
agents pathogènes.
Dans une certaine mesure, la controverse sur le rôle des infections dans la survenue ultérieure d’allergies est aussi due à la définition clinique variable de l’allergie. Ainsi, les râles sibilants et l’asthme
ont souvent été pris comme critères, bien qu’ils ne soient pas toujours
d’origine allergique. Si l’hypothèse selon laquelle des micro-organismes commensaux sont les stimulants normaux de la maturation
vers une réponse immunitaire équilibrée est pertinente pour les manifestations pathologiques impliquant les IgE, elle ne l’est pas pour
l’obstruction bronchique récidivante elle-même. Dans les pays pauvres, les râles sibilants dus à une hyperréactivité bronchique peuvent
être fréquents malgré la faible prévalence de tests cutanés positifs aux
pneumallergènes.
Les résultats combinés d’études épidémiologiques, cliniques et
expérimentales chez l’animal suggèrent qu’une large exposition à des
micro-organismes commensaux non pathogènes au début de la vie est
associée à une protection non seulement contre les allergies impliquant les IgE, mais probablement aussi contre le diabète de type 1 et
les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Ce qui n’a rien à
voir avec «l’hygiène» au sens habituel du terme.
L’expression «hypothèse de l’hygiène» est malheureuse, car elle
prête à confusion. Personne ne remettrait sérieusement en question
les progrès considérables en termes de santé publique accomplis grâce
à l’hygiène, ni n’appellerai de ses vœux de graves infections infantiles
juste pour diminuer l’incidence du rhume des foins. Il serait préférable
de parler de «l’hypothèse du défaut de microbes», car cette expression
aurait le mérite de souligner la possibilité de prévenir, voire de traiter
plusieurs maladies à médiation immunologique par des associations
de micro-organismes probiotiques non pathogènes et d’antigènes qui
en dérivent.
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