FLASH
Les nouvelles règles européennes
de la commande publique
Les marchés publics représentent aujourd'hui, en
temps de crise, de l'ordre de 19 % du PIB
européen. Ce chiffre, relativement élevé, plaide
pour un meilleur fonctionnement des marchés
publics permettant aux collectivités, aux usagers
et aux entreprises, de réaliser des économies et
d'avoir des opportunités nouvelles.
1. MODERNISATION DU
CADRE EXISTANT EN
MATIERE DE MARCHES
PUBLICS (DIRECTIVES
2004/17 ET 2004/18)
A. Propositions en matière de
simplification
Une approche de « boîte à outils » a été
privilégiée. Les États membres seront tenus de
mettre à la disposition des acheteurs deux formes
de procédures : ouverte et restreinte. Il sera
possible également de proposer, en tant que
procédures standards, une forme de procédure
négociée avec publication, dénommée "procédure
compétitive avec négociation", qui élargi les
possibilités de recours à la négociation en
particulier aux cas de travaux, fournitures et
services particulièrement complexes. Pourront
aussi être proposés, le dialogue compétitif et le
partenariat de l’innovation qui doit faciliter l’achat
de produits innovants.
La proposition de la Commission ajoute à cette
« boîte à outils » une série de techniques d’achat,
allant des accords-cadres, les catalogues
électroniques à l'achat groupé.
Ces techniques ont été rénovées et clarifiées,
notamment, pour permettre un meilleur passage
vers la dématérialisation des procédures.
La modernisation proposée est en effet très
ambitieuse en matière de dématérialisation des
procédures. De nombreuses études indiquent que
l’accélération du changement de pratiques vers
les procédures électroniques permettrait à la
passation des marchés dans l’Union européenne
de réaliser entre 75 et 120 milliards d’euros
d’économies chaque année.
Le autre élément de simplification concerne la
réduction des contraintes administratives, des
contraintes de documentation en lien avec la
passation de marchés. Pour réduire la
documentation, il est proposé de généraliser les
possibilités d’utilisation d’auto-déclaration.
Chaque sous-missionnaire n’aurait plus à
transmettre les documentations en lien avec
chaque offre. L’offre gagnante aurait seulement à
fournir les preuves définitives. La mise en place
d’un passeport européen pour les marchés
publics a été également proposée. Le passeport
permettra de reconnaître les preuves (certificats,
déclarations, etc.) d’un État membre à un autre. Il
est aussi proposé une réduction générale des
délais pour obtenir davantage de fluidité et
consacrer moins de temps pour chaque marché.
B. Propositions en matière d’usage
stratégique (environnement,
dimension sociale, innovation)
La Commission suggère d'améliorer les
possibilités de prise en compte d'objectifs
sociétaux. Les pouvoirs publics cherchent de plus
en plus à disposer de leur pouvoir d'achat pour
favoriser les produits et services innovants,
respectueux de l'environnement ou contribuant à
améliorer l'emploi, la santé ou les conditions
sociales. Une approche "facilitatrice" a été
retenue, ouvrant de nouvelles possibilités sans
pour autant imposer des obligations aux Etats
membres ou aux autorités contractantes.
Cela se traduit concrètement, d'une part, par
l'introduction d'un concept de "coût du cycle de
vie" qui encourage les autorités publiques à
apprécier le cycle de vie complet des produits,
services ou travaux dans le cadre de leurs achats.
Les coûts à prendre en compte incluent non
seulement les dépenses monétaires directes,
mais aussi les coûts environnementaux externes
s'ils peuvent être chiffrés et vérifiés. D'autre part,
la prise en compte de critères liés au processus
de production des biens, fournitures et services
qui constituent l'objet du contrat tels que l'insertion
des personnes vulnérables et défavorisées ou la
non-utilisation de produits toxiques (par exemple
le chlore dans le blanchiment du papier) permet
l'attribution de points supplémentaires aux
soumissionnaires.
Quant à l'innovation, elle est davantage stimulée
par la nouvelle procédure de partenariat en vue
de l'achat de biens et services innovants
n'existant pas encore sur le marché, ainsi que par
des mesures législatives concrètes en faveur de
l'achat en commun transfrontalier et une
procédure de dialogue compétitif améliorée.
La révision des directives vise aussi à mieux
reconnaître la spécificité des services sociaux
d'intérêt général. Compte tenu de la diversité des
pratiques organisationnelles de chaque Etat
membre et de leur faible dimension
transfrontalière par rapport aux autres services,
les services sociaux, de santé et culturels font
l'objet d'un régime spécifique simplifié conférant
encore plus de liberté aux Etats membres dans
l'organisation des procédures d'appels d'offres.
Ces services bénéficient d'un seuil d'application
beaucoup plus élevé (500 000 euros).
C. Propositions en matière d’accès
transfrontalier et d’accès pour les
PME
Au-delà de ces mesures de simplification, la
Commission a proposé une série de mesures
complémentaires afin d'améliorer l'accès aux
marchés publics des petites et moyennes
entreprises, qui recèlent un potentiel considérable
de création d'emplois, de croissance et
d'innovation. A cette fin, sont suggérées des
mesures d'incitation à l'allotissement: les pouvoirs
adjudicateurs devront justifier le non-allotissement
pour tous les marchés au-delà de 500 000 euros.
Les exigences de capacité financière pour
participer à un marché seront plafonnées à un
montant égal au triple de la valeur estimée du
marché. Les Etats membres devront enfin, dans le
cadre du rapport annuel sur la mise en œuvre et
l'application de la directive, préciser le taux de
réussite des PME dans l'attribution des marchés
publics.
D. Propositions en matière de
bonne application des règles
Les sauvegardes contre le risque de mauvaises
pratiques (conflits d’intérêt, favoritisme ou
corruption) sont renforcées. Il est proposé un
mécanisme de self-cleaning, c'est-à-dire la
possibilité pour un opérateur de justifier de la
conformité ou de la non-validité de son exclusion.
Les règles en matière d’offres anormalement
basses sont également renforcées. Enfin, des
règles pour la modification de contrats durant leur
exécution sont proposées.
E. Propositions en matière de
gouvernance et de
professionnalisation de l’achat
public
Les directives sont appliquées de manières
extrêmement hétérogènes dans les différents
États membres. Par conséquent, la Commission a
jugé souhaitable de responsabiliser davantage les
États membres à la fois dans la surveillance et
dans l’accompagnement de la passation de
marchés. Pour cette raison, la Commission
préconise d'une part la mise en place, dans les
Etats membres où cela n'existe pas, de missions
de surveillance et de contrôle, et d'autre part une
assistance technique et juridique accrue afin de
professionnaliser l'achat.
2. PROPOSITION DE
DIRECTIVE SUR
LATTRIBUTION DE
CONTRATS DE
CONCESSION
Il s’agit d’un sujet différent de celui des marchés
publics. Les directives sur les marchés publics
existent depuis de nombreuses années, elles
sont acceptées et jouent pleinement leur rôle de
cadre juridique harmonisé. Pour les concessions,
il n’existe pas aujourd'hui de législation
secondaire. Dans le cadre des directives sur les
marchés publics, seules les concessions de
travaux sont règlementées. Les concessions de
service sont soumises uniquement aux principes
du traité. Il existe pourtant une demande au
niveau européen, certes contrastée, mais, réelle.
Plusieurs options étaient possibles, correspondant
à des cultures différentes dans les États
membres. Certains États membres affirment que
les concessions ne sont pas en principe
différentes des marchés publics. Telle n’est pas la
conception française. D’autres États indiquent que
pour aborder la question au travers d’une
proposition européenne, il convient de mettre en
place un cadre minimal au niveau de la législation
secondaire avec une simple définition de la
concession, une obligation de publication au
Journal Officiel, des délais pour les candidatures
et la possibilité de recours. La proposition de la
Commision reconnaît essentiellement la
spécificité des concessions et la nécessité d’un
cadre caractéristique pour prendre en compte des
contrats complexes et d’une nature particulière. Il
est donc proposé un cadre qui, par ses outils,
assure une transparence, l’égalité de traitement et
l’équité de la procédure, donne la possibilité de
faire appel, clarifie le champ d’application des
règles et fournit quelques règles de base
permettant la modification des contrats en cours.
S’agissant du champ de la proposition, un seuil de
5 millions d’euros pour l’ensemble des
concessions et un seuil de 2,5 millions d’euros
pour la publication d’un avis d’attribution d’une
concession de service sont proposés, avec la
volonté de faire appliquer ces règles à l’ensemble
des secteurs. Un régime plus souple pour les
services sociaux, culturels et relatifs à l’éducation,
soumis à une simple exigence de transparence
simplifiée, est suggéré.
La définition de la concession est largement
inspirée de la jurisprudence. La concession est
définie comme un contrat à titre onéreux dont
l’objectif est la fourniture de services, la
contrepartie de ces services étant soit le droit
d’exploiter ces services, soit ce droit accompagné
d’un paiement. Le droit d’exploiter ces services
représente l’élément-clé. Il implique le transfert au
concessionnaire du risque d'exploitation (qui se
manifeste uniquement dans le cas où le
concessionnaire n'a pas la garantie de recouvrer
les investissements et les coûts encourus pour
exploiter la concession). La proposition énumère
en outre les types de risque économique
pertinents (le risque de la demande et le risque de
mise à disponibilité).
Les exigences de transparence sont à la fois ex
ante et ex post. Les exigences en matière de
publication et de transparence sont renforcées
avec l’obligation de publication d’un avis de
concession sauf exception, la publication d’un
avis de concession d’attribution au plus tard dans
un délai de 48 jours, l’interdiction de modifier des
éléments essentiels de la procédure durant le
processus, le recours à des critères objectifs, et
un délai de 52 jours pour candidater.
En termes de durée, la proposition rejoint le
concept français dans la mesure où l'idée du
temps nécessaire pour que les concessionnaires
puissent amortir les investissements est retenue.
Dans le cadre de la proposition, il n’est pas prévu
cependant de limitation fixée en années,
considérant que les situations sont diverses de
secteur en secteur.
S’agissant des garanties procédurales, un
dispositif flexible, permettant aux États membres
de maintenir les règles procédurales telles
qu’elles existent déjà, a été préconisé, avec
simplement quelques principes de base :
l’information devra être diffusée à l’ensemble des
sous-missionnaires ; des critères objectifs doivent
être retenus; des règles spécifiques en cas de
négociation doivent être affichées ; l’interdiction
de modifier des éléments essentiels de la
procédure tout au long du processus est établie.
Les critères de sélection doivent être
exclusivement liés aux capacités économiques,
financières et techniques du sous-missionnaire.
Quelques critères obligatoires et facultatifs
d’exclusion ont été fixés.
Les exigences générales pour les critères
d’attribution constituent quant à elles un sujet de
débat, notamment en France. La proposition
permet aux autorités adjudicatrices de choisir
entre le critère de l'offre économiquement la plus
avantageuse et les critères répondant à certains
standards minimaux, tels que leur objectivité ou le
nécessaire lien avec l'objet du contrat. Dans les
deux cas, ces critères doivent être annoncés au
préalable. Il faut souligner que la seconde option
confère une marge de manœuvre considérable.
Elles permettent de mieux tenir compte de la
complexité et de la durée des concessions,
notamment en ce qui concerne l'utilisation, dans
certains cas, des critères liés aux caractéristiques
des soumissionnaires.
Enfin, dans son contenu, la proposition mentionne
l’extension de la directive Recours pour couvrir les
concessions de service, ainsi que toute une série
de solutions relatives aux règles sur l’exclusion,
sur la coopération public / public, sur la
dématérialisation des procédures, sur la
modification et la résiliation des contrats, sur les
spécifications techniques et sur les concessions
conjointes.
Les propositions de la Commission restent
perfectibles. Le travail avance rapidement avec
l’objectif de parvenir à un accord avant la fin de
l’année 2012.
Document rédigé par la société Ubiqus Tél : 01.44.14.15.16 http://www.ubiqus.fr infofrance@ubiqus.com
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