dysfonctionnement de nos systèmes éducatifs, ralentissement dangereux de notre
économie, anomie généralisée, défiance. A travers ces quelques pages, nous avons
voulu expliquer le retour du religieux dans notre pays, poser franchement la question
de l’Islam en France, nous pencher sur la laïcité – valeur fondamentale et souvent
détournée. Nous n’oublions évidemment pas que les inégalités socio-économiques
sont au cœur des problèmes qui se posent à nous et qu’il y aurait beaucoup de
choses à écrire sur nos politiques publiques – à commencer par la politique de la
Ville – et notre système éducatif. Ce n’est pas l’affaire de ce texte qui part de
constats historiques et théoriques pour donner de la densité aux concepts que nous
avons à cœur de défendre et pour proposer enfin une voie de sortie véritablement
républicaine et politique à une situation qui n’a que trop duré.
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Quel sens donner au retour des religions ? Jusqu'à présent, les socialistes ont
adhéré à la théorie de la sécularisation du monde. Nous avons cru au recul de la
religiosité face à la modernité. Cette hypothèse montre aujourd'hui ses limites.
Un constat s'impose : une certaine interprétation de la laïcité républicaine est en
échec. Son ambition fondatrice est trop souvent réduite au cantonnement de la
religion dans la sphère privée. Entre les débats sur le foulard et la Manif pour tous,
en passant par l'essor des mouvements « pro vie », l’actualité montre chaque jour
l'importance du fait religieux dans le débat public.
Pour comprendre le retour du religieux, les socialistes doivent analyser les
mouvements de fond qui traversent la société. Le questionnement sur la laïcité, tour
à tour remise en cause ou réaffirmée, cristallise un malaise plus général : notre
société s'interroge sur l'identité. De nos jours, on ne s'identifie plus seulement par
son appartenance nationale ou la profession que l'on exerce. Les processus
d’individualisation éclatent l’identité des individus. Chacun se construit une identité en
fonction de sa position dans les rapports de production, mais aussi de son identité de
genre, de sa religion, de son orientation sexuelle, voire de son origine géographique
et/ou ethnique ou encore même de son appartenance à une ou plusieurs
communautés affinitaires/électives.
Le retour du religieux s'inscrit dans l'émergence de revendications identitaires. Les
tensions identitaires ne sont pas nouvelles. Notre pays présente une spécificité : en
France, c'est l'Etat qui a fait la Nation. C'est pourquoi l’identité républicaine tend à
mépriser, voire à combattre les autres identités (régionales, religieuses, etc.) La
République a promu une « religion civile » qui s'est substituée au catholicisme. La
laïcité, en plus du respect de l’égalité morale et de la liberté de conscience, vise aussi
à l’émancipation des individus et à l’essor d’une identité civique commune. Au début
du XXe siècle, déjà, les Français de la IIIe République acceptaient mal la pratique du
catholicisme des immigrés Italiens. Aujourd'hui, alors que l'Islam est apparu aux
travailleurs issus de l'immigration comme une identité « de secours » face au
chômage et à l'effritement des collectifs ouvriers, le modèle républicain semble à
nouveau menacé.
Toutes les identités ne bénéficient pas de la même reconnaissance. La laïcité, qui
exprimait autrefois une aspiration à l'émancipation dans une société dominée par la
religion catholique, apparaît aujourd'hui comme un instrument de répression d'une
religion minoritaire, l'Islam, essentiellement pratiquée par les immigrés et leurs
descendants dans une société sécularisée. A la question traditionnelle de la
redistribution économique et de l’égalité des chances, qui reste cruciale, s'ajoute
l'enjeu de la reconnaissance des identités plurielles. Or, pour les socialistes, la justice
républicaine est avant tout un juste partage des richesses, bien plus que la juste
reconnaissance de l'égale valeur des identités. On ne peut s'en satisfaire alors que
le retour du religieux met au jour des tensions profondes au sein de notre société.
Les socialistes doivent donc inventer des solutions progressistes, susceptibles de