LA CHASSE AU METEORE : Extrait du roman de
Jules Verne La chasse au météore
« Depuis le commencement de l’ère chrétienne,
que d’aérolithes décrits avec les circonstances
qui accompagnèrent leur chute : une pierre de
deux cent soixante livres tombée à Ensisheim,
en Alsace ; [...] une pierre tombée à Lucé, près
de Chartres, en 1763, et brûlante à ce point qu’il
fut impossible de la toucher. N’y aurait-il pas
lieu de citer également ce bolide qui, en 1803,
atteignit la ville normande de Laigle et dont
Humboldt parle en ces termes : «A une heure de
l’après-midi, par un ciel très pur, on vit un grand
bolide se mouvant du sud-est au nord-ouest.
Quelques minutes après, on entendit, durant
cinq ou six minutes, une explosion partant d’un
petit nuage noir presque immobile, explosion qui
fut suivie de trois ou quatre autres détonations
et d’un bruit que l’on aurait pu comparer à
des décharges de mousqueterie, auxquelles se
serait mêlé le roulement d’un grand nombre
de tambours. Chaque détonation détachait
du nuage noir une partie des vapeurs qui le
formaient. On ne remarqua en cet endroit aucun
phénomène lumineux. Plus de mille pierres
météoriques tombèrent sur une surface elliptique
dont le grand axe, dirigé du sud-est au nord-
ouest, mesurait onze kilomètres de longueur.
Ces pierres fumaient et elles étaient brûlantes
sans être enflammées, et l’on constata qu’elles
étaient plus faciles à briser quelques jours après
leur chute que plus tard.»
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LE CAILLOU ET L’ORIONIDE : Extrait de la
nouvelle de Dominique Sigaud publié dans la
revue Espace(s) N°1.
« Il faisait déjà nuit, étoiles partout, la pleine
campagne du Sud, nous roulions, João cousin du
Brésil à mes côtés, enfants derrière. Nous parlions
peut-être.
Comment ai-je su ce qui allait venir ? Quelle
attraction a joué, quel instinct ? Entre les arbres
très noirs, j’ai levé les yeux, j’ai crié. Là devant,
très haut, une boule de feu traversait le ciel, une
déflagration verte, un mirage d’un bleu qu’aucun
autre bleu ne possédait, riche, brûlant ; à nouveau
j’ai crié, João a regardé. J’ai entendu son cri. Puis,
aussitôt après, une deuxième inflammation, le
bleu-vert à nouveau, une boule, et derrière peut-
être une traînée, de l’or.
J’ai regardé l’heure. Vingt heures dix-sept. Le
mercredi premier décembre deux mille quatre ;
le ciel en métamorphose, feu en suspension dans
l’air, retournement de tout. Une matière dans
l’immatériel, la pure beauté ; le diamantaire
éternel. Incroyable. […]
Le feu de nuit restait dans ma mémoire, mon
ignorance me travaillait. Qu’est-ce que j’avais
vu ? A qui demander ? Nulle trace sur Internet de
l’éclat du premier décembre. « Appelez donc un
observatoire », conseilla un ami ; ce que je fis.
[…]Bingo, ils savaient tout.
« C’était un orionide, déclara, enthousiaste la
jeune femme au téléphone.
— Un quoi, demandai-je, interloquée ; j’avais
peut-être vu passer un être astral, un dieu
d’Olympe.
— Un orionide, venu de la nébuleuse d’Orion.
[…]
Elle me passa alors le directeur de l’Observatoire.
Le directeur, juste pour moi ? À la voix, je
compris ; l’homme aimait ça, offrait à qui voulait
l’entendre étoiles, poussières et vertus de ce
monde très haut, qu’il connaissait comme moi
ma poche. […]
— Mais la boule de feu, dis-je.
— Ce n’en était pas une. En arrivant dans
l’atmosphère, la matière du bolide crée un vide
derrière lui.
L’image à nouveau me plut, l’idée de ce vide,
encore un absolu, lui aussi découvert par Newton,
premier penseur des trous noirs.
— Ce vide est comblé par l’atmosphère, cela
entraîne une ionisation, c’est ce que vous avez
vu, continua le directeur.
Ionisation ; je fis répéter le mot, il ne me disait
rien.
Il rit encore, décidément je n’y connaissais rien,
lui non plus autrefois.
— J’ai appris sur le tard et sur le tas, dit-il.
D’où sa bienveillance. Et il m’expliqua.
— En circulant autour de l’atome de matière,
les électrons excités émettent des photons, de la
lumière.
Selon l’état de l’atmosphère et le métal de la
météorite, son entrée engendre des couleurs très
différentes, du pur orange au bleu, au vert.»