Cas clinique Traumatologie L’œil de mine Eyes injuries from antipersonnel mine M. Delbarre, M. Lussato, G. Agboton, J.C. Rigal-Sastourné (Service d’ophtalmologie, hôpital d’instruction des armées Percy, Clamart) U n militaire de 32 ans, démineur polycriblé, est adressé pour des lésions oculaires bilatérales suite à l’explosion d’une mine antipersonnel au cours de sa neutralisation. Examen et discussion L’examen ophtalmologique retrouve une acuité visuelle à droite à “compte les doigts” à 1 mètre, non améliorable. L’œil gauche ne perçoit pas la lumière. ▶▶ Examen à la lampe à fente À droite, des signes de balisage de corps étrangers avec une plaie pénétrante cornéenne inférieure suturée lors de la prise en charge initiale, une plaie irienne et une opacification sous-capsulaire postérieure du cristallin. Le fond d’œil révèle 2 corps étrangers intraoculaires : 1 dans le vitré postérieur et 1 pré-rétinien en nasal inférieur (figure 1). À gauche, il y a un exorbitisme douloureux avec un œdème palpébral important empêchant l’ouverture des paupières (figure 2). ▶▶ Tomodensitométrie (figure 3) À droite, les deux corps étrangers intraoculaires sont visibles sur les clichés scannographiques. À gauche, l’indice oculo-orbitaire est supérieur à 100, mais aucun corps étranger n’est retrouvé. ▶▶ Tomographie par cohérence optique (figure 4) La coupe de la tomographie par cohérence optique (OCT) permet d’apprécier les rapports des corps étrangers intraoculaires droits avec la rétine. Devant ce tableau d’exophtalmie post-traumatique gauche, une artériographie est réalisée. Elle révèle une fistule carotido-caverneuse à haut débit (figure 5) dont le drainage se fait dans les veines ophtalmiques supérieures et inférieures. Le traitement de cette fistule est réalisé par embolisation (1). L’analyse chimique d’un corps étranger superficiel prélevé au niveau de la paupière supérieure droite montre une faible teneur en fer (0,2 %) et en cuivre (0,1 %). Une antibioprophylaxie intraveineuse (2) est instaurée en attendant une prise en charge chirurgicale. L’extraction des 2 corps étrangers intraoculaires est réalisée par vitrectomie à 3 voies, associée à une indentation sclérale circulaire sur 360 degrés. Un mois après l’intervention chirurgicale, l’acuité visuelle de l’œil droit est de ­7/­10 sans correction, améliorable à ­10/­10 avec – 1,25. Deux jours après l’embolisation de la fistule carotido-caverneuse gauche, on observe une diminution de l’exophtalmie (figure 6), puis, à 2 mois, une régression complète (figure 7). Cet œil reste non fonctionnel. II 94 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • no 3 • juillet-août-septembre 2010 Corps étrangers intra­oculaires • Fistule carotido-caverneuse • Exophtalmie. Intraocular foreign body • Carotid cavernous fistula • Exophthalmos. Légendes Figure 1. Rétinophotographie de l’œil droit montrant 2 corps étrangers en position nasale inférieure. Figure 2. Photographie de profil (a) et de face (b) du patient, 8 jours après l’explosion, montrant une protrusion orbitaire gauche. Figure 3. TDM du crâne en fenêtre osseuse: les 2 corps étrangers intraoculaires sont visibles en hyperdensité à droite. À gauche, on constate une exophtalmie majeure sans corps étranger intraoculaire. Comblement des cellules ethmoïdales gauches. Figure 4. Coupe OCT à orientation horizontale, montrant un corps étranger en position pré-rétinienne. Figure 5. Artériographie, montrant une fistule carotido-caverneuse avec dilatation des veines ophtalmiques. Figure 6. Photographie de face (a) et de profil (b) du patient 2 jours après le traitement de la fistule carotido-caverneuse. On constate une diminution de l’œdème orbitaire. Figure 7. Photographie de face du patient 2 mois après le traumatisme. Régression totale de l’exorbitisme. Références bibliographiques 1. Chaudhry IA, Elkhamry SM, Al-Rashed W, Bosley TM. Carotid cavernous fistula: ophthalmological implications. Middle East Afr J Ophthalmol 2009;16:57-63. 2. Roman S. Corps étrangers intra-oculaires (CEIO) du segment postérieur de l’œil. Prise en charge initiale. Journal Français d’Ophtalmologie 2001;7:769-77. Cas clinique Traumatologie 2a 1 2b 4 3 5 6b 6a 7 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • no 3 • juillet-août-septembre 2010 95