On ne guérira malheureusement pas tous les cancers demain matin

On ne guérira malheureusement pas tous les cancers demain matin ! Ni même après-demain…
Pourtant, après la découverte des équipes de Saadi Khochbin, directeur de recherches au
CNRS, et de Sophie Rousseaux, son homologue à l’Institut national de la santé et de la
recherche médicale (Inserm), le professeur Christian Brambilla se prend à rêver. “J’ai démarré
en face, dans le vieux sanatorium, et on est venu à bout de la tuberculose ! Je ne partirai pas à
la retraite sans faire pareil avec le cancer…”, s’enthousiasme-t-il à l’énoncé de ces
résultats.Dans lesquels son épouse, le professeur Élisabeth Brambilla, et lui sont parties
prenantes, en tant que médecins.
S’occupent-ils respectivement d’anatomie pathologique et de cancers du poumon ? Ils ont mis
les résultats de dizaines d’années de soins à la disposition de Saadi Khochbin et de Sophie
Rousseaux. Dans l’Institut Albert-Bonniot “voulu par le doyen Vrousos”, se plaît à insister
Christian Brambilla, soucieux de rendre à César ce qui est à César… Cela dit, qu’ont donc
découvert MM. Khochbin et Rousseaux ?
Pédagogue, Sophie Rousseaux commence par camper le décor : “Toutes les cellules ont les
mêmes gènes ; mais ils s’expriment différemment.” En d’autres termes, l’épigénome constitue
une espèce de “système de régulation.” Et de rappeler : “Le cancer intervient lorsque le
système se désorganise et active, dans les cellules, des gènes qui ne devraient pas l’être.”
Grâce à la carte d’identité des tumeurs – “un programme financé par la Ligue contre le
cancer” –, on a pu identifier 26 gènes associés à leur virulence.
Tout dépend de 26 gènes normaux ; s’ils restent inactifs, c’est gagné !
Le résultat fait aussi froid dans le dos… qu’il ouvre des perspectives thérapeutiques. “Tous
ceux qui ont vu trois de ces 26 gènes s’activer ne sont plus de ce monde”, résume Sophie
Rousseaux. “Y compris lorsqu’il s’agissait de toutes petites tumeurs, détectées très tôt”,
renchérit Élisabeth Brambilla. Dans le cas contraire, où ces fameux gènes sont restés inactifs,
“80 % des patients sont toujours en vie. “ “Ce test permet d’adapter la prise en charge des
malades”, se félicite Christian Brambilla. Qui s’empresse pourtant de pondérer : “Il doit
encore être validé…”
“Ce qui est innovant, c’est cette activation ectopique (anormale) des 26 gènes ! Soit ces gènes
passent sur on, et c’est la catastrophe ; soit ils restent sur off, et c’est gagné ! Ce sont des
gènes normaux, alors que beaucoup de chercheurs étaient jusque-là en quête d’anomalies
génétiques”, entonnent en chœur les quatre scientifiques. Maintenant, “on peut travailler avec
des chimistes, des physiciens.”
Très prosaïquement, si l’on arrive à empêcher ces 26 gènes de s’activer, le cancer change pour
le moins de visage. “Quelques dizaines de facteurs dirigent tout”, résume Saadi Khochbin.
Mais “l’entrée en lice des gènes normaux ouvre une nouvelle vision du cancer ; sur le plan
global, ça renverse une logique. Ça peut déboucher sur des thérapies beaucoup plus ciblées”,
développe Sophie Rousseaux. À l’industrie désormais de jouer !
Pour l’heure, il se murmure déjà du côté de la communauté scientifique de La Tronche,
commune d’implantation du CHU… providentiellement nommée, que cette découverte
pourrait être de l’ordre du… nobélisable !
par Philippe GONNET le 31/05/2013
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