La Guerre de Sept Ans, 1756-1763

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Edmond Dziembowski
La guerre de Sept Ans
DU MÊME AUTEUR
Gabriel-­François Coyer, Jacob-­Nicolas Moreau, Écrits sur le patriotisme,
l’esprit public et la propagande au milieu du xviiie siècle, La Rochelle,
Rumeur des Âges, 1997.
Un nouveau patriotisme français, 1750‑1770. La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans, Oxford, Voltaire
Foundation, 1998.
Les Pitt. L’Angleterre face à la France, 1708‑1806, Paris, Perrin, 2006.
Le Débat sur l’abolition de l’esclavage. Grande-­Bretagne, 1787‑1840, avec
Michel Rapoport, Neuilly, Atlande, 2009.
Cultural Transfers : France and Britain in the Long Eighteenth Century,
avec Ann Thomson, Simon Burrows et Sophie Audidière, Oxford,
Voltaire Foundation, 2010.
Edmond Dziembowski
La guerre de Sept Ans
1756‑1763
S E P T E N T R ION
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La Régence de Louis Quinze, 1855.
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Pour Annie
Présentation
Plusieurs publications sur la guerre de la Conquête étayent le
catalogue du Septentrion. Longtemps, le point de vue américo‑
centré et colonial a prévalu chez les historiens québécois, dont
j’en suis, alors que les historiens français étaient tournés vers
l’Europe. Il manquait une perspective globale. C’est ce que nous
offre La guerre de Sept Ans d’Edmond Dziembowski, une grande
synthèse sur le conflit.
Il faut dire que les événements qui se sont déroulés à Québec
en 2014 à l’occasion de la venue du traité de Paris nous y avaient
bien préparés. Le public a été au rendez-vous. Vous avez été
des milliers à vous déplacer pour voir le fameux document ou
entendre une conférence sur le sujet. Ce fut aussi un formidable
moment d’échanges entre historiens français et québécois. Les
travaux de Dziembowski se situent dans la lignée de ces réflexions.
Première guerre mondiale
Winston Churchill a été l’un des premiers à qualifier la guerre de
Sept Ans de première guerre mondiale. L’intensité des combats aux
quatre coins de la planète confère déjà à ce conflit une place excep‑
tionnelle dans l’histoire des guerres de l’époque moderne. Ajoutons
que le déclencheur des hostilités est un Amérindien : la guerre des
Abares et des Bulgares dépeinte dans les pages célèbres de Candide a
débuté dans les forêts de l’Ohio par un coup de tomahawk. Ajoutons
enfin que, fait inédit dans l’Histoire, voici une guerre initialement
localisée en Amérique du Nord qui s’est ensuite étendue au reste du
globe et qui a débouché en 1763 sur un bouleversement géopolitique
dont nous ressentons aujourd’hui encore les effets. Outre le choc que
ii
LA GUERRE DE SEPT ANS
constitue pour la France la perte de son premier Empire colonial,
c’est de 1763 que datent les débuts de la domination britannique et,
plus largement, de la civilisation anglo-saxonne sur le monde. C’est
aussi avec la guerre de Sept Ans que commence l’ère des révolutions
appelées à mettre un terme à l’ordre ancien (p. 10).
Toute la teneur du livre se trouve dans cet extrait ; c’est ce
qui caractérise la guerre de Sept Ans par rapport aux autres
guerres du xviiie siècle et surtout ses conséquences géopolitiques
pour les décennies, voire les siècles, à venir. À travers l’histoire
militaire et diplomatique, Edmond Dziembowski explique les rai‑
sons de l’entrée en guerre des royaumes d’Angleterre, de France,
de Prusse et d’Autriche ainsi que l’enchaînement des batailles
autant sur le continent européen qu’en Amérique, aux Antilles, en
Afrique et aux Indes. Les conséquences sur la politique intérieure
et extérieure pour les puissances belligérantes après la signature
du traité de Paris de 1763 sont également abordées.
L’importance de territoires comme la Silésie et le Hanovre
est fort bien expliquée ainsi que le renversement des alliances,
le pacte de famille, l’entrée de l’Espagne en guerre, les intérêts
de Frédéric II et de la Prusse, la perception de Marie-Thérèse
et de l’Autriche par les Français. Si les événements ne sont pas
en reste, les personnages clés de ces sept années ne le sont pas
non plus : la marquise de Pompadour, Charles de Rohan, prince
de Soubise, Voltaire, Pierre de Rigaud de Cavagnial, marquis de
Vaudreuil, Louis François Armand de Vignerot du Plessis, duc
de Richelieu, Thomas Pelham-Holles, duc de Newcastle, Louis
Jules Barbon Mancini-Mazarini, duc de Nivernais, Tanaghrisson,
Pablo Jérónimo Grimaldi. L’auteur les convoque tous.
Louis XV règne sur la France et son empire depuis 33 ans
lorsque la guerre de Sept Ans éclate. Il connaîtra son lot de
drames personnels pendant cette période, dont le décès de l’un
de ses fils et de madame de Pompadour, dans un attentat en
1757. Il doit affronter tout cela, en plus de ressentir l’inéluctable
marche vers la désacralisation du roi qui secoue la monarchie
française durant son règne.
Les démissions et le décès de souverains, notamment de
George II en Angleterre, ponctuent la période et viennent influer sur
le cours des événements. L’auteur examine avec soin leurs consé‑
PRÉSENTATION
iii
quences sur la poursuite de la guerre et sur la paix. Pourquoi
­William Pitt, « ce goutteux chronique », démissionne-t-il en
octobre 1761 ? Une fois parti celui qui incarnait littéralement la
guerre pour l’Amérique, la porte est désormais ouverte vers la
résolution du conflit.
L’ouvrage est enfin parsemé de chansons, d’extraits de pièces
de théâtre et de poèmes qui avaient une importance politique
indéniable durant, et même après, la guerre. Frédéric II, le roi
philosophe, est ainsi l’objet de toutes les insultes en France, allant
jusqu’à être qualifié de « frivole et vain » dans une chanson qui
est propagée à la suite de la prise de Minorque (p. 204).
En ce qui concerne plus précisément l’Amérique, une gra‑
vure illustrant l’affaire Jumonville se retrouve en couverture de
cet ouvrage. Ce n’est pas fortuit. Comme Dziembowski l’écrit si
bien : « La rencontre du 28 mai 1754 inaugure, pour l’Amérique
et pour le reste du monde, de longues années de fer et de feu »
(p. 43). Les principaux événements qui s’y déroulent sont traités,
autant la bataille de Carillon que la capitulation de Montréal, en
passant par les « mornes plaines d’Abraham ».
Il s’agit d’un essai, certes, mais la puissance de l’écriture de
l’auteur fait que cet ouvrage se lit comme un roman. Et cela est
loin d’être une banale formule toute faite. L’auteur possède une
solide culture générale, mais il ne se contente pas d’un simple
et hermétique étalage de connaissances et de références. Ses
trouvailles sont légion et elles sont très bien choisies. Il multi‑
plie ainsi les métaphores avec Rome et Carthage à propos de la
prise de Minorque, use de titres fort recherchés tels que Haro
sur le « Mandrin couronné », Carillon, chant du cygne de l’Amérique
française, « Cette guerre m’ennuie » : les tourments du roi-soldat
et La manière française : le temps des succès. Le souci du détail
est partout. C’est un pur délice de lecture. Un exemple parmi
d’autres : « La machine de guerre britannique s’est certes grippée
sur les bords du lac Champlain. Mais, ailleurs, à Louisbourg, au
fort Duquesne et au fort Frontenac, la poussée se fait irrésistible.
Un étau de couleur écarlate est en train de se resserrer sur le
Canada » (p. 326).
Dziembowski a ce rare talent pour un historien d’être capable
de faire vivre ses personnages, prenant même quelquefois parti.
À propos de Lévis, il écrit : « C’est bien tard que l’armée du
iv
LA GUERRE DE SEPT ANS
roi de France trouve à sa tête un militaire de première valeur »
(p. 367). Il souligne l’« énergie, [l’]intelligence, [le] sens de la syn‑
thèse et [la] promptitude à la tâche » du secrétaire d’État Étienne
François de Choiseul et nous signale qu’il peut même se montrer
« très méchant » (p. 348). Fait intéressant, il nous apprend que
Choiseul a « pour règle de conduite de ne jamais montrer aux
regards extérieurs la détresse de l’État » (p. 347). Cela me fait
comprendre bien des choses. L’auteur n’est pas tendre pour James
Wolfe : « Une qualité insigne qui [lui] fait cruellement défaut :
la chaleur humaine. C’est un chef de guerre froid, cassant, irri‑
table au dernier degré » (p. 337). Il nous apprend aussi que c’est
« les larmes aux yeux » que le duc de Newcastle offre sa démis‑
sion le 26 mai 1762 et que l’ambassadeur John Russell, duc de
Bedford, faisait montre de peu de docilité envers ses supérieurs.
Ces détails peuvent sembler futiles, mais l’auteur nous fait bien
sentir que, derrière chaque conflit ou décision, il y a un homme
ou une femme avec ses qualités, ses préoccupations, ses intérêts
et ses travers.
Les plaines d’Abraham, bataille décisive ?
Les historiens s’entendent aujourd’hui pour dire que l’impor‑
tance donnée à la bataille des plaines d’Abraham, le 13 septembre
1759, dans la décision de céder la colonie est la construction
d’un mythe. La bataille seule n’explique pas le reste. C’est aussi
l’avis de Dziembowski : « Du reste, le sort de l’Amérique, n’en
déplaise à Benjamin West et à ses contemporains, ne s’est pas
joué près de Québec. C’est sur l’océan qu’a eu lieu le tournant
de la guerre d’Amérique, lors des deux batailles de Lagos et des
Cardinaux remportées en août et en novembre 1759 par la Royal
Navy. Privée de la majeure partie de ses forces navales prises
ou détruites par l’ennemi, la France se trouve, au terme de cette
annus horribilis, dans l’incapacité de venir en aide à ses territoires
d’outre-mer » (p. 340). L’approvisionnement, voilà la clé.
La colonie a absolument besoin de vivres, de soldats et de
munitions dans les mois qui suivent. Lévis envoie même une
demande à Versailles en ce sens avant de remporter une victoire
PRÉSENTATION
v
éclatante à Sainte-Foy en avril 1760. Or, Louis XV n’est plus en
mesure d’y répondre en raison de l’état dramatique des finances
et de la destruction presque complète de la flotte française à
l’automne 1759. Ne nous privons pas de citer encore l’auteur
et savourons sa plume : « Que faire ? Obtenir la paix avant
que tout soit perdu ? Choiseul s’y attelle, mais les chances sont
ténues. Oui, que faire ? La seule réponse qu’il puisse donner à
ce pathétique appel au secours venant du Canada le mortifie :
Vaudreuil et Lévis devront se contenter d’une aide bien en deçà
de ce qu’ils espéraient » (p. 374).
En ce qui concerne la bataille elle-même et la décision de
­Montcalm d’affronter les Britanniques sans attendre les renforts
de Bougainville, décision qui a fait couler beaucoup d’encre chez
les historiens, il offre une explication intéressante :
[Montcalm] tient enfin sa bataille, une bonne vraie bataille à l’euro‑
péenne… Wolfe, qui abhorre autant que son adversaire la guerre à
l’indienne, jubile lui aussi de retrouver ses repères… La bataille des
plaines d’Abraham, dont on a souvent signalé le cours absurde, est
avant toute chose le produit anarchique d’une énorme frustration :
enfin, s’exclament en chœur nos deux généraux, enfin, la guerre
reprend un cours civilisé ! On en connaît le résultat : l’affrontement
le plus bref de la guerre de Sept Ans ; une bataille, fait rarissime, qui
se solde par la mort des chefs des deux armées (p. 366).
Au début de 1759, Choiseul avait aussi une autre stratégie : un
projet d’invasion de l’Angleterre et la restauration des Stuarts sur
le trône. Pour Dziembowski, il « estime moins risqué de concen‑
trer toutes les forces disponibles sur les côtes de France pour
les lancer jusqu’au cœur de l’ennemi. Pitt a dit que l’Amérique
a été conquise en Allemagne. En 1759, Choiseul compte sauver
l’Amérique française en Angleterre. Le pari est hardi. Il est aussi
risqué » (p. 353).
La suite des événements ne lui donne finalement pas raison.
Dziembowski écrit : « Le 8 septembre 1760, dans la soirée,
­Vaudreuil porte sa signature à la capitulation qui scelle les adieux
du Canada à la France » (p. 380). Je trouve cela rempli d’une
cruelle poésie.
vi
LA GUERRE DE SEPT ANS
L’abandon de la France
Dans l’inconscient collectif des Québécois et des Québécoises,
la signature du traité de Paris le 10 février 1763 marque l’aban‑
don du Canada par la France. Lors de la venue du document à
Québec en septembre 2014, Laurent Veyssière et Lucien Bély ont
brillamment contextualisé cette décision (la cession de la colonie)
au cours de leurs conférences. Ils ont bien expliqué que la notion
d’abandon n’a pas de sens dans le monde diplomatique européen
du xviiie siècle.
En lisant cet ouvrage, cela devient encore plus clair. En
novembre 1759, écrit Dziembowski, « […] c’est un Choiseul
toujours aussi peu abattu qui assure Voltaire que “les Anglais
ne garderont pas le Canada : je vous demande en grâce de ne
pas juger la pièce avant d’avoir vu le dénouement” » (p. 347).
L’année suivante, « Choiseul a-t-il fait son deuil de la
­Nouvelle-France ? », questionne l’auteur. La réponse est sans
équivoque : « Nullement » (p. 349). Alors, quand la décision a-telle été prise et pourquoi ? Dziembowski explique que c’est à par‑
tir de la première ronde de négociations de la paix en 1761 qu’il
est question de céder le Canada et que cela fait partie des bases
mêmes des négociations qui reprennent en 1762 pour conduire
au traité que l’on connaît.
Quels choix s’offraient alors à Louis XV ? Pourquoi la
­Guadeloupe et pas le Canada ? « Le sucre ou les arpents de
neige ?» s’interroge Dziembowski (p. 510). Et pourquoi conser‑
ver les pêcheries ? Ici, je fais une légère digression pour recom‑
mander l’excellent article de Raymonde Litalien qui a traité de
la question dans 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique
(Septentrion). La réponse se trouve dans la conception de la géo‑
politique d’alors. Les conquêtes faites pendant la guerre servent
de monnaie d’échange pour des rétrocessions territoriales. Je
reprends Minorque, je te redonne Belle-Île, etc. Or, la France
n’est pas en position de force quand vient le moment de faire la
paix. Elle a essuyé une série impressionnante de revers pour la
seule année 1759 :
PRÉSENTATION
vii
1759, année de toutes les victoires en Amérique, aux Antilles, en
Europe, en Inde et, last but not least, sur mer, a été très tôt qualifiée
en Angleterre d’année merveilleuse, d’année miraculeuse, d’annus
mirabilis. Une année où, comme l’a dit Horace Walpole dans une belle
formule, les cloches des églises du royaume se sont usées à force de
sonner la victoire. En France, pendant cette même année, le bronze
est resté désespérément silencieux. Presque à chaque courrier, c’est
la même douche froide en provenance d’Amérique qui s’abat sur les
sujets du Bien-Aimé. Le 22 septembre, c’est à un festin de mauvaises
nouvelles que les lecteurs de la Gazette sont conviés. En quelques
lignes, les voici au fait du désastre naval de Lagos, de l’abandon
au Canada du fort Saint-Frédéric, de la perte du fort Niagara et
des derniers mouvements des forces commandées par le « général
Wolff » (p. 361).
Si tout va mal pour la France, c’est le contraire, on l’aura
compris, pour la Grande-Bretagne. William Pitt a placé les pions
depuis des années : il veut le Canada.
Les négociations qui réunissent les ambassadeurs des puis‑
sances belligérantes se font en deux temps sous la base de l’uti
possidetis, en 1761 et en 1762. Elles avaient été interrompues par
l’entrée en guerre de l’Espagne et par une pierre d’achoppement,
Terre-Neuve et les pêcheries. L’auteur nous fait vivre, dans les
coulisses de la diplomatie, ces mois de travail acharné qui font
écrire à Nivernais, pendant qu’il est à Londres, « ce temps par
lequel on se pend » et « je penserai toute ma vie que nous venons
de finir une affaire aussi difficile qu’elle était utile » (p. 518-519).
Un traité est loin d’être un document qui naît de nulle part.
Les préliminaires de la paix sont finalement adoptés en novembre
1762. Comment le ministère de Bute les fait-il entériner aux
­Communes à Londres ? Tout ce qu’écrit ici Dziembowski est
nouveau pour moi. Comme moi donc, vous apprendrez qu’il était
entouré de quatre « partis » hostiles aux Communes (ceux du duc
de ­Cumberland, du duc de Newcastle et de Pitt et le parti prus‑
sien) et que, le 9 décembre 1762, c’est une majorité écrasante aux
­Communes qui a privilégié la paix avec 319 voix pour et 65 voix
contre (p. 516 et 520). La guerre de Sept Ans venait de prendre fin.
Choiseul-Praslin, Bedford et Grimaldi apposent leur signature au
bas d’un traité composé de 27 articles à Paris le 10 février 1763. Par
l’article 4, la France cède définitivement le Canada à l’Angleterre.
viii
LA GUERRE DE SEPT ANS
Les historiens de la période ont très souvent rapporté les mots
qu’a eus Louis XV à propos du traité de Paris : « La paix que
nous venons de faire n’est pas bonne ni glorieuse ; personne ne le
sent mieux que moi. Mais, dans les circonstances malheureuses,
elle ne pouvait être meilleure et je vous réponds bien que si nous
avions continué la guerre, nous en aurions fait encore une pire
l’année prochaine. » Pourquoi une paix ni bonne ni glorieuse ?
Dziembowski explique admirablement bien ce que le roi entendait
par cette déclaration. Je lui donne donc le mot de la fin :
Comparée à celle qui se profilait en 1761, la paix de Paris est
sans conteste une paix inespérée. Louis XV a profité d’une fenêtre
de tir étroite pour offrir à ses sujets la paix la moins mauvaise qui
soit. Les négociations ont été entamées alors que la nouvelle des
défaites espagnoles n’était pas encore connue. Elles se sont achevées
avant que celle de la prise de Manille, qui aurait donné du grain
à moudre aux jusqu’au-boutistes britanniques, ne soit parvenue en
Europe. Elles ont, par ailleurs, grandement bénéficié de la modération
dont a constamment fait preuve lord Bute, qui s’est efforcé, et non
sans dextérité, d’étouffer dans l’œuf le parti des faucons qu’il voyait
se constituer autour de lui. Indubitablement, Bute et son ambassa‑
deur Bedford sont les principaux artisans de la paix de 1763. On
peut faire la fine bouche sur la méthode que le Premier ministre a
employée pour gagner la majorité aux Communes. Mais la fin justifie
ici ­pleinement les moyens (p. 522).
* * *
La guerre de Sept Ans de Dziembowski est un ouvrage remar‑
quable. C’est avec beaucoup de fierté que nous l’offrons à nos
lecteurs et lectrices. Il constitue par ailleurs une première colla‑
boration avec un éditeur en histoire français, Perrin, pour lequel
nous avons beaucoup de respect. Si l’Angleterre avait fait de
belles prises avec l’Alcide et le Lys en 1755, le Septentrion, 260
ans plus tard, peut se targuer, à sa mesure, d’en faire deux tout
aussi marquantes avec cet auteur et cet éditeur.
Sophie Imbeault
Éditrice
9
Introduction
Le 12 mars 1765, il y a foule à la Comédie-­Française. La com‑
pagnie y joue gratis une pièce qui, dès sa première, a été applaudie
à tout rompre par le public. Les représentations qui suivent ne
démentent pas, bien au contraire, ce succès initial. Le succès se
mue en triomphe, le triomphe en délire. La pièce qui voit Paris,
toutes conditions confondues, se presser dans la salle du Théâtre-­
Français est Le Siège de Calais, tragédie patriotique de Pierre
Buirette de Belloy. Cette pièce aujourd’hui tombée dans l’oubli
a été, de très loin, le plus grand succès théâtral du xviiie siècle.
Avec Le Siège de Calais, Belloy a apporté une cure de jou‑
vence à la tragédie. Le « drame national » qu’il promeut n’est
plus tiré des faits et gestes des Anciens. Son intrigue est puisée
chez les « Modernes ». La pièce met en scène un épisode célèbre
de l’histoire de France, le sacrifice d’Eustache de Saint-­Pierre
et des bourgeois de Calais au début de la guerre de Cent Ans.
La tragédie est également novatrice par le message patriotique
qu’elle véhicule presque à chaque réplique et qui, chaque soir,
électrise les spectateurs.
Le succès extraordinaire de cette pièce doit beaucoup au
contexte qui l’a vue naître. Le « drame national » du Siège de
Calais est représenté deux ans après la fin d’une guerre qui a
opposé, comme ce fut le cas au xive siècle, la France à l’Angle‑
terre. Commencée sous les meilleurs auspices en 1756, la guerre
s’est transformée en une suite de revers cuisants et a débouché
sur une paix humiliante.
On saisit le plaisir ressenti par les spectateurs à l’écoute des
tirades d’Eustache de Saint-­Pierre et de ses compagnons. Leur
héroïsme se substitue aux faits et gestes récents, et bien moins
10
LA GUERRE DE SEPT ANS
dignes d’éloges, des militaires français de la guerre de Sept Ans,
ces Soubise, ces Clermont, ces Conflans, ces Lally, qui, chacun
à sa manière, ont contribué au désastre final. Peu importe, pour
ces Parisiens de 1765, qu’il faille se projeter dans un passé vieux
de quatre siècles. En attendant de prendre sa revanche sur sa
rivale, la France savoure les vertus curatives de la potion patrio‑
tique élaborée par le poète. L’espace d’un instant, elle a oublié
l’humiliation des défaites et la paix de 1763. Elle se contemple
telle qu’elle souhaite se voir, héroïque, patriote, tenant tête avec
dignité et fierté à son éternelle ennemie.
Ce que tentent d’oublier les Français de 1765 n’est pas un
conflit ordinaire. Winston Churchill a été l’un des premiers à qua‑
lifier la guerre de Sept Ans de première guerre mondiale1. L’inten‑
sité des combats aux quatre coins de la planète confère déjà à
ce conflit une place exceptionnelle dans l’histoire des guerres de
l’époque moderne. Ajoutons que le déclencheur des hostilités est
un Amérindien : la guerre des Abares et des Bulgares dépeinte
dans les pages célèbres de Candide a débuté dans les forêts de
l’Ohio par un coup de tomahawk. Ajoutons enfin que, fait inédit
dans l’Histoire, voici une guerre initialement localisée en Amé‑
rique du Nord qui s’est ensuite étendue au reste du globe et qui
a débouché en 1763 sur un bouleversement géopolitique dont
nous ressentons aujourd’hui encore les effets. Outre le choc que
constitue pour la France la perte de son premier Empire colonial,
c’est de 1763 que datent les débuts de la domination britannique,
et, plus largement, de la civilisation anglo-­saxonne sur le monde.
C’est aussi avec la guerre de Sept Ans que commence l’ère des
révolutions appelées à mettre un terme à l’ordre ancien.
Le conflit a toujours peiné à trouver une dénomination uni‑
verselle. Les historiens des États-­Unis qualifient de French and
Indian War une guerre dont le cadre spatial et temporel propre
au Nouveau Monde les porte à rejeter l’appellation en vigueur en
Europe. C’est en effet en 1754 que les hostilités ont commencé
en Amérique du Nord par la mort du capitaine de Jumonville.
Elles s’y achèvent six ans plus tard, en 1760, avec la prise de
Montréal. Guerre de Six Ans ? L’expression, bien que conve‑
nable, n’a jamais séduit. Suivant une tradition inaugurée par Guy
Frégault, qui mettait l’accent sur le sort de la Nouvelle-France
au terme du conflit2, les historiens canadiens ont préféré baptiser
INTRODUCTION
11
du nom de « guerre de la Conquête » le grand affrontement des
deux impérialismes coloniaux.
Cette multiplicité des appellations porte aussi la marque de
l’évolution de l’historiographie. Longtemps a prévalu le point de
vue européocentré dans l’analyse des faits. Ce point de vue s’im‑
pose dès le xviiie siècle avec les premiers récits, comme l’Histoire
de la guerre de Sept Ans de Johann Wilhelm Archenholz3. C’est ce
regard tourné sur l’Europe qui domine toujours la monumentale
fresque en cinq volumes de Richard Waddington parue entre
1899 et 1914. Évoquant les événements d’Amérique, l’historien
assurait que, « de principaux, [ils] étaient devenus accessoires »
après le déclenchement de la guerre d’Allemagne en 17564. Ce
n’est qu’au cours du xxe siècle, sous l’impulsion des historiens
nord-­américains, que le versant américain du conflit s’est progres‑
sivement affirmé. Stimulées par le Zeitgeist du début du xxie siècle,
les études les plus récentes ont définitivement mondialisé une
guerre qui, au temps de Waddington, se réduisait la plupart du
temps au récit de la geste frédéricienne en Europe centrale.
Pour légitime qu’il apparaisse, le retour de balancier historiogra‑
phique en faveur du Nouveau Monde ne doit pas faire perdre de
vue la vieille Europe. En témoignent tout d’abord les préoccupa‑
tions des contemporains. Dans Candide, ce n’est pas l’Amérique
qui sert de cadre à la « boucherie héroïque » des Abares et des Bul‑
gares, mais l’Allemagne. Comme nombre de ses contemporains,
Voltaire avait le regard fixé sur le théâtre européen du conflit.
L’on objectera que Voltaire, qui ne portait guère le Canada dans
son cœur, ne pouvait réagir autrement. Certes. Mais, même si
l’on exclut le patriarche de Ferney de notre propos, les sources
montrent une domination écrasante de la guerre d’Allemagne
dans l’actualité du temps. Ouvrons les gazettes pour nous en
convaincre. Dans le domaine de l’information, la dimension pla‑
nétaire du conflit n’aura duré que quelques mois, du printemps
1755 à l’été 1756. Dès que Frédéric II envahit la Saxe, c’est la
guerre de Sept Ans décrite par les livres d’histoire de la fin du
e
xix siècle qui s’impose : une guerre essentiellement européenne
dont l’enjeu fondamental consiste en une énième mise à jour
de l’équilibre des puissances. En 1763, les clauses de la paix
d’Hubertusburg qui clôt la guerre d’Allemagne peuvent sembler
dérisoires au regard du transfert de puissance en Amérique et en
12
LA GUERRE DE SEPT ANS
Inde que sanctionne la paix de Paris. Il n’empêche. En Europe,
s’est réalisée une clarification de la hiérarchie des puissances qu’on
aurait tort de sous-­estimer. C’est au sortir de la guerre de Sept
Ans que la place de la Prusse dans le concert des puissances
s’est une fois pour toutes affirmée. C’est aussi à partir de 1763
que la vie internationale commence à être dominée par la pen‑
tarchie constituée de la France, la Grande-­Bretagne, la Prusse,
l’Autriche et la Russie, qui, en 1914, constitue toujours l’ossature
des deux systèmes d’alliances antagonistes qui mèneront l’Europe
au cataclysme.
Ce livre a pour objet de combler une lacune. Longtemps sous-­
estimée, la dimension politique de la guerre de Sept Ans s’avère
au moins aussi importante que sa dimension militaire et que ses
effets sur l’échiquier diplomatique. Considérée sous l’angle des
idées et des pratiques politiques, cette guerre se présente comme
le tournant du xviiie siècle, et même, à certains égards, comme
le terme de l’époque moderne. Tandis que se met en place une
nouvelle donne internationale marquée par l’affirmation de la
suprématie britannique et par la divergence des intérêts géopo‑
litiques du Vieux Continent, la guerre a produit des transfor‑
mations qui, pour être moins ostensibles, n’en sont pas moins
capitales. Comme le montreront les pages de ce livre, la guerre
a accéléré les mutations politiques et idéologiques en germe
depuis des décennies, précipitant l’effondrement des paradigmes
qui régissaient la culture politique des temps modernes. Poussée
patriotique mettant en exergue l’idée d’une citoyenneté active,
tentation libérale d’un pouvoir absolu contraint aux réformes,
républicanisme classique se transmutant en radicalisme politique :
en 1763, idéologiquement parlant, le monde est entré dans l’ère
des révolutions. Et c’est à cette même Amérique septentrionale,
qui, au pays de la Belle-­Rivière, a vu l’échange des premiers
coups de feu qui ont embrasé la planète, qu’est réservé le privilège
d’ouvrir cette ère nouvelle.
Table des matières
Présentation.................................................................................... i
Introduction.................................................................................... 9
première partie
UNE GUERRE POUR DES « OBJETS CHÉTIFS »
1. Les morts de la Belle-­Rivière................................................... 17
De la coexistence au Nouveau Monde :
Français, Britanniques et Amérindiens......................................... Mésintelligence et jalousie................................................................. Les premières tensions : l’Acadie...................................................... Les premières tensions : l’Ohio......................................................... L’affaire Jumonville........................................................................... 18
28
34
37
42
2. Les crimes de la moderne Carthage........................................ 48
Les Français maîtres de l’Ohio......................................................... 49
De l’utilité de l’Amérique du Nord.................................................. 53
Drôle de paix..................................................................................... 56
La perfidie d’Albion.......................................................................... 64
Les « sauvages de l’Europe » ............................................................ 67
La fusillade de la Mal-­Engueulée...................................................... 73
Le Grand Dérangement.................................................................... 80
Les Français en échec au lac Saint-­Sacrement................................. 82
3. Révolutions diplomatiques....................................................... 85
La politique de Versailles en question.............................................. 86
L’Angleterre, le Hanovre et le système de l’Europe......................... 89
Albion en quête d’alliés..................................................................... 93
Retombées politiques : le réveil des Patriotes anglais....................... 97
Les derniers mois de l’alliance franco-­prussienne............................ 103
Révolution diplomatique,
acte I : la convention de Westminster.......................................... 107
Révolution diplomatique,
acte II : le traité de Versailles....................................................... 110
Une alliance contre-­nature ?.............................................................. 122
668
LA GUERRE DE SEPT ANS
deuxième partie
LE MOMENT FRANÇAIS
4. Les victoires de la nouvelle Rome........................................... 135
Rome à l’assaut de Carthage : la prise de Minorque....................... 136
Le choc culturel en Amérique.......................................................... 143
Les Français victorieux en Amérique :
la prise d’Oswego.......................................................................... 150
1757, année française au Nouveau Monde ?.................................... 154
« L’air qu’on respire ici est contagieux »........................................... 160
5. Les uns chantent, les autres protestent.................................... 168
La France mahonnaise et patriote.................................................... 169
La France qui ne chante pas :
l’opposition parlementaire et la guerre......................................... En Angleterre : le camouflet de la perte de Minorque.................... Chaos politique et patriotisme de gouvernement............................. Un tunnel sans fin ? Albion en 1757................................................ 179
184
191
197
6. L’Europe s’enflamme............................................................... 203
« Adieu, Monsieur de la timide politique ! »...................................... 204
L’invasion de la Saxe et de la Bohême............................................. 208
Haro sur le « Mandrin couronné ».................................................... 216
Le choix décisif : le Vieux Continent dicte sa loi............................ 219
Coup de canif et diplomatie :
la victoire du parti autrichien....................................................... 223
Révolution diplomatique,
acte III : le deuxième traité de Versailles..................................... 226
7. La machine se détraque........................................................... 231
Kloster Zeven, ou la victoire française à portée de main................. 232
Pitt et la guerre patriote :
la pantalonnade de Rochefort....................................................... 241
Le tournant de la guerre : Rossbach et Leuthen.............................. 245
Les vases communicants................................................................... 255
troisième partie
ALBION VICTORIEUSE
8. Le conflit planétaire................................................................. 266
« Point de victoire, point de conquêtes,
beaucoup de marchandises
et quelque augmentation de dividende »....................................... 268
TABLE DES MATIÈRES
Le lion britannique se réveille au Bengale........................................ Afrique et Antilles, ou la mondialisation du conflit.......................... Grand large ou vieille Europe ?
Pitt tranche le nœud gordien........................................................ Une guerre de religion au siècle de la raison ?................................. Conspiration princière, descente anglaise
et insurrection protestante............................................................ 669
277
283
288
295
303
9. Le vent tourne en Amérique.................................................... 308
Pitt et la nouvelle donne transatlantique........................................... 309
Un vent mauvais se lève en Nouvelle-­France................................... 317
Carillon, chant du cygne de l’Amérique française............................ 321
L’étau britannique se met en place................................................... 326
Veillée d’armes à Londres................................................................. 335
10. Les adieux du Canada à la France........................................ 339
Choiseul au pouvoir.......................................................................... 340
La France redécouvre l’Amérique..................................................... 346
L’Amérique sera sauvée en Angleterre............................................. 351
L’étau se resserre............................................................................... 354
Les mornes plaines d’Abraham......................................................... 361
Les plongeons de la Vilaine.............................................................. 368
L’estocade.......................................................................................... 373
11. La paix insaisissable............................................................... 381
Le bourbier germanique.................................................................... 382
De Rossbach à Minden : désillusions françaises.............................. 387
« Cette guerre m’ennuie » : les tourments du roi-­soldat................... 399
L’Angleterre est une île : la tentation isolationniste.......................... 411
L’Espagne ou la paix ?...................................................................... 416
Le « génie de l’Angleterre » donne sa démission............................... 431
quatrième partie
L’ENTRÉE DANS UN MONDE NOUVEAU
12. La guerre d’encre et de plume.............................................. 440
1755 : la France entre en guerre pamphlétaire................................ 442
Désinformation à la sauce berlinoise................................................ 445
La France devient prussomane......................................................... 447
Fabrication du « Ministre du Peuple »............................................... 452
La manière française : le temps des succès...................................... 457
La voix de Versailles à l’épreuve des défaites
et des « mauvais propos ».............................................................. 463
« Le lecteur est citoyen » : la nouvelle voix de Versailles.................. 469
Le coup de maître de Choiseul......................................................... 475
670
LA GUERRE DE SEPT ANS
13. La « paix humiliante
qui vient de terminer une guerre honteuse ».......................... 481
L’effondrement français aux Indes orientales................................... 483
Le second miracle de la maison de Brandebourg............................ 492
« Nous ne sommes plus une nation propre à la guerre ».................. 498
La France citoyenne en mouvement :
les dons de vaisseaux au roi......................................................... 504
La France et l’Espagne jouent et perdent......................................... 508
La paix............................................................................................... 512
14. Après le déluge....................................................................... 525
La réponse des Amérindiens à la paix :
la guerre de Pontiac...................................................................... Déceptions et inquiétudes coloniales................................................ Malheur aux vainqueurs ? Albion isolée........................................... Déséquilibres européens.................................................................... Albion en mouvement :
du patriotisme guerrier au radicalisme de l’après-­guerre............. La fortune du patriotisme français.................................................... 527
534
544
551
559
568
Conclusion...................................................................................... 583
Notes.............................................................................................. 589
Tableau synoptique des principaux événements................................ 625
Cartes............................................................................................. 639
Les combats en Amérique du Nord (1754-1760)................ 640
La guerre en Inde (1757-1761)............................................ 641
Les opérations militaires en Allemagne (1756-1762)........... 642
Bibliographie................................................................................... 643
Index.............................................................................................. 659
cet ouvrage est composé en plantin pro corps
et achevé d’imprimer en mars
2015
sur les presses de l’imprimerie marquis
à montmagny
pour le compte de gilles herman
éditeur à l’enseigne du septentrion
11.4
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