Résumé des travaux
Travaux effectués pendant la thèse (2004 - 2008)
Etude des mécanismes effecteurs des lymphocytes CD8+ mémoires nécessaires à
l’élimination de la bactérie intracellulaire Listeria monocytogenes chez la souris.
Directeur de thèse: Dr Grégoire Lauvau; Laboratoire dirigé par le Pr Nicolas Glaichenhaus, Université
de Nice-Sophia-Antipolis.
Contexte international et hypothèse de travail
Les lymphocytes T (LT) CD8+ sont les cellules effectrices du système immunitaire qui éliminent les
cellules infectées par des bactéries intracellulaires, des protozoaires ou des virus. Au cours d’une
infection, les LT CD8+ spécifiques de l’agent pathogène prolifèrent et se différencient en cellules
effectrices cytolytiques qui sécrètent des cytokines et des chimiokines. L’expression d’une ou
plusieurs de ces fonctions effectrices conduit à l’élimination de l’agent infectieux. Après expansion,
les LT CD8+ se contractent et se différencient en cellules mémoires. La qualité des LT CD8+
mémoires générés conditionne l’élimination de l’agent pathogène lors d’une réinfection. Le modèle
d’infection par Listeria monocytogenes (LM) a été largement utilisé pour étudier la réponse des LT
CD8+. A la suite d’une immunisation avec une dose non létale de bactéries sauvages, les souris
développent des LT CD8+ mémoires qui les protègent d’une réinfection avec une dose de bactéries
normalement létale pour des souris naïves. La génération de ces LT CD8+ mémoires protecteurs
dépend de l’accès des antigènes bactériens au cytosol des cellules infectées lors de la première
infection. Il n’est cependant pas clair si cette seule étape d’infection du cytosol suffit à générer ces
cellules. Après réinfection, les LT CD8+ mémoires se différencient en cellules effectrices secondaires
cytotoxiques et sécrètent de l’IFN-γ et du TNF-α. Cependant, même en absence de ces activités
effectrices, la qualité de la réponse des LT CD8+ mémoires permet d’éliminer LM lors d’une
réinfection. Mon projet de thèse a consisté à identifier par quel(s) mécanisme(s) moléculaires et
cellulaires les LT CD8+ mémoires conduisent à l’élimination de la bactérie lors d’une réinfection.
Afin de répondre à cette question, notre stratégie a été (i) de chercher des mutants de LM qui
n’induisent pas la génération de LT CD8+ mémoires protecteurs et (ii) d’identifier, par comparaison
avec la réponse effectrice des LT CD8+ chez les souris immunisées avec la bactérie sauvage, le(s)
mécanisme(s) impliqués dans l’élimination de LM lors d’une réinfection.
Résultats
Nous avons montré que le mutant bactérien déficient pour le système de transport protéique SecA2
n’est pas capable d’induire une immunité de protection chez les souris immunisées. La mutation de
ce système de transport n’entrave pas la capacité des bactéries à envahir le cytosol des cellules
infectées par LM, mais prévient la sécrétion d’au moins 19 protéines bactériennes. Nos résultats
montrent que la génération de LT CD8+ mémoires protecteurs nécessite l’invasion du cytosol des
cellules infectées par LM et requiert également l’export d’une ou plusieurs protéines bactériennes
dépendantes du système de sécrétion SecA2.
Les LT CD8+ mémoires générés à la suite d’une immunisation par le mutant bactérien SecA2 sont
cytolytiques et sécrètent de l’IFN-γ et du TNF-α. Par contre, ces cellules ne sécrètent pas la
chemokine pro-inflammatoire CCL3 qui est absolument requise pour éradiquer LM lors d’une
réinfection. Nous avons montré que, lors d’une réinfection, les LT CD8+ mémoires spécifiques de LM
sécrètent du CCL3 (étape 1, Fig. 1) qui induit la sécrétion rapide de TNF-α par les cellules
phagocytaires mononuclées (MPCs) (étape 2). Le TNF-α produit contribue à l’activation paracrine
d’autres MPCs et des neutrophiles (étape 2) qui produisent alors des radicaux oxygénés (RO). Le
stress oxydatif généré est responsable de l’élimination de LM lors d’une réinfection (étape 3). Les LT
CD8+ mémoires étaient jusqu’alors caractérisés par leurs activités cytotoxiques et leurs capacités à
sécréter l’IFN-γ et du TNF-α. Mes travaux ont permis de démontrer un rôle insoupçonné des LT CD8+
qui repose sur la sécrétion de CCL3 pour l’orchestration d’une réponse immunitaire protectrice
effectuée par l’immunité innée.
De plus, nous avons pu montrer que l’activation des phagocytes contrôlée par la réactivation des LT
CD8
+
mémoires spécifiques de LM permet d’éliminer un agent pathogène non apparenté par un effet
de voisinage. La manipulation de ce mécanisme à des fins thérapeutiques a fait l’objet d’un brevet
(brevet 07301 280.9).
Contrairement aux cellules du système immunitaire adaptatif, il est considéré que les cellules
immunitaires innées exercent une réponse effectrice comparable chaque fois que le même
pathogène est rencontré. Nous avons montré que lors d'une infection secondaire par LM, les cellules
mémoire T CD8
+
CCL3
+
induisent des modifications drastiques dans les propriétés fonctionnelles de
plusieurs populations de phagocytes. Lors d’une réinfection, les LT CD8
+
mémoires co-localisent
rapidement avec les monocytes inflammatoires et les neutrophiles. Ces phagocytes produisent alors
des quantités plus élevées de radicaux oxygénés, augmentent le pH de leurs phagosomes et
génèrent de l'autophagie. Ces activités effectrices permettent un contrôle extrêmement rapide de la
croissance bactérienne in vivo et contribuent largement à l’immunité de protection. Par conséquent,
mes résultats montrent que des cellules T CD8
+
mémoires cytotoxiques orchestrent la réponse des
phagocytes en modulant la qualité des mécanismes effecteurs antimicrobiens exprimés et
conduisent ainsi à une clairance rapide et efficace des pathogènes.
Travaux effectués pendant le post-doctorat (Septembre 2009-présent)
Projet 1: Les souris knock-in NKp46
iCre
: le premier modèle murin de mutagénèse
conditionnelle spécifique dans les cellules NKp46
+
Directeur de projet : Pr Eric Vivier (laboratoire labellisé par la Ligue contre le cancer), Centre
d’immunologie de Marseille-Luminy, Université Aix-Marseille.
Contexte international et hypothèse de travail
Les cellules Natural Killer (NK) sont des lymphocytes du système immunitaire inné pourvues
d’activités effectrices et régulatrices. NKp46 (NCR1, CD335) est un marqueur des cellules NK
présent chez toutes les espèces de mammifères y compris l’homme. NKp46 est un récepteur de
surface qui appartient à la superfamille des immunoglobulines. Ce récepteur est un membre du
groupe des récepteurs de cytotoxicité naturelle (NCR) qui comporte 2 autres molécules : le récepteur
NKp44 (NCR2, CD336) et le récepteur NKp30 (NCR3, CD337). NKp46 est associé, à la membrane,
à des polypeptides qui portent des motifs ‘ITAMs’ (Immunoreceptor Tyrosine-based Activation Motifs)
tels que CD3ζ et FcRγ comme le récepteur des lymphocytes T et B (T and B-Cell Receptor, TCR and
BCR) et les récepteurs aux fragments constants (FcR) des immunoglobulines. Ces récepteurs
transmettent de puissants signaux activateurs lors de leur engagement. NKp46 est impliqué dans la
reconnaissance des cellules tumorales via une interaction avec des ligands restant encore à identifier
Fig. 1: Schéma illustrant l’activation des phagocytes par les LT CD8+ mémoires.
et reconnaît également des hémagglutinines virales. Enfin, il a été décrit que les cellules NK
participent à la destruction des -îlots du pancréas à la suite de l’engagement de NKp46 et
contribuent ainsi au diabète de type I.
NKp46 est exprimé par toutes les cellules NK matures chez l'homme et chez la souris,
indépendamment de leur localisation anatomique. Son expression est majoritairement restreinte aux
cellules NK avec toutefois deux exceptions: une sous-population minoritaire de lymphocytes T et une
population de cellules lymphoïdes localisée dans les muqueuses. La séquence en acides aminés de
NKp46 est hautement conservée chez tous les mammifères. Les homologies frappantes dans les
régions régulatrices du gène NKp46 conservées de l'opossum à l'homme, a incité la génération de
plusieurs souris transgéniques visant à éliminer les cellules NK in vivo ou à invalider des gènes
spécifiquement dans les cellules NKp46
+
. Cependant, une variégation au niveau du locus du
transgène résulte en une variation imprévisible de la pénétrance de l'expression du transgène dans
une même portée de souris ce qui complique l’utilisation de ces modèles. Afin de s’affranchir de ces
problèmes de variégation et de pouvoir cibler sélectivement les cellules NKp46
+
, nous avons générer
une nouvelle souris NKp46
iCre
par une approche de knock-in.
Résultats
Mon projet a consisté à caractériser la souris knock-in NKp46
Cre
générée dans le laboratoire. Les
souris hétérozygotes pour la iCre sont fertiles et ne présentent pas de défaut de développement ni de
variation significative dans le nombre de cellules lymphoïdes ou myéloïdes par rapport aux souris
contrôles issues de la même portée. Le nombre de cellules NK, leur phénotype ainsi que leur
capacité effectrice ne sont pas affectés chez ces souris, bien que le nombre de récepteurs NKp46
exprimé à la surface des cellules NK soit diminué.
Grâce au croisement de cette souris à des souris
reportrices (Fig. 2), nous avons nous avons montré
que l'expression de la recombinase iCre
correspond fidèlement à l'expression endogène de
NKp46 dont l’expression est majoritairement
restreinte aux cellules NK. Nous avons également
observé l’expression de l’iCre dans une sous-
population minoritaire de lymphocytes T et une
population de cellules lymphoïdes localisée dans
les muqueuses comme attendu. Des expériences
de traçage génétique in vivo des cellules NKp46
+
du foie et de l’intestin ont permis de montrer
l’hétérogénéité des cellules NK du foie et révéler l’appartenance des cellules NKp46
+
RORγt
+
à un
lignage cellulaire distinct de celui des cellules NK. En résumé, nos résultats définissent les souris
NKp46
iCre
comme le premier modèle murin de mutagénèse conditionnelle spécifique dans les cellules
NKp46
+
. Ce modèle permettra la génération d’une variété de lignées de souris basée sur le
croisement des souris NKp46
iCre
à des souris possédant des gènes floxés pour l’étude de la biologie
des cellules NK, des lymphocytes T et des cellules NKR
+
RORγt
+
NKp46
+
de l’intestin.
Projet 2 : NKp46 éduque les cellules NK en calibrant leur seuil de réactivité fonctionnelle.
Directeurs de projet: Pr Eric Vivier et Dr Sophie Ugolini (laboratoire labellisé par la Ligue contre le
cancer), Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, Université Aix-Marseille.
Contexte international et hypothèse de travail
Les cellules NK reconnaissent les cellules stressées et/ou infectées et elles les éliminent grâce à des
activités effectrices cytolytiques. Les cellules NK sécrètent également des cytokines et participent à
l’élaboration des réponses immunitaires adaptatives. L’activation des cellules NK doit donc être
Fig. 2: Le croisement de la souris NKp46iCre avec
une souris reportrice cible les cellules NKp46+.
strictement régulée afin que ces cellules soient efficaces sans être dangereuses pour l’hôte. La
reconnaissance des cellules cibles infectées/stressées repose sur un système de détection qui est
composé de récepteurs inhibiteurs et activateurs (Fig. 3).
Les récepteurs inhibiteurs des cellules NK interagissent
avec les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité
de classe I (CMH-I) qui sont constitutivement exprimé par
les tissus sains mais leur expression peut être diminuée à la
suite du stress causé par l’infection mais aussi à cause de
l’agent infectieux lui-même qui interfère avec le système de
présentation antigénique afin d’échapper à une
reconnaissance par les cellules T. Cette diminution du
nombre des molécules du CMH-I augmente le nombre de
récepteurs inhibiteurs non engagés ce qui diminue les
signaux inhibiteurs délivrés aux cellules NK et entraîne leur
activation. Les cellules NK expriment aussi divers
récepteurs activateurs comme les Killer cell immunoglobuline-like receptors (KIR) activateurs (KIR-S)
chez l’homme et les récepteurs Ly49 chez la souris, les récepteurs NKG2D et CD16 et les NCR
décrits précédemment. L’engagement de ces récepteurs fourni des signaux positifs aux cellules NK
et stimule leur activation (Fig. 3). Afin de mieux comprendre la régulation de la réactivité des cellules
NK, nous avons cherché à générer des souris mutantes qui présenteraient des défauts d’activation
des cellules NK lors d’une stimulation par des cellules tumorales. Pour cela, nous avons induit des
mutations de manière aléatoire à la suite de l’injection dans des souris d’un agent mutagène
chimique, le N-nitroso-N-éthylurée (ENU).
Résultats
Nous avons identifié une souris, appelée Noé, chez laquelle les cellules NK sont plus réactives face
à des cellules tumorales in vitro. Ce phénotype est intrinsèque aux cellules NK de la souris Noé et
nous avons montré que l’hyperréactivité de ces cellules permet une meilleure résistance des souris
lors d’infections virales. Le séquençage du génome complet de la souris Noé a révélé une mutation
dans le gène codant pour le récepteur NKp46. Cette mutation prévient l’expression de NKp46 à la
surface des cellules. Comme NKp46 était décrit comme étant un récepteur activateur des cellules NK
matures chez l'homme et chez la souris, il était surprenant d’observer que l’absence d’expression
d’un récepteur activateur à la surface des cellules NK puisse être responsable de leur
hyperréactivité. Cependant, grâce à une complémentation génétique des souris Noé par un
transgène NKp46 humain, nous avons pu démontrer que l’expression de NKp46 est nécessaire à la
calibration du seuil de réactivité des cellules NK. Nous avons ensuite montré que cette régulation
s’opère par l'intermédiaire de la baisse d’expression de Helios, un facteur de transcription (FT) de la
famille Ikaros connue pour réguler le seuil de
réactivité des lymphocytes T et B
(Fig. 4).
La régulation de l’expression de Helios par le
récepteur activateur NKp46 n’est pas sans
rappeler la régulation des FTs de la famille
Ikaros par le pre-TCR et le pre-BCR,
suggérant que le lignage lymphoïde utilise
des mécanismes similaires pour assurer leur
différentiation. Nous avons ensuite mis en
évidence que la régulation de l’activité des
cellules NK est cruciale pour le
développement ultérieur de la réponse
adaptative antimicrobienne primaire et la
génération de LT mémoires protecteurs.
Fig. 3: Balance des signaux inhibiteurs et
activateurs pour l’activation des cellules NK.
Fig. 4: L’engagement de NKp46 diminue l’expression de Helios et
calibre le seuil de réactivité des cellules NK.
Enfin, nous avons montré que l’injection d’anticorps bloquant anti-NKp46 chez des souris sauvages
au cours du développement des cellules NK programme des cellules NK qui seront hyperréactives
contre des cellules tumorales in vitro. Ces résultats, à priori contre intuitifs, ouvrent la voie pour la
conception de nouveaux traitements thérapeutiques anti-tumoraux avec un intérêt particulier pour les
patients présentant des déficiences en LT, tels que les patients qui subissent une greffe de cellules
souches hématopoïétiques (brevet 61/499,485).
Projet de recherche
Afin d’être en mesure d’exploiter le pouvoir fonctionnel des cellules NK, il est nécessaire de
comprendre les signaux activateurs qui régissent leur activation. Chez la souris, la reconnaissance
par les cellules NK de la protéine virale m157 à la surface des cellules infectées par le
cytomégalovirus murin par le récepteur activateur Ly49H induit leur cytotoxicité et la production
d’IFN-γ. L’interaction du récepteur NKG2D avec ses ligands (les molécules de la famille MICA chez
l’homme et RAET1 chez la souris) et de NKp30 avec son ligand B7-H6 entraîne également la
cytotoxité de la cellule NK envers sa cible et la production IFN-γ. La découverte récente de la nature
de ces ligands suggère que les récepteurs activateurs des cellules NK sont capables de reconnaître
des molécules qui sont présentes à de faibles niveaux à la surface des cellules normales et dont
l’expression serait augmentée au cours d’une infection/d’un stress. De nos jours, la réévaluation
nécessaire du rôle des cellules NK en tant que régulateurs de l’immunité requiert, d’une manière
évidente, la connaissance des couples récepteurs-ligands qui sont à la base d’une activation
spécifique des cellules NK. Dans ce contexte, le ligand cellulaire du récepteur activateur NKp46 n’a
pas été encore identifié.
Ainsi, afin de mieux comprendre le rôle des cellules NK dans l’immunité, nous allons maintenant
chercher à identifier le(s) ligand(s) de NKp46 exprimé(s) par des cellules en réponse au stress,
caractériser l’activité fonctionnelle des cellules NK activées à la suite de l’engagement de
NKp46 et évaluer le rôle de cette réponse effectrice dans l’immunité. Nous pensons que les
réponses à ces questions constituent un enjeu majeur pour notre compréhension du rôle biologique
des cellules NK et pour la conception rationnelle de nouvelles thérapies.
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